14.8.21

LE TEMPS DES LIGNÉES

Le petit monde des iris n'a pas toujours été celui que nous connaissons aujourd'hui. La mondialisation a, bien sûr, transformé les attitudes, mais auparavant déjà de profonds changements étaient intervenus dans le comportement des hybrideurs. C'est à la lecture de « The World of Irises » qu'on s'en rend vraiment compte. Quand les hybrides étaient peu nombreux, les obtenteurs développaient chacun leurs lignées dans les différents modèles et couleurs. Et ils se montraient quelquefois très jaloux des progrès qu'ils obtenaient, au point de ne pas révéler les pedigrees de leurs cultivars de peur qu'un confrère ne reproduise leur iris et ne les prive des profits (horticoles et commerciaux) de leurs recherches. C'est ainsi que pour chaque modèle ou chaque couleur les principaux hybrideurs avaient leur propre lignée. Mais, inévitablement, des échanges ont eu lieu et les différentes lignées ont fini par ce mélanger, au point qu'aujourd'hui les nouvelles variétés ont des pedigrees très complexes, où l'on découvre des gènes de multiples origines. 

 On trouve un bel exemple de ces développements différenciés dans la généalogie des iris blancs. Il est acquis que le point de départ se situe à 'Kashmir White' (Foster, 1912). Le tableau ci-dessous résume la généalogie des descendants de cette prodigieuse variété. Il s'arrête dans les années 1960/70 mais par la suite les iris blancs ont continué d'être produits avec des emprunts dans les différentes lignées, de sorte qu'on ne peut plus du tout attribuer à l'une ou l'autre les variétés actuelles. 



 La même constatation peut être faite pour les iris plicatas. Avec deux pôles très différents : d'une part la double lignée américaine, celle partie de Californie avec le travail de William Mohr puis de Sidney Mitchell, et celle issue des recherches des frères Sass dans le Middle West ; d'autre part la lignée française créée par Ferdinand Cayeux. De la première lignée résultent le fameux 'San Francisco' (Mitchell, 1927) ainsi que son frère de semis 'Los Angeles' (Mitchell, 1927). C'est la lignée « Mohr-Mitchell » dont l'élément le plus important est 'Sacramento' (Mitchell, 1929). Chez les Sass la lignée est beaucoup plus importante, en nombre de variétés tout au moins, et plus étrange puisqu'elle est a pour origine l'espèce I. variegata dont on n'attendait pas un tel avatar. La lignée Sass comprend des variétés aussi connues et importantes que 'Tiffany' (1931), 'Siegfried' (1935), 'Orloff' (1937), 'Minnie Colquitt' (1931), 'Blue Shimmer' (1941), 'Dotted Swiss' (1956) ou 'Tea Apron' (1961). Ces deux lignées ont été très vite croisées et ont donné naissance à une multitude de variétés obtenues par Tom Craig, Fred DeForest, Jesse Wills et bien d'autres... La lignée française initiée par Ferdinand Cayeux, s'est développée à partir de 'Ensorceleur' (1924) jusqu'à 'Seduction' (1933) et surtout 'Madame Louis Aureau' (1934) qui a connu un succès mondial et constitue l'un des piliers des plicatas modernes. 

 La maison Schreiner a créé sa propre lignée de plicatas à partir de 'Madame Louis Aureau'. Cela a commencé par les enregistrements de 1942, 'Gypsy Baron', Lady of Shalott' et 'Magic Carpet' qui réunissent la lignée française et la lignée Sass. 'Magic Carpet' a conduit (du moins est-ce ce que la rumeur véhicule puisque l'on n'est pas certain de son pedigree) à 'Flying Saucer' (1950), puis à l'irremplaçable 'Rococo' (1959) qui est l'exemple absolu des plicatas à fond blanc et dessins violets ou bleus. Chez Schreiner on a continué cette nouvelle lignée pendant de longues années. Ainsi en 1964 sont apparus 'Blue Petticoats' et surtout 'Stepping Out', même si pour ce dernier on ne soit pas sûrs du pedigree. Mais bien d'autres hybrideurs ont utilisé cette lignée pout leur propre programme. C'est le cas de Keith Keppel avec 'Charmed Circle' (1968) puis 'Gentle Rain' (1976), 'Emphasis' (1976) et 'Snowbrook' (1986)... 

 Jim Gibson, un autre des maîtres des plicatas, a également créé sa lignée à partir de 'Madame Louis Aureau'. On trouve au début 'Gibson Girl' (1946) puis, indirectement, 'Taholah' (1953), suivi de 'Wild Ginger' (1960) et du remarquable 'Kilt Lilt' (1969). On pourrait continuer comme cela dans toutes les directions... 

 Il est évident qu'à partir du moment où toutes les origines se trouvent mélangées on ne peut plus parler de lignée. Celles-ci ont fait leur temps. Elles ont grandement contribué à l'évolution et à l'expansion du monde des iris. 

 Illustrations : 


 'Kashmir White' 


'Social Whirl' 


'Madame Louis Aureau' 


'Magic Carpet'

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