25.3.11

JAMES GEDDES DOUGLAS






Le 30 avril 1993 a disparu un homme dont la trace dans le monde des iris est indélébile : James Gordon Douglas. C’était un enfant de Nashville (Tennessee) ou il a passé l’essentiel de sa vie. Il a mené de front une activité de pharmacien, d’homme d’affaire et de passionné d’horticulture. Sous son impulsion, l’activité horticulturelle de la ville de Nashville, dès las années 20, ont fait connaître celle-ci à travers tous les Etats-Unis. Geddes Douglas était à la tête de tout cela, avec, entre autres, un rôle de commentateur des événements liés à l’horticulture sur la télévision régionale, de 1954 à 1969.

Bien avant la guerre, Nashville était déjà un endroit dont on parlait chez les amateurs d’iris. Certains hybrideurs de renom s’y étaient fait connaître, comme James Kirkland ou Clarence Connell, de même que Robert S. Sturtevant, le jeune frère de la grande obtentrice Grace Sturtevant, qui devait devenir rédacteur en chef du Bulletin de l’AIS. Pour un homme curieux de tout ce qui concerne les plantes, il était normal que Geddes Douglas se lance dans l’hybridation des iris. Il paraît qu’il a commencé en 1931, à 29 ans. En tout cas il a enregistré son premier iris en 1934. Son nom ? ‘Francesca’. Une variété dont le titre de noblesse est d’être à l’origine de ‘Titian Lady’ (Douglas, 1941), le premier iris blanc à barbes mandarine. Par la suite sont apparus ‘Amadine’ (1948), ‘Pagan Princess’ (1948), mais surtout ‘Extravaganza’ (1944). On s’accorde pour dire que cette variété n’a en elle-même aucun intérêt particulier si ce n’est d’être un catalyseur dans le but d’obtenir des amoenas de première qualité. De son croisement avec le fameux ‘Wabash’ sont nés deux jalons importants : ‘Gaylord’ (1949) et ‘Criterion’ (1950). ‘Bright Hour’ (1949) l’excellent amoena bleu, serait le fils de ‘Criterion’. ‘Headlines’ (Brummit, 1953), BDM en 1959, est issu du croisement (Extravaganza X Louise Blake), ce dernier étant un fils de ‘Wabash’. Paul Cook, au demeurant un ami intime de G. Douglas, allait ruiner l’intérêt de la souche ‘Extravaganza’ avec son ‘Progenitor’ et les descendants de celui-ci qui devaient marquer pour toujours le modèle amoena.

Mais l’amitié entre Douglas et Cook allait avoir une autre conséquence. Celle d’offrir à Geddes Douglas un nouveau champ d’expérimentation : celui des iris nains et en particulier des SDB. Travaillant dans les années 50 avec le matériel de Paul Cook, Geddes Douglas allait devenir le véritable créateur des SDB. C’est en portant le pollen des grands iris de Cook sur des I. pumila qu’il a obtenu les premiers « lilliputs », un nom qui devait rester à ces petits iris si décoratifs et si variés. Parmi ses premières obtentions dans ce nouveau domaine, il faut citer `Helen's Child' (1954), bleu clair, `Happy Thought' (1953), jaune soufre, `Pigmy Gold' (1953), jaune vif, ou `Dark Star’ (1954), violet pourpré. C’est ce rôle essentiel qui vaut au nom de Douglas de figurer dans le titre de la médaille qui récompense chaque année le meilleur SDB.

A côté de son travail d’hybrideur, Geddes Douglas s’est aussi fait remarquer par la qualité de ses écrits concernant l’hybridation. Plusieurs articles parus dans le Bulletin de l’AIS, dans les années 40 notamment, ont retenu l’attention pour leur sérieux et leur intérêt scientifique. D’ailleurs son intérêt pour la chose écrite devait l’amener, dès 1946, à devenir rédacteur en chef de la revue, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1960.

Il se disait que G. Douglas possédait un petit livre où il avait noté des tas de renseignements qui ne se trouvaient pas dans les check-lists (parfois il est vrai celles-ci laissent véritablement le chercheur sur sa faim tant les informations enregistrées sont succinctes). Finalement, en 1980, ce précieux document a été fourni à l’AIS qui l’a confié à son conservateur Larry Harder. C’est la dernière collaboration de Geddes Douglas avec un univers auquel il a par ailleurs largement donné et qui lui garde son affectueuse admiration.

FRAIS COMME UN ROSE






7. Made in France

Il n’y a pas qu’en Amérique que l’on sait faire des iris roses ! Chez nous, la Maison Cayeux est aussi dans le coup, mais n’est pas seule. Les autres hybrideurs français ont aussi produit des variétés intéressantes comme celles qui sont placées ci-dessus :

· ‘Flûte Enchantée’ (L. Anfosso, 1991) (Beverly Sills X Sky Hooks)

· ‘Gladys Clarke’ (L. Ransom, 2000) (Désiris X Halo in Pink)

· ‘La Belle Aude’ (J. Ségui, 1982) (Orinda X One Desire)

· ‘Ploumanac’h’ (G. Madoré, 2005) (Social Event X Bubble Up)

SUR LES BORDS DE LA WILLAMETTE





II. Inventaire

Salem n’est pas seulement la capitale de l’Etat fédéral de l’Oregon, mais aussi la capitale du monde des iris. Parce que les quatre plus grandes pépinières y sont réunies. Et sans doute, parmi les plus talentueux hybrideurs du moment, on trouvera Paul Black et Tom Johnson son compère, Keith Keppel, l’artiste, le clan Schreiner et le franc-tireur Rick Ernst.

Paul Black a commencé sa carrière d’hybrideur dans le Middle West, à Oklahoma City. Mais une incroyable succession d’avatars malheureux l’ont contraint à abandonner l’Oklahoma. Il a eu la chance de pouvoir se réinstaller dans le quartier nord de Salem où il a commencé, à la fin des années 90, une nouvelle vie en compagnie d’un autre hybrideur, Tom Johnson, venu du Canada quelques années auparavant. Il peut se féliciter maintenant de cette transplantation car son affaire, autant que ses hybridations, y ont gagné à tous points de vue. Ses dernières réalisations sont remarquables. Quant à Tom Johnson, dont les premiers enregistrements ne datent que de 2000, on peut dire qu’il s’est créé une belle réputation en peu d’années.

On ne présente plus Keith Keppel. Chacun sait qu’il a toujours été un précurseur ; mais au fil des années il a acquis une maîtrise exceptionnelle, appuyée sur des connaissances génétiques et un savoir-faire reconnus de tous. Aujourd’hui, c’est le pape des iris. Chaque année il offre aux amateurs de nouvelles variétés toujours belles et originales qui se placent d’emblée en tête de toutes les compétitions. Il triomphe dans toutes les catégories et pas une récompense majeure ne lui a échappé. Son implantation en Oregon est récente, car lui non plus n’en est pas originaire : il arrive de Californie, mais on peut dire que son installation à Salem a boosté son travail et révélé ses incomparables aptitudes.

Salem est aussi le siège de l’entreprise Schreiner. Il faut en effet parler d’entreprise car les Schreiner ont installé au niveau industriel l’obtention de nouveaux iris et le commerce de ces plantes. Cela fait plus de 65 ans que les Schreiner sont dans les iris, depuis le patriarche Xavier Schreiner, jusqu’à ses petits enfants, maintenant en charge de la société. Environ 600 variétés d’iris, presque exclusivement des grands, portent le patronyme Schreiner. Ils sont présents partout dans le monde, ont colonisé tous les catalogues et envahi tous les jardins. Pourtant eux aussi sont d’implantation récente en Oregon ! La pépinière Schreiner est, à l’origine, installée à St Paul (Minnesota) au centre-nord des Etats-Unis, dans une région au climat particulièrement rude. Les hivers terribles des années 38/40 causent des ravages dans les plantations et détruisent presque tous les semis. Les trois enfants de F. X. Schreiner, associés dans leur affaire, se rendent compte que celle-ci sera en danger tant qu’elle restera assujettie aux aléas de la météorologie. Ils cherchent un endroit plus propice à la culture des iris et envisagent un déménagement. En 1946, le terrain où s’implanter est trouvé et ils s’installent au nord de la ville de Salem, sur la Quinaby Road et à deux pas de l’Interstate 5 qui traverse de part en part l’Etat d’Oregon. D’une activité artisanale, les Schreiner’s Gardens vont devenir, au fil des années, une prospère entreprise puissamment structurée et gérée comme une industrie. Cependant le succès sera long à venir. Malgré des obtentions superbes et chaque année plus nombreuses, il va s’écouler seize ans sans que la maison Schreiner ne parvienne au sommet du palmarès… La concurrence est rude et les choix des juges terriblement indécis. Au cours des années 70, les Schreiner vont mettre sur le marché plus de 150 variétés nouvelles dans toutes les catégories, mais essentiellement dans celle de grands iris barbus, mais ne décrocheront aucune récompense majeure. Ce n’est qu’en 1984 que le signe indien sera vaincu et que s’ouvrira une période faste qui durera vingt ans. Aujourd’hui, alors que la troisième génération est aux commandes, les Schreiner continuent de produire sans doute les meilleurs iris du monde, mais le côté commercial a pris le dessus sur le côté créatif.

Aujourd’hui Salem constitue une agglomération qui dépasse les 300 000 habitants. Elle est constituée de plusieurs villes dont certaines disent forcément quelque chose aux amateurs d’iris. C’est le cas de Silverton, au nord-est, où se tient l’entreprise Cooley, une affaire typiquement locale puisqu’elle a été fondée en 1928 par un descendant de Matthias Cooley, arrivé dans la vallée en 1845. C’est la plus importante pépinière du monde en chiffre d’affaires. Elle a été dirigée par Richard Ernst jusqu'à sa récente disparition, et celui-ci, en vingt ans, à obtenu plus de deux cents variétés enregistrées, d’indéniables succès commerciaux, et des iris originaux, même si ceux-ci n’ont pas toujours été reconnus comme tels par la profession.

D’autres pépinières, moins connues, sont installées dans la vallée de la Willamette ou à proximité. On se souviendra que Silverton fut la résidence du professeur Kleinsorge, le roi des iris bruns ; celle aussi des Meek qui, à eux deux, ont dépassé largement la centaine d’enregistrements. Tous contribuent à la renommée mondiale de leur lieu d’implantation.

Illustrations :

  • ‘Bargain Hunter’(Paul Black, 2010)
  • ‘Merchant Marine’(Keith Keppel, 2007)
  • ‘Lemon Dew’(Richard Ernst, 1998)
  • ‘Victoria Falls’(Schreiner’s Gardens, 1977 – DM 1984)

19.3.11

ECHOS DU MONDE DES IRIS




De Bure en son jardin

Un descendant de Marie Guillaume de Bure, le père de l’iridophilie, M. Paul Walrant, m’a fourni une information intéressante. Depuis toujours je me demandais où de Bure pouvait cultiver ses iris. En plein cœur de Paris, Rue Hautefeuille, à l’hôtel d’Alègre où il demeurait ? Non. Il dit lui-même que ses semis étaient plantés au jardin de l’Ecole de Botanique du Jardin des Plantes. Il dit aussi que certains iris se trouvaient « à sa campagne ». Où se trouvait celle-ci ? Il est possible, selon Paul Walrant, que ce soit à Massy, au sud de Paris. Si c’est exact, cela serait amusant car Massy est tout à fait voisine de Verrières le Buisson, où la famille de Vilmorin s’installa ½ siècle plus tard, et à quelques kilomètres de Jouy en Josas, qui est aujourd’hui le siège de la SFIB et l’emplacement du jardin de l’école TECOMAH, où se trouvent les iris des concours FRANCIRIS. Décidément la vallée de la Bièvre est vraiment la vallée des iris.

Les iris de Sass

Les iris des frères Sass, du moins ceux qui existent encore de façon certaine, sont dans le Sass Memorial iris Garden, à Ashland, dans le Nebraska. Environ 200 variétés, datant des années 1920/1950 ont été rassemblées. C’est une initiative excellente pour la préservation d’un patrimoine exceptionnel : les Sass ont créé des iris de tous les modèles et sont à l’origine de la plupart des évolutions qui ont eu lieu, non seulement de leur temps, mais aussi longtemps après leur disparition.

En image :

‘Balmung’ (Hans Sass, 1939)

‘Carnival Parade’ (Hans Sass, 1946)

‘The Red Douglas’ (Jacob Sass, 1937 – DM=1941)

FRAIS COMME UN ROSE





6. Ben Hager

Il ne faut pas oublier que Ben Ross Hager, l’un des plus importants hybrideurs des cinquante dernières années a obtenu deux fois la Dykes Medal pour des iris roses ! Ce sont des variétés super connues, mais il est toujours agréable de les regarder. Les deux autres, moins célèbres, n’en sont pas moins des iris de qualité :

· ‘Anna Belle Babson’ (Hager, 1985) (Beverly Sills X Wings of Dream)

· ‘Beverly Sills’ (Hager, 1979) (Pink Pirouette X Vanity)

· ‘Corps de Ballet’ (Hager, 1995) (de Saturnalia, Sheer Poetry, Moon Mistress, Sky Hooks, Fixation...)

· ‘Vanity’ (Hager, 1975) (Cherub Choir X Pink Taffeta)

SUR LES BORDS DE LA WILLAMETTE





I. Panorama

Le paradis des amateurs d’iris s’appelle Vallée de la Willamette. Faisons un peu mieux connaissance avec cette contrée exceptionnelle, que tous ceux qui s’intéressent aux iris devraient connaître.

La Willamette est une rivière qui coule dans le nord de l’Etat d’Oregon, parallèlement à la côte de l’Océan Pacifique, sur une distance d’un peu plus de 300 kilomètres. Son point de départ officiel se situe dans la petite ville de Springfield, un peu au sud d’Eugene. Mais cet endroit n’est, en fait, que le lieu de confluence de plusieurs rivières torrentueuses qui descendent de la chaîne des Cascades, à l’est, ou des monts Calapooya, au sud, et qui ont déjà parcouru, pour les plus longues, environ 150 km. Pour ceux qui ne le sauraient pas, la chaîne des Cascades constitue, dans le nord des Etats-Unis, la bordure occidentale des Montagnes Rocheuses. Les Monts Calapooya, eux, forment une barrière confuse qui relie les Montagnes Rocheuses à la chaîne côtière, le long du Pacifique, qu’on appelle l’Oregon Coast Range ; au nord des Mts. Calapooya, c’est la vallée de la Willamette et l’Oregon, au sud c’est un enchevêtrement de montagnes plus ou moins élevées qui s’effondrent en fin, après le col de Siskyou, vers la vallée du Sacramento, et la baie de San Francisco, en Californie. A partir d’Eugene, la Willamette s’oriente totalement vers le nord et descend doucement vers la Columbia, qu’elle rejoint à Portland, la plus importante ville de l’Oregon. Eugene est à 108 m. d’altitude, Portland à 6. Entre les deux, 150 km de la plus riche vallée des Etats-Unis.

A l’origine de cette richesse, un phénomène géologique qu’on appelle les inondations de Missoula. Il y a environ 15000 ans, un immense lac, grand comme le lac Michigan, s’était formé derrière la barrière de la chaîne des Cascades. On l’a baptisé le lac glacé de Missoula, parce qu’il était le plus souvent gelé. Mais quand la température remontait – et cela s’est produit une quarantaine de fois en 2000 ans – l’eau longuement accumulée, libérée, cherchait à s’échapper du bassin et trouvait pour cela uniquement la zone d’effondrement qui a donné naissance aux gorges de la Columbia. Par ce trou, des milliards de m3 d’eau s’écoulaient vers le Pacifique, entraînant des masses immenses de sédiments volcaniques qui se déposaient en bas, dans le fossé qui prolongeait le Puget Sound et dans les vallées inondées, dont celle de la Willamette, la plus importante. C’est ainsi qu’au fil des temps une couche de sédiments d’environ 1000 m d’épaisseur s’est déposée dans la vallée ! De quoi faire pousser des iris !!

Cette version américaine du paradis terrestre profite d’un climat particulièrement doux, protégé des vents d’ouest par la Coast Range, et des froidures montagnardes par les Cascades. Très arrosé l’hiver, entre novembre et février, plutôt sec ensuite. Mais l’amplitude des températures reste faible, entre –5 et +25 : les jours de gel profond sont exceptionnels de même que ceux de canicule.

La vallée de la Willamette est la région la plus peuplée de l’Oregon, puisqu’elle rassemble 60% de la population de l’Etat. Le peuplement a commencé vers 1840 quand les premiers colons sont arrivés de l’Est par l’itinéraire connu sous le nom d’Oregon Trail, qui franchissait la chaîne des Cascades par les gorges de la Columbia. Auparavant seuls quelques trappeurs, arrivés par la mer et l’embouchure de la Columbia, s’éparpillaient dans la région, au milieu des Indiens Chinooks. La vallée est une région agricole très importante, tant pour la production des légumes et des fruits que pour celle du houblon destiné aux brasseries de l’Ouest. La majorité des arbres de Noël et des noisetiers vendus dans tous les USA vient aussi de ce secteur. Quant à ses contreforts, ils sont couverts de vignobles qui produisent des vins réputés constitués des cépages merlot et pinot gris. Mais c’est d’abord, pour nous iridophiles, la plus grande concentration au monde de plantations d’iris.

Sur 70 km, entre Salem et Portland, on trouve ce qui se fait de mieux et de plus grand en matière de culture d’iris. La concentration de pépinières y est phénoménale et pour en faire le tour il nous faudra deux autres chroniques. Ce sera pour les deux prochaines semaines.

11.3.11

FRAIS COMME UN ROSE





5. Richard Ernst

Ce n’est pas le plus connu des obtenteurs d’iris roses, mais sa production n’est pas négligeable, comme en témoignent les photos ci-dessus. Certaines viennent d’ailleurs de chez lui ! Il sait mieux que quiconque mettre ses fleurs en valeur.

    • ‘Feminine Fire’ (Ernst, 1991) (Afternoon Delight X semis Gaulter)
    • ‘Just for Sophie’ (Ernst, 1998) (Confectionary X ((( Cheesecake x (Countryman x Outreach)) x Piping Hot) x semis Shoop))
    • ‘Hidden World’ (Ernst, 1990) (Afternoon Delight X semis)
    • ‘Spring Parasol’ (Ernst, 1992) (Afternoon Delight x semis de Glendale)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Les cochons sont dans les iris

Les agents de TECOMAH ont constaté la présence de sangliers dans l’enceinte de l’immense et magnifique parc commun à cette école et à HEC, de part et d’autre du vallon du ru de St Marc, dans la vallée de la Bièvre, là où se trouvent les iris des concours FRANCIRIS. Une battue a été organisée, mais elle n’a point fait déguerpir les envahisseurs et les chasseur sont rentré bredouilles ! Il pourrait être désastreux que les cochons s’en prennent aux iris, notamment ceux du prochain concours, dont les préparatifs s’accélèrent et qui doit se tenir du 23 ou 28 mai prochain.

RICHARD C. ERNST





Nous avons donc appris la semaine dernière la disparition brutale de Richard Ernst, consécutive à une septicémie, rudement ressentie dans le petit monde des iris. Non seulement à cause de la dureté de l’événement, mais aussi parce que la victime était universellement connue et généralement appréciée. Les Américains sont toujours sensibles à la réussite des gens et Richard Ernst faisait partie de ceux qui ont réussi. Dès la fin de ses études, en 1971, il avait intégré l’entreprise familiale, la pépinière Cooley’s Iris Garden, à Silverton, en Oregon. Cette entreprise a été fondée en 1928 par les descendants de Matthias Cooley, un pionnier, né dans le Missouri, orphelin, recueilli par une famille amie de la sienne, qui émigre en 1845 et vivra l’enfer avant de rejoindre la vallée de la Willamette. Rien qu’une histoire comme celle-là est de nature à enthousiasmer n’importe qui. Elle a largement contribué à faire le succès de la pépinière dont Richard Ernst a été le dirigeant après quatre générations de jardiniers. En même temps qu’il faisait prospérer l’entreprise familiale, Rick Ernst s’est lancé, à la suite de son père Larry, dans l’hybridation des iris. Cette autre activité n’a pas été moins fructueuse que la première.

La pépinière Cooley’s est peu à peu devenue l’une des plus importantes affaires d’iris dans le monde, faisant jeu égal sur ce plan avec la maison Schreiner’s. Les iris Ernst ont largement contribué à ce succès. Dès les premiers enregistrements les amateurs ont compris qu’ils avaient affaire à un hybrideur inspiré et talentueux. ‘Faded Denim’ de 1984, est un bel exemple de ce que cet obtenteur de 30 ans pouvait faire à partir d’un matériel on ne peut plus classique.

Le catalogue Cooley est devenu un monument du genre, intelligemment classé, richement illustré, artistiquement présenté : une redoutable machine commerciale offrant un choix exceptionnel d’iris de tous les modèles et de toutes les couleurs. Quand il fut question de passer au numérique, Cooley’s n’a pas été le dernier à créer son site, même si l’on sent bien aujourd’hui que ce n’est pas cette forme de commerce qui « branche » la famille.

L’activité d’obtenteur est l’autre branche de l’entreprise. C’est celle qui, en dehors des Etats-Unis, a fait sa célébrité. En un peu plus de 25 ans d’existence, le label « Ernst » a été attribué à 265 variétés d’iris, essentiellement des TB. Ce qui fait la particularité des iris Ernst c’est leur excellent succès auprès du public, tant aux USA qu’ailleurs dans le monde, et leur échec auprès des « professionnels de la profession ». Comment expliquer ce paradoxe ? Des iris généralement excellents, qui poussent bien, qui sont souvent originaux, et si peu de récompenses… Aucune Dykes Medal, et, toutes catégories confondues, une douzaine (1) d’Awards of Merit et une cinquantaine d’Honorable Mentions. Le plus important succès est la Wister Medal de ‘Ring Around Rosie’ (2) en 2007. La moisson est maigre ! Pour un nombre assez semblable d’enregistrements, Paul Black a un autre palmarès : rien que pour les TB, je lui ai compté 24 AM et 58 HM ! Et on ne peut pas dire que c’est un manque de visibilité des variétés qui serait la cause de l’absence de considération puisque les iris Ernst sont certainement parmi les mieux commercialisés.

Il y a eu un cas de désamour un peu semblable avec les iris de Gordon Plough, dans les années 60/70. Mais si le taux de récompense en AM de ce dernier se situe autour de 15%, c’est tout de même bien plus important que les 5% de Richard Ernst, même si on est fort loin de 45% de Keith Keppel !

Peut-être reproche-ton à Ernst de ne pas s’être assez attaché à un modèle d’iris. Il est vrai que ses enregistrements concernent à peu près tout le panel des modèles, des unicolores les plus classiques aux bicolores les plus modernes : luminatas, comme ‘Schizo’ (2003), distallatas, comme ‘Calamity Carol’ (2009)… Sans oublier ce modèle dont il est l’inventeur et qui porte le nom de son ‘Ring Around Rosie’ à défaut d’avoir hérité d’une dénomination pseudo-latine.

Peut-être la considération serait-elle venue si son grand projet, l’iris rouge, avait abouti. Mais ce fut un autre échec. Ernst avait pris contact au début des années 1990 avec un physicien qui affirmait qu’il était possible, avec les moyens technologiques actuels, d’obtenir un iris rouge. Il a relevé le défi et s’est mis en rapport avec l’Université de l’Etat d’Oregon pour engager le travail. Ce qui a nécessité l’embauche d’un physicien à temps complet et l’acquisition du matériel de laboratoire. L’Université de l’Etat d’Oregon a entrepris l’analyse complète de l’ADN d’un iris. La pigmentation de douzaines de variétés a été analysée et des cultures de tissu « in vitro » ont été réalisées. Il a fallu douze années de recherche pour découvrir et sélectionner les bons gènes rouges avant que ne commence le processus de transformation, processus qui a été couvert par un brevet. L’iris transformé a alors été mis en culture, mais on n’a plus entendu parler de l’affaire, ce qui laisse entendre qu’elle a sans doute échoué, sans qu’on sache exactement ce qui n’a pas marché. Fin du rêve ?

La reconnaissance des juges se mesure à des tas de critères plus ou moins objectifs. En l’occurrence ces derniers ont boudé les produits Ernst, mais se sont ces juges qui ont été désavoués par le public. Finalement Rick Ernst aura eu l’approbation de ses clients à défaut de celle de ses pairs, et l’impact de sa disparition démontre bien que l’opinion des juges n’a pas forcément de conséquences sur celle des amateurs.

(1) pour ce qui est des TB, j’ai relevé les AM de :

‘Afternoon Delight’ (1985)

‘Carnival Ride’ (2002)

‘Competitive Edge’ (1991)

‘Dandy Candy’ (2001)

‘Knock’em Dead’ (1993)

‘Ring Around Rosie’ (2000)

‘Whispering Spirits’ (2001)

(2) en fait il y a eu 3 WM en 2007, ‘Ring Around Rosie’ a obtenu la deuxième.

4.3.11

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Lugubre nouvelle

Richard Ernst, le fameux obtenteur américain, exploitant de l’entreprise Cooley’s Garden, est décédé brusquement le mercredi 2 mars 2011, quelques jours avant son 58eme anniversaire. Je reviendrai sur cette triste nouvelle dans la prochaine livraison de Irisenligne.

FRAIS COMME UN ROSE





4. Joseph Gatty

Les roses de Gatty étaient les meilleurs à leur époque : des variétés incontournables, qui n’ont cependant jamais remporté de récompenses majeure. Pourquoi ? Mystère du choix des juges… Pour vous donner une idée du travail de cet homme discret mais talentueux, vous avez ci-dessus quatre variétés au-dessus de tout reproche.

· ‘Coming up Roses’ (Gatty, 1992) ((Playgirl x Bonbon) X Pink Swan)

· ‘Eden’ (Gatty, 1983) (Playgirl X (May Dancer x Princess)

· ‘Paradise’ (Gatty, 1980) (Playgirl X (May Dancer x Princess)

· ‘Presence’ (Gatty, 1989) ((Paradise sib. x sib.) X Simply Pretty)

LA FLEUR DU MOIS :




‘Xochipili’

Les relations amicales qu’au fil du temps j’ai tissées avec Ladislav Muska font que ma collection d’iris comporte beaucoup de variétés obtenues par cet hybrideur, qui fait partie de la première génération de ceux qui se sont lancés dans le métier dès la disparition du rideau de fer. Nous avons commencé à nous écrire dès 1995. Ce premier échange concernait un article que je préparais pour la revue « Iris & Bulbeuses » de la SFIB. Séduit par l’érudition et l’éclectisme du personnage, j’ai voulu en savoir plus sur lui et son cheminement vers l’iridophilie active. J’ai aussi voulu voir sa production, et je lui ai commandé quelques iris. C’était en 1997. A l’époque Ladislav n’a pas voulu d’argent, mais des variétés françaises qu’il lui était difficile de se procurer car elles étaient pour lui d’un prix excédant ses capacités financières. Nous avons donc, au début, procédé par échange. Il m’a envoyé pendant quatre ans un paquet de variétés de son cru, et je passais pour lui commande chez Cayeux et Ransom. Tout le monde y trouvait son compte. Par la suite l’élévation du niveau de vie des Slovaques, et les revenus des ventes effectuées à l’étranger ont permis à Ladislav Muska de se passer de mes envois. J’ai continué néanmoins à lui passer quelques commandes. ‘Xochipili’ a fait parti de celle de 2005. Par un concours de circonstance des plus malheureux, il est le seul des iris commandés en Slovaquie cette année-là à être encore présent dans ma collection ! Les six autres ont disparu ! Il s’agit de ‘Bedecked Nets’ (1998), ‘Flashed Tips’ (1999), ‘Illulisat’ (1995), ‘Suzuki Chic’ (1996) et une variété anglaise introuvable ailleurs, ‘Jud Paynter’ (Nichol, 1991). Celle-ci a bloom-outé dès sa première floraison, les autres ont été victimes de plusieurs incidents matériels : une vrai série de malheurs !

Il en va ainsi, je suppose, de toute collection. ‘Xochipili’ (1997) a survécu et fidèlement refleuri chaque année depuis 2006. C’est heureux car il s’agit d’une des plus jolies obtentions de son créateur. On peut le qualifier d’iris rose. Les pétales, clairs, sont parfaitement de cette couleur, les sépales ont une teinte un peu noisette, très agréable ; la barbe est mandarine. Son pedigree est (Belase Striebo x Sky Hooks) X Geniality. De nombreux descendants de ‘Sky Hooks’, comme lui, ne présentent pas d’éperons. Cela n’est pas plus mal car la fleur est élégante et bien équilibrée : des éperons n’apporteraient aucune amélioration et, au contraire, risqueraient de créer une tension dans les sépales néfaste à leur tenue horizontale. Je considère que ce ‘Xochipili’ est une des plus jolies fleurs « made in Muska » : elle est bien tournée, les pétales ne s’affaissent pas, les crépelures des bords ne gênent pas l’ouverture des sépales. Je n’ai aucune idée de ce que peut être ‘Belase Striebo’. C’est une variété non enregistrée, datant de la première période de production de Ladislav Muska, du temps de la république socialiste de Tchécoslovaquie. ‘Geniality’ (O. Brown, 1981), en revanche est une variété bien connue, issue de deux iris roses de qualité, ‘Pink Sleigh’ et ‘Instant Charm’. C’est une des variétés fétiches de L. Muska.

Le nom de ‘Xochipili’ évoque, Xochipilli, Prince des fleurs dans la mythologie aztèque, qui est aussi « dieu de l'amour, de la joie, de la beauté, de la musique, de la poésie et de la danse », comme on peut le lire sur le site « mythologica.fr ». C’est un nom bien dans le style de Muska, qui les choisissait dans tous les sujets un peu étranges ou ésotériques, de la mythologie ou de la fantasy. Tout un programme qui va comme un gant à une fleur rose tendre, fraîche et gracieuse : une fleur divine…

ENTRE DEUX GUERRES






Les vingt années qui ont séparé les deux guerres mondiales ont été celles de l’apogée des iris en France. Le conflit de 1939 allait faire disparaître la production française pour une période durable, alors qu’aux Etats-Unis, l’absence d’un redoutable adversaire en Europe allait permettre un développement sans précédent de l’iridophilie chez nos alliés qui avaient à l’époque de moindres soucis que les nôtres. C’est donc de 1919 à 1938 que les iris français ont tenu le haut du pavé. Mais si tout le mode connaît les plantes obtenues par Ferdinand Cayeux, on néglige le plus souvent celles de ses concurrents. C’est de ces iris-là dont nous allons parler aujourd’hui.

A l’instar de ce qui s’est dit de certains maîtres de la Chine, plus d’un demi-siècle plus tard, on aurait pu parler de « la bande des quatre » en évoquant les hybrideurs contemporains de Ferdinand Cayeux. Ils étaient quatre en effet, d’un certain renom : Auguste Nonin, Lionel Millet (dernier représentant de la famille d’horticulteurs dont l’ancêtre était Armand Millet), Fernand Denis et la famille de Vilmorin.

Auguste Nonin, de Chatillon sous Bagneux, était beaucoup plus connu pour ses chrysanthèmes et surtout ses roses. ‘Madame Auguste Nonin’ est un rosier que l’on trouve encore aujourd’hui. Mais il avait aussi un intérêt pour les iris (il a fait partie de la Commission des Iris, en 1926) et quelques-unes de ses obtentions ont été remarquées, comme ‘Marie-Louise’, (1918), mauve, ‘Candeur’ (1933), blanc comme son nom le laisse à penser, ou ‘Fraîcheur’ (1933), plicata magenta clair sur fond blanc.

Fernand Denis était installé à Balaruc les Bains, près de Sète. Il précédait donc géographiquement, en quelque sorte, le Docteur Ségui. Son mérite majeur a été d’utiliser les grands iris du sud de la Turquie, tétraploïdes, pour renouveler le panel génétique des hybrides. A ce titre ses obtentions ont eu une importance considérable dans le développement de l’hybridation. Ses sujets de gloire s’appellent ‘Madame Chobaut’ (1916), plicata amarante, ‘Ochracea Cerulaea’ ‘1919), ancêtre d’une catégorie de variegatas (jaune/mauve), ‘Andrée Autissier’ (1921) mauve pâle, ‘Mademoiselle Schwartz’ (1916) couleur de lin, et ‘Blanc-Bleuté’ (1922) qui eut un rôle éminent en hybridation puisque le fameux ‘Missouri’ (Grinter, 1932 – DM 1937) est son descendant à la deuxième génération. Dans les années 20, Fernand Denis était déjà assez âgé et le pic de sa production était passé. Il s’est retiré sur la Côte d’Azur et sa vie s’est terminée en 1935…

Les Millet constituent une dynastie d’hybrideurs qui a débuté avec Armand, lequel a été suivi d’Alexandre, à qui a succédé Lionel. C’est celui-ci qui gérait l’entreprise pendant l’entre deux guerres et qui, chassé par l’urbanisation de la région parisienne, a transporté sa pépinière à Amilly, près de Montargis. Un peu comme les Cayeux ont été obligés de faire en se déplaçant de Vitry à Poilly lès Giens. C’est aussitôt après la guerre de 1870 que l’entreprise Millet a atteint son développement maximal, mais après la guerre de 14 c’était encore une affaire incontournable, dont les cultivars retenaient chaque année l’attention des amateurs. Le fameux ‘Souvenir de Madame Gaudicheau’ date de 1914 et se place donc en dehors de la période à laquelle on s’intéresse, mais bien d’autres variétés méritent d’être citées. ‘Romeo’ (1922) est décrit comme « iris à petites fleurs, sur des tiges hautes et solides. Les pétales sont d’un beau jaune citron ; les sépales mauves sont veinés de rouge violacé dans la gorge et le haut, blanc, est marqué de traits acajou. » ‘Germaine Perthuis’ (1924) est une autre obtention de qualité, tout comme le bleu ciel ‘Souvenir de Laetitia Michaud’ (1923) ou ‘La Bohémienne ‘ (1926). L’une des dernières variétés mises sur le marché se nomme ‘Mary Senni’ (1930), en hommage à la grande amie italienne des iris.

Cependant les plus rudes concurrents de Ferdinand Cayeux ont été, pendant toute cette période comme avant la guerre de 14, les Etablissements Vilmorin-Andrieux, seigneurs de Verrières le Buisson. De nouvelles variétés d’iris apparaissaient chaque année, presque aussi nombreuses que celles de Cayeux, mais, curieusement, moins appréciées des amateurs alors que, du seul plan commercial, c’est certainement les variétés Vilmorin qui avaient le pompon. Pour la période considérée on doit faire état du toujours présent ‘Ambassadeur’ (1920), près duquel on peut placer ‘Le Poussin’ (1926), ‘Antarès’ (1927), ‘Nérée’ (1930), ‘Manoir de Launay’ (1936) et, pour finir, ‘Audran’ (1938). Mais il s’agit là d’un choix arbitraire car c’est une soixantaine d’iris qui ont été mis sur le marché pendant ces vingt années.

Pour que les professionnels de l’hybridation aient toujours donné la préférence aux iris Cayeux sur les iris Vilmorin, il doit y avoir une raison autre que celle d’un effet de mode ou d’une savante attitude de marketing. La Commission des Iris créée en 1926 à l’initiative de Philippe de Vilmorin et tenue à bout de bras par son adjoint Séraphin Mottet, composée en majorité de personnalités indépendantes, s’extasiait sur les iris Cayeux mais se contentait de témoigner son estime aux autres variétés. Celles-là étaient donc très certainement moins créatives, moins géniales, que leurs concurrentes.