23.2.08







UNE REINE EN ROBE D’INDIENNE

Elles ne sont pas nombreuses les variétés d’iris qui ont connu autant de succès en hybridation que ‘Queen in Calico’ (Gibson J. 80). C’est à un point tel que bien peu de plicatas modernes ne possèdent pas ses gènes. Dans ma base de données – qui contient les références de 9000 grands iris – ‘Queen in Calico’ apparaît au premier degré dans le pedigree de soixante-cinq variétés, obtenues par vingt-cinq hybrideurs. Et les noms les plus fameux figurent dans cette liste : Schreiner, Keppel, Black, Blyth, Meek, Kerr… Ainsi que plusieurs européens comme Ladislaw Muska et Augusto Bianco.

‘Queen in Calico’ s’est en fait emparé de la généalogie des plicatas à dessins grenats, ou bruns. Mais d’autres couleurs apparaissent aussi dans ses descendants, au gré des croisements.

On voudrait bien savoir pourquoi ce ‘Queen in Calico’ – une reine en robe d’indienne – a eu un tel succès. Sans doute est-ce en raison de ses propres ancêtres. Mais sur ce sujet on reste un peu déçus, parce que les renseignements fournis par James Gibson sont plutôt médiocres. Tout au plus sait-on que ce ‘Queen in Calico’ descend de ‘Orange Plush’ (Gibson 73) et ‘Anon’ (Gibson 75). Mais l’analyse ne va guère aller plus loin dans le temps puisque ces deux variétés sont des cousins germains, issus de ‘Apricot Blaze’ (Gibson 70) dont on nous dit simplement qu’il provient d’une longue série de croisements… C’est pauvre. Tout au moins il suffit de comparer ces trois variétés pour comprendre que leur caractère commun est d’allier l’orange – du pêche au chamois- et les dessins plus ou moins marqués du modèle plicata, dans les tons de brun-rouge, voire de brun clair.

Ce sont aussi ces couleurs qui caractérisent ‘Queen in Calico’ qui, sur un fond abricot très clair présente des dessins assez denses d’un rouge magenta vif. Ce sont à la fois ces couleurs et la richesse du dessin plicata qui ont retenu l’attention des hybrideurs. Ils y ont vu la possibilité d’améliorer le modèle dans des tons pas encore devenus communs. Par-dessus le marché ce ‘Queen in Calico’ est vigoureux, bien proportionné, avec des fleurs élégantes, délicatement ondulées et avec des pétales aux fines dentelures. Cette reine en indienne a tout pour plaire et pour laisser espérer une descendance de qualité.

Et cette descendance est importante. Les quatre principaux utilisateurs sont Keith Keppel, Augusto Bianco, Anton Mego et Ladislaw Muska.

Keith Keppel, le grand maître des plicatas, en a obtenu quatre variétés supérieures : ‘Bodacious’ (87), ‘Rosarita’ (89), ‘Film Festival’ (93) et ‘Tangled Web’ (99). Tous les quatre ont un incontestable air de famille. Les trois premiers sont assez voisins de la variété de référence, le quatrième présente des dessins plus denses, et une forme, évidemment, plus moderne. A la génération suivante, si ‘Bodacious’ ne semble pas avoir été utilisé, les trois autres ont eu des descendants importants. ‘Rosarita’ est à l’origine de ‘Cheating Heart’ (94), ‘Magic Show’ (94) et ‘Inside Track’ (2002). ‘Cheating Heart’ est un plicata rose « a minima » puisque les dessins grenats n’apparaissent qu’aux épaules des sépales ; ‘Magic Show’ est plus richement doté, mais aussi moins original et plus proche du modèle de base ; modèle dont s’éloigne ‘Inside Track’ puisque cette variété est une amorce d’un modèle différent, le plicata « noir/blanc », avec des pétales d’un violet pourpré sombre et des sépales ourlés du même violet, sur un fond blanc crayeux. ‘Screen Play’ (96), qui vient de ‘Film Festival’, décline le modèle plicata grenat en clair, puisque les dessins sont plus rouge magenta que grenats. Ces descendants ‘Lonely Hearts’ (99) et ‘Lovely Dawn’ (98) rééditent ce modèle. Quant aux frères de semis que sont ‘Dark Drama’ (2005) et Drama Queen’ (2003), ils sont assez différents l’un de l’autre. Le premier joue les beautés sombres : pétales violet pourpré, sépales à fond blanc fortement marqué du violet des pétales. Le second exécute une pirouette qui le ramène au coloris de son ancêtre ‘Queen in Calico’, auquel il ajoute une touche de modernité.

Les iris d’Augusto Bianco, issus de ‘Queen in Calico’ sont d’aspect très différent. En particulier parce que leur pedigree est généralement complexe, avec un rôle amoindri de la variété de référence. Il n’y a même qu’une seule variété qui présente les caractères d’un plicata, et qui se rapproche de ‘Screen Play’ : il s’agit de ‘Orchidea Selvaggia’ (99).

Anton Mego n’apparaît qu’une fois parmi les utilisateurs de ‘Queen in Calico’. La variété qui en est issue s’appelle ‘Slovak Prince’ (2002), et c’est un des plus beaux iris de ces dernières années. C’est un croisement de ‘Edith Wolford’ x ‘Queen in Calico’. Il est très différent de ses deux parents, mais il est magnifique et le voilà dans la course pour une DM ! S’il lui arrivait de gagner cette compétition, il serait le premier iris non américain à le faire.

Celui qui a le plus fait usage de ‘Queen in Calico’, c’est le Slovaque Ladislaw Muska. Au point que cette variété fait partie de ses iris fétiches, au même titre que ‘Babbling Brook’ à ses débuts, ‘Don Epifano’ ensuite, puis ‘Sky Hooks’. La plupart de ses obtentions à partir de ‘Queen in Calico’ sont de vrais plicatas. La plus emblématique est ‘Graffiti’ (96), et elle a également beaucoup servi pour des variétés ultérieures, comme les frères de semis ‘Intarzis’ et ‘Luc de Gras’ (98) ou ‘Tagli e Buchi’ (2001), l’une des plus belles réussites de son obtenteur, toute frisottée, qui revient, du point de vue des couleurs, aux associations qui ont fait le succès de ‘Queen in Calico’, plus de vingt ans auparavant.

‘Queen in Calico’ fait partie du petit nombre des variétés qui ont marqué leur époque ; tout collectionneur d’iris se doit de le cultiver dans son jardin.

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