10.1.14

LE TROISIÈME MONDE

Première partie 

Dans le langage courant on parle de l’ancien et du nouveau monde. Mais c’est là une dichotomie qui n’est pas adaptée au monde des iris. Dans ce monde là on distingue en réalité quatre mondes. Le premier, c’est l’Europe, à l’origine de l’horticulture des iris ; le second c’est les Etats-Unis d’Amérique, qui a supplanté le premier à l’occasion des guerres qui ont éloigné les Européens des iris au cours du XXeme siècle ; le troisième, celui dont il va être question maintenant, c’est l’Océanie, et plus particulièrement l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui se sont ouvertes aux iris à partir des années 1940 et se sont créé une place remarquable ; enfin le quatrième monde concerne l’ancien empire soviétique, il est apparu dès la disparition du Rideau de Fer et ne cesse de s’étendre avec un dynamisme surprenant mais sa véritable place n’est pas encore établie du fait de blocages dont l’origine est à rechercher dans la lourdeur de l’administration totalitaire.

Bien qu’elles se situent géographiquement à son exact opposé, l’Australie et la Nouvelle Zélande font partie de ce que l’on appelle globalement l’Occident. Ce sont des migrants venus d’Europe qui les ont peuplées et ils y ont apporté leur civilisation, laquelle n’a laissé qu’une portion congrue aux civilisations indigènes. Ce sont des immigrants, ou descendants d’immigrants britanniques qui ont créé là-bas leur petit monde des iris.

C’est une dame néo-zélandaise qui a amorcé la vogue des iris dans cette partie du monde. Elle a acquis une renommée mondiale au cours des années 1940/60. Elle cultivait une collection de plantes de l’hémisphère sud sur la côte sud-ouest de l’île du Nord, à peu près à mi-chemin entre la capitale, Auckland, tout au nord, et Wellington, tout au nord aussi, mais cette fois de la grande île de Sud. Elle était aussi une passionnée de l’hybridation et elle nous a donné un grand nombre de variétés dont on ne soupçonne pas toujours qu’elles proviennent des antipodes. Elle s’intéressait aux iris depuis le début des années 20. Elle a tout au cours de sa vie essayé d’obtenir de nouveaux coloris et elle s’était fixé le but d’obtenir un amoena rose parfait. Il semble qu’elle n’y soit véritablement parvenue qu’à la toute fin de sa vie trop brève, avec une variété qui fut aussi son chant du cygne : ‘Sunset Snows’ (1965). Dès son apparition cet iris a fait sensation. A Florence, en 67, il a obtenu la troisième place et celle de variété au coloris le plus original. Auparavant son ‘Pinnacle’ de 1945, une référence en matière d’amoena jaune, avait fait aussi grand bruit, et il se trouve encore dans de nombreux jardins. Dans une moindre mesure son ‘King Jester’ de 1945 fut aussi une réussite. Emily Jean Stevens a été une obtentrice féconde et les variétés qu’elle a enregistrées couvrent une période de trente années. Sa renommée s’est étendue bien loin de son île natale et, dans un moment où les transports n’étaient pas simples, elle a réussi le tour de force de placer ses iris partout dans le monde.

Après elle, et une période d’oubli, c’est Ron Busch qui a repris le flambeau. Cet homme, un peu touche-à-tout, a multiplié les enregistrements mais n’a atteint le haut niveau que dans les années 2000. Il s’est activé dans toutes les directions, et parmi ses nombreuses réalisations on peut citer ‘Irwell Tribute’ ou ‘Irwell Waltz Time’ (2010).

A la suite de ce franc-tireur de Ron Busch, c’est un couple d’hybrideurs plus jeunes qui a pris la succession. Ce sont les Nicoll, Alison et David, Leur première variété enregistrée, ‘It’s a Try’ (Alison Nicoll 99) fut peut-être un essai, mais, au pays du rugby, c’est un essai transformé, car il augurait bien de ce qui allait venir après. Les Nicoll ont déjà à leur actif un nombre important de nouveaux iris, dans un choix de coloris qui pose la question des pistes de recherche qu’ils ont décidé de suivre. Ils nous donneront encore beaucoup d’iris car ils n’ont épuisé ni leurs ressources ni leur enthousiasme. Avec eux et avec quelques autres comme le non-professionnel Eric Braybrook, qui leur tiennent compagnie, la Nouvelle Zélande continuera de tenir sa place dans le monde des iris. Une place bien plus importante que ne le laisserait supposer la faible population de cet archipel.

(à suivre) 

Illustrations : 

· ‘King Jester’ (Stevens, 1945) 

· ‘Irwell Waltz Time’ (Busch, 2010 ) 


· ‘Sphagnum’ (Nicoll D., 2005) 


· ‘Mission Song’ (Braybrook, 2010)

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