12.8.11
UNE HISTOIRE DE RACINES
Dans une récente chronique, ici même, j’ai écrit ceci : « Un rhizome en pleine forme, qui comporte plusieurs yeux, gages de multiplication des pousses, suffisamment développé pour soutenir l’effort de croissance et doté d’assez de racines pour pouvoir se ré-alimenter sans manquer, va pouvoir supporter le choc d’une transplantation, avec une chance de reprise presque absolue. » En effet, si le rhizome est le réservoir de nourriture de l’iris, il lui faut des racines pour approvisionner ce réservoir.
Chez les iris barbus (et quelques autres), elles se développent sous le rhizome sous la forme de fils, un peu épais, charnus, blanchâtres, plus ou moins longs et nombreux. Elles s’enfoncent dans le sol où l’iris a été planté à la recherche de nutriments et d’eau. Leur nombre et leur longueur dépendent de la nature du terrain : dans un sol meuble et sableux elles vont être nombreuses et plutôt longues car la perméabilité de leur environnement va les obliger à plonger pour trouver l’humidité, et la faible quantité d’éléments nutritifs va les inciter à se multiplier largement, d’autant plus que leur autre raison d’être est d’ancrer la plante dans son support et que, si ce support est meuble et peu résistant, elle vont devoir se ramifier et s’enfoncer pour trouver une assise suffisante. Prenez le cas des iris produits chez Bourdillon, en Sologne, dans un sol sableux : ils disposent de racines abondantes, chevelues, mais plutôt minces. Au contraire ceux en provenance des cailloutis morainiques de chez Cayeux ont des racines moins nombreuses, mais plus charnues et plus courtes.
Dans le même but d’assurer à la plante une stabilité suffisante, les racines les plus latérales vont s’écarter en éventail, courant près de la surface du sol. Celles placées à l’avant de la plante vont avoir un rôle primordial à jouer dans cette recherche de la stabilité, en effet la partie la plus lourde de la plante se trouve là : la hampe florale est placée à cet endroit et il va falloir la tenir bien dressée. Il arrive assez souvent que des iris, emportés par leur poids ou la pression du vent sur les lourdes fleurs épanouies, se couchent au sol. La faute en est à un enracinement insuffisant, soit que le sol, peu profond, n’ait pas permis un ancrage parfait, soit que les racines, peu ou pas assez développées, ne puisse pas jouer complètement leur rôle, soit qu’un substrat trop peu humide ne confère pas assez de raideur aux parties aériennes de la plante. J’ai coutume de comparer un tronçon de rhizome d’iris à une écrevisse : la partie charnue du rhizome rappelle la queue de l’écrevisse, la pointe est comparable à la tête de l’animal, grosse et lourde, les pinces sont la hampe et les pattes, avec lesquelles l’écrevisse se cramponne sur le fond du ruisseau, se sont les racines de l’iris.
Toutes les sections et séries d’iris rhizomateux n’ont pas exactement le même système radiculaire. Tout dépend de la nature du sol dans lequel ils poussent spontanément. Ainsi les iris préférant un milieu aquifère, ont-ils un réseau radiculaire fortement développé. C’est le cas des iris de Sibérie, des iris du Japon ou, tout simplement des iris pseudacorus qu’on rencontre si souvent, chez nous, au bord ou au fond même des fossés et des étangs. Il est évident que s’ils doivent s’ancrer dans la vase, les iris vont devoir produire des racines nombreuses, longues et ramifiées, bien différentes de celles des iris poussant dans des rocailles ou des talus. Les iris bulbeux, eux, n’ont pas les mêmes problèmes à résoudre. La forme symétrique de leurs bulbes et leur tige qui s’élève au centre de l’ensemble, en font des plantes beaucoup plus stables. Les racines se contentent de se développer régulièrement, en cercle autour du plateau où elles ont leur point d’implantation et se concentrent sur leur rôle de pourvoyeur de nutriments.
On voit à quel point les racines sont importantes pour nos chers iris. On voit aussi comment la nature a réussi à déjouer les pièges qu’ont générés les choix de mode vie qu’ils ont adopté lorsqu’ils ont, au cours de l’évolution, choisi de s’implanter dans tel ou tel milieu, sous tel ou tel climat, dans tel ou tel environnement. Comprendre tout cela aide à aimer encore mieux ces plantes auxquelles on s’intéresse, avec lesquelles ont devient intime, mais qui ne cessent jamais de nous émerveiller.
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