28.10.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

L'héritage de Lawrence Ransom

La famille de Lawrence Ransom souhaitait que la collection des obtentions de ce dernier ne se trouve ni perdue ni dispersée. Un accord est intervenu à propos duquel Martin Ransom, le frère de Lawrence, m'a adressé le courrier suivant :  « ...nous léguons à la SFIB tous les croisements en godets (près de 280) dont Roland (Dejoux) surveillera l’évolution dans son iriseraie au fil des prochaines années. Je lui ai fourni copie des parents de chaque croisement. Toute fleur qu’il estimera, peut-être avec le concours d’autres spécialistes, digne d’être enregistrée le sera avec l’adjonction du nom de Lawrence.  Les recettes de ventes éventuelles de ces nouvelles fleurs enregistrées iront à la SFIB. Enfin il créera une aire de visite consacrée aux créations de Lawrence .»

C'est une solution avantageuse pour tous : les voeux de conservation émis par la famille se trouveront exaucés; la SFIB disposera du produit des ventes ce qui lui assurera un petit revenu ; le monde des iris ne verra pas disparaître des variétés intéressantes et originales.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XXI – Rob. Stetson 

 Parmi ceux qui sont partis trop tôt, il faut placer Robert Stetson, le plus français des hybrideurs américains. Son empreinte sur le monde des iris restera minimale en nombre mais remarquable en qualité. Modernes et impeccables, ses iris, connus essentiellement en Europe, méritent, comme on dit, le détour.

Non seulement 'H.C. Stetson' (2001), le plus réussi et Fiorino d'Oro en 2001, mais aussi les sept ou huit autres...

'April Pookey' (NR ca. 2000) 

'Finnigan's Finagling Factor' (2004) 

'Kvanzaa' (1999) 'Richard B.' (2004)

NOUS AVONS FAIT UN BEAU VOYAGE

On dit toujours que l'iridophilie moderne se rattache à quelques variétés de base que l'on retrouve dans la généalogie de toutes les variétés actuelles. La preuve peut en être rapportée aisément. Il en est ainsi de la généalogie d'une variété d'aujourd'hui, facile à retracer et emblématique du phénomène. Rendons-nous sur le pedigree de 'Ma Dulcinée' (Lawrence Ransom, 2015) tel qu'on le trouve dans la base de données « Iris Register ».

MA DULCINÉE (Lawrence Ransom, R. 2015) Sdlg. 99/4-5. TB, 38" (97 cm), ML. Nebbiolo X Hornpipe 

 Un mot pour commencer à propos de 'Hornpipe' (Dodsworth, 1995). Cet iris s'est d'abord appelé 'Bollinger', mais ce nom n'a pas plu du tout à la célèbre Maison de Champagne éponyme qui a obtenu que le pauvre iris soit débaptisé ! Va donc pour 'Hornpipe' qui a d'ailleurs une allure plus franchement britannique. C'est un plicata traditionnel, dans les tons de gris-bleu, sans originalité particulière. Il résulte du croisement (Blue Staccato X Stitch in Time) qui réunit deux plicata bien classique et fort renommés. 'Stitch in Time' (Schreiner, 1978) descend en ligne directe de 'Stepping Out', que l'on ne présente plus. 'Blue Staccato' (J. Gibson, 1976), pour sa part, est un descendant lointain de 'Black Forest', autre pilier de l'hybridation des iris, cette fois pour les fleurs sombres. C'est 'Nebbiolo' (Ransom, 1999) qui nous intéresse pour le moment. Car cet iris a pour grand-parent un certain 'Pink Taffeta' (Rudolph, 1965), iris rose très apprécié et vainqueur de la Médaille de Dykes de 1975, aux origine d'un grand nombre de variétés des plus diverses.

NEBBIOLO (Lawrence Ransom, R. 1999) Sdlg. 89/51-14. TB, 32" (80 cm), ML. (Pink Taffeta x Needlecraft) X Queen in Calico

 Du modèle plicata nous voici revenus à un unicolore de la belle époque, superbe à tous points de vue. Nous avons fait aussi un bond en arrière de cinquante ans. Cela limite nécessairement la multiplicité des recherches.

PINK TAFFETA (N. Rudolph, R. 1965) Sdlg. 65-29. TB, 31" (79 cm), EM. (Fay 56-06: sib to Arctic Flame x 59-31) X 61-42 (Pink Ice x 59-55)

 Comme on peut le lire, ce 'Pink Taffeta' a pour ancêtre un frère de semis de 'Arctic Flame' (Fay, 1957), lequel (et par conséquent cela s'applique à son frère) dispose d'un pedigree somme toute pas très explicite, mais suffisamment décrit cependant pour que l'on y trouve des informations intéressantes :

ARCTIC FLAME (Fay, R. 1957) Sdlg. 56-13. TB, 32" (81 cm), M. Lipstick x sister sdlg. (1/4 Snow Flurry, 1/4 New Snow, 1/2 pink sdlg.) 

Il s'agit d'un iris blanc à barbes mandarine, jalon important dans le domaine de son coloris, mais également dans celle d'un grand nombre de coloris différents, au gré des croisements et de l'imagination (ou du flair) des hybrideurs des années 1950/1960. Melba Hamblen en fait grand cas :  « … c'est un sommet dans la recherche des blancs à barbe rouge. Avec de grandes fleurs ondulées, charmantes et de texture solide,portées par de hautes tiges splendidement branchées, sa brillante blancheur est accentuée par la grosse barbe rouge électrisante. Un feuillage propre et sain, une des caractéristiques des iris de Fay, complète les fleurs et font de cette plante un ajout bienvenu à la bordure la mieux entretenue. Avec sa science approfondie de la génétique, Orville Fay était en mesure de prédire exactement combien de générations avaient été nécessaires avant que cet iris parfait apparaisse à partir du croisement original d'un blanc et d'un rose. » Pour aujourd'hui, ce qui nous intéresse c'est de constater qu'il provient de 'Snow Flurry' (C. Rees, 1939). Et cela nous fait faire un nouveau bond temporel, de dix-huit ans cette fois, mais un bond qui nous amène à la variété sans doute la plus importante qui soit en matière d'hybridation des iris.

SNOW FLURRY (Clara Rees, R. 1939) TB, EM. Purissima X Thais 

Faut-il répéter l'histoire de 'Snow Flurry' ? De la capsule avec deux graines dont il est issu, dont une seule a germé ? De son apparence innovante, avec des pétales largement ondulés ? De l'enthousiasme qu'il a suscité chez ceux qui l'on vu pour la première fois ? Contentons nous d'examiner son pedigree, ne serais-ce que pour y découvrir la présence de 'Thaïs' (F. Cayeux, 1926), qui, selon Clarence Mahan dans son livre « Classic Irises and the Men and Women wo Created Them », « … a des fleurs couleur orchidée quelquefois décrite comme « mauve-rosé ». Thais est l'un des parents de 'Snow Flurry', le premier iris avec des ondulations prononcées, et l'un des géniteurs d'iris les plus significatifs du vingtième siècle. »

THAÏS (Ferdinand Cayeux, 1926) TB, MO. Parents inconnus 

Voilà : nous avons fait un beau voyage qui nous a entraîné aux Amériques pour une période longue de quatre-vingts dix ans, et nous a ramené en France. La vie du monde des iris s'était déplacée outre Atlantique : une conséquence inattendue de la guerre 39/45. Elle est revenue en France aujourd'hui, non pas de manière hégémonique comme ce fut le cas au co urs des années 1920, mais en partage avec le reste de l'Europe où elle se développe maintenant.

Illustrations : 


'Thaïs' 


'Snow Flurry' 


'Arctic Flame' (seule photo connue de cette variété) 


'Pink Taffeta' 


'Nebbiolo' 


'Ma Dulcinée' 

La nouvelle du décès de Lawrence Ransom m'est parvenue alors que je terminais la rédaction du présent article. Je le lui dédie avec toute ma peine et toute ma compassion pour ses proches.

21.10.16

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne continue de dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et d' offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XX – Graeme Grosvenor 

Dans son pays, l'Australie, il est en concurrence frontale avec Barry Blyth. Mais c'est une rivalité loyale, à l'américaine. Ses iris sont toujours plaisants et l'expérience montre qu'ils peuvent soutenir la comparaison avec ceux de son fameux compatriote. En France ils ne sont pas aussi généreusement commercialisés, ce que l'on peut regretter. Les quatre variétés ci-dessous donnent un petit aperçu de sa production : 

 'Corona Star' (2000) 

'First Movement' (1990 – Dykes austral. 1992) 

'Helen Dawn' (1998 – Fiorino d'Oro 1998) 

'Rusty Taylor' (2009)

FRAGILE ÉTERNITÉ

Depuis 1925, l'année où la famille Schreiner a commencé son activité, elle a enregistré plus de mille variétés d'iris. Essentiellement des grands TB, mais aussi quelques iris médians et nains. Au tout début, les enregistrements ne concernaient que très peu de nouvelles variétés chaque année. C'est ainsi qu'il n'y eut que quarante-quatre enregistrements officiels entre 1934 et1950 ! Une quantité qui, maintenant, est atteinte en trois ans ! Cette rareté pourrait laisser à penser que les iris de cette époque avaient une grande chance d'exister pour l'éternité puisqu'ils n'étaient pas vraiment menacés par la multitude environnante. Mais il n'en est rien. Carlos Ayento, l'administrateur du Brighton Park Iris Garden de Chicago, a consacré un site à un hommage à la Maison Schreiner où il s'efforce de rassembler images et commentaires sur tous les enregistrements Schreiner qui ont eu lieu. Il y précise, entre autres, si les variétés en question sont ou non considérées comme disparues, en danger de disparition ou plus ou moins encore largement cultivées. C'est là que j'ai pris les renseignements nécessaire à la présente chronique.

Pour les années 1925/1933, le site de BPI est vide. Ni noms, ni photos, ni renseignements. Le premier enregistrement répertorié est celui de 'Autumn Frost', de 1934, et cet iris semble avoir disparu. La même mésaventure doit être advenue à 'Lucrezia Bori' (1935). Qu'en est-il des trois variétés suivantes ? 'Constance Schreiner', 'Marco Polo', 'Nana'. La base de donnée « Iris Register » en fait mention mais elle seraient antérieures à la tenue du premier registre numérisé. On ne sait donc pas si elles existent encore. Pour la période considérée, il y aurait quatorze autres variétés disparues. Certaines, surtout chez les iris nains et arilbreds, n'ont jamais du être largement commercialisées, de ce fait leur disparition n'est pas étonnantes, d'autres semblent n'avoir eu qu'une distribution limitée et un intérêt horticole restreint : leur nom n'est pas resté dans l'histoire. D'autres, restés peu connus, ont eu parfois une certaine descendance. C'est le cas notamment de 'Lamplight' (1944) pour lequel on découvre trois descendants enregistrés. 'Boris' (1942), 'Vestal Beauty' (1942), 'Janice' (1943), 'Russet Mantle' (1944) n'en ont eu qu'un seul. La disparition de 'Ethiop Queen' (1938) est plus surprenante. C'est en effet une variété qui a été plusieurs fois utilisée en hybridation et « The World of Irises » lui consacre quelques lignes : « Les Schreiner ont croisé 'The Black Douglas' avec un semis noir issu d'une lignée de rouges(1), et ce croisement a donné 'Ethiop Queen', introduit la même année que 'Sable' de P. Cook. 'Ethiop Queen' croisé avec 'Dymia', a donné 'Black Forest', de courte stature mais avec une profondeur de noir encore inconnue chez les eupogons. » Avec ce 'Black Forest', 'Ethiop Queen' s'est ouvert une descendance innombrable et, s'il est véritablement éteint, c'est une perte profonde pour le monde des iris.

A côté de tous ces « morts au champ d'honneur » il existe de nombreuses variétés considérées comme en danger de disparition. Comme dans le chapitre précédent on trouve dans ce cas des iris qui manquaient de caractère ou de charme et qui, de ce fait n'ont pas dû connaître un taux de diffusion sensationnel : elles menacent de s'éteindre faute de représentation dans les jardins. Mais il en est aussi dont l'extinction prochaine est moins justifiable. C'est le cas de 'Winter Carnival' (1941) un blanc très pur qui a eu une descendance relativement importante grâce à des croisements avec les plus grandes variétés de son temps, comme 'Great Lakes' ou 'Blue Sapphire'. Une trentaine de semis issus de 'Danube Wave' (1947), un autre « en danger », figurent à la Check-List. Les couples (Chivalry X Danube Wave) ou (Pierre Menard x Danube Wave) ont donné naissance à plusieurs beaux iris bleus. Sont également placés dans cette liste de variétés menacées 'Flying Saucer' (1950) et 'Quicksilver' (1950) deux noms qu'on découvre au pedigree de variétés prestigieuses comme 'Rococo' ou 'Harbor Blue' ou encore 'Big League'.

 L'alarme est moins sévère mais néanmoins présente pour quelques variétés comme 'Golden Treasure' (1936), 'Gypsy Baron' (1942) ou 'Velvet Dusk' (1948) ; ce dernier est à l'origine du sombre 'Licorice Stick (1960) et figure également, dans un bourgeonnement de croisements, au pedigree de 'Fashion Queen' (2004).

Enfin quelques uns ont bien supporté les injures du temps, comme l'inusable 'Mulberry Rose' (1941) ou le plicata 'Confetti' (1949), mais ils sont peu nombreux.

Pour conclure, il me semble que provenir d'une grande maison ne soit pas synonyme de pérennité. Même quand on est, comme 'Ethiop Queen' au départ d'une famille nombreuse et illustre, on n'est pas à l'abri d'un désamour inexplicable conduisant vers le triste cercle des iris disparus...

(1) Grace Sturtevant X Indian Chief 

 Illustrations : 


'Ethiop Queen' 


'Lamplight' 


'Black Forest' 


'Danube Wave'

14.10.16

ECHO DU MONDE DES IRIS

La collection Ransom sauvée ?

Aux dernières nouvelles, la collection d'iris de Lawrence, en déshérence depuis la disparition subite de son créateur, devrait être sauvée, avec l'intervention de la SFIB. Des informations plus précises seront données incessamment. 

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XIX – Harald Moos 

Les hybrideurs allemands ne sont pas forts pour ce qui est de faire la promotion de leurs obtentions. Il faut dire que ce sont tous des « amateurs » car il n'y a pas de pépinière spécialisée comme chez nous les trois « grands » et quelques autres. Cela n'empêche pas qu'il existe des hybrideurs confirmés, comme Harald Moos, qui est un « vieux de la vieille » puisqu'il hybride depuis le début des années 1980. Il s'est fait connaître à l'étranger par ses participations au concours de Florence où il a rencontré un certain succès (une place de second et une place de troisième) dont peu de gens peuvent se vanter. Ses iris présentent toutes les qualités que l'on peut espérer. 

Témoin, ces quatre variétés :


'Grosser Garten' (1993 – n°3 Florence 1994) 


'Herrnhäuser Feuerwerk' (2011) 


'Krähenwinkel Gold' (ca.1990) 


'Weisse Düne' (2009)

L'ARC EN CIEL SUR LA COLLINE


C'est sous ce titre de « l'Arc en Ciel sur le Colline » que commence l'histoire des Presby Memorial Iris Gardens sur le site web de cette institution. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Les Presby Memorial Iris Gardens constituent sans aucun doute la plus belle collection d'iris au monde. Elle se situe à Montclair, ville de 40,000 habitants, dans le New Jersey, à environ soixante kilomètres à l'ouest de New York. Comme le décrit une de ses admiratrices, Presby est « un royal ambassadeur des jardins-musées à travers le monde ». 

Ces jardins ont été créés en 1927 en l'honneur de Frank Presby, un botaniste émérite, hybrideur d'iris et membre fondateur de l'American Iris Society (AIS), citoyen de la petite ville de Montclair, décédé trois ans plus tôt. Frank Presby possédait une vaste collection d'iris dont il voulait faire don à sa commune, mais il était mort avant d'avoir pu réaliser son projet. Celui-ci cependant n'était pas perdu de vue et la municipalité de Montclair, en collaboration avec divers organismes dont l'AIS, a créé ces jardins qui devaient être non seulement une vitrine pour tout ce qui concernait les iris, mais aussi un espace à caractère éducatif sur le thème de la culture et de l'hybridation des iris. L'affaire fonctionne sous la forme d'une association à but non lucratif qui gère et entretient les jardins. La première présidente en fut Barbara Walther. C'était une botaniste active et dévouée, qui avait acheté quelques années auparavant une vaste propriété sur les hauteurs de la ville dont elle et son mari Fred firent don pour l'établissement des jardins. (1) 

La création de ces jardins suscita un grand enthousiasme à travers le monde. Des plantes de toutes origines furent envoyées à Montclair. Elles complétèrent la collection léguée par les enfants de Frank Presby. C'est le Président de l'AIS, John Wister, assisté de Barbara Walther, qui dessina lui-même le plan des jardins. La Ville de Montclair mit à disposition des créateurs les jardiniers municipaux, et les membres du Garden Club de Montclair financèrent les travaux et la protection des nouvelles plantations. C'est ensuite l'association – le Citizens Committee – qui s'est chargé de l'entretien et de l'administration des jardins. Mais en 2007 la situation financière du Citizens Committee devint insuffisante pour faire face aux frais de gestion. Les jardins étaient en danger. Heureusement le comté d'Essex, dont fait partie Montclair, a sauvé la situation en rachetant la Maison Walther et le terrain adjacent, ne laissant à l'Association que la gestion du domaine au quotidien. Veillant au bon état de conservation des collections (plus de 3000 variétés dénommées d'iris), l'Association a fait appel aux plus fins connaisseurs des variétés anciennes pour vérifier l'exacte dénomination de chacune car, comme dans toutes les collections de ce genre, des erreurs peuvent survenir au gré des incidents inévitables et des transplantations nécessaires. 

Cette année, un grand spécialiste des collections d'iris, Carlos Ayento, administrateur du Brighton Park de Chicago – un autre beau jardin d'iris - s'est rendu aux Presby Memorial Iris Gardens. Il en a rapporté une superbe série de photos dont quelques-unes, représentant d'anciennes variétés françaises, agrémentent le présent article. 

Ces magnifiques jardins paysagers, plantés de grands arbres et parcourus par un ruisseau artificiel permettant la culture des iris dits d'eau, où figurent toutes les sortes d'iris dans un environnement tout à fait adapté à leur maintien, devraient rendre jaloux nous autres européens, les pionniers de l'hybridation des iris, qui ne disposent pas d'un tel équipement. En effet le jardin de Florence, rénové depuis peu, dans un cadre exceptionnel, est une remarquable réalisation mais limitée aux variétés ayant participé aux différents concours. Ils constituent en tout cas le but essentiel d'un éventuel voyage aux Etats-Unis, vers New-York et la côte Est. 

 (1) Leur nom n'est pas oublié aujourd'hui puisque c'est celui de la Walther Cup, récompense attribuée chaque année par l'AIS à la meilleure variété d'iris entrant dans la course aux honneurs. 

 Illustrations : 
 
 l'entrée des Presby Memorial iris Gardens ; 


'Mady Carrière' (Millet, 1905) 


'Antarès' (Vilmorin - 1927) 

'Madame Maurice Lassailly' (Cayeux F., 1935) 

'Lanterne Magique' (Cayeux Jean, 1957)

9.10.16

RETARD... RETOUR

Voilà, Irisenligne est de retour, avec deux jours de retard. Deux jours qui ont bien failli se prolonger puisque les aiguilleurs du ciel grecs ont menacé d'empêcher les décollages au départ de Corfou ! Mais tout est bien qui finit bien...

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XVIII – James McWhirter 

Il est mort beaucoup trop tôt et n'a laissé derrière lui que des regrets et un chagrin qui ne s'est pas atténué avant longtemps. C'était un homme généreux, dévoué, secourable. Il était aussi passionné par les iris, notamment les iris bleus, mais pas que... Il en a laissé un certain nombre, tous appréciés. Parmi ceux-ci :


 'Alaskan Seas' (1991) 


'Boss Tweed' (1992) 

'Brandy' (1977) 


'Edith P. Wheeler' (1994)

LA FLEUR DU MOIS

'Terra del Fuoco' ( Augusto Bianco, 2005)

(parents inconnus)

Augusto Bianco est une vieille connaissance. Pendant longtemps nous nous sommes contentés d'échanger par écrit des informations relatives aux iris, de France et d'Italie. Puis nous avons eu l'occasion de nous rencontrer, à Paris, à Florence... Nous avons été juges ensemble... Bref nous avons lié des relations de sympathie et de respect mutuel. Un jour, il m'a demandé si je voulais accueillir dans mon jardin quelques variétés nouvelles dont il souhaitait connaître le comportement en dehors du climat méditerranéen du Piémont où se trouve sa pépinière. C'est ainsi que j'ai reçu à plusieurs reprises des iris encore inconnus. Je lui ai rendu compte de mes observations et certaines de ces variétés ont été enregistrées, d'autres pas. Certaines font toujours partie de ma collection, d'autres ont disparu soit qu'elles ne présentaient guère d'intérêt et que je les ai mises au compost, soit qu'elles aient disparu pour différentes raisons... Il reste trente et une variétés, dont huit médians. Il en est plusieurs que j'aime particulièrement – 'Mani Pulite', 'Mezza Cartuccia', 'Corolla', et 'Terra del Fuoco'.

 Ce 'Terra del Fuoco' est décrit comme ceci : « S. brick ; style arms ochre ; F. coffee, slight tinge of ochre on border ; beards old gold », que l'on peut traduire par : « Pétales brique ; bras des styles ocre ; sépales café, légèrement teintés d'ocre vers le bord ; barbes vieil or ». On voit à peu près ce que cela donne, à condition de se mettre d'accord sur ce qu'on appelle couleur « café ». Dans le cas présent c'est un brun très sombre, proche du vrai noir ; du café « ristretto » donc ! Les pétales d'un grenat profond s'éclaircissent un peu à la base ; les sépales sont vraiment noirs. Ils se tiennent très fermement à l'horizontale, tandis que les pétales ,bien dressés ne s'ouvrent qu'en toute fin de floraison. Une fleur moderne, donc, parfaitement coiffée et gracieusement ondulée. Rien qu'avec ces charmes, il y a de quoi être conquis.

Il est dommage que, par souci d'authenticité, A. Bianco n'ait pas voulu faire connaître les parents de cette jolie fleur, dont il n'est pas totalement certain de l'identité : cela prive l'amateur d'un véritable pedigree et, par conséquent, limite l'intérêt de cet iris en hybridation. C'est cela qui fait que seul Bianco, sans doute sûr de son fait, est le seul à l'avoir utilisé. Il en a obtenu jusqu'à présent trois variétés qu'il a enregistrées : 'Carnevale di Venezia' (2012), 'Dali' (2015) et 'Violinista sul Tetto' (2015). Le premier est un riche bourgogne sombre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à 'Terra del Fuoco' ; le second un « rostrata » bicolore, chamois et mauve, et le troisième un joli grenat clair avec un large centre des sépales indigo vif. L'intérêt de 'Carnevale di Venezia' peut être considéré comme discutable, puisqu'il n'apporte pas grand' chose par rapport à son géniteur ; 'Dali', à mon avis, est un peu banal, malgré ses grandes moustaches bleues « à la Dali », mais 'Violinista sul Tetto' apporte véritablement quelque chose de vif et de frais qui vaut le coût.

'Terra del Fuoco', par ses couleurs bien tranchées, sa forme parfaite et la générosité de sa végétation est une variété agréable et valeureuse. Elle me fait vivement penser à une autre variété d'Augusto Bianco, un peu plus ancienne, mais tout aussi colorée : 'Strozzapretti' (2000). Chez cette dernière le rouge des pétales est un peu plus vineux, les sépales sont cernés d'un anneau de la couleur des pétales, mais l'ensemble est très voisin. Pour une juste comparaison, j'ai choisi des photos du même auteur. Ces deux iris ont indéniablement un air de famille, mais en ce domaine, comme on ne sait rien des origines de 'Terra del Fuoco', il faut être très prudent : des origines différentes peuvent aboutir à des variétés d'apparence fort proches, de même qu'un unique croisement peut donner naissance à des variétés très éloignées d'aspect. Quoi qu'il en soit, voici deux jolies fleurs qui font beaucoup d'effet au jardin et qui rendent justice au talent d'Augusto Bianco.

 Illustrations : 


 'Terra del Fuoco' 


'Dali' 


'Violinista sul Tetto' 


'Strozzapretti'

CARTE D'IDENTITÉ

S'il y a quelque chose qui n'est pas bien compris par les amateurs d'iris, c'est bien la notion d'enregistrement des variétés nouvelles. Sur “Facebook”, il y a quelques semaines, une discussion s'est élevée à ce sujet qui démontre cette incompréhension. Elle est partie de la présentation par le letton Laimonis Zakis de la photo d'une de ses réalisations, un iris apparemment superbe qu'il a baptisé 'Zelta Gredzens'. Comme je demandais à son obtenteur quand cette variété serait enregistrée, un autre amateur balte m'a répondu en me faisant remarquer qu'enregistrer un iris était une formalité coûteuse et sans intérêt. Ce sera le point de départ de la chronique d’aujourd’hui.

Écartons tout d'abord l'argument financier. La somme reversée à l'AIS est bien modeste et doit tout juste couvrir les frais matériels de l'inscription. Ce n'est pas cela qui peut dissuader un obtenteur.

Affirmer que cette inscription est inutile, en revanche, mérite quelques mises au point.

Une plante sauvage est identifiée internationalement par un nom latinisant composé de deux éléments, un nom de genre et un nom d'espèce. Ces deux éléments et les descriptions officielles qui vont avec rendent compréhensible par tous ce dont on veut parler. Quand il est question de pervenche on dit Vinca pour le “genre” et pour préciser de quelle espèce de pervenche il s'agit, on dit Vinca major, par exemple. Il n'existe pas une procédure identique pour les créations horticoles, mais néanmoins des règles ont été établies, pas spécialement contraignantes, et les obtenteurs de nouvelles variétés devraient s'y soumettre scrupuleusement. En effet une création horticole représente le fruit d'un travail conséquent pour une plante qui peut exister pour l'éternité et qui peut se répandre très facilement à travers le monde et être utilisée pour créer d'autres plantes. Celui qui hybride, cultive et sélectionne ce qui va devenir une nouvelle variété doit se rendre compte de cela et faire en sorte que le doute ne s'installe pas chez les professionnels comme chez les amateurs. Il est de sa responsabilité de ne pas prendre le risque de susciter une ambiguïté dans le monde végétal. On peut objecter, comme l'a fait mon contradicteur letton, que tant qu'un iris non officiellement identifié ne sort pas des limites du jardin de son créateur, il n'y a pas lieu de lui donner autre chose qu'une identité de commodité. Cela peut être admis, en effet, mais est-on certain que l'iris en question ne sera pas vendu ou donné à un autre amateur qui, forcément, pourra en disposer comme il l'entend, ouvrant ainsi ce que l'on pourrait appeler une boîte de Pandore. N'exagérons rien, le risque pris n'est pas dramatique. Il est simplement gênant et plutôt perturbateur. Prenons l'exemple d'une variété en principe non susceptible de connaître une diffusion internationale mais qui néanmoins s'est répandue bien au-delà de son jardin natal. Il s'agit de 'Beghina', une plante que j'ai moi-même beaucoup appréciée. Son obtentrice, Gina Sgaravitti, grande bourgeoise romaine, qui pratiquait l'hybridation comme un violon d'Ingres, n'a pas jugé bon de l'enregistrer. C'est bien dommage et cela peut être à l'origine de confusions. Si un doute s'établit quant à la dénomination d'un iris, la description qui accompagne la demande d'enregistrement, inscrite dans la check-list de l'AIS, sera là pour faire office de juge de paix. Sans cela, le doute subsistera. Ce sera la même chose pour le pedigree dont chaque hybrideur sait, pourtant, l'importance qu'il peut avoir au moment de choisir un géniteur. Il y a quelques semaines, une discussion a eu lieu sur Facebook à propos d'une variété appelée 'Antiquity' (Blyth, 2000). Une personne a présenté sous ce nom, en provenance d'une grande pépinière, la photo d'un iris aux pétales jaunes et aux sépales blancs largement tachés de jaune aux épaules. Aussitôt un hybrideur chevronné a émis des doutes car selon lui l'iris portant ce nom était un jaune bronzé, marqué d'une zone bleutée sous les barbes. Vérification faite dans la check-list, il s'est avéré que la première fleur présentée ne pouvait pas être la bonne. Si cet 'Antiquity' n'avait pas été enregistré, la vérité n'aurait jamais pu être établie.

Une des raisons invoquées pour justifier l'absence d’enregistrement est, venant d'un obtenteur également pépiniériste, que ses clients ne se souciaient nullement du nom et de l'origine des produits mis à son catalogue. Doit-on à ce point tenir compte de l'avis de simples amis des fleurs, au détriment de celui de ceux qui ont besoin, ou tout au moins apprécient, une identification complète ?

Enfin il est fréquent d'entendre dire : « Mes iris ne peuvent pas rivaliser avec ceux des obtenteurs professionnels, il n'y a pas lieu de les enregistrer au même titre que les leurs ». C'est ce qu'aurait pu soutenir Mme Kuntz à propos de son 'Debby Rairdon' (1965). C'était son premier iris, elle n'avait même pas retenu le nom des deux variétés utilisées pour réaliser le croisement. Il a pourtant triomphé partout où il a été présenté et a obtenu la Médaille de Dykes en 1971 ! Sans enregistrement il serait resté totalement inconnu...

A vrai dire je ne vois aucun argument sérieux pour étayé la thèse des « négationnistes » de l'enregistrement. Je suis même persuadé qu'il est préférable d'enregistrer une variété qui n'a pas d'avenir commercial, plutôt que de laisser se répandre une plante anonyme. Et puis quand on reçoit le petit carton qui tient lieu de certificat d’enregistrement, je puis dire que cela fait vraiment plaisir à l'amateur-hybrideur : une petite fierté bien innocente que cette carte d'identité pour un iris ! Et un document bien utile pour tout le monde de l'hybridation.

Iconographie : 


 'Zelta Gredzens' 


'Beghina' 


'Antiquity' 


'Debby Rairdon'