13.2.21

LA DÉCEPTION DU Dr LOOMIS

Dans la biographie de Philip Loomis, publiée ici en janvier 2010, il y a quelque chose qui a été oublié : la déception que ce grand hybrideur a du connaître en 1934 quand l'un de ses iris n'a pas pu recevoir la Médaille de Dykes qui lui était pourtant promise. Cette variété maudite s'appelle 'Blue Velvet' (Loomis, 1929). Le docteur Loomis devait pourtant avoir un sentiment très particulier pour cet iris qui était le premier qu'il ait enregistré. Quand on connaît le rigueur avec laquelle il sélectionnait ses obtentions, on peut être convaincu des qualités de ce premier-né ! 

Pour la médaille de 1934 il n'y avait pas beaucoup de candidats, et dans le petit monde américain des iris il se disait que le vainqueur allait être ce 'Blue Velvet' que chacun considérait comme le meilleur. Bien entendu Philip Loomis était au courant de ces opinions favorables et il devait s'en réjouir in petto comme font tous les favoris d'une compétition quelle qu'elle soit. Mais un grain de sable est venue gripper la machine. Ce grain de sable c'est un point du règlement de la compétition qui avait évolué à l'automne 1933 et qui dès ce moment exigeait que pour être éligible à la DM, une variété devait avoir été enregistrée et mise sur le marché depuis au moins cinq ans. L'introduction de 'Blue Velvet' datait de 1929, ce qui était tout à fait à la limite. Par ailleurs une variété mise sur le marché en 1929, ('Rameses', Sass,1928), avait déjà obtenu la DM, en 1932. Dans ces conditions le Bureau des Directeurs de l'AIS a été d'avis que 'Blue Velvet' n'était pas éligible et a refusé de lui accorder la médaille, en décidant tout de même de ne la délivrer à aucun autre iris. 

Voilà comment le Dr. Loomis a du attendre huit ans encore avant de voir l'une de ses variétés enfin couronnée. 

La description qui est donnée de 'Blue Velvet' dans le catalogue de ses introducteurs, Mr et Mrs Douglas Pattison, est la suivante : « Iris d'une beauté superlative. Grande fleur de substance épaisse portée par une tige rigide, joliment branchée. D'un bleu foncé pur, riche et d'une matière charnue. Toute la fleur est d'un aspect velouté jusqu'ici inégalé. Les pétales sont de la même teinte que les sépales et tout aussi veloutés. On peut le comparer au velours bleu le plus sombre, le plus riche et le plus profond. Il n'y a pas de descendant de 'Dominion' qui lui soit comparable et à notre avis c'est un des meilleurs iris que nous ayons introduits. » Il faut faire la part de l'argumentation commerciale, mais 'Blue Velvet' est sûrement un iris de grand mérite, et d'ailleurs les Pattison avaient la réputation d'être très exigeants et de n'ouvrir leur pépinière qu'à des plantes exceptionnelles. 

Le docteur Loomis n'a pas donné le pedigree de son iris, à l'époque cela n'était pas une obligation, de sorte que l'on ne sait de ses origines que ce que le uns ou les autres en ont dit. En particulier à ce que Mrs. Pattison en a écrit dans la description donnée ci-dessus, à savoir que c'est un descendant de 'Dominion', donc un TB tétraploïde. La couleur de 'Blue Velvet' est effectivement un bleu remarquable, un bleu légèrement violacé comme c'était inévitable avant les années 1960, mais devenu par la suite assez courant. Ce qui le caractérise serait plutôt sa pureté. Les pétales, légèrement plus clairs que les sépales, rappellent ceux de 'Dominion', ce qui tend à confirmer la paternité évoquée. D'après Kathy Oldham qui a, dans le bulletin de l'AIS de l'automne 2020, rappelé l'anecdote de cet iris, 'Blue Velvet' a évoqué aux yeux d'un amateur le bleu des vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ce qui en dit long sur l'admiration que cette couleur a suscité dans les années 1930 ; un peu comme l'admiration étonnée qui a accompagné l'apparition de 'Mystique' (Ghio, 1972). 

On ne lui connaît que deux descendants enregistrés, et ce ne sont pas des produits q'une grande maison mais ceux d'amateurs néanmoins confirmés. 'Lady Beaumont' (Mrs. Beaumont, 1956) est sobrement décrit comme un unicolore violet ; l'énigmatique 'B.P.O.E.' (W.E. Taylor, 1946) n'est quant à lui décrit que sous le code (en vigueur à l'époque) B7D, ce qui signifie qu'il s'agit d'un iris unicolore rouge sombre. Ce faible nombre de descendants ne veut pas dire que les hybrideurs n'ont pas trouvé d'intérêt à cette variété, mais au contraire qu'ils l'ont considérée comme un achèvement, et qu'il n'était pas imaginable d'apporter un progrès à cet iris. 

Que 'Blue Velvet' ait été exclu de la Médaille de Dykes uniquement pour une question réglementaire – au demeurant discutable - alors qu'au plan de l'horticulture il avait tout pour triompher a du effectivement causer bien du dépit à son obtenteur Philip Loomis. Mais ce cas n'est pas unique et l'on connaît plusieurs autres variétés parfaites qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas reçu la récompense suprême. 

Illustrations : 

'Blue Velvet'

 

'Rameses' 


'Dominion' 


'Mystique'

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