20.6.14

LA SAGA SCHREINER

Petite affaire deviendra grande 

 La saga des Schreiner commence en 1915, quand François Xavier Schreiner, qui travaille dans un grand magasin de St Paul, dans le Minnesota, tout au nord des États-Unis, décide d'aller s'installer à la campagne pour se consacrer à sa passion du jardinage. Cependant ce n'est qu'en 1920 qu'il commencera à s'intéresser aux iris à la suite d'une rencontre fortuite avec John Wister, le fondateur de l'AIS. Cette rencontre sera déterminante pour le restant de sa vie et pour celle de sa famille. Très vite il se constitue une belle collection d'iris et envisage d'en faire son activité principale. A l'époque les iris étaient encore peu répandus en Amérique et F. X. Schreiner a compris qu'il y avait une belle opportunité de concilier sa nouvelle passion et les affaires de sa famille. Il se met donc à la recherche d'un maximum de variétés. Il les trouve ici ou là dans le pays qu'il parcourt pour cela en tous sens. Pendant ses absences, c'est à son fils aîné Robert qu'il confie la tâche délicate de faire prospérer les plantes sous l'âpre climat du Minnesota. A ce propos voici ce qu'on lit dans Wikipedia sur le climat de cet État très continental : « Les saisons d'hiver et d'été sont très prononcées dans le Minnesota. En hiver, il fait notoirement froid et les chutes de neige sont fréquentes. Au contraire, comme dans la plupart des États continentaux des États-Unis, les étés sont chauds et humides. L'humidité est prononcée aussi à cause du grand nombre de lacs (plus de douze mille dans l'État). Aussi, il y a fréquemment des orages au printemps, en été et quelquefois en automne. Ces orages peuvent se transformer en tornades et donner lieu à des chutes de grêle. Le printemps et l'automne ne durent pas longtemps. » Ce n'est pas là les conditions idéales pour cultiver les grands iris !

Le jeune Robert Schreiner, qui prend les choses à cœur, se renseigne abondamment sur les iris : il étudie tous les documents qu'il trouve et se passionne nettement pour les espèces botaniques dont il recherche – et se procure – toutes les graines disponibles à travers le monde. Robert, alias « Bob », est ainsi devenu un des meilleurs connaisseurs des iris de son époque.

 Pour ce qui est des affaires, elles démarrent vraiment en 1925, avec la publication d'une liste de variétés avec leur prix de vente. Environs 500 variétés sont cultivées sur 4 hectares, et les ventes contribueront à développer les acquisitions et l'entretien de la pépinière. Il faudra attendre cependant 1928 pour voir la publication d'un véritable catalogue, en noir et blanc et sans illustrations. Mais l'entreprise est en pleine expansion.

Avant de mourir, prématurément, en 1931, François Xavier Schreiner a donné deux avis précieux à ses trois enfants : 1) « Si vous vous sentez capables de travailler ensemble, le commerce des iris peut être pour vous une excellente affaire. » 2) « Si vous continuez l'aventure, il faudrait que vous envisagiez de la transférer dans une région dont le climat serait plus favorable. » Tous les trois ont décidé de poursuivre la route ensemble. Robert « Bob » a abandonné ses études de botanique à l'Université du Minnesota pour se consacrer intégralement à l'affaire familiale ; Constance « Connie » y a travaillé à mi-temps en attendant son entrée à l'Université ; Bernard « Gus » travaillait dans les champs pendant les vacances. Dans la nouvelle organisation, Robert a choisi la tâche de manager général ; Connie s’est chargée de la partie administrative ; Gus, est devenu le jardinier en chef. Cette répartition était si parfaite qu’elle a duré jusqu’à la disparition de chacun des trois, et qu’elle a été reprise ensuite par les héritiers qui continuent le job.

 La seconde recommandation du patriarche s'est révélée indispensable après les fameuses tempêtes de sable de l'année 1930 qui ont dévasté les plantations d'iris, et une tornade, l'année suivante, qui a aggravé la situation. Bob, méticuleux, a étudié les différentes implantations possibles, avant que l'équipe ne se décide à prendre la route de l'Oregon. Mais l'installation définitive dans la vallée de la Willamette, un emplacement idéal, n'a eu lieu qu'en 1947. La propriété faisait 60 hectares : elle est toujours le siège social de l'entreprise, dans le quartier de Quinaby, dans le nord de Salem. Toutes les conditions y étaient réunies pour que la Maison Schreiner se développe en toute tranquillité.

 Croître et embellir

 Malgré cette implantation parfaite et les conditions idéales de culture, tout n’est pas rose pour les Schreiner. Si les années 50 et 60 ont été celle d'un développement constant et maîtrisé, les années 70 vont être décevantes et, surtout, marquées par le décès de Connie, en 1971. Heureusement pour la famille, Gus ne manque pas de descendance. Il a 8 enfants ! Quatre filles et quatre garçons, et c’est son fils Ray qui va entrer dans l’équipe dirigeante.

 Malgré des obtentions superbes et chaque année plus nombreuses, il va s’écouler seize ans sans que la maison Schreiner ne parvienne au sommet du palmarès… La concurrence est rude et les choix des juges terriblement indécis. Au cours des années 70, les Schreiner vont mettre sur le marché plus de 150 variétés nouvelles dans toutes les catégories, mais essentiellement dans celle de grands iris barbus. Et aucune récompense majeure ! Ce n’est pourtant pas les choses intéressantes qui manquent ! Qu’on en juge : 'Grand Waltz' en 70, qui a frôlé la DM en 76 et 77, 'Posttime' en 71 (AM74), 'Peach Frost' en 72 (AM75), 'Spartan' en 73 (AM76), 'Gay Parasol' en 74 (AM 77), 'Navy Strut' en 74 également (AM77), 'Gold Trimmings' en 75 (AM 78), mais aucune variété de 1976 ayant atteint l’AM, 'Lacy Snowflake' en 77 (AM82), 'Gold Galore' en 78 (AM 82) ou 'Pacific Mist' en 79 (AM84). Ce n’est qu’en 1984 que le signe indien sera vaincu, avec le triomphe de Victoria Falls (1977). Cette longue attente de la consécration montre bien l'énorme difficulté (ou l'énorme chance) qui caractérise l'obtention d'une Médaille de Dykes, selon un système terriblement sélectif et très souvent marqué par le conservatisme des juges.

 Mais au moment où les choses commencent à s'arranger, une nouvelle disparition va de nouveau amputer la trinité Schreiner. La mort de Gus en 1982 ouvre la porte à ses enfants Steve et Liz qui entrent au staff directeur. Dans le même temps cependant l'intérêt pour les iris s'est considérablement développé. Plusieurs grosses entreprises (et un grand nombre de plus petites) se partages un marché en expansion et distribuent chaque année des milliers d'iris. Les Schreiner sont dans le coup et leur pépinière dépasse les 40 hectares et continue de s'étendre ! Les succès, au plan commercial comme au plan horticole vont se succéder d'une manière jamais rencontrée dans l'histoire des iris. 1984 sera marquée non seulement par la DM de 'Victoria Falls', mais aussi par le Fiorino d’Oro attribué à 'Titan’s Glory'. Cette variété connaîtra un nouveau succès en recevant la DM en 1988. La suprématie de la Maison Schreiner continuera par une série de six Médailles de Dykes en neuf ans ! 'Dusky Challenger' en 1992, 'Silverado' en 1994, 'Honky Tonk Blues' en 1995, 'Hello Darkness' en 1999, puis 'Yaquina Blue' en 2001 et 'Celebration Song' en 2003.

 Pendant les années 1980 la troisième génération de la famille a pris le pouvoir. David, le fils de Bob tient le rôle principal. Tom Abrego, le gendre de David, s'occupe de la comptabilité et supervise le catalogue et la publicité. Si le décès de Bob, l’ancêtre, en 2002, marque la fin d’une époque, la vie continue. En 2011 David et Tom vont se retirer et une nouvelle page de la saga va commencer à s'écrire.

 Éclipse et renouveau 

L'entreprise fonctionne avec la régularité d’une horloge, avec chaque année un choix d’une quinzaine de nouveautés dans un panel immuable de coloris. Chez Schreiner, on fabrique maintenant les iris à la chaîne. Commercialement cela marche, les nouveaux iris sont irréprochables, avec des fleurs plantureuses et des plantes qui ne donnent pas de soucis, mais l’innovation est devenue rare. D’ailleurs d’autres hybrideurs s’installent aux premières places : Keppel est enfin reconnu à sa juste valeur, Lauer, Kerr, Black, Tasco, Duncan ou Johnson trustent les récompenses. Schreiner est entré dans une phase plus modeste en ce qui concerne l'hybridation. Mais commercialement elle a tiré un évident profit de la disparition inattendue de sa principale concurrente Cooley. Elle en a racheté les terres et dispose aujourd'hui de 200 acres de cultures (80 hectares) : commercialement elle n'a plus de véritable rivale.

Ce temps de repos dans la production d'iris nouveaux et originaux a duré dix ans environ. Mais il semble que la vieille firme de Salem soit entrée dans une nouvelle phase de son existence. Car le catalogue 2014 est largement rajeuni, avec des nouvelles variétés plus inventives. Espérons que ce mouvement va se poursuivre car il était un peu décevant de constater que la plus belle entreprise du secteur, la maison aux sept Médailles de Dykes, se contentait d'être un supermarché de l'iris.

Illustrations 


'Grand Waltz' (Schreiner, 1970) 


'Victoria Falls' (Schreiner, 1977) 



'Celebration Song' (Schreiner, 1993) 


'Fortunate Son' (Schreiner, 2006)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est très intéressant de noter que la semaine de parution de cet article consacré à la famille Scheiners, en manque de récompense majeure depuis quelques années, elle obtient le premier prix à Florence pour une variété d'aspect classique. C'est vrai que le catalogue 2014 était plus attractif que ceux des années précédentes.
Aure évolution de 2014: l'introduction (première mise sur le marché)par Schreiner's de quelques variétés d'Iris intermédiaires de P. Black qui ne figurent pas au catalogue de Mid America.

J.C. JACOB

Anonyme a dit…

Grossière erreur de ma part: il ne s'agiti pas d'I.B. de P. Black introduits par Scheiner's, mais de 5 S.D.B..

Avec toutes mes excuses

J.C. Jacob