4.3.22

UN PROBLÈME AVEC LE VERT

C'est en consultant l'admirable et opulent catalogue de la collection « Iris en Périgord » que m'est venu l'idée d'exprimer mon ressenti à propos des iris verts. 

Le vert, dans les iris, ne concerne pas seulement le feuillage. On en trouve un peu dans les fleurs elles-mêmes. Cela peut être de deux origines : quelquefois ce sont des traces de chlorophylle qui réussissent à s’insérer dans les pétales ou les sépales mais le plus souvent ce sont des pigments anthocyaniques qui viennent se superposer à des pigments caroténoïdes jaunes, et l'on sait que jaune + bleu = vert. Cependant jusqu'à présent il n'existe pas d'iris franchement verts. Ce que l'on appelle du vert est en fait soit du jaune mimosa soit un vert tabac, c'est à dire tirant sur le marron. Et c'est là que se loge mes actuelles hésitations à propos de cette coloration. Il est indéniable qu'en matière d'originalité, il s'agit d'une rareté, mais pour ce qui est de l'apparence, l'amateur d'iris est un peu déçu, car soit le « vert » n'est qu'une forme de jaune, soit il donne à la fleur cette teinte boueuse que tous les bons auteurs recommandent de rejeter. Un vert franc n'est pas encore en vue et l'on doit se contenter de succédanés ou d'approche plus ou moins laborieuse. 

 Il y a longtemps que les obtenteurs ont commencé d’enregistrer des variétés influencées par le vert. Ainsi, dès 1959, après un certain nombre d’autres, Rex Brown a enregistré 'Green Quest', un iris jaune mimosa, bien teinté de vert. De même en 1966 Luella Noyd a mis sur le marché son 'Fluted Lime', longtemps vendu en France, qui est un peu plus vif, avec une barbe moutarde, et qui se trouve être le fils d’un cousin de 'Green Quest', 'Green Glint' (R. Brown 1960). Les années 1970 ont été riches en iris « verts ». Pour n’en citer que quelques-uns, connus en France, parlons de 'Song of Erin' (Roach 1971), où le vert colore un fond blanc, ou de 'Green Eyed Lady' (Plough 1972), de la même eau que le précédent. 'Irish Spring' (Roe 1973), joli amoena aux pétales bien blancs et aux sépales nettement influencés de jaune verdâtre est dans la continuation de mouvement en faveur du vert, de même que 'Pistachio' (Ghio 1974), jaune mimosa vif avec barbe moutarde. 'Green Eyed Lady' dont il vient d’être question, et Pride Of Ireland' (Noyd 1971)sont les parents de 'Irish Tune' (Plough 1977), toujours dans les tons de mimosa. Keith Keppel s’est à son tour aventuré sur ce terrain avec 'Patina' (78), plicata fortement teinté de vert, à tel point qu’il paraît non plus violacé mais nettement brun, c'est peut-être ce qui a fait son succès car il a figuré très longtemps dans de nombreux catalogues. 

 Au début des années 1980, J. Ghio récidive avec 'Al Fresco' (1981), très vert et assombri d’une barbe brune, et 'Soap Opera' (1982) au coloris étrange, ceinturé de jaune chartreuse. 'Ruffled Surprise' (Rudolph 1981) joue sur le même registre, qui était aussi celui de 'Chartreuse Ruffles' (Rudolph 1976) et qui sera celui de 'Inca Queen' (Blyth 1983). 'Lichen' (Byers 1989) est plus classique, jaune verdâtre tendre : le premier vert à fleurir chaque printemps et à remonter régulièrement. Mais c’est 'Green And Gifted' (P. Black 89) qui est le vert le plus original, avec sa barbe pratiquement noire. 

 Dans les années 1990 'Envy' (Ernst 90) est franchement jaune tilleul, et 'Olive Branch' est une autre contribution de Richard Ernst, sombre, en vert olive deux tons. 'Verde Luna' (Romoli 1996) fait partie de la famille 'Pistachio'. Le pompon du vert pour cette décennie est sans doute à attribuer à 'Evergreen Hideway' (J. Ames, 1988), amoena que l'on peut qualifier de vert, avec tout de même un peu d'imagination !. 

 Depuis, les ardeurs se sont un peu calmées et les iris « verts » sont devenus, semble-t-il, moins nombreux mais aussi plus nettement colorés. Au cours des dernières années on peut noter chez Keith Keppel un nouveau genre de bicolore inversé, 'Monsoon Moon' (2007), en brun violacé aux pétales et aux sépales qualifiés de « jaune-olive » Il a été suivi de plusieurs autres. Son compère Barry Blyth a choisi le vert unicolore avec 'Frilled to Bits' (2008) ouis 'Primaluna', plus clair mais plus vert aussi. Chez Schreiner ce fut 'County Cork' (2006), d'inspiration irlandaise et donc bien vert. Gerald Richardson a continué dans la même idée avec 'Sunset Storm' (2010), un peu plus ocré. Enfin terminons avec l'important travail fourni sur ce sujet par notre Richard Cayeux national et ses 'Infusion Tilleul' (2013), 'Sulfureux' (2018) et 'Vertige' (2020). 

 N'oublions pas les bicolores aux pétales bleus et aux sépales verts qui sont apparus il y a une vingtaine d'années - 'Party's Over' (D. Meek, 2005) – et continuent leurs progrès – ('Later Aligator' (Black, 2022). Il en sera question dans une autre chronique. 

 On remarque qu'effectivement les tons de vert sont devenus plus « verts » et tirent davantage sur le vert-olive, ce qui se comprend puisque, pour faire simple, on part d'un amoena jaune qui est nappé de pigments anthocyaniques bleus. Il n'empêche qu'à l'heure actuelle on ne peut pas encore parler d'iris franchement vert, et qu'il est probable qu'on ne parviendra jamais à cette couleur puisqu'elle ne peut résulter que d'un artifice à base de pigment caroténoïde jaune. Pour que le vert parvienne à du vrai vert il faudrait que la chlorophylle s'installe pour de bon dans les fleurs, ce qui n'est pas sa place botanique. Quoi qu'il en soit les iris considérés comme verts constituent une autre coloration et qu'elle peut séduire des amateurs d'originalité. 

 Illustrations : 




 'Fluted Lime' 


'Pride of Ireland' 


'Sunset Storm' 


'County Cork' 


'Frilled to Bits' 


'Vertige'

Aucun commentaire: