Maintenant, tout le monde connaît 'Mystique' (Ghio, 1972), non seulement parce qu'il a obtenu la Médaille de Dykes en 1980 (la seule recueillie par un iris de chez Ghio) – et un beau succès commercial - , mais aussi, et surtout pour sa couleur. Quand 'Mystique' est apparu sur le marché, cela a fait l'effet d'une bombe : on n'avait jamais vu un bleu de cette teinte. Ce n'est pas la description qui en est donnée dans le formulaire d'enregistrement qui est spectaculaire : « Pétales bleu clair, bleu pourpré profond sur les côtes ; sépales bleu pourpré profond ; barbes bleues », mais la réalité l'est réellement. Je suppose que Joë Ghio a eu un choc au cœur quand il a vu éclore la première fleur. Il avait sous les yeux quelque-chose d'exceptionnel. Ce qu'il a considéré comme « bleu pourpré profond » est en effet un bleu encore jamais vu. Des iris bleus, il y en avait déjà des centaines, peut-être des milliers ; des iris bleu pourpré, il y en avait certainement encore plus, car c'est vraiment une teinte de base dans le monde des iris, mais le bleu pourpré de 'Mystique' atteignait l'exceptionnel. C'est une teinte qui a la noblesse un peu froide de tous les bleus, mais elle est réchauffée par une tonalité sombre et intrigante qui séduit dès le premier regard.
Le pedigree de cette merveille est le suivant : ((((Frosted Starlight x (Spanish Peaks x Black Satin)) x ((Cahokia x Pierre Menard) x (Black Forest x Chivalry))) x Penthouse) x (Mahalo x Diplomacy)) X Veneration. Un mot de chacune des variétés en présence :
'Frosted Starlight' (Ghio, 1961) est un bleu pâle issu du blanc 'New Snow' et du fameux bleu vif 'Chivalry' ;
'Spanish Peaks' (Loomis, 1947) est ce qu'on pourrait appelé, par comparaison avec ce qui se dit d'un vin, un blanc de blanc ;
'Black Satin' (Nesmith, 1950), en bleu sombre, descend de 'Black Forest' dont on va parler un peu plus loin ;
les deux frères 'Cahokia' (Faught, 1946) et 'Pierre Menard' (Faught, 1948) sont considérés comme étant à la base de tous les iris bleus modernes ;
'Black Forest' fait aussi partie des basiques ; quand on parle d'iris « noir », on ne peut pas échapper à ce 'Black Forest' (Schreiner, 1944) ;
Avec 'Chivalry' (Wills, 1943) : on reste dans les incontournables. Voici ce qu'en dit Melba Hamblen dans un texte publié au Bulletin de l'AIS d'avril 1961 : « Introduit par Jesse Wills en 1944, il a décollé vers la renommée et l'immortalité, enlevant la Médaille de Dykes en 1947 et s'installant dans le Symposium dès 1945. En tant que précurseur de bonnes choses à venir, 'Chivalry' a accompli sa destinée, apportant dans les bleus substance, ondulations et forme éprouvée. Probablement aucun autre iris, sauf peut-être 'Snow Flurry', n'a été aussi souvent utilisé comme parent ; et indubitablement aucun autre croisement que (Snow Flurry X Chivalry) n'a été répété autant de fois et aussi avantageusement. »
'Penthouse' (Ghio, 1967), en amoena bleu, est le moins connu des géniteurs en cause ;
'Mahalo' (Ghio, 1964) doit être, avec 'Diplomacy', celui dont le coloris est le plus proche de celui de 'Mystique' ;
'Diplomacy' (Keppel, 1965), un néglecta issu de 'Whole Cloth' ;
'Veneration' (Ghio, 1969), autre néglecta, fils présumé de 'Diplomacy' qui vient d'être cité.
Si les parents de 'Mystique' sont parmi les plus remarquables de leur époque, il n'est pas étonnant que 'Mystique' soit lui-même un des piliers de l'iridophilie moderne, car, comme on dit, les chiens ne font pas des chats. Cela se confirme quand on voit la liste de ses descendants.
On en trouve chez tous les bons faiseurs des années 1980/90, comme Aitken, Black, Blyth, Ghio, Innerst, Keppel, Kerr, les Dunn (Mary et Robert), les Schreiner ; en Grande Bretagne Nichol et Dodsworth, et en France Pierre Anfosso et Lawrence Ransom... Il n'est pas question de les citer tous, mais on peut néanmoins parler de :
'Claude-Louis Gayrard' (Ransom, 1996), excellent amoena inversé ;
'Congratulations' (Keppel, 1982, bitone bleu lumineux ;
'Divine' (M. Dunn, 1988), si proche de 'Mystique' ;
'Gyro' (Aitken, 1989), vjolet moyen ;
'Oklahoma Crude' (Black, 1989), deux tons de bleu profond ;
'Special Mozart' (P. Anfosso, 1991), tendrement mauve parme ;
'Success Story' (Ghio, 1987) amoena violet pourpré ;
'Trenwith' (Nichol, 1985) amoena indigo tendre.
Mais il y en a plein d'autres dont beaucoup ont acquis une renommée internationale. Et, forcément, aux générations suivantes, les gènes de 'Mystique' se trouvent dans une multitude de variétés, dans les tons de bleu, en majorité, mais aussi dans toutes sortes de couleurs.
Il y a un certain nombre de variétés, comme ça, que l'on peut qualifier de pierres angulaires, incontournables. Mais tous les amateurs d'iris doivent connaître (et si possible cultiver) ce 'Mystique', d'un bleu délicieux et inoubliable.
Illustrations :
'Mystique'
'Spanish Peaks'
'Diplomacy'
'Claude-Louis Gayrard'
'Oklahoma Crude'
2 commentaires:
Je suis bien d'accord, Sylvain. Quand il a été introduit, cet iris m'a tapé à l'œil, et je me le suis aussitôt procuré. C'est un de mes anciens que je regrette le plus.
Voilà, si les mots avaient un sens ce qu'il serait convenu d'appeler un iris "historique"
"Historique" dans le sens de "qui a marqué l'histoire", oui. Tel n'est pas le sens donné par les Américains, chez qui cela signifie "qui a été enregistré il y a au moins trente ans". L'un n'empêche pas l'autre, heureusement.
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