21.8.09
















PETITES LÈVRES

Il n’y a pas lieu dans ces chroniques de se risquer à des comparaisons anatomiques. Néanmoins lorsqu’on examine le style (la partie femelle) des fleurs d’iris, et spécialement des grands iris (TB), on est intrigué par la présence de la crête qui couronne et protège le stigmate, cette lamelle collante où le pollen va se déposer. Il y a visiblement une connotation féminine dans cet appendice ; autant dans sa fonction que dans son aspect.

Cette partie de la fleur, peu apparente chez la plupart des variétés, n’est donc pas spécialement spectaculaire mais il lui arrive de se singulariser et c’est cela qui va retenir notre attention aujourd’hui.

Sur la plupart des fleurs d’iris, les styles – et leur crête – prennent la coloration des pétales avec qui ils font corps. C’est évident sur les iris unicolores mais c’est également vrai pour les bicolores quel que soit le modèle de répartition des couleurs : les pétales sont-ils blancs, comme chez les amoenas ? les styles seront blancs ; les pétales sont-ils d’une couleur différente de celle des sépales ? les styles prendront cette couleur ou une teinte approchante. L’espèce de casque aux bords laciniés des crêtes suivra la couleur de son environnement.

Mais la question va se poser différemment lorsque la teinte des sépales va plus ou moins investir la base des pétales, comme c’est le cas chez de nombreux bicolores aux couleurs saturées, à moins que ce ne soit le style lui-même qui se colore comme les sépales. Dans la variété ’Beach Girl’ (Blyth 83), même si la couleur des sépales n’est pas très vive, elle remonte dans les pétales et colore au passage styles et crêtes. Dans le cœur de ‘Surfie Girl’ (Blyth 93) la couleur des sépales a conquis la base du style, mais la crête reste dans les tons des pétales.

Autre cas de figure, qu’en est-il quand deux couleurs se rencontrent à la fois sur les pétales et sur les sépales ? Il semble alors que la règle soit la suivante : les styles et crêtes suivent la couleur dominante : qu’elle soit claire ou foncée. C’est le cas habituel chez les plicatas : si c’est la couleur sombre qui domine, les styles seront foncés, comme c’est le cas chez ‘Licorice Fantasy’ (Gibson 86) ou ‘Footloose’ (Schreiner 93). Mais si le clair est la couleur prépondérante, ce sera la couleur que prendront les styles comme sur ‘Snowbrook’ (Keppel 87) ; chez les maculosas (ou broken-color) la règle ci-dessus s’applique puisque ce modèle est un dérivé du modèle plicata.

Mais cette règle subit des exceptions comme chez ‘Stitch in Time’ (Schreiner 78) où c’est la couleur sombre qui ourle les tépales qui est présente sur les crêtes alors que c’est le blanc qui est la couleur dominante. Une application surprenante de ce cas particulier intervient quand le caractère plicata est presque complètement annihilé et qu’on s’aperçoit à peine de sa présence, mais où la couleur résiduelle, le plus souvent un bleu-violet ou indigo, reste bien présente sur les parties sexuelles de la fleur, comme dans le cas de ‘Azurite’ (Plough 59) ou du très célèbre ‘Tea Apron’ (Sass 60). Ces deux variétés ont d’ailleurs des origines communes ce qui explique leurs similarités et le fait qu’elles aient transmis leur caractère à leurs descendants comme ‘Stitch in Time’ déjà cité ou ‘Hidden Surprise’ (Durrance 85).

Le cas se complique à propos de certaines variétés dont on ne sait pas exactement dans quel modèle les ranger. Prenons le cas du célèbre ‘Bride’s Halo’ (Mohr 73 – DM 78) qui présente une fleur entièrement blanche mais également entièrement cernée d’un joli liseré jaune. Ce n’est pas un plicata puisque ce modèle ne peut s’appliquer, selon Keith Keppel, qu’à des fleurs où la couleur foncée ne peut être que de nature anthocyanique (à bas de bleu ou de violet), mais il en affecte les apparences. Dans son cas les crêtes ont pris la jolie couleur complémentaire jaune. ‘Crystal Glitters’ (Schreiner 85) offre un autre sujet d’étonnement. Cette fois c’est seulement au cœur de la fleur que la couleur se concentre, et, naturellement, les crêtes ont adopté le ton de leur environnement, ce rose pêche tendre et voluptueux qui fait tout le charme de cet iris peu connu mais très original.

Tout comme les barbes qui, maintenant font l’objet de recherches en vue de les transformer en pétaloïdes de nature à donner à la fleur un caractère double, un peu comme on l’a obtenu par la transformation des étamines sur d’autres fleurs comme les roses ou les pivoines, les crêtes des iris pourraient à l’avenir atteindre un développement pétaloïdal. Elles pourraient s’accroître en volume, voir leur aspect frisotté prendre de l’ampleur… Tout est affaire de recherches, de mise en valeur de mutations intéressantes ou décoratives…

Le sujet mériterait sans doute un développement plus important, mais contentons-nous ici de nous émerveiller des multiples charmes de notre plante favorite, et parmi ceux-ci les aspects un peu négligés de ces petits éléments tellement sensuels.

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