2.11.02

C’EST LE CHIENDENT

Si l’on se fie aux propos échangés par les amateurs d’iris américains dans les « chatches » qu’ils tiennent sur le net, la culture de l’iris aux Etats Unis n’est pas une sinécure ! Il n’est question que de pourriture (rot), ravageurs (borers), dessèchement (scortch) et autres maladies plus ou moins incurables. On parle peu, cependant, des mauvaises herbes, si ce n’est pour gloser sur le plus efficace des désherbants.

Il ne me semble pas que les problèmes soient les mêmes chez nous. En tout cas pas dans mon jardin. Ce n’est pas que mes chers iris n’y soient pas en danger, mais les adversaires ne sont pas de même nature. Cette année, par exemple, je n’ai eu aucun cas de pourriture du rhizome, et aucune attaque de criocère. En revanche je dois lutter contre des envahisseurs que je trouve, malgré tout, plus sympathiques. Que ce soit le chiendent, un ennemi intraitable (au propre comme au figuré), ou d’autres plantes aux noms qui annoncent bien leur ruralité : je veux parler de la pimprenelle, de la marjolaine, de la verveine, du bec-de-grue ou de la carotte. Au gré des conditions micropédologiques, je rencontre telle ou telle espèce sur quelques mètres carrés, telle ou telle autre un peu plus loin. C’est le charme du désherbage manuel. Au ras du sol, j’arrache ces petites touffes odorantes, avec un réel regret, parfois, car je pense que chaque espèce devant avoir sa chance de vivre, j’ai peut-être tort de privilégier celle-ci plutôt que cette autre. Et quand j’enlève des petits pieds de fraisiers des bois, je me dis que je me prive du plaisir de savourer les fruits si parfumés qu’ils auraient pu m’apporter, mais j’ai choisi les iris, alors… Les longues racines blanches de la carotte sont quelquefois un peu dures à extirper, celles de la pimprenelle s’enfoncent aussi profondément dans la terre. Les retirer dérange les vers qui croient trouver leur salut hors du sol et apparaissent précipitamment de dessous les rhizomes. Ils disparaissent aussi rapidement dès qu’ils pensent être en sécurité. C’est fou ce que ses êtres frustres et apparemment faibles, lents et sans défenses, peuvent faire preuve de vélocité quand il s’agit de sauver leur peau ! Et mon ami le rouge-gorge ? Il se tient à deux mètres de moi, prêt à se précipiter sur les petits arthropodes que mon travail a dérangés.

Désherber à la main est sans doute fastidieux et pénible, mais lorsqu’il fait beau, que la terre n’est pas trop desséchée, on peut y trouver un certain plaisir, comme chaque fois que l’on se sent proche de la nature.

On est loin des attaques insidieuses de bactéries ou de champignons. Les Américains ont à lutter contre des ennemis autrement plus déplaisants, et ils ne voient pas les choses de la même façon. Ils ne parlent que produits chimiques ou désherbants sélectifs. Il ne semble pas que leur combat soit forcément victorieux. A les lire, on penserait plutôt que la culture des iris est là-bas une vraie galère !

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