8.6.18
DE MOZART À SALIERI
Le modèle plicata doit être celui qui a le plus excité la créativité des hybrideurs depuis que cette activité existe, c'est à dire depuis que l'on se préoccupe de l'horticulture des iris. N'oublions pas que le premier iris hybride sélectionné par l'homme, 'Iris Buriensis', était un plicata, et que le premier titulaire de la Médaille de Dykes, 'San Francisco', était également un plicata. On aurait pu penser qu'avec le temps et la multiplication des variétés de ce modèle l'engouement allait s'essouffler. Mais il n'en est rien du tout ! L'année 2018 est même peut-être celle où l'on nous en offre le plus grand choix. Mais au fond pourquoi perdrait-on l'intérêt pour les plicatas quand on écoute Keith Keppel : « Ce qui fait les plicatas si fascinants ce sont les variations à peu près illimitées qui peuvent apparaître, à la fois sur le fond et sur les dessins. » ?
On ne peut pas nier que Keppel soit le pape des plicatas. C'est d'ailleurs ainsi qu'il se qualifie lui-même ! Mais on constate qu'il rencontre une sévère concurrence. Par exemple, cette année, son voisin (et ami) Paul Black nous propose rien moins que huit nouvelles variétés (onze en comptant les luminatas-plicatas) alors que pour une fois son propre catalogue n'ajoute rien en ce domaine. Dans ce marché très concurrentiel, où d'autres fameux obtenteurs ne manquent pas de mettre leur grain de sel, il peut être intéressant de rechercher ce qu'il y a de différent dans le travail de ces deux ténors.
Dans le domaine de la musique classique, la rivalité entre Mozart et Salieri a donné naissance à bien des élucubrations. Mais si elle a défrayé la chronique dans les années 1780/90 on peut maintenant juger les choses avec nettement plus de recul. C'est à elle que me fait penser la situation qui s'est créée entre Black et Keppel.
Paul Black, dont la spécialité jusqu'à présent était du côté des iris nains (SDB) ne délaisse pas pour autant les grands iris. Il y déploie même une activité débordante dont on peut d'ailleurs s'inquiéter pour l'avenir, j'en parle dans d'autres chroniques. Il est, depuis quelques années, particulièrement porté sur les plicatas, et ce qu'il nous présente retient l'attention. Ce qui saute aux yeux, c'est l'économie des moyens mis en œuvre. C'est ainsi que pour les onze nouveautés de cette année, il n'a eu recours qu'à une douzaine de variétés, toutes excellentes (ou tout au moins prometteuses en ce qui concerne celles qu'on ne connaît pas parce qu'il s'agit de semis non dénommés). Et il y a deux croisements qui ont donné au total six frères de semis. Black a acquis une connaissance supérieure de la génétique des iris et il sait quelles variétés utiliser pour aller là où il veut aller, c'est à dire des variétés parfaites qui apportent toujours quelque chose de mieux à ce qui existait auparavant. C'est ainsi que procèdent la plupart des obtenteurs et on peut dire que nos iris actuels sont le résultat d'une amélioration continue. Pour en revenir à notre comparaison musicale, on peut dire que les obtentions de Paul Black sont l'équivalent des opéras d'Antonio Salieri : de l'excellent travail. Parmi ses dernières nouveautés, c'est ainsi que j'apprécie 'Cloud Gate' (2018) qui provient de ( Etcetera X Petticoat Shuffle), ou 'Oh Dear' (2018), issu de (Tickle My Fancy X Etcetera sib).
En quoi les plicatas de Keith Keppel diffèrent-ils ? Ce dernier a acquis une célébrité mondiale, justement mais pas uniquement, avec ses plicatas pour la plupart innovants. il se passionne pour ce modèle d'iris. Il y consacre maintenant l'essentiel de ses recherches et il obtient des choses extraordinaires. Depuis quelques temps il publie sur Facebook une sorte de leçon de « plicatisme » aussi savante que passionnante et l'on ressent le même enthousiasme à la lecture des articles qu'il publie dans les revues spécialisées. Les principes et les lois qu'il explique sont mis en application dans ses croisements et les variétés qu'il sélectionnent sont les reflets de ses analyses. C'est là, la différence. Bien sûr il lui arrive, dans une recherche de la perfection, de procéder comme tout le monde et d'offrir des iris qui résultent d'une application soigneuse de règles éprouvées : c'est le cas, par exemple, de 'Flash Mob' (2015) ou de 'Ghirardelli Square' (2015). Mais il invente aussi des iris que l'on n'a pas encore vus. Il sait exploiter les coups de chance que la nature accorde à lui ainsi qu'à son compère Barry Blyth. Et nombre de ses plicatas sont franchement nouveaux, témoin : 'Vista Point' (2016) ou ce semis 07-17B aux multiples couleurs. Ils surprennent, ils n'emportent pas forcément l'adhésion des amateurs, mais ils sont appréciés des spécialistes et des véritables connaisseurs. C'est pour cela qu'il me fait penser à Wolfgang Amadeus Mozart dont les opéras ont plusieurs fois désorienté ses contemporains mais que l'on joue toujours et partout.
Il ne faut pas tirer de cette comparaison une conclusion qui laisserait à penser que les fleurs signées Keppel sont meilleures que celles introduites par Black ou vice-versa. Elles ont les unes et les autres leurs avantages et leurs inconvénients. Celles de Keppel sont quelques fois exigeantes, elles ont leurs détracteurs et leurs admirateurs, celles de Black sont plus accessibles, mais certains leur reprochent d'être conformistes, quoi qu'il en soit les unes et les autres apportent la preuve que les iris en général et les plicatas en particulier ont un immense avenir.
Iconographie :
'Cloud Gate'
'Oh Dear'
'Tickle my Fancy'
'Ghirardelli Square'
'Vista Point'
semis 07-17B
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