6.8.22

JEU DE LOIS

Il y a peu de temps j'ai lu sur Internet l'histoire de cette famille apparemment noire qui, après trois enfants présentant les traits caractéristiques de leurs parents, a eu un quatrième bébé qui avaient la peau blanche et les yeux bleus ! Cela m'a rappelé ce qui se passe en matière d'iris. 

 Avant de réaliser un croisement dans le but d'obtenir certaines caractéristiques de la plante ou de la fleur, un hybrideur professionnel étudie les pedigrees de toutes les variétés auxquelles il pense pour réaliser son projet. Il sélectionne alors les deux variétés qu'il pense convenir au but qu'il s'est fixé. Mais ce n'est que bien plus tard, environ trois ou quatre ans, quand fleuriront pour la première fois les semis issus du croisement réalisé, qu'il saura si la nature lui a donné raison. En effet si les lois régissant la génétique sont bien connues la complexité formidable atteinte par le génome des iris d'aujourd'hui, après plus de trente générations de croisements et re-croisements interspécifiques et inter-variétaux, ouvre un champ quasi infini à leur application. Benjamin Ross Hager, cet excellent et savant obtenteur américain, a écrit : « Les chromosomes portent une carte génétique qui contrôle le développement et les caractères » de chaque nouvel organisme issu d'une fécondation, qu'il s'agisse d'iris ou de tout autre organisme. Au moment de cette fécondation, dans les cellules reproductrices « le nombre de chromosomes est divisé en deux lots égaux » et le lot issu de la cellule femelle se combine avec le lot issu de la cellule mâle, créant chez nos iris une graine dans laquelle les nouveaux chromosomes seront une recomposition alliant les chromosomes des deux fleurs de base. Mais au moment de cette recomposition se produit un brassage des caractères portés par chaque chromosome. D'où le fait que chaque graine disposera d'un patrimoine génétique un peu différent et qu'elle donnera naissance à une nouvelle plante différente des deux plantes de bases mais aussi différente de celles provenant des autres graines issues de la même fécondation. On est devant une complexité qui n'est pas loin d'être comparable à celle qui concerne le génome humain, celle qui est à l'origine de l' «anomalie » qui est survenue avec l'apparition de ce bébé tellement différent de ses parents ! Un cas de ce genre reste exceptionnel mais il est toujours envisageable. l'hybrideur d'iris, même le plus habile, n'est jamais sûr de rien. La différence d'avec les humains, c'est qu'il pratiquera sans vergogne l'eugénisme et qu'il n'hésitera pas à envoyer au compost toutes les plantules qui ne lui conviendront pas ! C'est un jeu de probabilité dans lequel on peut mettre de son côté toutes les chances possibles mais où l'on doit faire la part du hasard et de la chance. C'est évident lorsqu'on regarde les différents semis provenant d'une même capsule. Il peut y avoir un grand nombre de fleurs voisines en modèle et en coloris, mais aussi des fleurs totalement différentes. Les bons hybrideurs maîtrisent assez bien ce phénomène, mais ils sont également souvent surpris par les fantaisies de la nature qui interviennent quoi qu'ils fassent. Pour en revenir au calembour qui constitue le titre de cette chronique, le jeu des lois de Mendel se combine avec le coup de dés qui permet d'avancer son pion sur le carton du jeu de l'oie...Cela contribue à maintenir cette dose d'adrénaline qui saisit l'hybrideur, qu'il soit professionnel ou amateur, lorsqu'il voit éclore la première fleur d'un nouveau semis. 

 Cette surprise est analogue à celle qui frappe un parent au moment il tient pour la première fois entre ses bras son petit enfant nouveau né. Les deux situations sont identiques, encore que pour les êtres humains elle soit encore plus complexe. Il y a si longtemps que les humains se mélangent que les possibilités sont encore bien plus immenses que chez les iris où cela fait seulement à peine deux cents ans que l'on pratique les croisements, et en plus en effectuant des choix sur les caractères des deux parents, alors que les humains ne pratiquent ni la sélection des rejetons ni celle des géniteurs !

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