iris et politique
Je me pose la question : serait-il encore possible aujourd'hui de dédier un iris à un ministre ou à un député voire à un Président de la République ? Ferdinand Cayeux, en tout cas ne se l'est pas posée. Il a baptisé en 1929 une de ses obtentions 'Député Nomblot', il a récidivé l'année suivante avec un 'Ministre Fernand David' et en1933 ce fut le tour d'un 'Président Lebrun'. Quoi qu'il en soit, et même si, dans la forme, un tel baptême n'est plus possible, je vois mal un obtenteur américain , même s'il fait partie de ses partisans – il y en a ! - enregistrer un 'President Trump', et encore moins un hybrideur français faire le choix d'un 'Sénateur Raffarin' (par exemple), quelle que soit ses sympathies politiques ! Mais ne nous attardons pas sur ce chapitre périlleux et passons aux choses qui sont plus dans le registre qui nous intéresse.
L'ordre chronologique devrait nous amener à parler en premier lieu de 'Député Nomblot' puisque c'est la variété la plus ancienne. Nous commencerons néanmoins par 'Président Lebrun' pour n'en dire qu'un mot car cet iris, bitone dans les tons de jaune, n'a pas rencontré la célébrité ! Le premier sur lequel nous nous arrêterons sera 'Ministre Fernand David' (1930) parce que, des deux autres, c'est celui qui a fait le moins parler de lui. Ce qui est le contraire de ce qui est arrivé aux dédicataires.
Fernand David, savoyard resté fidèle toute sa carrière à sa province natale, a commencé sa vie politique comme Conseiller Général du canton d'Annemasse. A 29 ans il se présente, en 1898, à la députation dans l’arrondissement de Saint-Julien en Genevois. Facilement réélu en 1902, 1905, 1910, 1914, il sera battu en 1919 et deviendra sénateur l'année suivante. Il le restera jusqu'à sa mort en 1935. En plus de ces mandats il occupera 9 fois la fonction de ministre (du commerce, des travaux publics et surtout de l'agriculture) aussi bien sous un gouvernement de droite que de gauche. Sa grande connaissance des questions agricoles justifie le fait qu'il ait été Ministre de l’Agriculture dans 5 gouvernements, pendant 35 mois. C'était un radical, typique de son époque, laïc, conservateur, patriote sourcilleux, défenseur de sa circonscription et des campagnes en général (1). C'est certainement pour l'intérêt qu'il portait aux affaires concernant l'agriculture qu'il a été honoré par Ferdinand Cayeux.
L'iris qui porte son nom est une très classique variété de couleur violette. Dans le Bulletin de la SNHF de 1930 il décrit ainsi : « Très grande fleur, divisions supérieures violet rouge, divisions inférieures de même teinte mais un peu plus foncée ; très belle amélioration de 'Germaine Perthuis' à fleur beaucoup plus grande, et de coloris plus vif et plus brillant. » La SNHF en a fait l'un des trois meilleurs iris de l'année 1930. Il a reçu un excellent accueil aux Etats-Unis où il figure encore dans plusieurs collections historiques. En France il doit toujours se trouver dans la collection du Parc Floral de la Ville de Paris, à Vincennes. Malgré ses qualités il semble qu'il n'ait pas eu de descendance officielle. Il est vrai que l'originalité du coloris n'est pas sa qualité première et que d'excellents iris violets ne manquent pas.
Charles Alfred Nomblot n'a pas eu la brillante carrière politique de son contemporain David. Son mandat de député n'a duré que de 1928 à 1932. Mais il fut très longtemps maire de Bourg la Reine, où il dirigeait aussi une célèbre pépinière consacrée essentiellement aux arbres fruitiers et en particulier aux poiriers, et où se trouvait l'exploitation de la famille Millet, spécialisée, elle, dans les iris. Ingénieur horticole, il fut membre de l'académie d'agriculture, président de la chambre d'agriculture de la Seine et secrétaire général de la Société Nationale d’Horticulture de France. A l'Assemblée, il fut membre de la commission de l’armée, de celle du commerce et de l’industrie et enfin de celle de l’agriculture.(1) En 1932 il fut membre du bureau de la conférence internationale de Paris sur les iris et, à ce titre au moins, il a côtoyé Ferdinand Cayeux.
L'iris 'Député Nomblot', dans le petit monde dont il fait partie, est d'une plus grande notoriété que son voisin 'Ministre Fernand David'. Dès son apparition il a retenu l'attention et la description qu'en donne le Bulletin de la SNHF laisse transparaître l'estime qui lui est portée, et ce dans une langue soutenue, qu'on ne rencontre plus guère aujourd'hui : « Splendide variété, tiges ramifiées et fortes, atteignant 1,30 m. de hauteur, portant des fleurs de jolie forme, aux divisions supérieures chamois cuivré teinté d'héliotrope clair ; divisions inférieures larges et solides, coloris purpurin éclairé de bronze et dégradé sur les bords, gorge réticulée de brun ocreux et barbes orange. » Le catalogue américain Cooley de 1932 en rajoute une couche dans le genre laudatif : « Le plus grand iris du monde. Fleurissant pour la première fois en Amérique pendant la saison de 1930, il a impressionné tous ceux qui l'ont vu. Pendant la saison dernière il a largement confirmé les premières impressions, et d'Angleterre et de France, aussi bien que de toute part dans ce pays, s'élèvent des chants de gloire pour ce géant imposant et racé. (...) » Ajoutons, pour terminer ce portrait élogieux que, dès son apparition, la Médaille de Dykes Française lui a été attribuée. Il a tenté plusieurs des hybrideurs de son époque et se trouve par deux fois au pedigree de 'Spun Gold' (Glutzbeck, 1939), le vainqueur de la D.M. de 1944.
Depuis cette double incursion, il n'y a pas eu de nouveau baptême d'iris au patronyme d'un membre du monde de la politique. Mais ces deux iris ont-ils été ainsi dénommé pour célébrer la gloire d'un politicien ? Je pencherais plutôt pour dire qu'il s'agit d'honorer des amis et connaisseurs du monde agricole en général et de celui des iris en particulier.
(1) Ces renseignements se trouvent sur Internet, essentiellement dans l'encyclopédie Wikipedia.
Iconographie :
'Ministre Fernand David'
'Député Nomblot'
'Francheville' (parent femelle de 'Député Nomblot')
'Spun Gold'
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