TECTONIQUE DES SÉPALES
Les progrès apportés aux iris ne se sont pas limités à l’enrichissement des couleurs des fleurs. Ils ont porté aussi sur l’amélioration de la tenue des pièces florales, afin de présenter des fleurs plus élégantes et de plus longue durée de vie.
Le progrès le plus fondamental a été la transformation des sépales, mais les pétales eux-mêmes ont évolué. A l’origine, ils étaient légers, gracieusement arqués au-dessus des pièces sexuelles. Mais leur légèreté ne leur laissait qu’une brève période de parfaite présentation. Dans la nature ce n’était pas gênant parce que la fécondation doit se produire peu de temps après l’éclosion de la fleur : que le vent ou la pluie écrase les pétales n’avait aucune conséquence. Au jardin d’agrément, en revanche, il est préférable que les fleurs durent le plus longtemps possible. Les hybrideurs ont donc travaillé au renforcement des pétales. En sélectionnant les fleurs avec des pétales de plus en plus épais, et en retenant celles qui pouvaient se tenir bien rigides, soit en raison de la robustesse des côtes, soit à cause d’une forme turbinée, très solide. Mais en revanche la forme en arche a fait place peu à peu à une forme en coupe, donc ouverte sur le dessus, ou à une présentation en tulipe en bouton, donc fermée. L’élégance, dans ces cas, provient des ondulations et/ou des frisottis animant les bords.
En ce qui concerne les sépales, l’évolution a été encore plus remarquable. Le gros défaut des sépales d’iris, c’est qu’ils ont, d’origine, des attaches très minces. Cela n’est pas une anomalie : les sépales devaient initialement s’ouvrir largement et se rabattre pour laisser les insectes accéder facilement aux pièces sexuelles. En fait ils ressemblaient un peu aux feuilles de mâche, avec, en partant de la zone d’attache des pièces florales au-dessus des ovaires, une « queue » mince et étroite, s’étalant en une forme obovale, atténuée à la base, obtuse à l’extrémité. Par le jeu des sélections, les obtenteurs sont parvenus à obtenir des sépales cordiformes, donc s’élargissant très vite. Ceci est vrai pour les grands iris (TB, BB, IB), pas encore pur les iris nains, mais la problématique de ceux-ci n’est pas la même.
Parallèlement, comme pour les pétales, la matière, la chair, des sépales s’est épaissie, prenant une texture voisine de celle des pétales de magnolia. Peu à peu les sépales ont eu une meilleure tenue : au lieu de pendre tristement, ils se sont redressés, prenant à leur tour une allure en arc. Mais la transformation ne s’est pas arrêtée là. Le but à atteindre était des sépales se tenant le plus près possible de l’horizontale.
Un autre moyen de maintenir les sépales dans cette position a donc été de sélectionner les plantes dont ces parties se développaient rapidement en largeur, prenant cette forme cordée dont il a été question ci-dessus. Les Américains parlent de sépales « overlapping » (voir photos), c’est à dire qui ne laissent aucun espace entre eux et, même, viennent à se chevaucher, un peu comme les plaques tectoniques de la croûte terrestre. La fleur y gagne en ampleur ce qu’elle perd en accessibilité reproductrice : chez de nombreuses variétés modernes le chevauchement des sépales dissimule partiellement ou totalement les étamines et les styles. Dans un hybride, cela n’a pas d’importance puisque la pollinisation est exclusivement assurée par l’homme.
En plus, l’apparition des ondulations sur les fleurs d’iris a permis une meilleure tenue des sépales. C’est le principe de la tôle ondulée, où la rigidité est atteinte par le mouvement donné au métal : il est évident que les variétés ondulées ont des sépales plus rigides et plus dressés que les variétés plates (« tailored » comme on dit en américain).
Ainsi, de sépales mous et prenant vite une position rabattue, on est parvenu en 70 ans environ, à des sépales presque horizontaux, ondulés voire crêpés, qui maintiennent la fleur élégante et fraîche pendant plusieurs jours, permettant de voir ouvertes sur une même tige plusieurs fleurs étagées, un peu comme on a coutume de voir chez les glaïeuls ou les cannas. C’est évidemment plus spectaculaire.
Cela veut-il dire que les fleurs d’iris ont atteint une perfection sans possibilité d’amélioration ? Il faut répondre par la négative. Les fleurs d’iris vont continuer d’évoluer, pas nécessairement pour transformer fondamentalement les fleurs que l’on apprécie aujourd’hui, mais pour apporter d’autres formes. C’est d’ailleurs ce qu’imagine Richard Cayeux pour l’iris du futur lorsqu’il évoque, dans son livre « L’iris, une fleur royale », les iris barbus du troisième millénaire : « On peut donc dès aujourd’hui imaginer de nouveaux modèles de fleurs d’iris : des iris « spiders » (à divisions très longues et très fines…), des iris aux divisions bordées de cils… » ainsi que des fleurs à l’aspect de I. paradoxa, c’est à dire avec des sépales « très petits, horizontaux, portant une forte barbe noire et des pétales violets et chatoyants nettement plus grands ». Il a oublié de parler de la situation inverse : des iris sans pétales, c’est à dire avec une forme plate, un peu comme celle des iris du Japon, où les six pièces florales sont des sépales ou pseudo-sépales, se recouvrant largement. Les mouvements de ces sépales étalés n’auront pas les mêmes conséquences que ceux des plaques tectoniques terrestres, mais si ces formes venaient à se développer largement, ce serait tout de même, dans le petit monde des iris, une sorte de séisme.
Les progrès apportés aux iris ne se sont pas limités à l’enrichissement des couleurs des fleurs. Ils ont porté aussi sur l’amélioration de la tenue des pièces florales, afin de présenter des fleurs plus élégantes et de plus longue durée de vie.
Le progrès le plus fondamental a été la transformation des sépales, mais les pétales eux-mêmes ont évolué. A l’origine, ils étaient légers, gracieusement arqués au-dessus des pièces sexuelles. Mais leur légèreté ne leur laissait qu’une brève période de parfaite présentation. Dans la nature ce n’était pas gênant parce que la fécondation doit se produire peu de temps après l’éclosion de la fleur : que le vent ou la pluie écrase les pétales n’avait aucune conséquence. Au jardin d’agrément, en revanche, il est préférable que les fleurs durent le plus longtemps possible. Les hybrideurs ont donc travaillé au renforcement des pétales. En sélectionnant les fleurs avec des pétales de plus en plus épais, et en retenant celles qui pouvaient se tenir bien rigides, soit en raison de la robustesse des côtes, soit à cause d’une forme turbinée, très solide. Mais en revanche la forme en arche a fait place peu à peu à une forme en coupe, donc ouverte sur le dessus, ou à une présentation en tulipe en bouton, donc fermée. L’élégance, dans ces cas, provient des ondulations et/ou des frisottis animant les bords.
En ce qui concerne les sépales, l’évolution a été encore plus remarquable. Le gros défaut des sépales d’iris, c’est qu’ils ont, d’origine, des attaches très minces. Cela n’est pas une anomalie : les sépales devaient initialement s’ouvrir largement et se rabattre pour laisser les insectes accéder facilement aux pièces sexuelles. En fait ils ressemblaient un peu aux feuilles de mâche, avec, en partant de la zone d’attache des pièces florales au-dessus des ovaires, une « queue » mince et étroite, s’étalant en une forme obovale, atténuée à la base, obtuse à l’extrémité. Par le jeu des sélections, les obtenteurs sont parvenus à obtenir des sépales cordiformes, donc s’élargissant très vite. Ceci est vrai pour les grands iris (TB, BB, IB), pas encore pur les iris nains, mais la problématique de ceux-ci n’est pas la même.
Parallèlement, comme pour les pétales, la matière, la chair, des sépales s’est épaissie, prenant une texture voisine de celle des pétales de magnolia. Peu à peu les sépales ont eu une meilleure tenue : au lieu de pendre tristement, ils se sont redressés, prenant à leur tour une allure en arc. Mais la transformation ne s’est pas arrêtée là. Le but à atteindre était des sépales se tenant le plus près possible de l’horizontale.
Un autre moyen de maintenir les sépales dans cette position a donc été de sélectionner les plantes dont ces parties se développaient rapidement en largeur, prenant cette forme cordée dont il a été question ci-dessus. Les Américains parlent de sépales « overlapping » (voir photos), c’est à dire qui ne laissent aucun espace entre eux et, même, viennent à se chevaucher, un peu comme les plaques tectoniques de la croûte terrestre. La fleur y gagne en ampleur ce qu’elle perd en accessibilité reproductrice : chez de nombreuses variétés modernes le chevauchement des sépales dissimule partiellement ou totalement les étamines et les styles. Dans un hybride, cela n’a pas d’importance puisque la pollinisation est exclusivement assurée par l’homme.
En plus, l’apparition des ondulations sur les fleurs d’iris a permis une meilleure tenue des sépales. C’est le principe de la tôle ondulée, où la rigidité est atteinte par le mouvement donné au métal : il est évident que les variétés ondulées ont des sépales plus rigides et plus dressés que les variétés plates (« tailored » comme on dit en américain).
Ainsi, de sépales mous et prenant vite une position rabattue, on est parvenu en 70 ans environ, à des sépales presque horizontaux, ondulés voire crêpés, qui maintiennent la fleur élégante et fraîche pendant plusieurs jours, permettant de voir ouvertes sur une même tige plusieurs fleurs étagées, un peu comme on a coutume de voir chez les glaïeuls ou les cannas. C’est évidemment plus spectaculaire.
Cela veut-il dire que les fleurs d’iris ont atteint une perfection sans possibilité d’amélioration ? Il faut répondre par la négative. Les fleurs d’iris vont continuer d’évoluer, pas nécessairement pour transformer fondamentalement les fleurs que l’on apprécie aujourd’hui, mais pour apporter d’autres formes. C’est d’ailleurs ce qu’imagine Richard Cayeux pour l’iris du futur lorsqu’il évoque, dans son livre « L’iris, une fleur royale », les iris barbus du troisième millénaire : « On peut donc dès aujourd’hui imaginer de nouveaux modèles de fleurs d’iris : des iris « spiders » (à divisions très longues et très fines…), des iris aux divisions bordées de cils… » ainsi que des fleurs à l’aspect de I. paradoxa, c’est à dire avec des sépales « très petits, horizontaux, portant une forte barbe noire et des pétales violets et chatoyants nettement plus grands ». Il a oublié de parler de la situation inverse : des iris sans pétales, c’est à dire avec une forme plate, un peu comme celle des iris du Japon, où les six pièces florales sont des sépales ou pseudo-sépales, se recouvrant largement. Les mouvements de ces sépales étalés n’auront pas les mêmes conséquences que ceux des plaques tectoniques terrestres, mais si ces formes venaient à se développer largement, ce serait tout de même, dans le petit monde des iris, une sorte de séisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire