17.4.21

CELLE QU'ON CROYAIT ETERNELLE (III et fin)

« Faux » plicatas 

 

Une question récurrente, qui divise le petit monde des iris est celle de savoir s’il existe ou non des plicatas jaunes. Il est admis que, par définition, « plicata » signifie « iris à fond blanc ou coloré de jaune, rose ou orange, avec des motifs pointillés ou rayés bleus, violets ou pourpres ». Ce qui signifie qu’un iris jaune, aux sépales centrés de blanc comme 'Joyce Terry' (Muhlestein, 1974) n’est pas un plicata, même s’il en présente tous les signes apparents. Parce qu’il n’aurait pas ces fameux pigments anthocyaniques dont l’apparition en quantité de plus en plus dense au fur et à mesure qu’on approche du bord des sépales (et parfois des pétales) est l’élément fondateur du modèle plicata. Pour définir les iris chez qui le fond est masqué par des pigments caroténoïdes (jaunes ou rouge) il faut faire appel à une autre dénomination. Celle-là n'a rien de pseudo-latin. On s'en rapporte à la variété de ce modèle la plus emblématique, où la couleur recouvre entièrement les pétales mais partiellement les sépales. Il s'agit donc de 'Joyce Terry'. Il existe un très grand nombre d'autres varétés, presque autant que de véritables plicatas ! Plusieurs se sont même distinguées dans les compétitions, que ce soit à Florence, comme 'Launching Pad' (Knopf, 1966), ou en Grande-Bretagne comme 'Early Light ' (N. Scopes, 1983). Mais c'est la Médaille de Dykes qui a confirmé leur universalité, avec 'Debby Rairdon' (Kuntz, 1964), puis 'That's All Folks' ( W. Maryott, 2004).Sans parler d'un modèle très exceptionnel, où le jaune n'est présent que sous forme d'un étroit liseré, dont le héraut est 'Bride's Halo' (H. Mohr, 1971). Ce modèle dit Joyce Terry se décline en jaune, mais aussi en rose ou en orangé. En rose voyez le délicieux 'Wait a Minute' (J. Ghio, 2018) et en orangé pensez au très rare 'Aphrodisiac' (Schreiner, 1986) qui n'a pas vieilli. Enfin, pour l'anecdote, n'oublions pas cette sorte de Joyce Terry inversé qu'est 'Sofia' (B. Blyth, 2002) ! 

 Moitié-moitié 

 Lorsqu'il s'agit de l'inhibition des pigments, donc de leur effacement, on est bien servi avec le modèle amoena puisque sa définition même est l'absence de pigments sur la moitié supérieure de la fleur. Rappelons que la première variété moderne à présenter ce modèle a été 'Wabash' (E. B. Williamson 36), dont la lignée s'est éteinte presque tout de suite. Paul Cook a réussi un coup d'éclat avec ‘Melodrama’ (Cook, 1956), ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), ‘Emma Cook’ (Cook, 1957), ‘Miss Indiana’ (Cook, 1961) et d'autres d'immense valeur qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores. La variété qui a par la suite été le plus utilisée pour obtenir des amoenas est 'Whole Cloth' et l'on peut dire que c'est elle qui est à la racine de ce modèle. Aujourd’hui les amoenas sont innombrables et on en trouve dans tous les coloris. Avec des sépales bleus –ou violet – bien entendu, comme l’inaltérable ‘Alizés’ (Cayeux, 1991) ou son petit cousin ‘Deltaplane’ (Cayeux, 1993) ; en jaune comme ce qu’en un temps obtenait Barry Blyth, en Australie, et qui nous vaut ‘Alpine Journey’ (1983) ou ‘Aura Light’ (1996) ; en rose, ce dont Dave Niswonger s’est fait une spécialité qui a abouti à ‘Champagne Elegance’ (1987) ou ‘Coral Chalice’ (1983) ; en mauve (voir l’exemplaire ‘Cumulus’ – Cayeux, 2000) ; en magenta (voir ‘Calypso Beat’ – Schreiner, 2002) ; en grenat comme ‘Amity Estate’ (Schreiner 2003), en orange où se distinguent ‘Fondation Van Gogh’ (M. Anfosso, 1990) ou ‘Château d’Auvers’ (Cayeux, 2003), et même en noir (ou presque) comme le montrent le fameux ‘Starring’ (Ghio, 1999) ou l’excellent ‘Midnight Moonlight’ (Baumunk, 1999). Cependant les hybrideurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin et ils se sont fixés pour défi d'obtenir des amoenas sur lesquels la disparition des pigments intervient sur les sépales, laissant la couleur sur la partie supérieure de la fleur. L'entreprise ne s'est pas déroulée sans mal et avant qu'on obtienne de véritables amoenas inversés il s'est écoulé un demi-siècle, mais à partir de ce moment on a connu une intense prolifération qui s'est un peu ralentie à présent mais qui a laissé des fleurs délicieuses. La mode en est un peu passée aujourd'hui mais parmi les variétés des dernières années il y a de fort jolies choses, comme 'Reversi' (M. Sutton, 2005), 'Romancer' (B. Blyth, 2000) ou, en très pâle, 'Jardins de Chaumont' (R. Cayeux, 2013). 

En souvenir d'Emma Cook 

 La variété 'Emma Cook' (P. Cook, 1957) fait partie de la série des bicolores et amoenas obtenues par Paul Cook à partir de 'Progenitor', petit iris insignifiant mais considérable en matière génétique puisque possesseur du gène inhibiteur de la couleur dans les pétales. Avec 'Emma Cook' ce gène est même allé plus loin puisque l'inhibition s'est étendue aux sépales, à l'exception d'un étroit ruban soulignant le bord. C'est devenu un modèle à part entière et de nombreuses fleurs l'arborent aujourd'hui. Richard Cayeux l'apprécie beucoup puisqu'il a enregistré par exeple : 'Elégant' (2004), 'Bord de Mer', (2009) ou 'Lac de Come' (2020). Mais bien d' autres hybrideurs s'y sont adonnés ; c'est le cas d'Augusto Bianco avec 'Vento di Maggio' (2011) ou de Fred Kerr avec 'Queen Circle' (1999). 

Lumière au cœur 

La couleur blanche a trouvé d'autres moyens de s'infiltrer dans les fleurs d'iris. On a vu comment elle apparaissait dans les iris plicatas. Mais elle peut aussi être appliquée « à l’envers », et dans ce cas on baptise le modèle « luminata ». Cette dénomination essaie de définir l’aspect lumineux d’une fleur dont le cœur se trouve éclairé, en opposition au reste, plutôt sombre. Un luminata présente les mêmes dessins qu’un plicata mais la pigmentation anthocyanique tend à s’éclaircir notablement au fur et à mesure qu’elle approche des bords. Prenez l’exemple de ‘Moonlit Water’ (Keppel, 2005) : le fond ivoire de la fleur réapparaît vers les bords, lorsque l’effet plicata bleu pourpré s’estompe, très nettement sur les pétales, un peu plus discrètement sur les sépales. Un autre trait typique des luminatas, ce sont les veines plus claires qui apparaissent habituellement dans les parties colorées. En général les fleurs d’iris sont veinées de sombre, dans le cas des luminatas, c’est le contraire. Mais ce qui définit absolument le modèle luminata, c’est une zone claire absolument pure de part et d’autre de la barbe. Pas une seule trace de la couleur de couverture. Au cœur de la fleur les pigments ont été totalement inhibés et par conséquent la surface apparaît dans son exacte teinte de base, le plus souvent un blanc absolu. Prenons l'exemple de 'Noces de Diamant' (R. Dejoux, 2019) : les bords de la fleur sont blanc crémeux, puis vient la couleur grenat du limbe, et quand on approche du cœur le blanc crémeux réapparaît autour de la barbe. C'est un modèle de plus en plus fréquent dans les catalogues. 

Le dernier avatar de la couleur blanche 

On aurait pu penser que le blanc en avait fini avec les fleurs d'iris, mais un beau jour est apparu un nouveau modèle de fleur où le blanc pur des pétales, souvent bordé de jaune d’or, s’allie à des sépales également blancs mais lavés de rose ou de bleu et griffés de grenat ou de pourpre. La variété de base pourrait être ‘Prototype’ (Ghio 2000), à moins que ce ne soit ‘Quandary’ (Keppel 2001), même si ‘Puccini’ (Ghio 1998) est apparu avant les autres bien qu’il soit un descendant du premier nommé. Comme toute nouveauté cela a excité l'émulation des hybrideurs et en peu d'années ont été mises sur le marché des dizaines de fleurs de ce modèle qui a été dénommé « distallata ». Un modèle un peu différent, où le blanc n'est pas la couleur de base, a fait son apparition à peu près au même moment. Plus coloré (et peut-être plus marchand) il s'est créé un espace bien à lui. On l'appelle maintenant « line and speckle ». Les deux lignées n'ont évidemment pas tardé à se mélanger, mais ce n'est pas le blanc qui a eu le dernier mot ! Quoiqu'il en soit le modèle distallata est maintenant largement répandu. 

 En quelques pages nous venons de faire un tour à peu près complet des diverses façons dont la couleur blanche peut se présenter sur les iris. Il en existe d'autres, plus anecdotiques, car le blanc est sans aucun doute la couleur la plus présente, mais quoi qu'il en soit, et avec le complément des photos publiées, nous avons un vaste aperçu de la place qu'il tient et nous pouvons constater que malgré les ans, il n'est nul besoin d'utiliser le chlore pour en ranimer la fraîcheur.  

Illustrations : 


'Aphrodisiac



'Romancer'



'Vento di Maggio'



'Noces de Diamant'



Puccini’

 

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