Ce n'est pas la première fois que l'on aborde ici la problématique du nom des iris. C'est une question importante car elle impacte gravement toute l'existence d'une nouvelle variété. Lawrence Ransom disait que, pour lui, c'était une étape plus délicate que le choix des parents ou la sélection des semis. Tous les hybrideurs ne rencontrent pas ces difficultés, mais le choix d'un nom reste un moment essentiel.
« Un iris qui n'a pas de nom n'existe pas ». C'est par cette phrase que Valeria Romoli, l'ancienne directrice du concours de Florence, commençait il y a quelques années un article sur le sujet dans une publication italienne. Son but était de sensibiliser ses compatriotes à la nécessité de faire enregistrer leur production avant de la mettre sur le marché. Car pendant longtemps les amateurs italiens d'iris n'ont pas considéré que leurs obtentions méritaient un enregistrement, du moment qu'elles n'avaient pas vocation à sortir de leurs jardins d'origine. Pendant de nombreuses années, donc, l'Italie n'existait pas aux yeux du monde des iris. Pourtant à cette époque des variétés très intéressantes ont été obtenues par des hybrideurs (et surtout des hybrideuses) de talent, dont certaines ont essaimé un peu partout en Europe où on les trouve encore ! Mais l'absence de renseignements sur leur pedigree rend hasardeuse leur utilisation en hybridation et les empêche pratiquement d'avoir la descendance que leurs qualités pouvaient laisser espérer. C'est une perte pour le monde des iris. Une perte et un risque de confusion et de quiproquos.
Car l'absence d'enregistrement du nom choisi, de même qu'un enregistrement tardif (après la commercialisation de la plante) est une opération à risque. En effet, si le nom n'est pas retenu officiellement, un autre hybrideur peut le choisir à son tour, en toute bonne foi, de sorte qu'il y aura deux variétés homonymes. C'est, par exemple, ce qui est arrivé à la famille Anfosso avec la variété désignée au catalogue d'Iris en Provence sous le nom de 'Samarcande'. Un iris remarquable signé Pierre-Christian Anfosso, commercialisé en 1992 mais enregistré seulement en 2012. Oui, mais un vieil iris de 1934 avait été à l'époque enregistré sous le nom de 'Samarcand'. L'appellation moderne a donc été refusée. D'où l'obligation de modifier le nom initial d'une variété diffusée depuis vingt ans, et de l'appeler officiellement 'Samarcande Grège' ce qui d'une part sent à plein nez le raccommodage, et d'autre part écorne le caractère évocateur du nom d'origine. La même mésaventure est arrivée à la Maison Cayeux avec la variété qui porte aujourd'hui le nom officiel de 'Aigle Marine' (2011), ce qui n'a guère de sens, mais qui a été mise au catalogue avant enregistrement sous celui de 'Aigue Marine', lequel avait déjà été donné, en 1938, à un iris de Ferdinand Cayeux. Un tel pataquès est difficilement explicable !
Certains hybrideurs ont du mal à accepter les exigences exprimées par le service d'enregistrement de l'AIS, et préfèrent renoncer à l'enregistrement plutôt que de se plier aux règles édictées. Ils ont tort. Certes ces règles sont contraignantes, mais elles ont le but louable d'éviter toute confusion et tout excès. Encore faudrait-il qu'elles soient appliquées à la fois avec rigueur et avec discernement, ce qui n'est pas toujours le cas et dépend bien souvent de l'humeur du « registrar ». Ainsi, comme on vient de le voir, 'Samarcande' a été refusé parce qu'il y avait 'Samarcand' alors qu'a été accepté 'Sardane' (Dejoux, 2008) alors qu'on trouve 'Sardana' (Peckham, 1942) ! Certaines décisions du « registrar » peuvent paraître franchement discutables, voire arbitraires. Ainsi, cette année, 'Vanille Citron' (B. Habert, 2021) a finalement été refusé au motif que les deux mots constituant le nom étaient deux adjectifs désignant des couleurs (association effectivement interdite), alors que ce sont d'abord des substantifs attribués à des fruits ! Et alors que le nom de 'Chocolate Vanilla' avait été accordé à Barry Blyth en 1991. Mais dans ce domaine il n'est pas possible de faire appel, et le plus sage est d'accepter la sanction...
Ce sont là de petits incidents désagréables mais inévitables et cette controverse ne doit pas éloigner les hybrideurs de la nécessité de faire enregistrer le nom des variétés qu'ils ont l'intention de commercialiser. Il y va de l'ordre qui est nécessaire en horticulture comme en tout autre domaine et de la bonne harmonie qui doit régner dans le petit monde des iris.
Illustrations :
'Chocolate Vanilla' .
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