Nos jardins regorgent d'iris originaires des Etats-Unis ou d'Australie ; bientôt ce sont les variétés d'Europe Orientale voire de Russie et d'Ukraine qui peupleront nos bordures. Mais je ne connais pas de jardin où dominent les variétés françaises. Pourtant ce n'est pas ce qui manque ! Et la qualité de ces iris français n'est pas absente, comme en témoigne les beaux résultats des hybrideurs de notre pays dans les compétitions européennes, à Florence à Munich ou à Vincennes (Parc Floral de Paris). Pourquoi pas se lancer dans une collection d'iris obtenus en France par nos compatriotes ? Ils sont aujourd'hui au moins dix à commercialiser leurs obtentions , il n'y a donc que l'embarras du choix !
Une collection fut-elle débutante, se doit de posséder au moins une variétés de chaque couleur et de chaque modèle. Pour se limiter nous en resterons à une vingtaine d'iris (23 exactement), récents, couvrant tout le spectre des couleurs que l'on peut trouver chez nous. Je sais, cela va faire des déçus : ceux qui ne trouveront pas au moins l'un de leurs iris dans la présente liste, mais c'est la règle du jeu ! Et il faut se souvenir de ce qu'il existe bien d'autres belles fleurs qui pourraient aussi bien être citées.
Commençons par le blanc. Je propose une variété qui a séduit les juges du concours Franciris de 2005, autant pour sa blancheur parfaite que pour ses fleurs remarquablement dessinées. Il s'agit de 'Gwennaden' (Madoré, 2001). Ce n'est pas une variété absolument récente, mais elle me paraît toujours digne de figurer dans ce florilège.
En jaune j'ai choisi 'Macao' (Laporte, 2009). Issu du croisement 'Magic Kingdom' X 'Lorenzaccio De Médicis', c'est un jaune profond aux sépales griffés de brun, ce qui lui donne du « peps ». Bernard Laporte a obtenu d'autres iris jaunes très intéressants, comme 'Féria de Nîmes' (2006) par exemple.
Du jaune, passons au brun. Pour ce coloris, j'hésite entre deux fort beaux iris : le fameux 'Lumière d'Automne' (L. Anfosso pour Eric Besse, 2009) et 'Tabac Blond' (R. Cayeux, 2006). Le premier a eu une histoire compliquée du fait qu'il n'a pas été enregistré lors de sa mise sur le marché et que ce n'est qu'à la suite d'une demande très vive des collectionneurs qu'il a reçu la consécration officielle. Le second, plus banal, est néanmoins un bel exemple du talent de Richard Cayeux.
On peut passer à l'orange ? Dans ce coloris ingrat (chez les iris, je précise) les obtenteurs bretons se distinguent nettement. Gérard Madoré d'abord puis Alain Chapelle nous ont donnés de très beaux spécimens, c'est pourquoi je choisis 'Baisers Dorés' (Chapelle, 2016), un orange intégral flamboyant, issu de 'Game Plan' X 'Leading Light'. Une réussite.
'Terre de Feu' (Cayeux, 1997) a déjà 20 ans. Cela ne lui enlève rien de sa rutilance, en cuivre rouge centré de bleu métallique ; un coloris qu'on ne rencontre pas souvent.
Dans les rouges il faut commencer par le ton magenta et dans ce cas je succombe à mon affection pour 'Mamy Framboise' (V. Fur/B. Laporte, 2004). Non seulement c'est un iris aux vives couleurs, mais c'est aussi une plante sans problème, qui pousse vite et bien.
Dans un ton plus soutenu, il faut se décider entre le « vieux » 'Rive Gauche Paris' et son cadet 'Bouschet' (Laporte 2006). 'Rive Gauche" (obtenu par Vivette Sazio en 1993) a été enregistré sous le nom de 'Rive Gauche Paris' par Laure Anfosso en 2012. Il est un peu paresseux pour se développer, mais quelle couleur ! Il se trouve au pedigree de 'Bouschet', lequel a hérité de ses riches atours, mais bénéficie d'un pousse plus rapide.
Dans la famille -nombreuse - des iris violets, je désigne 'Confiserie' (R. Cayeux, 2016). Un peu court sur patte, mais richement coloré, avec une teinte un peu rosée, très agréable. Son frère de semis 'Attirance' (2016), n'est pas mal non plus, et lui ressemble comme un jumeau !
Le mauve est une couleur délicieuse, depuis toujours associée aux iris. L'un de ses champions a été Larry Gaulter. Chez nous, l'un de ceux a qui cette couleur a le mieux réussi est Lawrence Ransom. Son 'Marie Kalfayan' (1994), avec une barbe orange qui lui donne du nerf, mérite tout à fait de figurer dans cette liste.
Le même contraste entre la barbe et le reste de la fleur se retrouve chez le bleu clair 'Princesse Caroline de Monaco' (R. Cayeux, 1997). C'est une plante qui, pour moi, a toute les qualités. Je ne suis pas seul à penser comme ça car il semble bien qu'elle a reçu un formidable accueil partout dans le monde.
Je propose un autre iris de Richard Cayeux pour illustrer le coloris bleu vif. 'Grand Amiral' (1999). Cette grande et belle fleur a fait ses preuves et semble réussir un peu partout. Descendant de deux bleus des plus appréciés, 'Memphis Blue' et 'Sapphire Hills', c'est un bel exemple d'une utilisation judicieuse de l'endogamie.
La tulipe noire a fait s'entretuer les amateurs pendant le 18eme siècle. Aujourd'hui l'iris noir relève presque du même défi : la nature ne sait pas faire naturellement des fleurs noires. Qu'à cela ne tienne, les hybrideurs les plus réputés ont pris l'affaire à bras le corps et obtenus des fleurs qui, maintenant, parviennent presque à la perfection. Parmi les obtentions françaises récentes, j'en ai repéré deux qui ont leur place dans cet article. 'Penhir' (G. Madoré, malheureusement non enregistré ) et 'Jais Moqueur' (A. Chapelle, 2016). Mais Bernard Laporte a lui aussi eu la main heureuse avec 'Dakar' (2009), enrichi d'éperons. Finalement, dans ce coloris difficile, nous voilà avec plus de prétendants qu'il n'y a de place !
Terminons-en avec les unicolores (ou « selfs » comme disent les américains) en parlant des iris roses. Il y a pléthore ! Après bien des hésitations, j'ai retenu 'Sensuelle' (Ransom, 1999) et 'Succès Fou' (R. Cayeux, 2000). Le premier affiche une touche d'orangé, mais cela n'est pas déplaisant et, comme toutes les obtentions de Lawrence Ransom, il a une classe incomparable. Le second, contemporain du précédent, oscille entre le rose « flamant » et le rose « corail ». Une fleur délicieuse.
Nous abordons maintenant les variétés bicolores. En commençant par les nombreux amoenas bleus. Je ne sais pas me décider entre plusieurs fleurs particulièrement belles : 'Barbe Noire' (Cayeux, 2012), 'Domino Noir' (R. Cayeux, 2012), et 'Princesse Laura' (Cancade, 2014). Non seulement les fleurs, avec un contraste bien vif, répondent parfaitement aux critères définissant les amoenas, mais encore les plantes elles-mêmes, en font des indispensables au jardin d'iris.
Chez les amoenas, il y a non seulement les bleus, mais il ne faut oublier ni les roses ni les jaunes. Cependant si, pour les bleus, faire un choix n'a pas été difficile, les autres couleurs m'ont davantage compliqué la vie. Pas trop pour les amoenas roses, catégorie pour laquelle j'ai désigné 'Chateau d'Auvers / Oise' (R. Cayeux, 2003) pour ses fraîches couleurs où le blanc pur voisine avec un ton d'abricot rosé très doux, avec de belles ondulations. Mais oui pour les jaunes chez qui je n'ai pas trouvé quelque chose d'enthousiasmant. 'Infusion Tilleul' (R. Cayeux, 2013) n'est pas exactement dans les clous, 'Cadran Lunaire' (J.C. Jacob, 2012) sera plutôt rangé parmi les distallatas. Je me suis rabattu sur des variétés avoisinantes, mais fort jolies : 'Ma Véronique' (R. Cayeux, 2013), où le jaune domine, ou 'Mireille Sanne' (Boulon, 2016) où c'est le blanc qui prend le dessus ne laissant au jaune que le haut des sépales.
Et les amoenas inversés ? Ce n'est pas un sujet qui a inspiré considérablement les hybrideurs français de ces dernières années. J'ai retenu deux variétés très réussies, qui se trouvent dans ma propre collection et dont j'ai pu apprécier les qualités végétatives et l'harmonie des coloris. Il s'agit de 'Lune Bleue' (M. Bersillon, 1999) en bleu lavande sur blanc bleuté, et de 'Somni' (R. Dejoux, 2008), subtil équilibre entre des pétales d'un jaune primevère très doux et des sépales bien blancs. Je n'ai pas osé citer 'Zone d'Ombre' (Ruaud, 2012) parce que j'en suis l'obtenteur et qu'il n'a pas été commercialisé jusqu'à présent.
Du côté des iris variegatas, on ne manque de rien ! Je choisis une variété toute récentes d'un jeune hybrideur qui doit aller loin : Stéphane Boivin. Il s'est fait remarquer aux deux derniers concours Franciris et chacune de ses obtentions retient l'attention. Cette fois je mets en avant 'Aime Bay'(2015). Issu de deux « must », 'Montmartre' et 'Décadence', c'est un variegata moderne, dans les tons de beige et de violet.
On revient à une obtention de Richard Cayeux pour la catégorie des bicolores. (Nelly Tardivier, 2012) a tout pour plaire, en particulier une association de couleurs originale, bien dans la mode d'aujourd'hui. C'est une variété qu'il ne faut pas rater !
Les plicatas font partie de mes iris favoris. Le nombre infini des variations qu'ils offrent permet de ne pas obligatoirement retenir un plicata violet sur fond blanc dont on peut dire qu'ils sont proposés trop souvent. Je préfère mettre ici une fleur de la production de feu Lawrence Ransom, chic et rare : 'Ma Dulcinée ' (2015). Impeccablement coiffé, piqueté et veiné de vieux rose lilacé (comme le dit la description officielle), c'est un joyau pour le jardin. Dans un modèle rencontré souvent ces temps derniers en Amérique, 'Fleur de feu' (R. Cayeux, 2012) n'est pas mal non plus.
Peut-on passer sous silence les « broken color » ? Je ne pense pas, c'est pourquoi j'ai retenu une variété originale et qui pousse bien : 'Rose-Linda Vasquez' (2007), obtenu dans le minuscule jardinet de l'hybrideuse éponyme. Cet iris qui mélange agréablement deux tons de bleu est aussi un iris à éperons ; il allie donc deux catégories très appréciées.
Apparue au début des années 2000, la catégorie nouvelle baptisée « distallata » s'est rapidement répandue dans notre petit monde. Chacun veut avoir le sien. J'ai pensé mettre à ce catalogue l'obtention du jeune Sébastien Cancade 'Martingale' (2014) que la famille Anfosso a décrit dans son catalogue comme « Blanc chaud sur sépales violet veiné et or autour de la barbe orange, ondulé et au parfum délicat ». J'ajoute une autre version, plus « soft », signée de Jean-Claude Jacob, 'Cadran Lunaire' (2012) mais dont je ne connais pas encore les qualités horticoles.
Terminons cet inventaire par les incontournables iris bleu-blan-rouge de la Maison Cayeux. Dans la longue liste des titulaires de cette appellation, je propose 'Ruban Bleu' (J. Cayeux, 1997), dernière variété enregistrée par Jean Cayeux, et cultivar admirable en tous points.
Ainsi s'achève cette collection d'iris français, très représentative de ce que nos hybrideurs nationaux peuvent offrir. Avec ces iris-là, vous pouvez être certains de vous constituer un jardin d'iris exceptionnel. Mais ne perdez pas de vue qu'il ne s'agit que d'un échantillonnage, forcément partial. Il y a bien d'autres variétés remarquables obtenues en France pendant ces vingt dernières années !
Iconographie :
'Gwennaden'
'Baisers Dorés'
'Dakar'
'Sensuelle'
'Mireille Sanne'
'Lune Bleue'
'Ruban Bleu'
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