2.12.17

LUMINATA VS PLICATA

La victoire de 'Montmartre' pour la Médaille de Dykes 2017 a tourné les projecteurs vers cette variété et le modèle dont elle est un exemple.

Comme le dit lui-même Keith Keppel dans une note publiée sur Internet, « Pour faire simple, le facteur luminata est en très proche relation avec le facteur plicata, et il se base sur les deux mêmes éléments : une couleur de fond qui est le blanc plus ou moins teinté de pigments caroténioïdes – jaune, rose ou orange -. Et il porte les marques des pigments anthocyaniques hydro-solubles – orchidée, violet, pourpre et bleu. Comme chez les plicatas, on peut comparer les luminatas à des peintures sur toile, mais dans leur cas précis l'ouvrage est un peu plus abstrait ! »

Il ajoute :  « Les luminatas ont trois traits de base qui les différencient visuellement des plicatas classiques :
(1) les sépales des plicatas ont tendance à avoir une zone centrale immaculée ; les luminatas sont colorés à cet endroit, avec des veines plus claires.
(2) les plicatas ont les bords des pétales pigmentés ; les luminatas ont les bord éclaircis.
(3) les luminatas ont une zone blanche dépourvue de toute coloration autour de la barbe ; les plicatas ont des dessins qui s'étendent sur toute la largeur du haut des sépales, y compris dans la zone qui doit être blanche chez les luminatas. »

Autrement dit, un luminata serait l'inverse d'un plicata. Pour me rendre compte de cela j 'ai, à l'aide d'un logiciel de correction photographique, inversé les couleurs d'une photo de 'Montmartre' : indépendamment de l'effet irréel des nouvelles couleurs, il est évident qu'on est exactement devant l'image d'un plicata !

Ainsi donc on peut retenir qu’il existe deux modèles de base, inverses l’un de l’autre:
- le modèle plicata, qui résulte de l’application irrégulière d’une couche de pigments anthocyaniques sur un fond blanc ou coloré aux caroténoïdes ;
- le modèle luminata, qui altère la couche anthocyanique à partir des barbes et du haut des sépales et laisse à ces endroits apparaître le fond alors que le reste de la fleur est coloré.

Le modèle plicata est d'une infinie richesse et les formes qu'il peut prendre sont si variées qu'on n'imagine pas encore jusqu'où on pourra aller. C'est cela qui intrigue et passionne tellement Keith Keppel qu'il en a fait le but de sa vie d'hybrideur. Mais puisqu'on est devant un phénomène d'inversion, il est normal qu'il s'intéresse aussi au modèle luminata et qu'il en soit devenu un des principaux défenseurs.

On connaît bien les origines et le développement du modèle plicata, depuis ses débuts parmi les fleurs sélectionnées par Guillaume-Marie de Bure dans les années 1830, jusqu'aux raffinements des variétés récentes de Keith Keppel et de quelques autres. Il y a un monde entre les épigones de 'Iris Buriensis' et les frères et cousins du semis K 05-78J et K 06-193A (qui donnent une idée du chemin accompli).

On connaît moins la genèse des iris luminatas. On s'accorde pour dire que le modèle est apparu en 1940 dans les rangs de semis de Jacob Sass, dans le Nebraska. Mais à cette époque il a été considéré comme une anomalie et en conséquence rejeté. C'est le sort qui a toujours été celui des étrangetés. Néanmoins Sass, en prenant la précaution de les qualifier de « odd », c'est à dire « bizarre », en a conservé deux dont l'un a été enregistré sous le nom de 'Bertha Gersdorff' (1942).

Aujourd'hui la bizarrerie de cette variété n'est plus si évidente et la variété 'Moonlit Sea' (1943), apparue l'année suivante, est plus proche de ce que l'on appelle maintenant un luminata. Les débuts ont été lents et discrets. On n'a vu le modèle se diffuser et se diversifier qu'à partir des travaux de Keppel et de ses enregistrements du début des années 1990 : 'Flights of Fancy' (1993), 'Mind Reader' (1994) et 'Spirit World' (1994). En 2017 le modèle est devenu courant car plusieurs hybrideurs ont suivi l'exemple de Keppel et obtenu des luminatas de valeur. Pour n'en citer que quelques-uns, comme le fait Keppel lui-même : Joe Ghio, Lowell Baumunk ('Elizabethan Age', 2005), Paul Black, Tom Johnson (Psychic, 2008), Barry Blyth ('High Master', 2000)... auxquels j'ajoute Donald Spoon (Daughter of Star, 2000)

En vérité il n'y a pas de conflit entre les deux modèles, plicata et luminata, et Keppel affirme même qu'ils peuvent intervenir simultanément sur une fleur. Ils se superposent alors, et l’amateur, qui regarde les fleurs, est complètement déboussolé ! Ce serait la cause des colorations irrégulières de 'Test Pattern' (Ghio, 1989) ou 'Pandora’s Purple' (Ensminger, 1989). Mais perdre le nord dans de telles circonstances, c'est tout de même un plaisir !

 Iconographie : 


 semis Keppel 05-78J et 06-193A 


'Moonlit Sea' 


'Elizabethan Age' 


'Psychic' 


'Test Pattern'

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