JOLIS MONSTRES
(n° 2)
« Broken Colors » ou « maculosa »
Dans « The World of Irises », qui date de 1978, il n’est même pas question des « broken colors » dans le chapitre consacré aux nouveautés. C’est qu’il a fallu effectivement attendre les années 70 pour que, timidement, certains hybrideurs avides d’originalité, se décident à préserver dans leurs semis ces iris dont on dirait qu’ils ont reçu par mégarde les éclaboussures d’un pinceau maladroit. Celui qui, en la matière, fut un initiateur s’appelle Allan Ensminger. C’est en 1967 qu’il a découvert son premier iris barbouillé et le premier « maculosa » réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 77), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, descendant perturbé de ‘Stepping Out’. L’année suivante, il a recommencé avec ‘Inty Greyshun’ (78), qui est mauve améthyste et barbouillé de blanc. ‘Batik’, le plus célèbre de tous les « maculosas » au point d’en être devenu la variété-repère, est apparu en 81. Par la suite vinrent ‘Painted Plic’ (83), ‘Maria Tormena’ (87), ‘Isn’t it Something’ (93) puis ‘Brindled Beauty’ (94) et ‘Autumn Years’ (95).
Mais, comme il se doit, le maître devait être dépassé par l’élève. Ce dernier se nomme Brad Kasperek. Non seulement il a repris le matériel créé par Ensminger, mais il l’a extrapolé, et a effectué en plus le travail scientifique permettant d’expliquer les origines du phénomène, ce qui a permis de le reproduire autrement que par le simple effet du hasard. C’est lui qui a inventé le nom de « Broken Color », adopté depuis par tout le monde anglo-saxon des iris. En dehors de leurs noms souvent franchement ridicules pour nous, Français, les « maculosas » de Kasperek se distinguent par l’originalité et la variété de leurs coloris. ‘Gnu’ (94), ‘Tiger Honey’ (94), ‘Bewilderbeast’ (95), ‘Kinkajou Shrew’ (99) en sont la démonstration.
Devant ce succès, d’autres obtenteurs ont tenté leur chance chez les « maculosas ». Dès 83 Joyce Meek avait enregistré ‘Wild Card’, qui est presque un « maculosa » en ce sens qu’il n’y a pas deux fleurs marquées de la même façon, mais qui reste néanmoins plus proche de la catégorie plicata, un peu comme était ‘Hey Looky’ (W. Brown 70), instabilité qu’on trouve également chez ‘Barletta’ (Peterson 74). En 95, Maryott a proposé ‘Out of Control’, violet pourpré balafré de blanc, puis Keith Keppel lui-même a trouvé dans ses semis de plicatas un iris irrégulièrement coloré, joliment baptisé ‘Broken Dreams’ (98), rose aspergé de blanc aux sépales. Cet iris « maculosa » conserve néanmoins un air distingué qui tranche sur le côté un peu vulgaire des productions Kasperek. Il faut dire que dès le début de sa carrière d’obtenteur, Keppel avait créé ‘Humoresque’ (61) (photo), un iris parme, avec des dessins aléatoires bleus. Il n’est donc pas vraiment débutant dans le modèle.
Maintenant la pompe est amorcée. Chacun sait comment faire pour obtenir des iris barbouillés. C’est d’autant plus intéressant pour un obtenteur qui débute, que le modèle n’est pas encore saturé (ou « overlooké » comme on dit en franglais), et qu’il y a de la place pour de nouveaux venus. De plus, les nouveaux peuvent à juste titre avoir l’ambition de créer des fleurs réellement jolies, élégantes, robustes, voire raffinées, ce qui n’est pas encore le cas général. Cependant le défi est difficile car, dans les semis de « maculosas » il y a beaucoup de déchet : plantes malingres, rabougries, fragiles… C’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup de BB dans la catégorie : une façon de commercialiser malgré tout des plantes qui n’atteignent pas la hauteur minimale pour les TB. C’est aussi pourquoi il faut être particulièrement rigoureux quand on sélectionne un « maculosa » car la tentation peut être forte de mettre sur le marché quelque chose d’imparfait, ou simplement d’esthétiquement discutable. C’est essentiellement de ce côté qu’on peut avoir des craintes. Car pour ce qui est de la fantaisie, de la variété des couleurs et de l’intensité des taches, on peut faire confiance aux hybrideurs. Regardez simplement ce ‘Peggy Anne’ (Sutton 2007) (photo) et vous comprendrez que l’imagination n’est pas près de manquer.
Quoi qu’il en soit, il ne manque plus à ce modèle de fleur que la reconnaissance d’une grande récompense. Je suis sûr que cela va venir : le BB ‘Anaconda Love’ (Kasperek 98) n’a-t-il pas déjà obtenu la Knowlton Medal en 2006 ?
(à suivre)
(n° 2)
« Broken Colors » ou « maculosa »
Dans « The World of Irises », qui date de 1978, il n’est même pas question des « broken colors » dans le chapitre consacré aux nouveautés. C’est qu’il a fallu effectivement attendre les années 70 pour que, timidement, certains hybrideurs avides d’originalité, se décident à préserver dans leurs semis ces iris dont on dirait qu’ils ont reçu par mégarde les éclaboussures d’un pinceau maladroit. Celui qui, en la matière, fut un initiateur s’appelle Allan Ensminger. C’est en 1967 qu’il a découvert son premier iris barbouillé et le premier « maculosa » réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 77), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, descendant perturbé de ‘Stepping Out’. L’année suivante, il a recommencé avec ‘Inty Greyshun’ (78), qui est mauve améthyste et barbouillé de blanc. ‘Batik’, le plus célèbre de tous les « maculosas » au point d’en être devenu la variété-repère, est apparu en 81. Par la suite vinrent ‘Painted Plic’ (83), ‘Maria Tormena’ (87), ‘Isn’t it Something’ (93) puis ‘Brindled Beauty’ (94) et ‘Autumn Years’ (95).
Mais, comme il se doit, le maître devait être dépassé par l’élève. Ce dernier se nomme Brad Kasperek. Non seulement il a repris le matériel créé par Ensminger, mais il l’a extrapolé, et a effectué en plus le travail scientifique permettant d’expliquer les origines du phénomène, ce qui a permis de le reproduire autrement que par le simple effet du hasard. C’est lui qui a inventé le nom de « Broken Color », adopté depuis par tout le monde anglo-saxon des iris. En dehors de leurs noms souvent franchement ridicules pour nous, Français, les « maculosas » de Kasperek se distinguent par l’originalité et la variété de leurs coloris. ‘Gnu’ (94), ‘Tiger Honey’ (94), ‘Bewilderbeast’ (95), ‘Kinkajou Shrew’ (99) en sont la démonstration.
Devant ce succès, d’autres obtenteurs ont tenté leur chance chez les « maculosas ». Dès 83 Joyce Meek avait enregistré ‘Wild Card’, qui est presque un « maculosa » en ce sens qu’il n’y a pas deux fleurs marquées de la même façon, mais qui reste néanmoins plus proche de la catégorie plicata, un peu comme était ‘Hey Looky’ (W. Brown 70), instabilité qu’on trouve également chez ‘Barletta’ (Peterson 74). En 95, Maryott a proposé ‘Out of Control’, violet pourpré balafré de blanc, puis Keith Keppel lui-même a trouvé dans ses semis de plicatas un iris irrégulièrement coloré, joliment baptisé ‘Broken Dreams’ (98), rose aspergé de blanc aux sépales. Cet iris « maculosa » conserve néanmoins un air distingué qui tranche sur le côté un peu vulgaire des productions Kasperek. Il faut dire que dès le début de sa carrière d’obtenteur, Keppel avait créé ‘Humoresque’ (61) (photo), un iris parme, avec des dessins aléatoires bleus. Il n’est donc pas vraiment débutant dans le modèle.
Maintenant la pompe est amorcée. Chacun sait comment faire pour obtenir des iris barbouillés. C’est d’autant plus intéressant pour un obtenteur qui débute, que le modèle n’est pas encore saturé (ou « overlooké » comme on dit en franglais), et qu’il y a de la place pour de nouveaux venus. De plus, les nouveaux peuvent à juste titre avoir l’ambition de créer des fleurs réellement jolies, élégantes, robustes, voire raffinées, ce qui n’est pas encore le cas général. Cependant le défi est difficile car, dans les semis de « maculosas » il y a beaucoup de déchet : plantes malingres, rabougries, fragiles… C’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup de BB dans la catégorie : une façon de commercialiser malgré tout des plantes qui n’atteignent pas la hauteur minimale pour les TB. C’est aussi pourquoi il faut être particulièrement rigoureux quand on sélectionne un « maculosa » car la tentation peut être forte de mettre sur le marché quelque chose d’imparfait, ou simplement d’esthétiquement discutable. C’est essentiellement de ce côté qu’on peut avoir des craintes. Car pour ce qui est de la fantaisie, de la variété des couleurs et de l’intensité des taches, on peut faire confiance aux hybrideurs. Regardez simplement ce ‘Peggy Anne’ (Sutton 2007) (photo) et vous comprendrez que l’imagination n’est pas près de manquer.
Quoi qu’il en soit, il ne manque plus à ce modèle de fleur que la reconnaissance d’une grande récompense. Je suis sûr que cela va venir : le BB ‘Anaconda Love’ (Kasperek 98) n’a-t-il pas déjà obtenu la Knowlton Medal en 2006 ?
(à suivre)
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