16.11.21

LA LONGUE HISTOIRE DES IRIS EN FRANCE

première partie
 
Qu'on le veuille ou non, c'est bien en France qu'a débuté la culture horticole des iris. Les hommes ont toujours été attirés par les iris. Ils ont été émerveillés par la richesse de cette fleur et la variété de ses couleurs. Ce n'est pas pour rien qu'ils lui ont donné le surnom de « plante arc-en-ciel », mais leur émerveillement n'a fait que croître dès lors qu'ils ont compris que l'on pouvait en faire varier indéfiniment les coloris, les tailles, les formes, rien qu'en choisissant les parents au moment du croisement. 

Cette découverte a été une véritable révolution. Elle est le fait d'un aristocrate français, Marie Guillaume de Bure. Bien qu’apparemment sans activité professionnelle, ce descendant d'une illustre famille d'éditeur avait suffisamment de fortune pour vivre de ses rentes et s’adonner sans crainte du lendemain à sa passion pour les iris. Comme tout le monde il s'est extasié devant les variations dans le coloris des fleurs obtenues par les seules pollinisations naturelles et il s'est dit qu'il était possible de sélectionner les plus belles – ou les plus originales – parmi les fleurs issues de l'intervention des insectes pollinisateurs. On s'accorde à dire que ce travail de sélection aurait commencé dans les années 1830, et que son premier choix se serait porté sur une variété du modèle plicata qu'il a baptisé 'Iris Buriensis'. Cet iris est aujourd'hui disparu (à moins qu'il ne se soit naturalisé, ce qui est probable), mais le travail de quelques chercheurs a permis de dire qu'il devait être assez semblable à la variété dénommée 'True Delight' (Sturtevant, 1924), mais aussi, peut-être à 'Jeanne d'Arc' (Verdier 1907). Aujourd'hui personne ne discute de l'apparence de 'Iris Buriensis', mais une étude récente laisse à penser que cette variété serait bien antérieure à la date à laquelle on situait jusqu'ici son origine. Plutôt que les années 1830, il faudrait parler des années 1810, ce qui situe l'origine de l'horticulture des iris bien plus tôt qu'on ne le pensait ! 

Monsieur de Bure a été suivi très rapidement par d'autres pépiniéristes français, en particulier Henri Antoine Jacques, jardinier du roi Louis-Philippe en son château de Neuilly dont l'obtention la plus célèbre est la variété 'Jacquesania', des années 1840. Ce fut ensuite une famille de pépiniéristes prolifiques et inspirés, Jean et Jean Nicolas Lémon, qui ont mis sur le marché un grand nombre de variétés. Ces plantes ont rencontré un formidable succès et de nombreuses d'entre elles existent encore, cent soixante dix ans après leur sélection. Témoin : 'Madame Chéreau' (1844). 

Car il s'agit de plantes obtenues par pollinisation naturelle puis sélectionnées par le pépiniériste. Pour ce qui est des croisements réalisés de la main de l'homme, il faudra attendre encore un peu. Auparavant la suprématie française va traverser une crise importante causée par la guerre franco-prussienne de 1870 puis l'épisode révolutionnaire de la Commune de Paris (1871). Pendant ces quelques années d'éloignement des spécialistes français, les horticulteurs britanniques ont repris le flambeau et fait rapidement progresser l'horticulture des iris. Il a fallu attendre les années 1880/1890 et la prééminence de la famille Verdier pour voir la France revenir au premier plan. 

 Victor Verdier était le neveu d'Antoine Jacques, le jardinier du roi Louis-Philippe. Lui et ses fils ont repris le flambeau familial. Leur activité a été essentiellement celle de pépiniéristes, commercialisant les obtentions de leurs confrères, comme les Lémon ou leur oncle Jacques. Néanmoins on connaît d'eux quelques variétés très renommées à leur époque, comme 'Clio' (1863) qui, maintenant, si l'on en croit les clichés disponibles, date profondément.

 Pendant le demi-siècle qui s'est écoulé alors, se sont produits des événements essentiels de l'histoire des iris, comme le passage à la tétraploïdie, auquel les hybrideurs français ont largement contribué. Certes, ce ne sont pas eux qui ont été à l'origine des cette découverte, mais quand ils ont retrouvé assez de vitalité ils s'y sont tout de suite intéressés. Pendant les épreuves qui affectaient les jardiniers français, leurs collègues anglais continuaient leur travail. Inquiets de constater qu'ils ne découvraient plus de coloris nouveaux chez leurs iris, ils ont eu l'idée de faire appel aux gros iris bleus prélevés au Proche ou Moyen Orient, mais très vite, cependant, ils se sont trouvés dans une impasse : les iris moyen-orientaux ne donnaient que des fleurs dans les tons de bleu. D'où l'idée de les croiser avec les iris européens. Cependant ces premiers croisements ont été très décevants. Peu de fécondations réussies et semis s'avérant stériles... A l'époque on ne s'expliquait pas ces phénomènes et il fallut la persévérance des hybrideurs pour continuer à tenter leur chance, avant qu'un scientifique français, Marc Simonet, ne vienne élucider le mystère en comptant les chromosomes et en expliquant pourquoi ils rencontraient tant de difficultés. 

 Cette période d'incertitude qui a duré une bonne trentaine d'années a malgré tout marqué une étape fondamentale dans l’histoire des iris. Les efforts des hybrideurs français ont été déterminants et des horticulteurs comme Fernand Denis ou Alexandre et Lionel Millet, inspirés par leurs collègues britanniques, en faisant venir de Turquie des iris à grandes fleurs et en multipliant les croisements avec des iris à « petites » fleurs ont fini par obtenir ces fleurs fertiles et richement colorées que nous connaissons aujourd'hui. Fernand Denis eut une carrière très productive. Rien que pour les TB, plus de 70 variétés lui sont attribuées. Parmi celles-ci le célèbre 'Demi-Deuil' (1912) ou le bleu pâle 'Andrée Autissier' (1921). Quant aux Millet père et fils, tout aussi productifs, nous leur devons les incontournables 'Souvenir de Madame Gaudichau' (1914) ou 'Mary Senny' (1931).

 (à suivre) 

Illustrations : 



'Jeanne d'Arc' 


'Demi-Deuil' 

'Clio' 




'Madame Chéreau'

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