25.9.15

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Cité des iris (suite) 

 Le village de Champigny sur Veude, à 60 km au sud-ouest de Tours, poursuit son projet de devenir la cité des iris. En 2014 une soixantaine de variétés récentes de grands iris ont pris place aux entrées de la ville. Leur floraison au printemps 2015 a été réussie. Cet automne plus de 280 variétés de toutes origines et représentant l'évolution des iris depuis les années 1970 vont prendre place dans un jardin créé pour les accueillir dans l'ancien presbytère. Dans les années à venir des variétés plus récentes vont venir compléter cet échantillonnage de ce qui se fait de mieux à travers le monde des iris.

HONNEUR À KEITH KEPPEL

Avec six Médailles de Dykes, Keith Keppel est actuellement le plus « capé » des obtenteurs d'iris. C'est l'occasion de l'honorer, en images, comme il le mérite, après cinquante ans de carrière et encore plein de projets. 

Cinquième épisode : Changement de siècle. 

 C'est une sorte de surproduction, puisque plus de 90 variétés nouvelles de TB ont été mis sur le marché entre 2000 et 2009. Là-dedans, une quantité de choses superbes et, forcément, d'autres, plus banales. Choisir quatre représentants n'a pas été facile. Avec un rien de chauvinisme j'ai retenu quatre variétés faisant allusion à la France.

 'Paris Fashion' (2002) (Vienna Waltz X Fogbound) 


 'Sorbonne' (2008) ((Charleston x ((Rosarita x (Rancho Rose x (frère de semis de Flamenco x (frère de semis de Roundup x April Melody))) x Gigolo)) x Power Surge)), X Drama Queen) 


 'Tour de France' (2003) ((Magharee x Overjoyed) X (Electrique x Romantic Evening)) 


 'Versailles' (2006) (Balderdash X Last Laugh)

SE FAIRE PLAISIR

Quelles variétés ? 

Quand on a décidé de créer une collection d'iris, bien des questions se posent. Je suis passé par là il y a plus de trente ans, et au fil des années, j'ai eu à résoudre certains problèmes ; j'ai aussi eu à constater des erreurs que j'avais commises et que j'aurais pu éviter si j'avais, à l'époque, pu profiter de l'expérience d'autres collectionneurs. Je vais essayer ici de parler de mes loupés et de mes tâtonnements. Pour aider, autant que possible, les débutants.Quelles variétés ? Quand j'ai commencé à collectionner les iris, je n'y connaissais absolument rien. J'étais seulement subjugué par leur beauté et la richesse de leurs couleurs. Aussi ai-je acheté n’importe quoi, uniquement poussé par mon admiration. Ce n'est que peu à peu que j'ai affiné mes choix. Puis est venue une seconde période pendant laquelle j'ai été atteint de boulimie : je voulais tout, de plus en plus d'originalités quelles qu'elles soient. Il m'a fallu bien des années pour que je m'assagisse et que ma collection s'enrichisse de variétés de plus en plus importantes sur tous les points de vue. Faut-il conseiller d'agir autrement ? Je n'en suis pas certain. En effet se laisser porter par ses goûts et ses envies du moment n'est pas une mauvaise chose. Il est en effet toujours possible de revenir sur un choix qui apparaît comme malencontreux, comme il est possible de ne point conserver une variété qui ne veux pas se comporter avec fidélité ou qui refuse de pousser, ou de fleurir.

 La seule erreur que j'assume, c'est celle d'avoir accordé une place trop importante à ce que je croyais être de l'originalité (des variétés rares, en provenance d'hybrideurs plus ou moins doués ou judicieux dans leurs sélections) et qui n'était que maladresse ou poudre aux yeux.

En tout cas une erreur que je n'ai pas commise, mais dont je crains qu'elle ne soit fréquente chez les débutants, c'est celle de se jeter sur les nouveautés, pour être l'un des premiers à posséder tel ou tel iris apparemment flatteur, mais dont les qualités ne sont pas confirmées par le fil du temps. Aujourd'hui on constate une inflation de nouveaux cultivars, souvent de séduisante apparence, qui envahissent le marché et étouffent les réels progrès sous une foule de redites ou de plantes simplement « dans le vent ». A mon avis, mieux vaut attendre quelques années avant de faire l'achat, souvent coûteux au moment de sa mise sur le marché, d'une variété non éprouvée dont on constatera surtout les défauts.

Autre conseil : il est préférable de n'enrichir sa collection que par des plantes que l'on a vues « in vivo », surtout lorsque la réputation des obtenteurs n'est pas durablement acquise. Les catalogues – papier ou virtuels – parent souvent ce qu'ils proposent de vertus ( et surtout de couleurs) qui ne reflètent pas exactement la vérité.

Enfin il est bon de connaître les qualités qui font un bon iris, pour n'acquérir que des variétés qui donneront entière satisfaction. Mais on peut bien aussi avoir un coup de cœur, même si on doit être un peu déçu. Après tout, c'est par nos erreurs qu'on progresse.

NÉS SOUS X

« Parents inconnus » (en anglais « Unknown parentage ») est une expression qu'on trouve relativement souvent dans les descriptions de nouvelles variétés d'iris. Elle peut correspondre en fait à deux situations très différentes. Dans l'un et l'autre cas elle signifie que l'obtenteur n'est pas en mesure de fournir le pedigree de la plante qu'il enregistre. Mais il peut y avoir plusieurs raison à cette impossibilité. Il se peut qu'un incident ait amené la perte ou la destruction du document où les renseignements étaient notés. Il peut arriver aussi que le papillon placé sur la capsule où mûrissent les graines disparaisse ; ou que l'étiquette repérant un semis soit emportée par un événement climatique ou un incident de jardinage. Doit-on pour autant renoncer à semer les graines ou faut-il détruire la plantule ? La plupart des hybrideurs choisissent une autre voie : s'ils en arrivent à la décision d'enregistrer la plante accidentée, ils la déclarent comme étant de parents inconnus. Il en sera de même si la plante est issue d'un croisement naturel (d'un « bee pod » comme on dit chez les anglophones). D'autre part beaucoup d'hybrideurs amateurs ne prennent pas la peine de noter le nom des variétés qu'ils croisent pour s'amuser. S'ils veulent enregistrer un cultivar ainsi obtenu, ils le feront également avec la petite phrase « parents inconnus ». Cette expression fait la preuve que celui qui l'utilise n'a pas cherché à falsifier le pedigree de son obtention, mais elle n'a en général pas bonne presse parmi les hybrideurs, professionnels ou pas, car elle signifie que, si l'iris est utilisé dans un croisement on aura des doutes sur ses aptitudes et le résultat du croisement sera forcément un peu hasardeux.

Pourtant de nombreux iris d'une grande renommée, obtenus par les plus grands noms de l'irisdom, sont dans ce cas. Il en est ainsi pour 'Lula Marguerite' (DeForest, 1959) une variété qui a fait le tour du monde et qui est toujours présente dans de nombreux jardins. Ce handicap n'a pas empêché des hybrideurs ayant pignon sur rue de l’utiliser dans leurs programmes d'hybridation. On trouve que c'est le cas de Tell Muhlestein, de Keith Keppel, Gordon Plough ou Chet Tompkins, même si les variétés ainsi obtenues n'ont pas toujours atteint la célébrité.

Encore plus célèbre est 'Burnt Toffee' (Schreiner, 1977). Cette variété au coloris indescriptible a eu un très large succès, et chez nous elle est très connue. Ce qui est étonnant, c'est qu'un de ses frères de semis, un certain 'G 1519-A', donc a priori aussi incertain quant à ses origines, a fait les beaux jours de la maison Schreiner qui en a obtenu des variétés intéressantes comme 'Fashion Queen' (2004) ou 'Lenten Prayer' (1998).

'Frosted Pumpkin' (Maryott, 2002) est aussi né sous X. J'ai lu récemment que c'était une des meilleures ventes de la pépinière de Jim Hedgecock, Comanche Acres I.G. !

 On atterrit en Europe avec 'Terra del Fuoco' (Bianco, 2005). Car il n'y a pas que les hybrideurs américains qui poussent le scrupule jusqu'à préférer ne rien indiquer plutôt que d'affirmer des choses qui peuvent être erronées. Cette rutilante variété n'a que des qualités et son obtenteur a été bien inspiré de l’enregistrer malgré l'absence de pedigree.

 Le cas de 'Debby Rairdon' (Kuntz, 1965) est tout à fait différent. Il s'agit typiquement de l'obtention d'une personne qui ne faisait ça que pour le « fun ». En la circonstance le résultat a passé toutes les espérances qu'on peut avoir pour un croisement que l'on réalise dans ces conditions. Pensez ! Vendre tout son stock à une professionnelle avisée, et voir son iris franchir toutes les étapes de la course aux honneurs jusqu'à décrocher la Médaille de Dykes, ça, c'est gagner le gros lot !

 Autre fleur, autres circonstances. 'Clarence' (Zurbrigg, 1991) a, dès son apparition excité la curiosité de tous ceux qui s'intéressent aux iris. C'est une variété qui a toutes les qualités : une bonne plante de jardin, une splendide association de couleurs dans un modèle qui n'est pas si fréquent (luminata), une aptitude confirmée à remonter... Cela aurait du le conduire au plus haut niveau des honneurs, mais il a raté la dernière marche, certainement à cause de son pedigree incertain. Toutes sortes de conjectures ont été faites à propos de ses parents. Las avis convergent facilement pour dire que du côté maternel, il faut voir 'I Do' (Zurbrigg, ) ou l'un des descendants de ce riche géniteur. Mais du côté paternel de multiples hypothèses ont été avancées, néanmoins les opinions les plus sages tablent sur 'Victoria Falls' ou l'une des variétés qui en sont issues comme 'Sugar Blues' (Zurbrigg, 1984) ou 'Bethany Claire' (Zurbrigg, 1984). C'est le risque, avec la mention « parents inconnus » : les suppositions les plus diverses peuvent apparaître.

 Il est une dernière variété née sous X qui mérite un commentaire. Il s'agit de l'indéboulonnable 'Stepping Out' (Schreiner, 1964). L'absence de pedigree avéré n'a pas du tout nui à sa carrière. Aussi bien au plan commercial – c'est un des iris les plus répandus à travers le monde – qu'au plan des honneurs - HM en 1965, F. Cook en 1966, AM en 1967, Dykes Medal en 1968 - ou celui des croisements – près de 200 semis enregistrés -, et il est resté jusqu'en 2011 parmi les vingt premiers du symposium annuel de l'AIS ! Il faut dire que, s'agissant d'un plicata, il est certain qu'il en porte le gène, ce qui favorise son utilisation.

L'appellation « parents inconnus » peut donc aussi bien être sans conséquence sur la destinée d'un iris qu'avoir sur celle-ci des suites fâcheuses. Chez les humains être né sous X pose souvent des problèmes psychologiques qui peuvent avoir des répercussions dans bien des domaines. Chez les iris les choses sont évidemment moins dramatiques, mais elles ne sont pas non plus totalement anodines.

 Illustrations : 


 Lula Marguerite 


Frosted Pumpkin 


Terra del Fuoco 


Clarence

18.9.15

HONNEUR À KEITH KEPPEL

Avec six Médailles de Dykes, Keith Keppel est actuellement le plus « capé » des obtenteurs d'iris. C'est l'occasion de l'honorer, en images, comme il le mérite, après cinquante ans de carrière et encore plein de projets. 

Quatrième épisode : Les années 90.

La maturité, diront certains. En tout cas une grande maîtrise qui se traduit par une foule de récompenses flatteuses. L'action se poursuit dans les directions déjà explorées, mais d'autres voies sont ouvertes. Avec des variétés très connues et d'autres qui le sont moins. Celles dont on voit ici les photos font partie de ces dernières.


 'Day Glow' (1996) ((((((Frances Kent x Mary Randall) x (Sexton 60: (Gail x Techny Chimes) x Golden Gene)) x (Denver Mint x semis n° 60-183-O)) x (Radiant Light x (((Golden Gleam x Hallmark) x Sexton 60) x semis n° 60-183A)) x Orange Fire) x Orangerie) X Champagne Wishes 


'Lovely Dawn' (1997) (Dawn Sky X Screen Play) 

'Magic Show' (1994) (Rosarita X ((Santana x Anon) x Rustic Dance)) 


'Morning Mood' (1997) (Dawn Sky X Platform)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Avis de gros temps. 

Le dernier bulletin de la British Iris Society (BIS) fait apparaître des difficultés à venir pour cette illustre société. En effet son Président se retire et sa secrétaire aussi. Ces deux postes essentiels sont donc dépourvus et il n'y a pas de candidat pour prendre la succession, en particulier pour la fonction de secrétaire...

PRÉSENCE D' 'APRIL MELODY' EN FRANCE

En recherchant la descendance de 'Gibson Girl' en vue de la chronique publiée il y a quelques semaines, j'ai trouvé que cet important patriarche apparaissait treize fois dans le pedigree d'une autre variété majeure, 'April Melody'. L'idée m'est alors venue de rechercher si ce 'Gibson Girl' à la riche descendance n'avait pas, via 'April Melody', autre géniteur abondant, quelque rejeton né en France. La recherche était hasardeuse, mais elle avait néanmoins toute chance d'aboutir car je pensais qu'il ne devait pas y avoir de milliers de plicatas chez qui n'apparaissent pas les gènes de 'April Melody' ! Et je n'ai pas cherché longtemps !

J'ai commencé par fouiller dans la production Cayeux et les variétés plicatas qu'on peut y trouver. Elles ne sont pas nombreuses, en vérité, et devant cette maigre récolte j'ai eu un moment d'hésitation : allai-je continuer cette recherche à l'aveugle ? Oui ? Oui.

Pour changer un peu les habitudes, j'ai choisi comme point de départ le petit IB 'Vitrail' (R. Cayeux, 2003). Me voilà donc parti à travers la base de donnée « Irisregister », reculant dans le temps vers cet éventuel 'April Melody' qui date tout de même de 1965, ce qui peut faire parfois une dizaine de générations !

Les parents immédiats de 'Vitrail' sont (Hoodlum x Change of Pace). 'Hoodlum' est un SDB de Keith Keppel (1996) que les spécialistes des iris nains connaissent bien car il a eu de très nombreux descendants. Mais la trace de 'April Melody' n'apparaît pas de ce côté-là ... Chou blanc. 'Change of Pace' (Schreiner, 1991) va-t-il être plus intéressant ? C'est un produit à 100% maison puisque son pedigree est (Eagle's Flight x Cinnamon Girl), deux iris signés Schreiner. Avec 'Eagle's Flight' (Schreiner, 1985) on est entraîné dans une voie qui mène à 'Rococo' (Schreiner, 1959) en évitant la smala Gibson. Rien par là, donc. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts et à inventorier les ancêtres de 'Cinnamon Girl' (Schreiner, 1991). Les parents en sont d'un côté un semis de 'Polka Party' (Schreiner, 1976), un plicata issu de 'Memphis Lass' (Schortmann, 1957) lui-même petit-fils de 'Gibson Girl' ! Par ce chemin on est arrivé à cette mythique variété, mais sans passer par 'April Melody'. Le parent masculin de 'Cinnamon Girl', ce joli plicata amarante, est 'Smoke Rings' (J. Gibson, 1971), autre plicata amarante, à la tête d'une descendance riche de plus de soixante variétés. Et voilà que le parent féminin qui a donné naissance à ce 'Smoke Rings' est un semis désigné sous la formule (35-1 PB1A: (23-4B x Rococo) x April Melody).

 Le tour est joué ! 'April Melody' figure bien dans le pedigree d'un variété française ! Le contraire eut été exceptionnel, il est vrai. Du coup, mis en appétit par cette découverte, j'ai lancé une nouvelle recherche à partir d'une autre variété obtenue par Richard Cayeux, 'Urluberlu' (2012).

La quête n'est pas vraiment longue avec cette variété typique des plicatas modernes. Elle provient du croisement (Bord de Mer X Belle Hortense) dont ni l'un ni l'autre des membres ne manifeste des signes de « plicatisme ». Mais 'Bord de Mer' (R. Cayeux, 2009) est fils de 'Chevalier de Malte' (R. Cayeux, 1997), très souvent utilisé par son créateur, qui est lui-même le fils de 'Whirl Around' (M. Hamblen, 1986), et derrière cet iris il y a d'une part 'Anon ('J. Gibson, 1974), d'autre part 'Porta Villa' (J. Gibson, 1972). Le premier a pour ancêtre 'April Melody', et le second en est le descendant direct. 'April Melody' est encore là...

Autre recherche : à partir d'un autre plicata Cayeux, 'Eau Piquante' (2009). On repart, mais il n'y a pas longtemps à attendre pour être édifié. Voici le cheminement : 'Eau piquante' > semis > 'Aurelie' > 'Chevalier de Malte' > 'Whirl Around' > 'Anon' > 'April Melody. C'est en ligne directe et seulement six ou sept générations auparavant.

Quittons La Carcaudière et son sol de moraine pour la baie de Morlaix et les plantations de Jean-Claude Jacob. Il n'y a pas beaucoup de plicatas dans son programme, mais si l'on s'intéresse à 'Cent Ans Déjà' (2014) l'aventure s'arrête très vite car cette variété est issue de 'Charleston (Keppel, 2002), plicata bleu traditionnel et lumineux, dans le pedigree duquel apparaît très vite notre fameux 'April Melody' !

 Passons de Bretagne en Gascogne, sur les terres de Roland Dejoux. 'Reine de Cuers' nous y attend dans sa robe de cotonnade à petits pois qui évoque immédiatement son ancêtre 'Queen in Calico' (J. Gibson, 1979). Un petit tour dans le pedigree de cette variété archi-célèbre et si souvent utilisée en hybridation, et l'on retrouve 'Anon', puis, bien entendu 'April Melody'.

En restant sur la fiche de 'Queen in Calico', je sais qu'il y a au moins une autre variété française qui en descend, c'est 'Mauvais Genre' (S. Ruaud, 2012), et celui-là je le connais très intimement ! Un peu plus bas dans la liste on découvre 'Nebbiolo' (L. Ransom, 1999), une variété qui figure dans ma collection, comme de nombreux autres fils ou rejetons de 'Queen in Calico', en particulier les plicatas de Ladislav Muska : 'Zuzana' (1999) et 'Tagli e Buchi' (2001). Décidément il n'est pas facile de faire un pas dans la grande famille des plicatas sans rencontrer cet 'April Melody' qui fait décidément partie des incontournables du monde des iris.

 Illustrations : 


 'Vitrail' 

'Eau Piquante' 


'Cent Ans Déjà' 


'Reine de Cuers'

12.9.15

HONNEUR À KEITH KEPPEL

Avec six Médailles de Dykes, Keith Keppel est actuellement le plus « capé » des obtenteurs d'iris. C'est l'occasion de l'honorer, en images, comme il le mérite, après cinquante ans de carrière et encore plein de projets.

Troisième épisode : Les années 80. 

 Une grande décennie ! Près de 50 TB enregistrés ! Surtout des plicatas, bien sûr, mais aussi quelques perles, comme ce « rouge » 'Mulled Wine'.

 'Beguine' (1987) (Gigolo X Columbia the Gem)

'Gigolo' (1982) (((Roundup x frère de semis de Artwork) x Osage Buff) X (Flamenco sib x (frère de semis de Roundup x April Melody)))

 'Mulled Wine' (1981) ((((Amigo's Guitar x (Rippling Waters x Gypsy Lullaby)) x (semis Jones 743 x (Marquesan Skies x Babbling Brook))) x Salmon River) X Maraschino)

 'Rustler' (1987) (Laredo X Dazzling Gold)

SE FAIRE PLAISIR

Quand on a décidé de créer une collection d'iris, bien des questions se posent. Je suis passé par là il y a plus de trente ans, et au fil des années, j'ai eu à résoudre certains problèmes ; j'ai aussi eu à constater des erreurs que j'avais commises et que j'aurais pu éviter si j'avais, à l'époque, pu profiter de l'expérience d'autres collectionneurs. Je vais essayer ici de parler de mes loupés et de mes tâtonnements. Pour aider, autant que possible, les débutants.

Planter. 

Tout dépend, bien entendu, de la place dont on dispose. Néanmoins il y a des erreurs à ne pas commettre.

Première erreur : planter à un emplacement mal ensoleillé. Si l'ensoleillement est seulement insuffisant – moins d'1/2 journée de plein soleil -, les iris pousseront normalement, mais leur floraison sera moins abondante et plus tardive. J'en ai fait le constat ce printemps au parc Floral de la Ville de Paris à Vincennes, lors du dernier concours FRANCIRIS : une partie des iris en compétition avait été plantée à proximité de grands arbres qui leur cachaient le soleil toute la matinée ; total, ces variétés n'étaient pas encore en fleur alors que la plupart des autres l'étaient. Si la lumière est vraiment trop faible, le feuillage va manquer de vigueur, s'étaler sur le sol au lieu de se dresser, et il n'y aura pas de floraison.

 Deuxième erreur : choisir un emplacement mal drainé. Qu'ils soient grands, moyens ou petits, les iris n'aiment pas l'eau stagnante. Il faut qu'ils aient les racines au sec. Si le terrain est humide, prévoir une plantation sur merlon.

 Troisième erreur : planter trop serré. A moins de 50cm les uns des autres, les iris ne tarderont pas à se rejoindre et à se mêler. Mais planter trop lâche n'est pas mieux car l'esthétique du jardin s'en ressentira : il ne faut pas que l'on voit trop la terre entre les touffes et, en plus, cela laisse de l'espace pour le développement des plantes adventices, qu'il faudra arracher !

 Quatrième erreur : Constituer des bordures trop larges. Lorsqu'il y a plus de deux touffes de front, l'entretien (désherbage, retrait des fleurs fanées, coupe des tiges après la fin de la floraison...) va se trouver plus délicat à effectuer. En plus, l'aspect général, trop massif, sera moins plaisant. L'idéal, c'est une bordure d'environ un mètre de large bordée d'une allée de part et d'autre. Ces allées elles-même doivent avoir une largeur suffisante pour que les visiteurs puissent y passer sans risquer, en frôlant les plantes, de casser les fleurs, voire même les hampes florales ; si elles sont engazonnées ces allées doivent permettre le passage de la tondeuse (deux passes, c'est bien).

Cinquième erreur : adopter un plan de plantation compliqué, ou tortueux. Plus un plan est simple (bordures rectilignes ou en larges ondulations) plus il est élégant parce qu'aisément lisible. Un plan dont on ne peut avoir une vision globale qu'en survolant le jardin en montgolfière n'a plus de sens, au niveau du sol où se trouvent les visiteurs. Éviter cependant les bordures trop longues : les visiteurs seraient trop tentés d'enjamber la plantation pour aller d'un bord à l'autre, et alors gare aux dégâts !

Ce sont là les principales erreurs à éviter, mais il doit y en avoir d'autres auxquelles je ne pense pas à l'instant. La semaine prochaine on parlera plutôt du choix des variétés car c'est là le moment de se faire vraiment plaisir.

L'IRIS A PARFUM

C'est la très jolie photo que Milan Blazek m'a envoyée pour mon dernier anniversaire qui m'a inspiré pour faire une recherche sur l'iris à parfum. Car elle a été prise dans la région du Chianti, près de Florence, dans une plantation d'iris destinés à la parfumerie. Comme on peut voir, les iris ont envahi une combe entourée de grands arbres. Pour y aller il faut grimper par un petit chemin au flan d'une agréable colline. Les endroits idylliques, cela se mérite...

 Pendant très longtemps, alors que la main d’œuvre était abondante et bon marché, la culture des iris à parfum a été une spécificité de la Toscane : les princes, qu'ils soient florentins, milanais, vénitiens ou romain, raffolaient de cette senteur de violette qui pouvaient à la fois ajouter à l'attrait des gentes dames et masquer les senteurs obscures des cités italiennes. Au cours du XXeme siècle, cette culture de même que la préparation laborieuse du parfum ont été peu à peu abandonnées : trop de travail ! Mais au cours des vingt dernières années les plus grands parfumeurs ont eu de plus en plus recours à l'orris root, autre nom de la racine d'iris pour la parfumerie. Du coup la culture a repris, en Toscane, bien entendu, et particulièrement dans les collines du Chianti entre Florence et Sienne, mais aussi au Maroc, en Chine (bien entendu!), puis en France même, dans la région de Grasse, pour le compte de la maison Chanel.

Voilà donc l'iris qui est de nouveau cultivé pour sa racine et les essences qu'elle contient. Pendant très longtemps, au moins depuis le XVIIeme siècle, on a utilisé pour cet usage le fameux Iris florentina, de couleur blanche, forme particulière de Iris germanica dont il n’est qu’un sous-hybride un peu chétif, aux fleurs blanc bleuté, un peu molles, mais recherché pour tout autre chose que ses fleurs : l’irone extrait de ses rhizomes. Longtemps cet iris de Florence a été une des richesses d'une vaste région allant du Chianti à toute l’Italie du Nord, jusqu’à la région de Vérone, au pied des Alpes. La recherche scientifique faisant des progrès, on s'est aperçu que I. pallida var. dalmatica, autrement dit l’iris de Dalmatie, était deux fois plus riche en irone que I. florentina. Celui-ci a été rapidement délaissé pour son cousin d'outre-Adriatique, lequel a fini par le supplanter complètement. Ce que l'on voit aujourd'hui dans les champs est donc I. dalmatica, reconnaissable à sa délicieuse couleur bleu pâle, qui possède deux caractéristiques très originales. D’abord sa multiplication ne s’obtient pas de façon sexuelle, mais uniquement de façon végétative, ce qui garantit la pérennité des caractères (et démontre par conséquent que la multiplication végétative n’entraîne aucune dégénérescence de la plante). Ensuite ses rhizomes contiennent beaucoup d’irone, substance extraite pour obtenir ce parfum très spécifique que l'on appelle aussi « essence de violette ».. Cependant on conserve encore quelques plantations de I. florentina, moins riche et moins subtil, mais dont la puissance peut s'avérer utile en parfumerie.

La fleur de I. pallida a un parfum inoubliable et prononcé, des plus délicieux. De ce fait beaucoup s'imaginent que c'est cette fleur qui est utilisée en parfumerie, mais il n'en est rien. Ce qui compte, c'est le rhizome ! Pour l'obtenir, les iris restent en place dans les champs pendant au moins trois ans. Les rhizomes sont alors déterrés, sélectionnés, nettoyés épluchés puis coupés en rondelles qui sont mises à sécher sur des clayettes dans une pièce ventilée et chauffée à 30 °C, pour que les rhizomes perdent 60 % de leur eau et puissent se conserver en concentrant leur fameux irone. Il va falloir trois ans de séchage avant que les rondelles de rhizomes, devenues grises et dures, ne soient broyées et envoyées à la distillation. Celle-ci s'effectue après macération dans l'eau froide. On obtient alors une substance de couleur et de consistance crémeuse. Ce «beurre d'iris» appelé aussi «concrète» sera à son tour distillé pour donner l'absolu, qui est la base des parfums. Il ne faut pas moins de 13 tonnes de rhizomes frais pour obtenir un seul kilo de l'extraordinaire produit, ce qui explique son prix exorbitant (près de 100 000 euros le kilo). Les spécialistes disent que « son odeur est complexe et délicate, poudrée, boisée, paillée, beurrée, violette, tout en étant linéaire et très persistante. » Pour le commun des mortels, elle est simplement riche et profonde : combinée à d'autres senteurs, elle aboutit à des parfums complexes mais toujours délicieux, comme ce « Terre d'Iris » (Miller Harris) que j'ai eu le plaisir de humer il y a quelques semaines dans un grand magasin parisien.


Aujourd'hui, des parfums à base d'iris, il y en a de plus en plus. Le plus réputé est peut-être « Infusion d'Iris » de Prada, mais on trouve aussi « Iris Noir » d'Yves Rocher, « Chanel n° 19 », « Bois d'Iris » de Van Cleef et Arpels, « Songe d'Iris » de Rochas, « Iris Ukioyé » de Hermès...


Ainsi notre fleur préférée peut-elle présenter de l'intérêt pour son rhizome, cette tige souterraine, mystérieuse, qui la nourrit et abrite ses gènes pour l'éternité. Comme quoi, dans l'iris, tout est bon !

Illustration : 

 - Champ d'iris à parfum.

4.9.15

SE FAIRE PLAISIR

Quand on a décidé de créer une collection d'iris, bien des questions se posent. Je suis passé par là il y a plus de trente ans, et au fil des années, j'ai eu à résoudre certains problèmes ; j'ai aussi eu à constater des erreurs que j'avais commises et que j'aurais pu éviter si j'avais, à l'époque, pu profiter de l'expérience d'autres collectionneurs. Je vais essayer ici de parler de mes loupés et de mes tâtonnements. Pour aider, autant que possible, les débutants. 

L'heure du choix. 

Au moment de me lancer dans une collection d'iris, je me suis demandé plusieurs choses, la première étant qu'elles variétés choisir ? Mais il y en a d'autres que j'aurais été bien inspiré de me poser ! Ainsi je ne me suis pas interrogé sur la (ou les) catégories d'iris à collectionner. Je suis allé vers les grands iris de jardin, parce qu'à l'époque je ne connaissais qu'eux. Mais j'aurais peut-être me diriger vers les iris nains, étant donné qu'à ce moment je ne disposais que d'un espace minimal, et que je n'avais pas la possibilité de mettre vraiment en valeur les grands cultivars que j'allais acheter. Alors, Nains ? Médians ? Grands ?

Tout dépend de la place dont on dispose. Si l'on possède une grand jardin, bien dégagé, on peut se lancer dans les TB, qui sont évidemment les plus spectaculaires. Mais on peut préférer quelque chose de plus intime. Les SDB ou MDB sont alors le meilleur choix. On peut aussi souhaiter une période de floraison plus ou moins hâtive ; on peut alors se tourner vers les IB. Il est alors possible de faire un large choix, avec toutes les catégories possibles.

 Il faudra à un certain moment prendre en compte le temps dont on disposera pour prendre soin de ces iris, sachant que, à nombre égal de plantes, plus la période de floraison sera étendue, plus le travail sera de longue durée. Ce n'est pas rien, par exemple, d'enlever au fur et à mesure les fleurs qui fanent, puis de couper les hampes florales. Sans compter les heures passées à désherber !

 Mais le plus délicat, c'est de choisir l'emplacement de la future collection et le plan de plantation. Il y a en ces domaines des erreurs à ne pas commettre. On verra ça la semaine prochaine.

'PEN HIR' (FDM)

Tous ceux qui, ce printemps, sont venus voir mes iris ont été admiratifs. « Oh ! Celui-là, qu'est-ce qu'il est noir ! Pourras-tu m'en donner un morceau ? » Ils parlaient de 'Pen Hir' (Madoré, circa 2001) une variété non enregistrée bien qu'elle ait amplement mérité cette distinction. Gérard Madoré, son obtenteur, fait partie de ces amateurs éclairés qui ont apporté une énergie nouvelle à l'hybridation française dans les quinze dernières années. Maintenant reconverti dans l'élevage des oiseaux exotiques, il devrait réussir dans le métier d'oiseleur aussi bien que dans celui d'obtenteur d'iris où il a acquis, à juste titre, une certaine renommée. Il a commencé à hybrider il y a longtemps, et il a acquis une solide expérience et un sens aigu des bons croisements. C'était un artiste sans esprit d'aventure et s'il n'a pas pris de risques génétiques inconsidérés, car ses iris, au pedigree sans excès de raffinement, font essentiellement appel à des géniteurs confirmés, il est tout de même parvenu à d'excellents résultats. Maintenant c'est un autre artiste qui commercialise ses obtentions : Alain Chapelle, breton comme lui.

Le travail de Gérard Madoré a porté essentiellement sur quatre lignes de recherche : Les iris « bleu-blanc-rouge », les iris orange, les iris roses et les iris noirs. Dans chacun de ces domaines il est parvenu à d'excellents résultats.

Pour les tricolores il s'est fait remarquer au concours FRANCIRIS ® 2007, quand ‘Morgat’ (2005) a obtenu la mention « Meilleure variété bleu, blanc, rouge ». Pour les fleurs orange il a songé, entre autres, à un croisement qui a été particulièrement prolifique (9 frères de semis). Il s’agit de (Good Show X Feu du Ciel). L’association de ces deux iris oranges a donné naissance à des variétés très voisines mais toutes du meilleur cru. Tous les tons d’orange sont représentés. Depuis l’orange abricot de ‘Callac’ jusqu’à l’orange mandarine de ‘Arzano’ ou l'orange vif de 'Plouescat’. Tous ont une belle barbe minium, ce qui est normal puisque c’est aussi l’ornement des deux parents. Parmi les roses, ses plus belles réussites me semblent être ‘Ploumanach’ (2005), enfant de (Social Event X Bubble Up) et ‘Rosmalo’ (2007) qui a pour parents ((Pagan Pink x Cherub's Smile) X Pretty in Pink).

 On arrive enfin à la couleur noire. Ce n'est pas celle à laquelle il s'est le plus intéressé, mais c'est peut-être celle où il a eu la main la plus heureuse. Comme d'habitude, il s'est contenté dans le cas présent d'un croisement de tout repos : (Hello Darkness X Before the Storm). 'Hello Darkness' (Schreiner, 1992) a été longtemps considéré comme l'iris le plus noir jamais mis sur le marché. Il a eu un grand succès commercial et s'est adjugé la Médaille de Dykes en 1999. Autant dire que c'est un champion (« a winner » comme on dit aux USA). 'Before the Storm' (Innerst, 1988) est le premier iris noir des temps modernes à remporter la DM. Ce fut en 1996, trois ans seulement avant que 'Hello Darkness' ne renouvelle l'exploit. Il est noir, oui, mais n'a pas l'intensité de son suivant ; ce qui n'enlève rien, par ailleurs, à ses excellentes qualités botaniques. Gérard Madoré, en réalisant son croisement de deux DM noirs, jouait sur du velours, car Noir + Noir = Noir ++, comme toujours dans les croisements endogamiques. Néanmoins celui-ci n'a pas inspiré beaucoup d'hybrideurs. A ma connaissance, seul les Jedlicka l'ont également tenté, avec un résultat, 'Total Darkness' (2011), aussi sombre que l'est 'Pen Hir'. Gérard Madoré en a, comme on dit communément, rajouté une couche, en recroisant un sibling de 'Pen Hir' avec 'Night Ruler', un autre iris très sombre, mais le résultat n'apporte pas une réelle amélioration (Guilvinec, 2007).

 Pour ce qui est de la saturation des pigments anthocyaniques, on ne peut guère faire plus. Les pétales sont, certes, un peu plus bleus, mais les sépales atteignent le noir parfait. La barbe, bleue sombre, n'enlève rien à l'effet noir. La fleur est absolument classique – les iris noirs ne sont pas réputés pour abuser des ondulations – pas trop grosse, mais bien proportionnée ; le nombre de boutons est juste suffisant, mais le branchement est impeccable. Voilà donc un iris pour lequel on n'exagère pas quand on dit qu'il est noir, et le succès qu'il rencontre auprès des simples spectateurs en dit long sur l'intérêt que l'on a à cultiver dans son jardin cette fleur de premier plan.

Illustrations : 


 'Pen Hir'


'Guilvinec'


'Total Darkness'


'Before the Storm'

HONNEUR À KEITH KEPPEL

Avec six Médailles de Dykes, Keith Keppel est actuellement le plus « capé » des obtenteurs d'iris. C'est l'occasion de l'honorer, en images, comme il le mérite, après cinquante ans de carrière et encore plein de projets. 

Deuxième épisode : Les années 70.

 Dès cette époque, Keith Keppel s'est spécialisé dans les plicatas. En voici quatre qui ont fait sa réputation :

'Broadway' (1979) (((((Irma Melrose x Tea Apron) x ((Full Circle x Rococo) x Tea Apron)) x April Melody) x Caramba) X Flamenco) 


'Gentle Rain' (1976) ((Vaudeville x Radiant Apogee) X Charmed Circle) 


 'Morocco' (1978) (Kilt Lilt X Caramba) 


'Roundup' (1971) (Montage X April Melody)

'GIBSON GIRL' ET LES REMONTANTS

Ceux qui lisent les chroniques publiées ici savent sans doute que je ne suis pas un franc admirateur des iris remontants. Pourtant j'aurais bien aimé trouver dans mon jardin des fleurs d'iris en toute saison. Oui, mais comme bien d'autres, j'ai été déçu par ces variétés que l'on qualifie de remontantes. De nos jours les spécialistes de cette question font, comme moi, la constatation selon laquelle, malgré une recherche qui atteint bientôt un siècle, les iris remontants restent capricieux, gourmand en eau et d'une fidélité aléatoire. Mike Lockatell, celui qui, à l'heure actuelle connaît le mieux la question a bien été obligé de faire le constat suivant : « « Après beaucoup d'optimisme au cours de la dernière partie du XXe siècle, les avancées dans le développement des iris remontants semblent toujours aussi rares ». Quelque peu lassés, les plus ardents chercheurs sont devenus bien discrets et on constate aujourd'hui un net désintérêt pour la question. Mike Lokatell lui-même, avoue son désarroi dans un article paru dans « Irises », la Revue de l'AIS : « Qui sera le successeur des Percy Brown, Raymond Smith ou Lloyd Zurbrigg ? » Il n'y a toujours pas de réponse.

 On peut se demander pourquoi les choses sont à ce point décevantes.

 Les premiers à s’intéresser vraiment à la question de la remontance ont été les frères Sass, dans le Nebraska, aux Etats-Unis. Y a-t-il une question à laquelle ces deux-là n’ont pas cherché de réponse ? Dès 1924, ils enregistraient 'Autumn King', un grand iris bleu violacé, qui devait être suivi de nombreux autres au cours des années 20 et 30. Dans les décennies qui suivirent plusieurs hybrideurs s’essayèrent à l’obtention de remontants. Percy Brown en fait partie. Son 'Fall Primrose' (1953) est un des premiers à avoir été franchement reconnu comme remontant. Cependant c’est Jim Gibson et son 'Gibson Girl' (1946) qui ont réellement marqué le coup d’envoi de la recherche en remontance. Ce 'Gibson Girl' n'était pas destiné à donner naissance à des iris remontants. Il était avant tout un des premiers éléments de la recherche de Gibson dans les iris plicatas. Il s'est révélé, accessoirement, apte à donner naissance à des remontants. Il faut dire que ses deux parents, 'Tiffany' (H.P. Sass, 1938) et 'Madame Louis Aureau' (F. Cayeux, 1934) ont été reconnus comme porteur du gène de la remontance, et, comme il s'agit d'un gène récessif, sa présence chez ces deux variétés permettait de provoquer sa manifestation dans leur rejeton.

Cela a été confirmé « de visu » dans la descendance de 'Gibson Girl'. Malheureusement le commun des mortels ne peut pas connaître tous les descendants de cette variété car, comme c'était fréquent à l'époque, les renseignements fournis lors de l'enregistrement se contentent d'indiquer des numéros de semis, sans préciser qui se cache derrière ces numéros. Il faut disposer des carnets de l'obtenteur pour connaître la réelle parenté.

Ce fut sans doute le cas de Lloyd Zurbrigg, ami de Gibson, puisqu'il a déclaré que 'Halloween Party' (Gibson, 1970) descendait de 'Gibson Girl' et était remontant. 'Halloween Party' n'a eu que quelques descendants, lesquels ont tous montré qu'ils possédaient le gène de la remontance. Citons 'Hallowed Thought' (Zurbrigg, 1976), 'Spirit of Memphis (Zurbrigg, 1976), 'Fiji Dancer' (Zurbrigg, 1978), 'Lightly Seasoned' (Zurbrigg, 1979)... 'April Melody' a manifesté les mêmes aptitudes. Il faut dire que, pour cela, il est bien doté : Keith Keppel, qui détient les carnets de Jim Gibson, confirme que 'Gibson Girl' apparaît treize fois dans son pedigree ! 'April Melody' est une des variétés les plus utilisées en hybridation dans les années 1970/80, d'abord en vue d'obtenir des iris plicatas, mais aussi pour des remontants, plicatas ou non quand les hybrideurs ont su que cette variété était porteuse du gène de la remontance. A partir de là on peut imaginer combien de variétés modernes sont potentiellement remontantes.

Il faut y ajouter la descendance de tous les autres semis issus de 'Gibson Girl' et, eux, précisément identifiés. Et ils sont nombreux.

Ainsi en est-il de 'Cross Stitch' (Zurbrigg, 1973) qui a engendré en particulier 'English Cottage' (Zurbrigg, 1976), 'Garden Grace' (Zurbrigg, 1981) et 'Lady Essex' (Zurbrigg, 1990). De même pour 'Dante's Inferno' (Moores, 1978), à l'origine de 'Peach Reprise' (Moores, 1981) ou de 'Purgatory' (Moores, 1983). 'Autumn Tryst' (Weiler, 1993) est un enfant de 'Lilac Stitchery' (Jensen, 1989). 'Northern Spy' (Zurbrigg, 1960) a donné naissance à cinq variétés, toutes remontantes, dont 'I Spy' (Zurbrigg, 1970). 'Replicata (R.G. Smith, 1964) a donné 'Da Capo' (Zurbrigg, 1968) et 'Grand Baroque' (Zurbrigg, 1968).

A la génération suivante on ne peut plus citer tous les iris remontants confirmés qui ont été enregistrés ! Contentons-nous des plus connus, comme 'Immortality' (Zurbrigg, 1982), 'Earl of Essex' (Zurbrigg, 1979), 'Winterland' (Byers, 1989), 'Zurich' (Byers, 1989), 'Istanbul ' (Byers, 1989), 'Lichen' (Byers, 1988) … Il y a trente ans de cela ! Alors, aujourd'hui ? Autant dire qu'on peut à tous moments obtenir des variétés remontantes.

Mais voilà. Une évidente lassitude a atteint tous ceux qui ont cru dans l'avenir des iris remontants. Ils ont constaté à quel point cette aptitude était capricieuse et se sont mis à douter de l'intérêt de continuer les recherches en ce sens. Peut-être la remontance reviendra-t-elle à la mode ? On se souviendra alors que 'Gibson Girl' aura été l'un des principaux géniteurs de ce caractère.

Illustrations : 


'Gibson Girl' 


'Cross Stitch' 


'Autumn Tryst' 


'Winterland'