Depuis peu de temps je participe au fleurissement d'un commune rurale, celle à qui j'ai fait don de ma collection personnelle d'iris, et quand il est question de choisir des espèces et des variétés de plantes d'ornement je constate que les iris ne figurent pas parmi celles que l'on peut utiliser très facilement dans le simple but de les disposer le long des rues et sur les places.
Il existe de nombreux villages qui depuis quelques années ont fait le choix de fleurir agréablement l'espace public. Dans ma région j'en connais plusieurs, le plus emblématique étant sans doute Chédigny, toute petite commune d'Indre et Loire, à proximité de la ville de Loches. Cela fait déjà un bon bout de temps que son Conseil Municipal a décidé de faire du village une « Cité de la Rose » et, par la même occasion, de transformer les trottoirs goudronnés et les abords des maisons en espaces fleuris, ce qui, entre autre, avait l'avantage avant que cela ne devienne obligatoire, de faire cesser l'usage des herbicides et autres produits phytosanitaires. Bien des arbustes ou de grandes vivaces y ont été plantés, avec un goût et une élégance rares. C'est le cas des hémérocalles (en particulier la fameuse variété 'Rio de Oro'), des roses trémières, des géraniums vivaces, des achillées, des asters ou encore des gauras et bien d'autres plantes, mais on n'y trouve guère d'iris. Les seules que j'y ai vu en une certaine abondance sont les habituelles touffes de 'Zantha', comme on en trouve un peu partout, ainsi que les traditionnels Iris pallida bleu tendre. La raison de cette absence de variétés modernes tient essentiellement au fait que celles-ci n'ont qu'une floraison brève et sont des plantes qui, par leur splendeur, attirent trop souvent la convoitise des habitants (ou des visiteurs) qui se servent là où c'est possible.
Ce constat m'a conduit à réfléchir à la manière de faire apparaître les iris dans le panel des plantes de rue. Je me suis dit qu'il faudrait des iris à développement rapide mais pas trop encombrants, qui fleurissent beaucoup, avec des fleurs petites mais nombreuses, jolies mais pas trop spectaculaires, bref ce qui existe déjà chez les rosiers et les hémérocalles. Cette description correspond à peu près à celle de la variété 'Dolce' (Black, 2003). Paul Black a mis au point un iris qui prend place entre les TB et les IB mais qui n'est ni un BB ni un MTB. 'Dolce' a été la première variété de ce genre à être enregistrée. Elle a été classée, à défaut d'autre chose, parmi la catégorie fourre-tout des SPEC-X qui est sensée rassembler les plantes issue directement d'un croisement interspécifique. Mais 'Dolce' n'est pas exactement dans ce cas. Son pedigree en apporte la preuve : (Northern Jewel x 91196A: (8864B: (( Navy Waves x Bride's Halo) x sibling) x C. Palmer aphylla seedling)) X B194C: (Abridged Version x 91135D: ((Center Fold x Wings of Dreams) x Birthday Gift)). Dans cette équipe il n'y a aucune espèce proprement dite mais des variétés et des croisements dont un de I. aphylla réalisé par Cleo Palmer.
A ma connaissance 'Dolce' pousse bien, fleurit beaucoup et n'est pas trop encombrant. En revanche on ne peut pas s'extasier sur son coloris, d'un rose assez terne et banal. Ce sont les caractéristiques apportées par I. aphylla qui font tout l'intérêt de 'Dolce' et de ses descendants comme 'Bundle of Love' (Black, 2007). Ce dernier a la taille d’un BB (65 cm), les fleurs d’un IB, et la floribondité d’un TB. Loïc Tasquier, aux Pays-Bas, s'est dès le départ intéressé à cette nouvelle catégorie d'iris pas encore dénommée. Il est parti du travail de Paul Black auquel il a ajouté des initiatives de son cru, notamment en ajoutant à son cocktail un trait de MTB tétraploïde issu en grande partie de I. aphylla. Il a obtenu un certain nombre de variétés – pas encore enregistrées - qui correspondent aux nouveaux critères, avec des caractéristiques intéressantes, en particulier pour ce qui est des coloris. Cependant les autres obtenteurs restent prudents et ne se sont pas lancés dans l'aventure, de sorte que les iris qui conviendraient à mon projet restent peu nombreux avec une dominante dans les tons de rose (voir néanmoins un iris blanc à barbe rouge baptisé 'Arctic Wind' (Black, 2005) et un brun rouge : 'Devil's Delight' (2014).
En dépit de ces premières approches, les « iris de rue » n'existent pas encore. Il faudrait créer entre les hybrideurs une sorte d'émulation afin qu'ils travaillent à la création de ces plantes. Je me dis que la SFIB, dans son rôle de promotion des tous les iris, pourrait les inciter à travailler sur ce thème en créant une compétition pour récompenser ceux qui feraient l'effort de se lancer dans cette création. Il est certain que ce travail serait un peu moins prestigieux que celui consistant à inventer de somptueux grands iris, mais, d'un point de vue plus terre-à-terre, il pourrait aussi y avoir là un intérêt économique non négligeable car de plus en plus de collectivités territoriales auront à cœur de fleurir leurs artères et leurs jardins publics. Et pourquoi pas y planter des iris ?
Iconographie :
'Bundle of Love'
'Arctic Wind'
'Devil's Delight'
semis Tasquier i681A
3 commentaires:
Bonjour Sylvain,
tu dis que j’ai suivi Paul Black, en fait c’est plutôt Jim et Vicki Craig (qui eux ont suivi Hager) que j’ai suivis
j’ai travaillé avec'Step Ahead','Smash','Elegant Lass','Sun Spirit' , 'Minion' et'Spell',des Craig (qui en sont sont redevables aux iris de Hager)
Ils me donnent de quoi esperer, plus que'Dolce', qui a des feuilles moches, et qui passe ce defaut, aphylla oblige...
j’ai aussi beaucoup utilisé:
'Mon Prince', de Peyrard, (redevable à Hager)
'Coral Capers' de Aitken, (redevable à Hager)
'Aglow Again' de Fisher, (redevable aux Craig)
'Red Trooper' aussi de Fisher, (redevable à Hager)
'Silgrey’s Beauty' de Varner,
'Aylesford' et 'Dover Castle' de Olga Wells(redevables aux Craig)
'Tic Tac Toe' de Johnson(redevable aux Craig)
tu vois, la liste est longue!
promène toi dans leurs parentés, tu n’en reviendras pas!
Loïc
Bonjour,
on pourrait aussi les appeler des ''iris paysagers''...
Pour ceux qui s'intéressent aussi aux rosiers ils pourraient correspondre aux variétés diffusées par l'éditeur Verdia, les 'Emera', 'Opalia', 'Vesuvia' et consorts.
C'est un des possibles avenir des iris, la base génétique semble exister, la clientèle...Pour l'instant elle n'existe pas. Où peu.
L'enthousiasme des hybrideurs est modéré, il pourrait y avoir quelque chose à faire... Mais comme dans bien d'autres domaines l'époque est au spectaculaire, alors wait and see !
À noter que chez moi 'Dolce' n'a jamais fait des miracles, par contre 'Janneton', dans le même style mais en jaune, de notre ami Loïc, lui pousse très bien...
Merci pour cet article Sylvain, comme toi ce type d'iris, j'y crois .... Mais sur le très très long terme, il reste un boulot de sélection colossale pour arriver à un iris comparable aux rosiers ci-dessus cités.
À une prochaine.
Jérôme B.
A Jérôme B.
Je me doutais que cet article t'intéresserait. J'étais encore aujourd'hui à Champigny, le village à qui j'ai donné ma collection d'iris. J'ai encore regretté que les rues ne puissent pas encore disposer d'iris "paysagers".
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