2.4.21

CELLE QU'ON CROYAIT ETERNELLE

« Est-ce qu'on peut ravoir à l'eau de Javel, 

des sentiments, 

la blancheur qu'on croyait éternelle, 

avant » (Alain Souchon) 

Avec le bleu, le blanc est la couleur la plus importante chez les iris. C'est notamment celle des illustres iris de Florence, celle qui figure sur le blason de la ville, mais qui a été évincée pour la culture des rhizômes à parfum par les iris de Dalmatie, bleu pâle, qu'on trouve de nos jours par champs entiers sur les collines de Toscane. Le blanc se rencontre dans une grande majorité des fleurs d'iris, le plus souvent sous forme de traces ou de griffures sous les barbes ou aux épaules, mais qui parvient aussi à coloniser la surface totale de la fleur. Les iris plicatas classiques étalent leur blancheur cernée de bleu ; les iris amoenas se partagent entre la couleur des pétales et le blanc des sépales ; les modernes distallatas de l'origine laissent leur blanc de base se rayer de bleu ou de pourpre ; les étonnants luminatas réservent au blanc pur l'intimité de leur cœur, et les éclatants glaciatas, abandonnant toute trace de pigments, offrent à leurs admirateurs la blancheur la plus immaculée. La couleur blanche, c'est à la fois la parfaite simplicité et la sophistication la plus élaborée. Pour cette chronique, nous allons examiner chacune des situations énoncées ci-dessus. 

Longtemps l’iris de Florence (I. florentina) a été une des richesses de la région du Chianti et même de toute l’Italie du Nord, jusqu’à la région de Vérone, au pied des Alpes. La ville de Florence en a tiré gloire et fortune et s’en est servie pour illustrer ses armes. Cependant, après des siècles de présence continue, la découverte de ce que l’iris de Dalmatie (I. dalmatica) était deux fois plus riche en irone, principe actif du parfum, a précipité sa disparition, du moins en tant que plante industrielle. Voilà pour la partie botanique de nos iris blancs, continuons avec la partie horticole. 

 Une seule couleur 

Des iris blancs il y en a des centaines, peut-être des milliers. C’est l’Anglais Sir Michaël Foster qui introduisit les premiers grands iris blancs. Il y a une controverse à ce sujet : Foster lui-même a écrit que ses premiers iris tétraploïdes blancs étaient issus de I. kashmiriana, ce qui est aussi l’avis de l’Américain Robert Sturtevant, mais d’autres, dont W.R. Dykes en personne, affirment que Foster s’est trompé et que l’espèce originelle est en fait I. cypriana. A vrai dire, cela importe peu pour le simple amateur d’iris. Un bref résumé de l'histoire des iris blancs des origines à nos jours passe par : 

‘Kashmir White’ (Foster, 1912), l'un des tout premiers ; 

‘Purissima’ (Mohr-Mitchell, 1927). Le premier blanc sans traces jaunes aux épaules ; présent maintenant dans presque tous les blancs ; 

‘Spanish Peaks’ (Loomis, 1946). Un cocktail où l’on a mélangé le blanc de ‘Purissima’ et celui de ‘Gudrun’, autre variété de M. Foster, ainsi que le bleu de ‘Dominion’ ; le résultat est un blanc absolu, y compris la barbe. 

‘Winter Olympics’ (O. Brown, 1963). Issu du fameux bleu ‘Rehobeth’, il a remporté la DM de 1967 ; 

‘Madeira Belle’ (Quadros, 1970). On aborde les temps modernes avec cette variété mondialement appréciée qui se situe à la huitième génération depuis 'Kashmir White' ; 

‘Missy Yorktowne’ (Innerst, 1984) (Lemon Mist X Madeira Belle) n’a eu qu’un instant de gloire, le jour où il a obtenu le Florin d’Or à Florence en 1987, mais c'est un blanc parfait ; 

‘Wedding Vow’ (Ghio, 1972). Ce descendant de ‘Purissima’ a parcouru 10 générations en 45 ans seulement ; 

‘Bubbly Mood’ (Ghio, 1984) (Social Whirl X Ruffled Ballet). Un blanc superbe, pas assez répandu ; 

‘Arctic Express’ (Gatty, 1995) (Christmas X Ocean Pacific). Digne fils de 'Christmas' : tout aussi ondulé et immaculé, qui se situe à la quinzième génération ; 

Avec 'Frison-Roche' (R. Cayeux, 1995) on revient en Europe, au moment où celle-ci a pleinement repris sa place dans le concert du monde des iris ; 

'Blanc de Monneret' (R. Cayeux, 2017), l'un des derniers blancs de chez Cayeux, pas encore très connu, à peine marqué de jaune aux épaules. 

 Tout ceci pour ne parler que des blancs « purs ». Mais il faut aussi dire un mot de ces iris blancs agrémentés d'une barbe colorée. Et de ce côté on a l'embarras du choix car les hybrideurs s'en sont donnés à cœur joie pour introduire des barbes de couleur dans les iris blancs ! On trouve de tout : jaune, rouge, bleu, moutarde, voire pourpre tirant sur le noir. Pour les barbes jaunes, on peut prendre pour modèle l'excellent 'White Lightning' (J. Gatty, 1973) ; pour les rouges ce sera, par exemple 'Arctic Fox' (V. Wood, 1997) ; pour les bleues, plus rares, ce que j'ai trouvé de plus remarquable est 'Electric Surge' (J. Weiler, 1992) ; pour les barbes sombres, choisissons 'Beau Zam' (B. Blyth 1987), qui a hérité des barbes brunes initiées par Melba Hamblen dans les années 1970. 

(à suivre)...

Illustrations :

- 'Purissima'


- 'Missy Yorktowne'


- 'Blanc de Monneret'


- White Lightning'


- 'Electric Surge'

 

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