Bref rappel : quelle pourrait être la définition d'un iris du modèle distallata ? On peut répondre à cette question par une description : une fleur dont les pétales sont blancs (ou tout au moins très clairs), de même que les sépales, mais ceux-ci s’agrémentent d’une couche centrale de couleur, qui peut être du jaune ou de l’orangé clair, à laquelle s’ajoutent de fines rayures sombres, partant de la barbe et s’étirant plus ou moins vers le bord. Ça, cela convient pour les premiers exemples du modèle, ceux dont les inventeurs (on parle d’inventeurs comme s’il s’agissait d’un trésor mis au jour par quelque Indiana Jones du monde des iris) sont deux briscards de l’hybridation et amis de longue date, Joë Ghio, de Californie, et Keith Keppel, de l’Oregon.
Ghio et Keppel ont sélectionné des iris très originaux au moment de leur apparition, , qui constituent quelque chose qui n’est ni du plicata ni du bicolore, mais se rattache à l'un et à l'autre. Chez Ghio la progression s’est déroulée comme suit : ‘Prototype’ -> ‘Puccini’ -> ‘Exposé’ -> ‘Magic Happens’. Keppel, lui, n’a pas poursuivi dans la voie de ‘Quandary’, du moins jusqu’à présent. Mais d’autres ont pris le relais. Notamment l’équipe Black & Johnson. ‘Conjuring Cat’ (Black, 2005) est un vrai distallata qu’on peut qualifier de classique. Puis est venu ‘Carnival of Color’ (Black P. 2009), qui fut suivi de ‘Bargain Hunter’ (Black 2010). Tous ceux-ci sont de véritables distallatas, mais une évolution (comme on dirait dans le jeu des Pokémon) s’est manifestée chez Johnson, tout d’abord, en la personne de ‘Wild Angel’ (2006) puis de ‘Painter’s Touch’ (2009). Ils descendent tous les deux de ‘Notorious (Ghio, 1991), qui est aussi derrière ‘Conjuring Cat’, mais la différence se trouve dans la répartition des couleurs : plus de veines sombres mais une zone colorée de bleu qui gagne le bord des sépales. ‘Painter’s Touch’ (Johnson, 2009) est plus coloré que son prédécesseur : pétales blancs finement liserés d’or, sépales blancs également, marqués d’orange aux épaules et largement lavés et veinés d’indigo, barbes oranges. C’est la même disposition qu’on retrouve chez ‘Stir It Up’ (Black, 2010), et c’est sur cette piste que s’est engagé Roger Duncan avec ‘Arctic Burst’ (2008) qui, lui, est un fils de ‘Puccini’.
Thomas Johnson est aussi à l'origine d'un certain ‘Spring Madness’ qui a un air de famille avec les précédents. Même traces jaunes sur les pétales blancs, même blancheur des sépales (mais ceux-ci sont tachés de jaune) et veines grenat sombre. Peut-on le qualifier de distallata ? En fait il se situe à la jonction entre deux modèles : le modèle distallata tel qu'il vient d'être défini, mais aussi le modèle qui n’a pas de nom mais qui se rattache à ‘Ring Around Rosie’ (Ernst 2000). D’ailleurs le « père » de ‘Spring Madness’ est un fils de ‘Ring Around Rosie’, ‘Whispering Spirits’. Du côté femelle, ce ‘Spring Madness’ provient d’une des souches des distallatas, ‘Impulsive’ . Le modèle distallata et le modèle ‘Ring Around Rosie’ ont des traits communs qui sautent aux yeux, comme les pétales bien blancs mais légèrement infus de jaune sur les côtes et les sépales poudrés de pourpre. Mais ils diffèrent par les barbes et surtout la densité des dessins qui agrémentent les sépales. En les unissant, Tom Johnson a établi un rapprochement qui présente l’avantage de donner plus de tonus au distallata, mais qui en fait le conduit à sa disparition en tant que modèle original pour cause de manque de contraste, en lui donnant un aspect légèrement différent qui a désormais prévalu.
On constate effectivement aujourd'hui que le modèle distallata « de base » est en perte de vitesse dans les catalogues. Il ne disparaît pas, non, mais il est moins présent parmi les nouveautés. Aux Etats-Unis l'un de ceux qui continuent d'en produire est Joë Ghio, l'obtenteur de 'Prototype' et de 'Puccini'. Par exemple il a proposé en 2013 le remarquable 'Spiral Galaxy' qui est une véritable amélioration du modèle de base. Bruce Filardi, de son côté s'est intéréssé au modèle et a obtenu 'Queen Empress' (2005), puis 'Quitoxic' (2008), mais cela fait tout de même quinze et douze ans de cela ! Dans les mêmes moments Barry Blyth obtenait 'Fancy a Flutter' (2006) et Tom Burseen, qui s'intéresse à toute sorte de modèles, 'Sammie's Jammies' (2009) et 'Gloriafied Glenn' (2013). En Europe, on trouve (Cadran Lunaire' (J.C. Jacob, 2012) ou 'Czardas Princess' (A. Mego, 2015)
Le modèle dont l'origine se situe chez 'Ring Around Rosie' (Ernst,2000) comporte des traits propres aux distallatas, mais disons qu'il en est une approche différente. Il n'a pas une descendance directe abondante. J'y vois 'Having a Party' (T. Johnson, 2014) ou 'Martingale' (S. Cancade,2014) mais certains seront d'un autre avis quant à la filiation de ces deux-là !
Mêlées, les origines 'Puccini'/'Quandary' et 'Ring Around Rosie' aboutissent à un cocktail très appétissant où les couleurs sont plus vives et les contrastes plus tranchés. C'est la disposition d'un grand nombres de variétés récentes, qui nous viennent tant des Amériques que d'Europe (les obtenteurs français comme J.C. Jacob et Sébastien Cancade sont à la pointe dans ce domaine). De Californie je retiendrai les variétés de Joë Ghio qui poursuit son travail sur les distallatas avec un franc succès comme avec 'Magic Happens' (2005) ou 'Novel Idea' (2005), qui sont des variétés innovantes. Dans l'Oregon, c'est dans la pépinière Mid-America de Black et Johnson que l'on découvre les obtentions les plus attrayantes. 'Patchwork Puzzle' (2011), 'Insaniac' (2012) ou 'Thundering Applause' (2020) sont des iris exceptionnels. En Bretagne, les variétés de J.C. Jacob ne sont pas mal non plus : 'Ailleurs' (2017) ou 'Renouveau' (2017) sont de beaux exemples de ce travail assidu et obstiné. Et en Ardèche, 'Croustillant', (Cancade, 2017), descendant de 'Carnival Ride' et de 'Puccini', tient vaillamment sa place.
Dans le genre, il existe enfin des variétés qui, s'éloignant du modèle de base, en conservent néanmoins les veines sombres caractéristiques. On peut ranger dans cette évolution quelques variétés signées Johnson, comme 'All about Me' (2013) ou 'Berserk (2013), et le beau travail de Lorena Montanari, en Italie, qui a enregistré 'Spider Crab' (2015) et 'Il Canto delle Sirene' (2018).
Le modèle distallata et ses dérivés constituent une branche maintenant bien établie, qui s'enbrichit chaque année des deux côtés de l'Atlantique. Une confirmation de leur accession au rang des modèles reconnus se trouve dans la Wister Medal attribuée en 2019 à 'Insaniac'. Ne manque plus qu'une Médaille de Dykes, mais c'est bien parti pour !
Illustration :
'Cadran Lunaire'
'Thundering Applause'
'Martingale'
'Il Canto delle Sirene'
2 commentaires:
Bonjour,
D'où vient le mot "Distallata" ? Ne devrait-on pas plutôt dire "Distillata" ? (pour info un article début avril sur iris-en-provence.fr).
Bon dimanche.
Distal (au féminin, distale) figure bien au dictionnaire français avec le sens de "qui se dirige (ou regarde) vers l'extérieur". c'est un terme de vocabulaire médical. En anglais il a le même sens. En fabricant le vocable "distallata", Keith Keppel a semble-t-il voulu dire " dessins qui se dirigent vers l'extérieur du sépale". Il est très doué pour créer des mots en latin de sacristie !
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