8.3.13

DOMINANCE ET RÉCESSIVITÉ

Quand j’ai commencé la rédaction de cette chronique, je me suis demandé si je réussirai à aller jusqu’au bout. J’ai même hésité longuement avant de me lancer. C’est que je ne suis ni scientifique, en général, ni généticien, en particulier ! J’ai même l’intime conviction que je n’ai aucune aptitude pour cela. Mais, bon ! Essayons un peu de venir en aide à ces amateurs d’iris qui veulent effectuer des croisements sans aller à l’aveuglette (1).

 Première constatation : dans l’espoir d’obtenir un iris plicata, on a croisé une jolie variété de ce modèle, et un bel iris rose dont espérait retrouver la couleur sur le fond du nouveau plicata. Mais non, rien. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un seul plicata parmi les rejetons pourtant amoureusement soignés pendant trois ans ? La faute au fait que le bel iris rose ne portait pas le gène plicata, et que pour que le modèle apparaisse, il faut que l’iris pris pour mâle et l’iris pris pour femelle portent l’un et l’autre le gène plicata. C’est sans doute dit de façon imparfaite pour un généticien (je crois qu’on devrait parler d’allèle d’un gène plutôt que de gène), mais je crois que c’est ça. On dit que le gène plicata est récessif.

 Deuxième constatation : on recroise l’un des nouveaux iris avec un autre plicata, et il y a des plicatas parmi les semis de cette deuxième génération. Pourquoi ? Parce que les deux parents portaient le gène plicata (dans le premier il n’était pas exprimé, mais il l’était visiblement dans le second).

C’est la difficulté avec les gènes récessifs : il faut qu’ils soient présents dans le génome des deux parents pour apparaître. Si on associe un parent porteur et un parent non-porteur on ne verra rien, le gène est présent mais il ne peut pas s’exprimer. J’ai trouvé dans Wikipedia la phrase suivante qui résume bien le phénomène : « L'allèle récessif d'un gène désigne un allèle qui ne s'exprime pas dans un génome qui contient un allèle dominant du même gène ». Et aussi : « La particularité de l'allèle récessif d'un gène est qu'il peut être présent dans le génome et transmis sur plusieurs générations sans qu'il ne s'exprime ». Il est là, tapi quelque part, et il attend son heure. Elle viendra quand il rencontrera un allèle semblable. Et dans notre exemple le croisement plicata X plicata donnera nécessairement naissance à des plicatas.

Un allèle dominant (le contraire d’un allèle récessif) s'exprime toujours dans le génome de son porteur. Avec ce cas de figure, pas de problème : le caractère recherché apparaîtra dès la première génération.

Mais comment savoir si un caractère est récessif ou dominant ? Pour cela comptons sur notre expérience et l’expérience des autres. C’est à l’usage que cela se constate et c’est en étudiant ce que les hybrideurs ont déjà dit ou écrit que l’on acquiert toute cette connaissance.

Encore une observation : chez nos iris l’affaire se complique par le fait que nous n’avons pas affaire à des plantes naturelles, mais à des hybrides issus de croisements multiples et répétés (à l’heure actuelle on dépasse facilement la quarantaine de générations), qui concernent des porteurs de gènes dominants et des porteurs de gènes récessifs, sans qu’on soit absolument certains de la nature de ce que l’on croise. Dans la plupart des cas il y a donc une grande incertitude, et pour aboutir à ce que l’on désire obtenir il faut cultiver un très grand nombre de semis. Si l’on ajoute que, la chance aidant, on a trouvé parmi tous les petits nouveaux quelque chose qui ressemble à ce que l’on cherche, il faut encore plus de chance pour qu’il y ait, parmi ces nouveaux iris, une plante avec des fleurs belles et bien formées, portées par une plante élégante, vigoureuse et qu se multiplie sans difficulté : il y a plus de vilains petits canards que de superbes cygnes dans une brassée de frères de semis !

 (1) L’exactitude scientifique a été vérifiée par Maurice Boussard.

 Illustrations : 

- ‘Pleasure Cruise' (Plough, 1975) - un plicata classique, primé à Orléans en 1978 

- ‘Dipped in Dots’ (P. Black, 2011) – un plicata moderne 

- ‘Pink Taffeta’ (Rudolph, 1968 –DM 1975) - un unicolore rose classique 

- ‘Sensuelle’ (Ransom, 2000) – un unicolore rose moderne

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La volonté de "fixer" un caractère récessif, dans une lignée amène parfois les hybrideurs à pratiquer l'"inbreeding" autrement dit la consanguinité, en effectuant des croisements entre frères de semis, voire des croisements régressifs (enfant/parent) et même (la question avait été évoquée sur le forum de la SFIB) lorsqu'elle est possible une auto fécondation.
Les résultats ne sont pas garantis et le taux d'échec est considérable, sans compter les effets pervers propres à la consanguinité (plantes faibles, mal formées; et…), mais cela a permis à des hybrideurs comme Orville Fay, Dave Hall ou aujourd'hui Lynn Markham de stabiliser certains pigments apparus fortuitement dans un croisement (le rose, ou certaines formes d'anthocyanines comme la delphinidine)

Lisa a dit…

Ce résumé sur la génétique de base (gène dominant ou récessif) est très bien, mais ce que je ne comprends toujours pas, c'est comment en plus de 100 ans d'hybridation, on sait tout juste que les plicatas sont récessifs.... Quand j'ai posé des questions sur le forum, je n'ai eu que des réponses vagues.... Si vous me demandez de quelle couleur seront les chatons de telle femelle et tel mâle (avec le pedigrée bien sûr), je saurai vous répondre et pourtant je n'ai pas été éleveur pendant longtemps!!
Je ne me fais pas à l'idée que tout soit si vague et que, si chacun n'avait pas fait sa petite cuisine en secret, on en saurait un peu plus.....comment voulez-vous qu'on soit motivé à hybrider de façon raisonnée et j'allais dire scientifique! c'est barbant de travailler sans bases réelles et en plus, on n'a pas des siècles devant nous.... on est mortels !!!