6.12.14

A CHACUN SON DISTALLATA

Dans ces chroniques il a déjà été plusieurs fois questions de ce modèle d’iris que ses créateurs ont baptisé « distallata ». C’est un modèle qui rencontre un succès considérable auprès des hybrideurs et que ne dédaignent pas les collectionneurs, si bien que maintenant chaque catalogue comporte au moins un, sinon plusieurs, distallatas. Rappelons en quoi consiste ce modèle. Les pétales sont blancs (ou légèrement touché de pigments caroténoïdes), de même que les sépales, mais ceux-ci s’agrémentent d’une couche centrale de couleur, qui peut être du jaune ou de l’orangé clair, à laquelle s’ajoutent de fines rayures bleues ou violacées, partant de la barbe et s’étirant plus ou moins vers le bord. Les inventeurs de ce modèle (on parle d’inventeurs comme s’il s’agissait d’un trésor mis au jour par quelque Indiana Jones du monde des iris) sont deux briscards de l’hybridation et amis de longue date, Joë Ghio, de Californie, et Keith Keppel, de l’Oregon.

Aujourd'hui il est temps de faire le point sur la diffusion de ce modèle. Les deux maîtres Ghio et Keppel, un nouvelle fois complices, ont élaboré une savante salade génétique dont est issu ce modèle de fleur. Comme à chaque fois qu'apparaît quelque chose de nouveau, ou que se perfectionne quelque chose de plus ancien, il y a immédiatement chez tous ceux qui ne sont pas à l'origine du changement, une émulation qui les pousse à mettre au plus vite sur le marché leurs propres cultivars du modèle en question. C'est à la fois une question d' honneur et de business. A partir des trois variétés maîtresses que sont ‘Fancy Tales’ (Shoop 80), ‘Strawberry Sundae’ (Schmelzer 77) et ‘Cinnamon Sun’ (Hamner 93), Ghio et Keppel ont sélectionné des iris qui ont donné naissance à un nouveau modèle de fleur, qui tient à la fois du bicolore et du plicata. Chez Ghio la progression s’écrit comme suit : ‘Puccini’ (1998) → ‘Prototype’ (2000) -> ‘Exposé’ (2003) -> ‘Magic Happens’ (2005). Keppel a commencé par ‘Quandary’ (2001), puis a attendu quelques temps avant de profiter des aptitudes des obtentions de Barry Blyth dont il va être question plus loin.

 La mode ainsi lancée, plusieurs hybrideurs confirmés vont commercialiser des distallatas de leur cru. A commencer par Paul Black qui présente en 2005 'Conjuring Cat', un vrai distallata qu’on peut qualifier de classique, descendant de ‘Fancy Tales’. Viendra ensuite 'Carnival of Color' (2009), avec des pétales blanc rosé ourlés d’abricot, et des sépales blanc rosé, largement bordés d’abricot et veinés de violet, avec de belles barbes orange vif : le modèle a un peu évolué et offre des couleurs plus tranchées. Tom Johnson, n'est pas en reste, il propose ‘Painter’s Touch’ (2009), lui aussi plus riche en couleur : pétales blancs finement liserés d’or, sépales blancs également, marqués d’orange aux épaules et largement lavés et veinés d’indigo.

En Australie, Barry Blyth a lui-même obtenu des distallatas en partant de 'Kissable You' (2010), un distallata pur jus dont les antécédents ne laissent apparemment pas supposer l'apparition du modèle. Il provient en effet de deux classiques bicolores rose/lavande, 'Poem of Ecstasy' (Hager, 1995), d'une part et 'Cameo Dawn' (Blyth, 2003) d'autre part, associés à 'Decadence'. 'Are we in Love' (Blyth, 2010) est aussi un distallata, mais sur fond rose, ce qui est une nouveauté. Là non plus, le pedigree ne conduit pas, a priori, vers le modèle distallata, mais avec ces deux origines Blyth peut espérer enrichir rapidement le modèle. Il a d'ailleurs commencé avec 'Matters of the Heart' (2011), sur fond rose pêche. Il est rejoint par son ami Keppel qui s'est servi de 'Are we in Love' pour proposer 'Cotillion Gown (2012), lequel, cette fois, est sur fond jaune.

A Salem (Oregon) le modèle distallata a excité bien des obtenteurs. À commencer par Paul Black, le voisin de K. Keppel qui, après ses débuts de 2005, avec 'Bargain Hunter' (2010) est arrivé à quelque chose de nouveau, à partir d'une association d'amoenas blanc/violet. Il a aussi découvert que 'Goldkist' (1993) – ancêtre indirect de 'Bargain Hunter' - pouvait être considéré comme une amorce de distallata. Mais c'est Tom Johnson qui a travaillé sur cette base. 'Wild Angel' (2006) en est le premier résultat et cette variété a obtenu un immense succès dès sa mise sur le marché. C'est une sorte de distallata, du genre diffus, variante, donc, du modèle original. 'Stir it up' (2010) continue sur cette lancée. 'Insaniac' (2012), fils de 'Painter's Touch', en accentue les caractères. Joë Ghio, l'un des inventeurs du modèle, a poursuivi son travail. 'Expect Wonders' (2008) est bien dans la même lignée, même si son pedigree a été perdu. Quant à 'Smart Money' (2009), les traces violettes y sont ténues et quelquefois absentes, mais en général il présente bien les traits du modèle. Son descendant 'Spiral Galaxy' (2013) les montre sur fond jaune, un peu comme chez 'Cotillion Gown'. Bruce Filardi, autre hybrideur de la côte ouest, n'a pas hésité à utiliser 'Quandary' et 'Puccini' pour se fabriquer un panel de distallatas dans lequel on trouve des « purs » distallatas comme 'Quizotic' (2008) ou des dérivés comme 'Queen Empress' (2005) ou 'Quizzical' (2008). Plus au sud, en Californie, Roger Duncan n'est pas en reste. Avec 'Arctic Burst' (2008), enfant de 'Puccini', et 'Brainstorm' (2012), il a rejoint le cercle des « distallateurs ». Le texan Burseen y a également pris sa place dès 2006 avec 'Serious Sighs'. Son 'Tropical Cooler' (2005), qui vient de 'Puccini' et 'Goldkist' peut être classé parmi les distallatas (version vivement colorée), de même que 'Sammies Jammies' (2009), sur fond orangé.

On pourrait trouver d'autres exemple de la multiplication des distallatas. Ils font partie intégrante, maintenant, de la panoplie des hybrideurs. On peut être assuré que les Européens ne tarderont pas à se joindre à ceux qui ont déjà mis ce modèle à leur curriculum vitae.

Illustrations : 


- 'Kissable You' 


- 'Insaniac' 

- 'Smart Money' 


- 'Serious Sighs'

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