18.12.20

DEMAIN, C'EST QUAND ?

De nombreux livres consacrés aux iris se terminent par un chapitre de prospective. Les auteurs se lancent dans des projections à propos des iris du futur qui se révèlent, au bout de quelques années, complétement erronées. J'en prendrai dans cette chronique quelques exemples, puis je livrerai ma propre visions sur ce qui peut se produire dans un avenir plutôt proche, car imaginer le futur lointain relève de la science-fiction. 

Commençons par le remarquable ouvrage de Graeme Grosvenor « Iris, Flower of the Rainbow », qui date de 1997. Le chapitre 8, le dernier, s'intitule « The future, 2000 and beyond  » (en français : Le futur, 2000 et au-delà). Les premiers paragraphes énumèrent des observations qui sont et seront toujours d'actualité : « (…) les jardiniers continueront de demander un produit qui soit sain, vigoureux, florifère et performant dans tous les domaines (…) et il y aura une augmentation de l'intérêt pour les iris remontants et ceux qui auront une période de floraison plus longue. » Grosvenor fait aussi remarquer « Le développement aura besoin d'être orienté vers la production de plantes résistantes aux deux grands problèmes que l'on rencontre avec les iris – la pourriture du rhizome et les taches sur le feuillage – et les autres maladies d'origine mycologique. » En matière de couleur et de modèle, il évoque les iris « noirs » (qui ont de nos jours à peu près atteint la saturation maximale) et les iris rouges dont ils pense qu'ils ne proviendront qu'à partir de manipulations génétiques ; il ne fait pas grand cas des « broken color », mais il envisage un développement des barbes en opposition à la couleur des sépales, et, d'une façon générale, une diversification chez les bicolores, notamment les amoenas, qu'il voit s'imposer dans toutes les couleurs. Enfin il fait preuve de beaucoup d'enthousiasme pour un grand développement des plicatas. Pour exprimer ce qu'il pense probable, il publie des photos rectifiées où les associations de couleurs sont proprement surprenantes (vert/rose, bleu/rouge...). En revanche il ne parle ni des iris bouillonnés, ni des fleurs « spider », ni des variétés « flore pleno ». Somme toute ses projections sont plutôt raisonnables, même si, jusqu'à présent, ses rêves de bicolores flamboyants restent du domaine de l'imaginaire. 

Richard Cayeux, dans « L'Iris, une fleur royale » (1996) aborde la question du futur dans le dernier chapitre intitulé « Les Iris barbus du troisième millénaire », ce qui est peu-être viser un peu loin. Les perspectives qu'il imagine restent cependant pour la plupart dans le domaine du possible. Il parle notamment des barbes hypertrophiées que ce soit vers de grosses barbes façon chenille ou vers de longs éperons, de pièces florales s'atrophiant ou au contraire se développant généreusement (en prenant soin d'expliquer très didactiquement comment ces phénomènes peuvent intervenir), ce qui peut aboutir aux fleurs « spider », ciliées ou aplaties (ce qu'en Amérique on appelle « flatties »). De manière tout aussi pédagogique il précise, à propose des mutations complexes comme celle qui seraient nécessaires pour obtenir le mythique rouge pompier que : « (…) ces mutations sont extrêmement rares et il est illusoire d'espérer de tels changements de la structure moléculaire. » Mais il ajoute néanmoins « qu'une simple mutation » peut éventuellement suffire à obtenir la couleur rouge. Par ailleurs il rêve d'un amoena et d'un plicata parfaitement noir et blanc, ainsi que d'un jaune ou d'un orange à barbes bleues. Il conclut avec une remarquable sagesse : « (…) les perspectives futures ne doivent pas, à notre avis, nous faire oublier que l'originalité ne doit pas être le souci premier de l'hybrideur, l'esthétique primant. » 

Les développements actuels tendent à lui donner raison. On ne constate pas l'amorce des évolutions colorées imaginées par Graeme Grosvenor. Et les phénomènes qui sont actuellement sélectionnés ont plutôt tendance à privilégier des couleurs ou associations de couleurs, et des formes et modèles raisonnables et effectivement esthétiques. Ainsi les iris « à pompons », avec des excroissances bizarres en place des barbes sont-ils cantonnés à des cultivars expérimentaux pas encore mis sur le marché. Rien non plus du côté des bicolores improbables ! Cette situation me paraît découler d'un vrai bon sens, mais en revanche d'autres évolutions peuvent être considérées comme inquiétantes. C'est le cas à mes yeux de ces avalanches de nouveautés toutes plus ou moins proches les unes des autres qui noient les véritables innovations dans une foule de frères jumeaux d'une navrante banalité. 

Sans doute cette mode n'aura-t-elle qu'un temps. C'est à souhaiter pour qu'apparaissent et survivent les véritables iris du futur. Car pour l'instant on est davantage sur une évolution de l'existant que sur une apparition de modèles nouveaux. On peut donc se poser la question : l'avenir, c'est quand ? 

Illustrations : 



 un exemple d'iris bicolore révolutionnaire, façon Grosvenor 

 

 un iris à pompons

 

 un iris « à fleur de pensée » 

 

 une variété « flattie»

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