24.4.20

GROS SUCCÈS

Il existe parmi les iris une multitude de couleurs et de combinaisons de couleurs. Certaines rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , d'autres sont plus rares, et on les qualifie d'originales, et d'autres sont si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de ces dernières que l'on va s'attarder aujourd'hui. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. C'est une association élégante, de bon goût, qui existe depuis les origines des iris de jardin, et qui continue de rencontrer les faveurs des hybrideurs de tous pays. Chaque année on en découvre des nouvelles versions, qui se situent entre le simple variegata aux pétales jaunes (clair et légèrement rosé) jusqu'au bitone rose (un peu infus de violet) au-dessus de sépales allant du rose magenta au grenat foncé. En me limitant à la description initiale, j'ai trouvé des tas d'exemples dans ma collection de photos : au moins une soixantaine. En comparant tous ces iris j'ai été frappé par leur ressemblance et je me suis donc contenté de ceux qui m'ont paru le plus remarquables ou les plus représentatifs de leur époque.

Commençons par 'Colonel Candelot' (Millet, 1907). Un nom qui témoigne de l'importance de l'armée dans la France post-1870 et qui honore un ingénieur militaire reconnu devenu maire de Bourg La Reine, localité où se trouvait la pépinière de la famille Millet. La description en est : « Pétales bronze lavé de lavande rosé ; sépales grenat foncé veiné de blanc de chaque côté de la barbe orange. » On est en plein dans le modèle auquel on s'intéresse. Indiquer le pedigree de ses obtentions n'était pas obligatoire au début du XXe siècle, on ignore donc celui de notre 'Colonel Candelot', ce qui est bien dommage...

Je ne sais pas si l'on peut placer 'Dauntless' (Connell, 1929) dans le modèle considéré. Si c'est le cas, on est en présence d'une fleur en tous points remarquable et qui a séance tenante obtenu la Médaille de Dykes. Les sépales sont d'un beau grenat pourpré, les pétales d'un rose magenta clair (trop rose peut-être pour le sujet du jour). La fleur est d'une forme absolument classique et la plante est de belle venue. Cependant, malgré ces hautes qualités, c'est un iris qui n'a pour ainsi dire pas eu de descendance.

'Agrippa' (F. Cayeux, 1936) reprend, trente ans plus tard, le coloris de 'Colonel Candelot'. Le catalogue Cayeux du moment décrit cette variété de cette façon : « Pétales d'une chaude teinte vieil or ; sépales larges, arrondis, rouge grenat teinté d'or dans la gorge. » La ressemblance entre 'Colonel Candelot' et 'Agrippa' est saisissante. Sont-ils parents ? On ne le sait pas car là encore on ne dispose pas des pedigrees. Quoi qu'il en soit on ne constate pas d'évolution significative en trente ans. Cela veut-il dire que 'Colonel Candelot' était en avance sur son époque, ou que 'Agrippa' avait pris du retard ?

Le temps passe... en 1963 'Pipes of Pan' (O. Brown) s'approche du modèle, avec cependant des sépales peut-être un peu clairs. Mais quatre ans plus tard 'Barcelona' (O. Brown, 1967) améliore le contraste. Il est décrit comme « Pétales ocre avec infusions de violet sur les côtes ; sépales pourpre pensée, barbe orange ». C'est un iris qui a eu une nombreuse descendance, en particulier en Australie, chez Barry Blyth, avec, par exemple, 'Desert Morn' (1974).

'Chapeau' (Babson, 1969) fait partie de mes fleurs favorites. Sa description correspond bien aux critères recherchés : « Pétales beige crème ; sépales rose orchidée, barbes orchidée ». De nos jours encore, c'est une fleur qui n'a rien perdu de son charme. Chez les grands TB, il n'a guère de descendants, mais chez les iris médians, la famille Craig (Jim et Vicki) en a tiré plusieurs jolies choses dont, dans notre sujet, le BB 'Quinalt' (1999). 'Chapeau' figure toujours dans de nombreuses collections en France.

On arrive vite aux temps modernes et c'est le moment où le modèle bicolore beige/pourpre est abondamment représenté. Dans cet ordre d'idées, la famille Cayeux s'est illustrée. On trouve 'Coquetterie' (J. Cayeux, 1986), classique et élégant ; 'Double Espoir' (J. Cayeux, 1994), avec des pétales rose saumoné, des sépales d'un beau grenat et des barbes orange vif ; 'Frimousse' (R. Cayeux, 1999), avec des pétales abricot et des sépales couleur groseille ; et encore 'Marie-José Nat' (R. Cayeux, 2000) aux pétales rose doré et aux sépales grenat cernés de beige. Une autre famille a répondu présent : les Anfosso, avec 'Myre' (P.C. Anfosso, 1996) et 'Samarcande' (P.C. Anfosso, 1992) - rebaptisé 'Samarcande Grège' pour cause d'enregistrement tardif – l'un et l'autre tout à fait dans la note. Plus récemment, Alain Chapelle nous a donné 'Shantala (2007), d'une présentation tout à fait contemporaine.

Cependant c'est aux Etats-Unis qu'on trouve le plus grand nombre de ces beige/poupre. En les prenant obtenteur par obtenteur, j'ai retenu :
'Ocelot' (Ghio, 1997) et 'Halloween Trick' (Ghio, 2006)  - démonstrations du savoir-faire de Joë Ghio ;
'Naples' (T. Johnson, 2000) ; 'Prague' (T. Johnson, 2004) ; 'Impostor' (T. Johnson, 2006 ; 'Toronto' (T. Johnson, 2011) ont un indéniable air de famille ;
'Braggadocio' (Keppel, 1996) ; 'Foreign Legion' (Keppel, 2000) l'un et l'autre descendants de 'Tomorrow's Child' (B. Blyth, 1981) ;
'Fancy Lover' (Meininger, 2010), très chic ;
'Scottish Warrior' (G. Sutton, 2001) ; 'Razzleberry Pie' (M. Sutton, 2006) ont tous les traits de ce que sélectionne la famille Sutton ;
'Priceless Memories' (Tasco, 2017), le plus moderne.
Et n'oublions pas 'Mosey Along' (Burseen, 2017), totalement inclassable comme beaucoup de ce que fait son hybrideur.
En Europe 'Chachar' (Seidl, 2013), avec ses éperons violet foncé, a enthousiasmé les juges des concours. Vainqueur de FRANCIRIS 2017, il a également triomphé au Concorso Firenze en 2019 !

Enfin ne terminons pas cette chronique sans dire un mot de ce qui se passe dans le pays qui est en passe de devenir le plus grand producteur d'iris du monde, la Russie, et remarquons le très joli 'Planeta Gloriya' (Krutchenko, 2011), premier prix du concours de Krasnodar en 2015. Ces iris orientaux finiront-ils par venir jusqu'à nous pour qu'ion puisse en mesurer la valeur ?

Cela fait beaucoup, et pourtant bien d'autres variétés du même tonneau auraient pu trouver leur place dans cette énumération. C'est la preuve que ce modèle, même si l'on finirait par s'en lasser, rencontre les faveurs de tout les amateurs d'iris.

Illustrations :


'Colonel Candelot' 


'Dauntless' 


'Agrippa' 


'Barcelona' 

(à suivre... à partir de la semaine prochaine une page spéciale de notre feuilleton hebdomadaire va être consacrée à ce modèle, avec toutes les variétés évoquées ci-dessus).

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