29.11.19

AU FÉMININ

Après nous être penché sur le sort des hybrideuses italiennes, on pourrait peut-être voir ce qu'il en est dans le reste de l'Europe. Les dames s'y intéressent-elles aux iris ? Dans quelle proportion ? Avec quel succès commercial ? C'est l'occasion d'une revue d'effectif qui envisage l'hybridation sous un jour inhabituel.

Pour commencer faisons un retour vers le passé. Dans la proto-histoire des iris, on est bien obligé de constater que la place des dames y est nulle ! Aucun nom de femme n'apparaît dans la liste des pionniers de l'hybridation en Europe. C'est un peu comme pour la musique classique : un question d'hommes, tout au long du 19e siècle, et même dans la première partie du 20e. Dans les années 1920/1930 on trouve d'illustres obtentrices aux Etats-Unis, mais point en Europe en dehors de l'Italie où des grandes dames ont choisi l'hybridation des iris comme passe-temps. Pour ce qui est du reste du continent, c'est un zéro absolu. Ce n'est qu'au début des années 1940 que les choses ont commencé à évoluer. Voyons ça Etat par Etat, mais sans la garantie de n'oublier aucun nom !

Grande Bretagne :

 Si l'on s'en tient à la liste des récipiendaires de la Médaille de Dykes Britannique, on découvre au début des années 1940 deux dames qui y ont été récompensées : Olive Murrell et Gwendolyn Anley.

Des deux, Olive Murrell est de loin la plus connue. Elle a commencé sa carrière dès les années 1920 en fondant la célèbre pépinière Orpington Nurseries, située dans le sud-est de l'Angleterre. Elle était en relation avec tous les grands hybrideurs américains de l'époque et a introduit en Europe bien des obtentions américaines et en particulier celles des frères Sass. Dans son pays elle s'est distinguée en mettant sur le marché le fameux iris jaune 'W.R. Dykes' à partir duquel elle a créé sa propre lignée d'iris jaunes. Cependant c'est avec une variété blanc-bleuté, 'White City' (1939) qu'elle a obtenu sa plus éminente récompense. Disparue en 1957, elle a laissé un grand vide dans le monde britannique des iris.

 La période d'activité de Gwendolyn Anley se situe au cours des années 1950. Plutôt que dans celles des obtenteurs professionnels, elle est à classer dans le catégorie des amateurs avisés puisqu'on ne trouve à son actif qu'une douzaine de variétés enregistrées dont les plus appréciées ont été 'Mirette' (1950), en gris-bleu, et 'Arabi Pasha' (1951), bleu violacé profond, BDM 1953, fils du précédent.

Pour la suite évoquons Maureen Foster, connue aussi sous son autre nom de Probert, qui a enregistré une poignée de jolies TB, comme 'Cregrina' (1990) ou 'Festival Crown' (1992)

Nora K. Scopes a été active dans les années 1970/1990. Cette personne, archétype de la vieille dame anglaise, a enregistré de nombreux iris, dans toutes les catégories, souvent très réussis. Son TB ‘Early Light’ (1983) a obtenu la Médaille de Dykes Britannique en 1989. Plusieurs autres variétés ont connu une renommée gratifiante : ‘Dark Rosaleen’ (1976), pourpre à reflets noirs, ou ‘Charivari’ (1991), très original plicata brun sur fond jaune chartreuse. Mais on peut aussi citer le BB 'Sparkling Lemonade' (1977), ou les grands TB 'Quiet Thought' (1989) et 'Lamorna' (1990).

Pendant la même période Margaret Owen n'a enregistré que quatre variétés parmi lesquelles son 'Godfrey Owen' (1986) a été le plus apprécié.

Marjorie Brummitt s'est distinguée en enregistrant 32 variétés entre 1955 et 1982 dans les catégories rares en Europe des Iris de Californie et des iris de Sibérie, avec un indéniable succès puisque par trois fois elle a reçu la BDM : - en 1971 pour le SIB 'Cambridge' (1964), en 1976 pour le PCI 'No Name' (1968), et en 1979 pour le SIB 'Anniversary' (1965).

 Le rôle d'Olga Wells, en son jardin de Sissinghurst, est encore plus important. Elle s'est exercée à différentes catégories d'iris et ses variétés naines et médianes valent la peine, tandis que son TB 'County Town Red', présent à Florence en 2008, a été déclaré « meilleur iris rouge ». En 2019, son 'Hever Castle'(2011) a reçu la prestigieuse British Dykes Medal. A noter que ses TB résultent pour la plupart de croisements incluant une variété médiane ou naine, ce qui est assez exceptionnel.

Un mot pour finir à propos de Anne Blanco-White qui n'est pas à proprement parler une hybrideuse, mais qui a néanmoins obtenu un tout petit nombre d'iris du Japon et d'hybrides interspécifiques originaux.

Allemagne : 

La situation de l'Allemagne est un peu particulière. Elle a connu des heures glorieuses dans l'entre-deux-guerres, mais elle a eu du mal à revenir à la surface après les désastreuses années hitlériennes.Et dans ces moments difficiles les dames n'étaient pas présentes. Hertha van Nes, s'est fait connaître au cours de la période 1950/1970. Si elle a elle-même quelque peu hybridé (plus de cinquante variétés tout de même), en particulier les tout petits MDB, c'est plutôt une théoricienne de l'hybridation et de la place des iris dans le jardin, notamment par son livre « Iris im Garten ».

 Au cours de la même période la pépinière de la comtesse Hélène von Zeppelin, qui existe depuis les années 1920, et qui est l'une des plus importantes d'Europe, s'est enrichie des créations de sa propriétaire. On peut faire le rapprochement entre ce qui s'est passé chez la comtesse von Zeppelin et ce qui fut le cas de la maison de Vilmorin dans les années 1920. En France c'est le bras droit de Philippe de Vilmorin, Séraphin Mottet, qui dirigeait l'activité iridistique, en Allemagne c'est Suzanne Weber qui tenait le même rôle chez l'aristocratique pépiniériste. Entre 1948 et 1962 c'est une vingtaine de variétés nouvelles qui ont été signées Zeppelin mais deux seulement ont été officiellement enregistrées : 'Scherzo' en 1958 et 'Aglaia von Stein' en 1962. Suzanne Weber, quant à elle, même si elle n'a pas enregistré de nouvelles variétés, demeure une figure du monde des iris par son érudition et l'acuité de ses jugements.

 Par la suite c'est la Berlinoise Eva Heiman qui a fait son apparition. Nous lui devons une trentaine de grands iris dont le violet profond 'Berliner Nacht' (1980), descendant de 'Matinata', ou 'Berlin Ice' (1984), blanc bleuté. Cependant ce sont des variétés qui ne se trouvent guère que dans quelques collections allemandes.

 On ne sait pas si les obtentions des personnes qui vont suivre ont ou auront un destin plus universel, car in semble pas que le côté commercial de la chose soit un souci pour les obtentrices allemandes des temps modernes. Elles ne sont d'ailleurs ni nombreuses ni particulièrement prolifiques.

Pia Altenhofer, de Halle, se signale par une démarche originale pour ce qui est de l'attribution d'un nom à ses obtentions : elle choisit un vocable qui n'a pas de signification particulière mais se contente de bien sonner à l'oreille ! C'est un moyen infaillible de ne pas risquer une homonymie nécessairement rejetée par le registrar ! Elle a déjà à son compteur plus de cinquante variétés nouvelles dans toutes les catégories d'iris, mais son activité a l'air de s'arrêter ces temps derniers...

Gertrud Boffo, de Bad Vilbel, près de Frankfurt, a enregistré son premier iris en 2006, 'Echinor', qui a immédiatement été primé à Munich. Depuis un seul autre iris a été enregistré, on peut donc plutôt parler d'une obtentrice occasionnelle que d'une professionnelle.

 La troisième dame à s'intéresser à l'hybridation s'appelle Margitta Herrn, de Leipzig. Elle a appris le métier avec Manfred Beer, un personnage important dans le monde allemand des iris. Elle a enregistré son premier cultivar en 2010 et s'est aussitôt fait remarquer par l'originalité de ses choix dans ses croisements. Son 'Miltitzer Tanzparty' (2011) ('Frison-Roche' X 'Berlin Snow') a été primé à Munich en 2012. C'est tout pour l'instant, à ma connaissance...

La semaine prochaine nous continuerons ce tour d'Europe.
(à suivre...). 

  Illustrations : 

 - 'Arabi Pasha' 


- 'Hever Castle' 

- 'Cregrina' 


- 'Echinor' 


- 'Miltitzer Tanzparty' -

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