En septembre 1840, le « Journal de
Flore et de Pomone », dont l’équivalent aujourd’hui serait « Jardins
de France », la Revue de la SNHF, a publié une assez long article de
Jean-Nicolas Lémon, le plus célèbre des hybrideurs du 19e siècle. Cet article est tout simplement
intitulé : « Nouvelles variétés d’iris. » En voici un large
extrait.
« Iris germanica. LINN.
C’est une des iris les plus communément connues et cultivées. Elle est très
rustique et réussit à toutes expositions et dans toutes sortes de terrains
quelle que soit leur nature. On peut la placer partout, dans des pierres, dans
des fentes de rocher, au bord des eaux et même sur le toit des chaumières. Ses
tubercules sont gros, charnus, articulés, ses feuilles distiques et ensiformes,
d’un vert glauque, longues de 30 à 35cm , larges de 25mm. De leur centre
s’élève en mai une hampe portant plusieurs grandes fleurs qui se succèdent pendant une quinzaine de jours. Cette iris a
déjà donné plusieurs variétés, parmi lesquelles il s’en trouve de fort belles.
J’ai fait de nombreux semis de cette espèce, et j’ai également obtenu une
grande quantité de variétés fort intéressantes que je vais faire connaître
succinctement, car il y en a beaucoup dignes de l’attention des amateurs, et capables
de produire un effet très pittoresque, en les plantant convenablement. Elles se
conservent toutes en les multipliant comme leur type par la séparation de leur
souches tuberculeuses ». L’auteur commence alors à énumérer ses nouvelles
variétés qu’il classe en trois séries, en fonction de la hauteur de la plante
adulte : moins de 50cm ; de 50 à 70cm ; au-delà de 70cm. Il y a
en tout 104 variétés répertoriées !
Dans la première série on trouve
quelques noms qui figurent encore dans les collections spécialisées,
comme :
·
‘Florentina’, blanc pur ;
·
‘Roméo’ (1), fond sépia clair lavé de pourpre, sépales d’un
pourpre noir au sommet ;
·
‘Victorine’,
unicolore blanc, sépales veinés de pourpre et de violet.
La seconde série est composée,
notamment, de :
·
‘Edina’, fond bleu cendré, sépales blancs striés à la base,
bleu foncés au sommet, bordés de bleu pâle avec une ligne longitudinale bleu
clair sur le milieu de chaque sépale ;
·
‘Fries-Morel’, fond jaune chamoisé, sépales jaunes striés à
la base, d’un marron clair velouté au sommet ;
·
‘Honorabile’, fond jaune d’or, sépales jaunes striés à la
base, rouges au sommet et bordés de jaune.
Les grands comprennent, entre autres :
·
‘Aurea’, unicolore d’un beau jaune ;
·
‘Buriensis’, unicolore blanc, bords des pétales striés de
bleu ;
·
‘Jacquesania’, fond bronze saumoné, sépales pourpre brun
velouté ;
·
‘Virgile’ (1), fond bleu azuré, sépales blancs à la base,
bleu pourpré au sommet, réticulé de brun.
L’article s’achève brusquement après
cette énumération.
Ce qui est frappant, c’est que Lémon
n’hésite pas à ranger parmi ses obtentions des iris émanant d’autres
pépiniéristes, comme de Bure (‘Buriensis’), ou des hybrides naturels comme
‘Florentina’. Ces emprunts seraient
aujourd’hui tout à fait incongrus !
Quoi qu’il en soit, il est remarquable
de constater la grande variété des coloris décrits, même si la plupart relèvent
de trois catégories majeures : les jaunes marqués de brun ou de pourpre,,
ancêtres de nos modernes variegatas, les bleu veinés de blanc ou blanc veinés de
bleu qui correspondent à ce qu’on appelle maintenant les plicatas, et les
unicolores blancs. Non moins
intéressant est de découvrir que nombre de ces variétés se trouvent toujours
dans nos jardins, 170 ans après leur apparition. Ce qui devrait faire taire
ceux qui prétendent que les iris dégénèrent.
Illustrations :
·
‘Edina’
·
‘Victorine’
·
‘Jacquesiana’
·
‘Fries-Morel’.
(1) Ce nom, qui n’a pas été
officiellement enregistré, a été repris, plus tard, par un autre obtenteur, ce
qui crée évidemment une fâcheuse confusion.
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