Quand on feuillette les catalogues (enfin, feuilleter n'est pas le verbe qui convient lorsqu'il s'agit de parcourir les pages d'un site Internet...) on se rend compte de l'évolution des tendances, car, comme dans la mode, le monde des iris est fort sensible aux goûts du moment. Dans les dernières années nous avons vu se répandre le modèle amoena inversé, d'abord majoritairement mauve/blanc puis qui s'est ouvert à d'autres couleurs, ainsi que le modèle « distallata » et son avatar le modèle « line and speckle », puis il y eut une recrudescence du modèle bicolore rose/pourpre, avant que n'apparaisse, très récemment les iris « à fleur de pensée » ...
Dans les catalogues de 2020 j'ai repéré deux ou trois modèles de plus en plus présents. Tout d'abord un modèle qui n'a pas encore de nom mais qui rencontre de plus en plus de succès. Je veux parler de cette fleur dont je crois que l'inventeur est l'inclassable Tom Burseen, grâce à 'No Fear No Peer' (2013) qui est décrit comme « pétales et bras des styles ocre mêlé de pourpre clair , éclairci sur les bords ; le centre des sépales est un mélange de rouge rubis, de noir et de brun, les bords sont lavés de brun doré ; les grosses barbes sont d'un orange mandarine brillant ». Cette variété fut suivie de peu par 'The Majestic' (2016) obtenu par le slovaque Anton Mego. C'est une variété surprenante décrite comme suit par celui qui la mise sur le marché aux USA, Sutton's Iris Garden : « Les pétales bleu glycine sont fortement veinés de jaune grisâtre, couleur que l'on retrouve sur les nervures. Surprenants sépales violet-rouge enrichis de pourpre et ornés d'un liseré bleu glycine qui devient jaune grisâtre vers le bord. Ce coloris dramatique se rencontre aussi sur 'Logistical' (T. Burseen, 2015) ou 'Venus Visit' (2014), et s'assombrit encore sur 'Creature of the Night' (P. Black, 2018) ou 'Rum is the Reason' (Schreiner, 2017) dont la description est : « pétales gris lavande veiné de violet et infus de rose au centre ; sépales rouge bourgogne tachés de jaune paille et liserés d'ocre ; barbes orange ». A noter que dans le pedigree de cette originale variété on découvre la présence de 'Condottiere' décidément mis à toutes les sauces. En France, La Maison Cayeux n'est pas en reste : son 'Nelly Tardivier' est bien dans cette veine. Une autre formule qui devient assez fréquente est celle de 'Spicy Serving' (T. Burseen, 2015), descendant du prolifique 'Decadence' , dont les pétales jaune citron surmontent des sépales difficiles à décrire où domine un grenat mat, veiné de jaune paille et grisé sur les bords. On pourrait baptiser ce modèle du nom de « variegata maculé ». Ce genre de veinures n'est pas nouveau mais il s'affirme de plus en plus. En dehors des deux modèles décrits ci-dessus, un autre arrangement des couleurs suscite une véritable émulation parmi les hybrideurs. Il s'agit du modèle bicolore bleu/jaune. On peut même affirmer que c'est là quelque chose de tout à fait au goût du jour. 'Wonderful to See' (F. Kerr, 2000) a constitué une avancée majeure dans ce domaine. Son obtenteur en a donné une description concise mais impeccable : « Pétales et bras de styles d'un bleu violacé moyen ; sépales d'un jaune moyen, les bords sont plus clairs ; barbes dorées ». Cela fait vingt ans déjà mais au cours des douze premières années, de 2000 à 2012, il ne s'est pas passé grand chose d'intéressant. La variété de Frederic Kerr etait la première -ou l'une des toute premières fois qu'apparaissait l'association bleu/jaune avec un contraste suffisant. Ses origines amoena inversé bleu lavande expliquent la présence des pétales bleus ; le jaune des sépales provient de 'Arc de Triomphe' (F. Kerr, 1995) lui-même issu de 'Echo de France' (P. Anfosso, 1984) créé en hommage au travail de Barry Blyth sur les iris bicolores. C'est Duane Meek qui a relevé le gant et proposé les deux frères de semis 'Dancing on Air' (D. Meek, 2004) et 'Party's Over' (D. Meek. 2005), élégants et originaux, issus eux aussi d'amoenas inversés et de notre célèbre 'Condottiere' (J. Cayeux, ). Mais pour trouver de nouveau quelque chose de réussi dans le genre il a fallu attendre 'Saphir Jaune' (R. Cayeux, 2012), immédiatement suivi de 'Infusion Tilleul' (R. Cayeux, 2013) et 'Grande Coquette' (R. Cayeux, 2013).
C'est une nouvelle fois à Tom Burseen, l'obtenteur texan qui sort des sentiers battus, que l'on doit la reprise de ce modèle attrayant mais sans doute difficile à obtenir, à l'origine de la mode actuelle. Cela a commencé avec 'Get Go Glamour' (T. Burseen, 2015) dont le « père » 'Along Came Fame' (T. Burseen, 2012) présentait une amorce. 'Half Past Happy' (T. Burseen, 2017) est l'étape suivante. On ne peut pas déduire l'apparition de ce modèle de la liste de ses antécédents ; au contraire on aurait pu s'attendre à un iris dans le genre de 'No Fear No Peer' (T. Burseen, 2013) dont il a été question au début de cette chronique ou de 'Hopen Fer Rain' (T. Burseen, 2014) qui en est proche.
Plusieurs autres hybrideurs américains se sont mis sur les rangs pour obtenir ce nouveau modèle. C'est l'excellente maison Schreiner qui me paraît avoir eu la main la plus heureuse avec 'Let Evening Come' (Schreiner, 2018), amélioration sensible de 'Secret Rites' (K. Keppel, 2004), qui doit être ce qui s'est fait de mieux dans le genre et qui, en plus, porte un nom particulièrement bien choisi.
Chaque année ou presque est marquée par l'apparition d'un modèle nouveau. C'est un signe de la vitalité remarquable de l'hybridation des iris. Et comme chaque fois qu'un hybrideur présente une nouveauté plusieurs autres lui emboîtent le pas, on a la preuve que l'on n'a pas encore épuisé le sujet et que la mode peut servir à quelque chose.
Illustrations :
'Rum is the Reason'
'Spicy Serving'
'Infusion Tilleul'
'Half Past Happy'
'Let Evening Come'
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire