1.2.19

DE LA NATIONALITÉ

Les iris ont-ils une nationalité ? Et si oui, laquelle ? La question peut se poser au moment où les échanges internationaux se développent à grande vitesse. Voici mes réflexions sur le sujet.

l ne peut pas y avoir de doutes sur la nationalité d'un obtenteur (même si certain pourrait disposer d'une double nationalité), mais qu'en est-il des plantes qu'ils obtiennent et mettent sur le marché ? Et à quoi peut servir le fait de leur en attribuer une ?

On parle naturellement d'iris français quand il s'agit d'un iris obtenu par un hybrideur français et mis en vente sur le catalogue ou sur le site web d'un producteur demeurant en France. Personne n'a jamais douté que les iris de Lawrence Ransom puissent porter la nationalité française, et c'est encore plus évident quand il s'agit des obtentions de Richard Cayeux ! Quelle que soit le pays, il en sera de même partout dans le monde. Mais l'attribution de cette nationalité, spontanée, n'a pas d'autre intérêt que de fixer les idées, du moins ailleurs qu'aux Etats-Unis. C'est quelque chose de commode, mais cela n'entraine pas de conséquence. Sauf là où cette nationalité est nécessaire pour pouvoir prendre part à une course aux honneurs, ce qui est le cas aux Etats-Unis pour concourir à la Médaille de Dykes, puisque la question de la nationalité fait partie des conditions d'attribution de la récompense. Un problème est apparu à propos de 'Decadence' (2001), variété signée Barry Blyth, donc australienne mais mise sur le marché américain par Keith Keppel, et susceptible d'être couronnée à partir de 2011 à la suite de la Wister Medal qui lui a été attribuée en 2010. Le même dilemme était apparu l'année précédente à propos de 'Slovak Prince' (Mego, 2002). Une variété née ailleurs qu'aux Etats-Unis peut-elle acquérir la nationalité américaine si elle est mise sur le marché américain ? La réponse donnée est que cette nationalité s'acquiert si la variété concernée est mise sur le marché américain avant de l'être dans un autre pays, y compris son pays d'origine. « America first » en quelque sorte. Cela pourrait être le cas si l'un des semis obtenus par Barry Blyth, encore, transférés aux USA chez Tom Johnson lors de la cessation de l'activité de leur obtenteur, et que Johnson aura mis sur le marché dans son catalogue, lui ouvrant de ce fait la course aux honneurs. Mais cela ne vaut pas dans les pays où il n'y a pas (ou plus) de Médaille de Dykes, ou quelque chose d'équivalent.

 Avec la mondialisation, d'autres questions vont se poser. Par exemple quel serait le sort d'iris cultivés et mis en vente dans un pays par un ressortissant d'un autre pays ? Si cela devait présenter un quelconque intérêt, devrait-on les rattacher à la nationalité de leur obtenteur ou devrait-on appliquer le droit du sol, c'est à dire que n'est pris en compte que le lieu où la plante a fleuri pour la première fois ? Autre cas : un iris obtenu dans un pays, quel qu'il soit, mais commercialisé en premier lieu dans un autre, sera-t-il considéré, comme cela le serait aux USA, comme ayant acquis la nationalité du pays d'accueil ? Toute ces réflexions restent absolument théoriques ailleurs que dans les pays où une Médaille de Dykes est attribuée (et offerte par la British Iris Society). En France il n'y a rien de tel et la nationalité d'un iris n'est rien d'autre qu'un repère. Cela s'est vérifié par exemple en 1994 quand 'Damoiselle', de Lawrence Ransom, qui avait concouru en Grande Bretagne, a été enregistré par la BIS. A aucun moment les amateurs français n'ont pensé que cette variété n'était pas une variété française.

Quand il suffit d'allumer son ordinateur pour trouver plein d'iris disponibles partout dans le monde, que l'on peut acquérir en quelques clics, toutes ces discussions semblent bien le reflet d'une autre époque.

 Illustrations : 


'Decadence' (Blyth, 2001), recalé pour l'attibution de la DM ; 


'Slovak Prince' (Mego, 2002), à qui la même mésaventure est survenue ; 


'Damoiselle' (Ransom, 1994), enregistré en Grande-Bretagne ; 


'Gribnoy Dozhd' (Riabykh, 2008), iris obtenu en Russie, en vente sur le site d'Iris en Provence'.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, les iris ont bien une nationalité : celle du pays où ils ont vu le jour en tant que plante.

Non, les iris ne peuvent pas acquérir une autre nationalité que celle du pays où ils ont vu le jour, même si, dans le cas des iris français, ils ont été introduit (par exemple) aux États-Unis pour leur première année de commercialisation en vue de leur faire entrer dans le système des récompenses américaines. Ils restent à tout jamais des iris français. Une mise sur le marché américain ne change pas la nationalité d’un iris ; l’introduction exclusive américaine, par contre, donne accès aux plantes étrangères au système des récompenses de l’AIS.

Il faut savoir que ce n’est pas une mince affaire, envoyer des iris aux États-Unis et les commercialiser exclusivement là-bas pour leur première année. Il faut savoir comment faire les envois, d’abord, un manœvre assez compliquée de nos jours ! Entre les inspections de jardin effectuées par les gens de la DRAAF, l’arrachage des plantes, le nettoyage complet des rhizomes, les certificats phytosanitaires, l’emballage, l’envoi aux stations d’inspections américaines et le coût global d’une opération pareille, il faut bien s’accrocher. Il faut un distributeur sur place en qui on peut faire confiance, de préférence bien établi et respecté du monde de l’iris, qui est capable de les envoyer aux conventions pour qu’ils soient vus, qui sait aussi bien les mettre sur le marché, les mettre en valeur sur son site Internet, etc. La motivation, c’est en partie les prix plus élevés qu’on peut demander aux États-Unis pour une plante qui fait ses débuts sur le marché et, bien sûr, l’accès au système des récompenses.

Seuls les iris américains peuvent obtenir la médaille de Dykes américiane---qui est offerte par la Société Britannique des Iris---aux États-Unis. Les iris étrangers peuvent concourir dans le système de récompenses américaines s’ils ont été introduits exclusivement aux États-Unis pour leur première année de commercialisation et ils peuvent gagner des HM (Honourable Mention), AM (Award of Merit) et ensuite la médaille spécifique à leur classification---mais pas la médaille de Dykes. Donc, ni Decadence ni Slovak Prince auraient pu prétendre à la médaille de Dykes américaine ; pour gagner une médaille de Dykes, les options ouvertes à ces deux iris étaient pour Decadence (en tant qu’iris australien) la médaille Dykes australienne et pour Slovak Prince (en tant qu’iris slovaque, donc européen), la médaille Dykes britannique. Effectivement, la médaille de Dykes britannique peut être obtenue (par exemple) par un iris européen s’il concourt d’abord pour la récompense AGC (Award of Garden Commendation) puis il entre dans le concours de la médaille de Dykes. C’est un parcours de six ans. Un exemple d’iris européen qui a fait ce parcours est Berlin Ruffles (Tamberg, 1993) iris allemand qui a gagné la médaille de Dykes en 1999.

Dans le recueil de l’AIS, Registrations and Introductions, les iris sont considerés avoir la nationalité du pays où ils ont vu le jour en tant que plante et cela n’a rien à voir avec la nationalité(s) de leur obtenteur. Le fait d’enregistrer un iris par le service d’enregistrement d’une autre société d’iris que celle du pays où il a vu le jour ne change pas sa nationalité.
M. Bersillon

Sylvain Ruaud a dit…

Merci beaucoup de ces précisions

Anonyme a dit…

Ces informations sont disponibles à n'importe qui. . . et je ne comprends pas pourquoi une association supposé être celle de tout un pays n'en dispose pas.

Sylvain Ruaud a dit…

Je ne comprends pas ce commentaire. Ce blog est strictement personnel, et ce n'est parce qu'un sujet abordé est bien connu qu'il ne faut pas en parler.

Anonyme a dit…

Les explications de M. Bersillon sont parfaitement claires.

Par exemple, Aaron's Blue de G. Lecomte pourra concourir pour les récompenses attribuées aux espèces botaniques, à l'exclusion de la médaille de Dykes naturellement, dans la mesure où sa première commercialisation a été réalisée aux USA par C. Harris l'année dernière.


J. C. Jacob

Anonyme a dit…

As they say : rules are rules are rules! If another association than the AIS was in charge of worldwide registration, then rules might be different.

Thanks Michele for these precisions, which need just a bit of research to be found.

AK