LE MOZART DES IRIS
(Ce texte reprend et complète un article publié
dans le numéro 122 de la revue « Iris et Bulbeuses »)
On peut donner à Monty Byers, qui vient pour la troisième fois de remporter la Dykes Medal, grâce à son iris MESMERIZER, la qualificatif de Mozart des iris. Comme le compositeur autrichien, il a fait preuve d’un véritable génie, comme lui il est décédé prématurément.
Car aux Etats-Unis, dans le pays le plus développé de notre planète, on peut encore mourir, à moins de quarante ans, d’une bronchite mal soignée ! Ce fut le destin de Monty Byers, sans doute le plus doué des hybrideurs que le monde ait connu jusqu’à présent.
En effet, en moins de six ans d’activité intensive, Monty Byers s’est distingué en enregistrant une centaine de variétés de toutes catégories. Ses premières introductions remontent à 1986. Il s’agit entre autre de BE MINE, BLOWTORCH, HALLOWEEN PUMPKIN et HOWDY DO, variétés de grands iris bien connues maintenant dans notre pays où elles ont été commercialisées. Il a disparu en 1992, mais ses héritiers ont encore introduit quelques variétés dans les années suivantes. C’est comme si, pressentant la brièveté de son existence, il avait jeté toute son énergie dans une débauche de croisements de toutes sortes, avec une sûreté dans ses choix de géniteurs et un tel succès dans ses résultats qu’il lui était difficile de faire une sélection parmi les semis dont il constatait la réussite.
Pour commercialiser sa production, il créa sa propre entreprise, Moonshine Gardens, qu’il géra avec le même enthousiasme bouillonnant qu’il mettait à réaliser ses hybridations. Très vite les professionnels comme les amateurs se sont rendu compte qu’ils avaient affaire à quelqu’un d’exceptionnellement doué. Par exemple, la plupart de ses iris sont issus d’une première génération de croisements, rarement plus de deux. Ses iris étaient réussis du premier coup et il pouvait rapidement les mettre sur le marché.
On peut dire qu’il a révolutionné le monde des deux principales catégories d’iris auxquelles il s’est attaché : les iris à éperons et les iris remontants. Avant lui les premiers n’avaient pas encore obtenu la reconnaissance des spécialistes et du public. Depuis ils sont parvenus au sommet, THORNBIRD (89) a été couronné de la D. M. en 97, CONJURATION (89) l’a obtenue l’année suivante et MESMERIZER a été sacré cette année 2002. Les seconds, depuis longtemps recherchés par certains amateurs, n’étaient pas toujours très élégants et très fiables. Il a donné au monde des remontants qui remontent vraiment et qui sont jolis à regarder ( même s’il faut reconnaître qu’en ce domaine d’autres ont fait également, dans les mêmes moments, des progrès équivalents).
Les récompenses n’ont pas tardé à tomber. Dès 1990 il a décroché ses premières Honorable Mention pour EASTER LACE (88), BLOWTORCH (86), PAGAN PINK (88) et CANDYLAND (BB 88) et SMELL THE ROSES (SDB). Mais peu d’autres ont suivi, ce qui constitue un paradoxe. En dehors de ces trois champions que sont sans contestation THORNBIRD, CONJURATION et MESMERIZER, seuls l’intermédiaire LOW HO SILVER et le SDB HOT ont eu une carrière des honneurs notable. Parmi les grands je n’ai relevé que HIGH HO SILVER (89), ROCKSTAR (91) et WINTERLAND (90) qui aient été notés au palmarès. Mais pour les trois champions, c’est un sans faute : THORNBIRD, dès 1991, se faisait remarquer en remportant le Franklin Cook Cup ; en 95 il ratait de quelques points la Wister Medal qui lui était attribuée l’année suivante, le mettant en position ultra favorable pour la Dykes Medal qu’il décrocha en 1997. CONJURATION a eu un parcours encore plus somptueux : Florin d’Or en 93, Wister Medal ratée de peu en 96, deuxième de la D.M., derrière son compagnon d’écurie, en 97, et enfin D.M. en 1998. MESMERIZER, un peu moins bien dans les récompenses, a tout de même remporté la Wister Medal en 2000, fini deuxième de la D.M. en 2001 et été vainqueur de cette compétition en 2002 !
De nombreux producteurs ont senti que ces iris allaient avoir du succès et se sont empressés de se les procurer (non seulement pour la vente, mais aussi pour exploiter leurs capacités génétiques). Ce fut le cas en France pour Iris en Provence (Anfosso) et Iris au Trescols (Ransom). Grâce à ces deux entreprises les amateurs français ont eu accès au génie de Monty Byers. Le premier cité a proposé plus de quarante variétés, dont beaucoup de remontants, restés, malheureusement trop peu de temps au catalogue. Le second a importé une douzaine de grands iris (peut-être plus), et de nombreuses variétés de petite taille.
Certains hybrideurs de grand renom, comme Donald Nearpass, n’ont enregistré que quelques iris tout au cours de leur carrière, car ils ne considéraient pas avoir assez atteint la perfection. Byers, lui, n’a pas toujours eu ce scrupule, mais c’est le seul reproche qu’on puisse lui faire, car beaucoup des variétés qu’il a enregistrées sont extrêmement proches les unes des autres. C’est à l’amateur de se montrer sélectif, mais il y a gros à parier qu’il aura autant de mal que l’obtenteur lui-même n’en a eu !
Quoi qu’il en soit le monde des iris a bien fait de couronner par trois fois les variétés de Monty Byers. Celui-ci rejoint à ce niveau trois très grands noms de l’irisdom, Orville Fay, Paul Cook et Ben Hager. On ne peut que regretter qu’il nous ait quittés aussi vite.
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