JARDINS D’IRIS
II. – BESANTS D’OR
Pour atteindre ce petit château, il faut escalader la rive droite du Cher, puis, après une courte traversée du plateau, redescendre dans un petit vallon, au milieu d’un bois. On passe d’abord le long d’un étang, d’allure plutôt sauvage et romantique, puis on arrive devant le mur d’une grosse écurie qui masque le château dont on ne voit alors que les toits puissants recouverts d’ardoises. Quand on contourne cet obstacle, on parvient devant un petit pont qui enjambe le fond du vallon et on se présente devant un porche qui, une fois franchi, s’ouvre sur une cour carrée. A gauche, les écuries dont ne voyait tout à l’heure que le dos, à droite le château, d’architecture classique, assez austère, entre les deux, cette grande cour dont le centre est occupé par une vaste pelouse bien tondue d’où émergent trois cercles plantés d’iris en fleur, tous jaunes.
La maîtresse des lieux nous accueille. « Vous êtes intrigués, dit-elle, par ces grands ronds jaunes. Sachez que les armoiries de notre famille sont « de sinople aux trois besants(1) d’or ». Quand j’ai voulu créer un jardin d’iris, j’ai pensé que ces trois besants pouvaient inspirer le dessin des massifs. Vous avez donc sous les yeux un reproduction géante de nos armoiries. Par dessus le marché, ces fleurs jaunes éclairent vigoureusement un lieu qui n’est pas foncièrement gai. Vous voyez que nous sommes dans une combe avalant vers le nord-est, ce qui n’est pas la plus lumineuse des orientations. »
« Ne vous attendez pas à trouver parmi ces iris jaunes des variétés récentes, ma collection commence à dater, je l’avoue. Quand je la régénèrerai, je remplacerai sans doute quelques-uns des plus vieux iris. Mais je conserverai mes tout premiers jaunes, ceux qui datent de l’apparition des cette couleur chez les iris, comme ‘Happy Days’, ‘Alice Harding’ ou ‘Techny Chimes’. »
Les trois cercles n’ont pas exactement les mêmes teintes. Celui du fond, face aux écuries, est plus clair que les deux autres. Et c’est celui qui est du côté nord qui est le plus foncé.
« Il y a, complète notre hôtesse, dix variétés différentes par cercle, cela ne fait donc que trente iris, mais les touffes sont énormes. Voici un ‘Rainbow Gold’ qui a vingt-quatre tiges florales, et ce vieil ‘Ola Kala’, à côté, doit en avoir une vingtaine. Dans ce cercle nord, voyez aussi les énormes fleurs de ce ‘Côte d’Or’. Je les trouve trop grosses et c’est certainement une des variétés que j’enlèverai bientôt. Approchez-vous, venez voir celui-ci, c’est un de mes préférés. Vous le connaissez ? C’est ‘Starring Role’, il doit avoir plus de trente ans (Palmer 73, NDLR), mais quelle fraîcheur ! Finalement je crois que je préfère les jaunes acides aux jaunes dorés. Voyez, là, ‘Elegant Impressions’, il est beaucoup plus récents que le précédent (Schreiner 93, NDLR), et ses fleurs sont encore plus ondulées. »
On ne se lasse pas de tourner autour des ces trois imposants massifs. Au milieu du besant ouest, celui qui est seul, on reconnaît sans peine l’inusable ‘Zantha’ que l’on trouve en masse dans les jardins publics. C’est sans doute une des variétés les plus utilisées dans le monde. Il fait bien son âge, mais fleurit toujours avec vaillance. Et ce petit iris avec une grande tache blanche sur les sépales, ne serait-ce pas l’ancien ‘Mattie Gates’ ?
« C’est bien lui, confirme la châtelaine. Je l’ai eu par chance, au jardin de Brüglingen, près de Bâle, où je suis allée il y a bien longtemps maintenant, en 79 ou 80, je crois. J’aime bien toutes ces vieilles variétés, je leur trouve beaucoup de charme, comme ce ‘Trompette’, ou ce ‘Desert Gold’ ; je trouve qu’ils sont en accord avec l’aspect rectiligne des façades de cette demeure. Les iris récents jurent un peu, me semble-t-il, mais ils sont si beaux néanmoins ! »
Après un dernier tour de ces besants d’or, on se dirige à regret vers le château, où pourtant la propriétaire, qui sait recevoir, a préparé un goûter à l’anglaise, qui s’annonce aussi plaisant que les iris.
(1) Besant = monnaie byzantine et, également, en héraldique, figure circulaire d’or ou d’argent.
II. – BESANTS D’OR
Pour atteindre ce petit château, il faut escalader la rive droite du Cher, puis, après une courte traversée du plateau, redescendre dans un petit vallon, au milieu d’un bois. On passe d’abord le long d’un étang, d’allure plutôt sauvage et romantique, puis on arrive devant le mur d’une grosse écurie qui masque le château dont on ne voit alors que les toits puissants recouverts d’ardoises. Quand on contourne cet obstacle, on parvient devant un petit pont qui enjambe le fond du vallon et on se présente devant un porche qui, une fois franchi, s’ouvre sur une cour carrée. A gauche, les écuries dont ne voyait tout à l’heure que le dos, à droite le château, d’architecture classique, assez austère, entre les deux, cette grande cour dont le centre est occupé par une vaste pelouse bien tondue d’où émergent trois cercles plantés d’iris en fleur, tous jaunes.
La maîtresse des lieux nous accueille. « Vous êtes intrigués, dit-elle, par ces grands ronds jaunes. Sachez que les armoiries de notre famille sont « de sinople aux trois besants(1) d’or ». Quand j’ai voulu créer un jardin d’iris, j’ai pensé que ces trois besants pouvaient inspirer le dessin des massifs. Vous avez donc sous les yeux un reproduction géante de nos armoiries. Par dessus le marché, ces fleurs jaunes éclairent vigoureusement un lieu qui n’est pas foncièrement gai. Vous voyez que nous sommes dans une combe avalant vers le nord-est, ce qui n’est pas la plus lumineuse des orientations. »
« Ne vous attendez pas à trouver parmi ces iris jaunes des variétés récentes, ma collection commence à dater, je l’avoue. Quand je la régénèrerai, je remplacerai sans doute quelques-uns des plus vieux iris. Mais je conserverai mes tout premiers jaunes, ceux qui datent de l’apparition des cette couleur chez les iris, comme ‘Happy Days’, ‘Alice Harding’ ou ‘Techny Chimes’. »
Les trois cercles n’ont pas exactement les mêmes teintes. Celui du fond, face aux écuries, est plus clair que les deux autres. Et c’est celui qui est du côté nord qui est le plus foncé.
« Il y a, complète notre hôtesse, dix variétés différentes par cercle, cela ne fait donc que trente iris, mais les touffes sont énormes. Voici un ‘Rainbow Gold’ qui a vingt-quatre tiges florales, et ce vieil ‘Ola Kala’, à côté, doit en avoir une vingtaine. Dans ce cercle nord, voyez aussi les énormes fleurs de ce ‘Côte d’Or’. Je les trouve trop grosses et c’est certainement une des variétés que j’enlèverai bientôt. Approchez-vous, venez voir celui-ci, c’est un de mes préférés. Vous le connaissez ? C’est ‘Starring Role’, il doit avoir plus de trente ans (Palmer 73, NDLR), mais quelle fraîcheur ! Finalement je crois que je préfère les jaunes acides aux jaunes dorés. Voyez, là, ‘Elegant Impressions’, il est beaucoup plus récents que le précédent (Schreiner 93, NDLR), et ses fleurs sont encore plus ondulées. »
On ne se lasse pas de tourner autour des ces trois imposants massifs. Au milieu du besant ouest, celui qui est seul, on reconnaît sans peine l’inusable ‘Zantha’ que l’on trouve en masse dans les jardins publics. C’est sans doute une des variétés les plus utilisées dans le monde. Il fait bien son âge, mais fleurit toujours avec vaillance. Et ce petit iris avec une grande tache blanche sur les sépales, ne serait-ce pas l’ancien ‘Mattie Gates’ ?
« C’est bien lui, confirme la châtelaine. Je l’ai eu par chance, au jardin de Brüglingen, près de Bâle, où je suis allée il y a bien longtemps maintenant, en 79 ou 80, je crois. J’aime bien toutes ces vieilles variétés, je leur trouve beaucoup de charme, comme ce ‘Trompette’, ou ce ‘Desert Gold’ ; je trouve qu’ils sont en accord avec l’aspect rectiligne des façades de cette demeure. Les iris récents jurent un peu, me semble-t-il, mais ils sont si beaux néanmoins ! »
Après un dernier tour de ces besants d’or, on se dirige à regret vers le château, où pourtant la propriétaire, qui sait recevoir, a préparé un goûter à l’anglaise, qui s’annonce aussi plaisant que les iris.
(1) Besant = monnaie byzantine et, également, en héraldique, figure circulaire d’or ou d’argent.
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