Les iris en Bretagne
Depuis longtemps quand on parlait d'iris dans notre pays on pensait au Centre et au Sud-Est. Au Centre il y avait la célèbre maison Cayeux et sa voisine la famille Bourdillon. Au Sud-Est c'était Hyères et les iris de chez Anfosso. Longtemps ils furent les seuls à se partager le marché, Cayeux et Anfosso ajoutant à leur commerce la création de nouvelles variétés. Peu a peu le monde français des iris s'est élargi et la Bretagne est devenue une des régions principales de cette activité.
Le premier à s'être manifesté dans cette région a été Gérard Madoré. Le monde français des iris a eu l’occasion d’apprécier son travail lorsque ‘Gwennaden’ (2001) a été remarqué au concours FRANCIRIS ® 2005 et classé 5eme (et premier français). Il a eu de nouveau son attention attirée quand ‘Morgat’ (2005) a obtenu en 2008 au même concours la mention « Meilleure variété bleu, blanc, rouge ». Pour commercialiser ses obtentions sont apparus « Les Iris du Moulin de Kervin », ce qui a un charme indéniable, sûrement de nature à attirer les acheteurs qui y voient un côté rural et pittoresque. Gérard Madoré lui-même a pris goût à l'hybridation qu'il pratiquait à l'origine comme un passe-temps. Il a acquis une sorte de professionnalisme et ses iris ont rencontré un certain succès, auprès du public, mais aussi auprès des amateurs et des professionnels qui ont remarqué la qualité de ses obtentions. Celui que l'on peut appeler le meunier de Kervin n'a pas pris de risques génétiques inconsidérés et ses iris, au pedigree sans excès de raffinement, font essentiellement appel à des géniteurs confirmés. Même s'ils n'ont pas pu obtenir la diffusion qu'ils méritent, et par conséquent se trouvent maintenant en danger de disparition, il faut pour la plupart les considérer comme des variétés remarquables. J'en ai cultivé plusieurs, à ma grande satisfaction, et maintenant ils se trouvent inclus dans la collection de Champigny sur Veude où ils continuent de prospérer. S'y trouve notamment 'Gwennaden', cité plus haut, solide et élégant iris blanc pur, mais aussi 'Quistinic' (2001), un original iris brun, quelques roses très plaisants : 'Locmaria' (2001), pétales roses et sépales blancs bordés de rose, 'Ploumanach' (2005), unicolore rose à barbes vermillon, 'Rosmalo' (2007), mon préféré, unicolore rose dragée, avec des sépales plus clairs liserés de chamois et soulignés par des barbes orange. J'aime également beaucoup 'Kernilis' (2005), unicolore orange (une des couleurs favorites de son obtenteur) avec des stries brunes sur les sépales et d'éclatantes barbes minium, 'Doelan' (2005), qui fait partie de la série des « bleu-blanc-rouge » et présente des pétales blancs, au-dessus de sépales bleu ciel centrés de barbes rouge minium, et surtout 'Penhir' (2001), une réussite dans les tons de bleu-noir, avec des barbes bleues, dont les parents 'Hello Darkness' et 'Before the Storm' confirment que Gérard Madoré savait jouer avec les classiques.
Un beau jour il a cessé de s'intéresser aux iris. Le jardin du Moulin de Kervin a disparu ; les variétés qui recouvraient les pentes du ruisseau ont trouvé refuge dans d'autres pépinières bretonnes. C'est une fin un peu triste qui a affecté de nombreux amateurs...
A peu près au même moment, Jean-Claude Jacob, à Saint Pol de Léon, s'est lancé dans l'aventure de l'hybridation des iris. Cet ancien fonctionnaire de la Poste s'était déjà créé une certaine notoriété en créant des rosiers. Éclectique dans ses goûts et curieux de nature, il a trouvé dans les iris un nouveau domaine à explorer dont l'immensité ne lui a pas fait peur. Ses premières obtentions ont été, disons, un peu décevantes, mais combien d'autres obtenteurs ont également commencé modestement avant d'acquérir une prestigieuse renommée ? Très vite il a perfectionné ses choix et affiné ses sélections, de sorte qu'en quelques années il est devenu un hybrideur très distingué. Ses iris, qui poussent en bordure de mer, ont la robustesse des vieux marins. Ce sont des variétés qui s'adaptent partout et qui récompensent ceux qui les cultivent avec des fleurs solides et souvent très originales. Cette originalité se manifeste dans le fait qu'il ne s'est pas contenté de croiser des grands iris de jardin mais qu'il a tenté et réussi l'hybridation d'autres catégories d'iris, en particulier les PCN (Pacific Coast Native), originaires de la Californie, mais réputés pour la délicatesse de leur multiplication.
Depuis les premiers pas de 'Troméal' (2006) le catalogue s'est enrichi d'une centaine de nouvelles variétés, avec de superbes obtentions comme 'Cadran Lunaire' (2012) dans la famille des « distallatas », 'Fille de l'Eau' (2015), bitone bleu inversé, 'Va Bro' (2017), amoena blanc/noir particulièrement contrasté, 'Lumière du Léon' (2017) qui montre le savoir-faire des son obtenteur dans le genre « luminata », 'Aber Wrac'h' (2019), grande réussite dans un coloris bleu pourtant immensément répandu.
Héritier de Gérard Madoré, Jean-Claude Jacob démontre sa grande générosité et son inlassable désir d'améliorer son travail. Aux « Iris de la Baie », la pépinière qu'il a créée, on est sûr de trouver plein de belles choses.
Le Jardin d'iris de Bubry est le troisième site breton consacré aux iris. C'est aussi le plus récent, du moins pour ce qui est de la création de nouveaux iris. Alain Chapelle s'est lancé dans l'aventure quand il a enregistré en 2007 'First One', le bien nommé. Cet iris était déjà une belle réussite. Depuis son obtenteur s'est révélé être plein de talent, et ses plantes rivalisent avec celles des meilleures professionnels. Elles sont aujourd'hui plus de 70, essentiellement des grands iris. Alain Chapelle et sa compagne sont de grands voyageurs, amateurs de grands espaces et de sites exotiques qui sont la source d'inspiration de bien des noms donnés à leurs iris. En témoignent les 'Fleur du Désert' (2010), pêche rosé à barbes mandarine, 'Aube du Désert' (2016), abricot clair délicatement ondulé, 'Dune Ensoleillée' (2016), rose orangé difficile à décrire, 'Rose des Sables' (2016), délicieux rose orangé. Dans les tons de bleu sombre, on remarque 'Tenue de Soirée', vivement contrasté, et surtout 'Jais Moqueur' (2016, très proche du noir, y compris les barbes. Cependant ce sont les teintes chaudes, jaune doré, orange, qui semblent inspirer particulièrement Alain Chapelle. Voir de ce côté là 'Colibri d'Or' (2011), 'D'Or et de Lumière' (2011), 'Flamboyance Dorée' (2015), 'Irradiance' (2018) et quelques autres...
Tout cela fait de la Bretagne une nouvelle terre d'iris. Mais ce qu'il y a de plus réjouissant c'est qu'en d'autres régions beaucoup de nouveaux obtenteurs sont apparus ces temps derniers, dont certains tout à fait remarquables, ce qui doit placer notre pays parmi les plus dynamiques et les plus créatifs.
Illustrations :
'Rosmalo'
'Kernilis'
'Aber Wrac'h'
'Rose des Sables'
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