29.8.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir.

X – 2010

On est en plein dans le monde d'aujourd'hui, avec, en ce qui concerne les iris, de très grands hybrideurs en activité depuis des années et qui atteignent le sommet de leur art, et des jeunes ambitieux et pleins de talent qui relèvent le défi.


 

  • 'Devilicious' (Blyth)


  • 'Beauty Becomes Here' (P. Black)


  • 'Gran Torino' (Bianco)


  • 'Queen of Dew' (Piatek)

 

DU GRIS QUE L'ON PREND DANS SES... SEMIS

Une chanson « réaliste » des années 1930, à propos de l'addiction au tabac, contient cette phrase : « Du gris que l'on prend dans ses doigts et qu'on roule... ». En la détournant un peu on peut s'en servir pour aborder le sujet des iris aux fleurs grises que certains hybrideurs ont découvert – sinon cherché – dans leurs semis.

On pourrait commencer par définir ce que l’on entend par iris gris. Le gris, théoriquement, est un mélange de noir et de blanc, qui va du blanc cassé au gris anthracite. Mais on appelle également gris le mélange précédent lorsqu’il contient une part de bleu ou de mauve, voire de brun et même de rose. Autant dire que les gris sont multiples ! En plus il faudrait ajouter à ce panel les couleurs qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas nettes ou franches. Le cas n’est pas rare chez les iris, où bien souvent des semis présentent un effet fumé ou une teinte brumeuse qui confère de l’étrangeté à la fleur… Qui recherche quelque chose de différent peut se risquer à retenir une telle obtention.

Quoi qu'il en soit l’iris gris vraiment gris est rare, il en existe néanmoins un certain nombre et il me semble que la fréquence de leur apparition suit une courbe ascendante. Ils méritent donc que l’on parle d’eux..

Au commencement il y a 'Jean Cayeux' (F. Cayeux, 1931). On ne peut pas parler d'iris gris sans évoquer cette variété qui, si elle n'est pas à proprement parler d'un gris franc, incline néanmoins vers cette couleur, et sous certains éclairages elle en est proche. Comme on va le voir chez les autres iris gris, il n'est pas évident de constater les prémices de cette coloration dans les antécédents. C'est sans doute le fait que le gris n'est que la conséquence d'un hasard hypothétique. Il faut attendre encore une trentaine d'année pour voir apparaître un iris que je trouve absolument gris, c’est une variété italienne, obtenue dans les années 60 par une amatrice, Gina Sgaravatti, qui ne l’a jamais enregistré. Il s’appelle 'Beghina', et, malheureusement, on ne connait pas son pedigree.

Evoquons ensuite 'Ghost Story' (Ghio 1974) dont le pedigree est (Cambodia X (Claudia Rene x (Commentary x Claudia Rene))), où l'on retrouve l'un des croisements basiques du travail de Joë Ghio. C’est une fleur vraiment grise, fortement marquée de chartreuse aux épaules et sur les côtes des pétales. Aucun de ses descendants TB n'a reproduit son coloris


Par la suite il faut retenir une variété de Clarence Mahan, qui a enregistré en 2003 ce qui me paraît être une proche réplique de 'Beghina'. Celui-là, qui n’a pas basculé du côté obscur de la Force, s’appelle 'Obi-Wan Kenobi'. Comme 'Beghina' il a cette base gris perle, surtout présente sur les pétales car les sépales sont imprégnés de gris-bleu, et ces barbes franchement jaunes. Parmi ces antécédents on trouve un certain 'Joan’s Pleasure' (Zurbrigg 92) qui lui a légué nombre de ses traits dont une couleur brumeuse très caractéristique. Il reste cependant une exception dans le travail de cet hybrideur discret.

Dans le pedigree de 'Ozone Alert' (Burseen, 1997), comme dans celui de 'Obi-Wan Kenobi', on trouve une alliance de bleu et de jaune, avec du pourpre chez le premier, et du gris –déjà – chez le second, mais c'est ce dernier qui a tiré le profit le plus net de ces teintes grisées. Son obtenteur, original à bien des égards, n'hésite pas à surprendre son monde, et un grand nombre de ses iris présente des caractères hors du commun. 'Ozone Alert' est dans ce cas. C'est sans doute la fleur la plus grise que j'aie vu à ce jour. Mais son descendant 'Pixel Hue' (2002) n'est pas mal non plus.

Pourtant d'autres fleurs, récentes, ont enrichi la collection. Prenons par exemple 'Mansonia' (A. Bianco, 2006), descendant de l'australien 'Inca Queen' (Blyth, 1983). La teinte grisée s'étend sur toute la fleur qui, dans la douceur de son coloris, apporte une touche tendre au jardin. Encore une fois il n'y a pas grand-chose qui puisse laisser entrevoir l'apparition d'une teinte grise. Certes on peut la rattacher à 'Inca Queen', mais cela n'est pas évident !

Terminons ce tour d'horizon par où on l'a commencé, c'est à dire dans les rangs de la pépinière Cayeux. Cette fois ce sera avec 'Ciel Gris sur Poilly' (R. Cayeux, 2011), qui porte bien son nom. Le gris n'y est pas une couleur uniforme, les sépales sont plus mauve que gris, mais les épaules, infuses de jaune olive, font planer sur l'ensemble une atmosphère brumeuse très peu courante dans le monde des iris. Là encore il semble bien que la coloration soit largement le fait du hasard, cependant certains des descendants de cette variété réflètent les origines grises de leur parent.

On ne peut pas dire qu’en matière de couleur d’iris le gris soit particulièrement vendeur, et Richard Cayeux lui-même reconnaît qu'il a hésité à commercialiser son 'Ciel Gris sur Poilly' ! Cette couleur n’est pas celle qui va déchaîner les passions comme le font certains modèles récemment apparus – amoena inversés, distallatas...- . C’est donc le plus souvent fortuitement qu’un iris gris est sélectionné par un obtenteur : une sorte de défi ou un désir de se singulariser... L'affaire peut se montrer intéressante et le succès de 'Ciel Gris sur Poilly' auprès des collectionneurs et peut-être même du grand public en apporte une preuve.

Illustrations :


  • 'Jean Cayeux'
  •   'Ghost Story'


  • 'Obi-Wan Kenobi'


  • 'Ozone Alert'


  • 'Mansonia'


  • 'Ciel Gris sur Poilly'

 

21.8.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION


En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir.

IX – 2000

Désormais le monde des iris, c'est le monde tout entier ou presque ! Si les hybrideurs américains continuent de le dominer, les Européens ont relevé la tête et en la personne de Sergeï Loktev les Russes sont présents. 

 

  • 'Gladys Clarke' (Ransom)

     

  • 'Happenstance' (Keppel)

     

  • 'Papapubren' (Jiri Dudek)

     

  • 'Spiaschi Lev' (Loktev)

 

LES PETITS NAINS DE LA MONTAGNE

En 1987, Jean Peyrard écrivait : « Iris perrieri est certainement une des curiosités de notre flore française. Voilà un iris qui n'est localisé que sur un territoire de quelques centaines de m², un recensement minutieux pourrait même en préciser le nombre d'individus ! » A l'heure qu'il est, pourrait-il encore s'exprimer ainsi ? 

 C'est une plante avec « des feuilles de 22 à 28 cm. de long et 22 à 25 mm. de large, un peu falciforme, nettement nervurées donnant presque un aspect plissé. La hauteur de la tige est variable de 15 à 34 cm. et on rencontre tout aussi bien des tiges avec une seule ramification à peu près à mi-hauteur, que des tiges portant une ramification supplémentaire à 4/5cm. de la base. Les spathes qui entourent les deux boutons sont vertes et le restent longtemps. Le pédicelle est très court, 6/7 mm., l'ovaire hexagonal fait 1,2 cm sur 0,5 et donne une capsule de 4,5 à 6 cm de long sur 3 de large, brune, piriforme, et avec une surface fripée. (…) Sépales, pétales et styles sont violets, les sépales un peu plus foncés que le reste. Les sépales sont triangulaires, 5/7cm sur 2,2/3cm, les pétales ont un onglet court (5,4/6,7cm sur 2,3cm à 3cm) ; toutes les pièces ressemblent beaucoup à celles de I. aphylla.» (J. Peyrard) Voilà une description botaniquement parfaite qui donne une idée précise de ce qu'est ce petit iris de montagne, que l'on a longtemps confondu avec I. aphylla auquel il ressemble en effet beaucoup, mais qui s'en distingue par deux traits importants : I. aphylla n'a jamais été rencontré en France, et c'est une espèce tétraploïde, alors que son sosie alpin est simplement diploïde. Pour terminer son article Jean Peyrard disait : « Cet iris mériterait peut-être une protection officielle, à moins que sa discrétion ou sa ressemblance avec I. germanica n'ait un effet dissuasif sur le promeneur : il n'a ni l'éclat d'une gentiane ou d'une jonquille, ni le mystère d'un sabot de Vénus. » I. perrieri est-il toujours présents sur les pentes de la dent d'Arclusaz dans le massif subalpin des Bauges, entre Chambéry et Albertville ? Il faut l'espérer et même faire le vœu que cette espèce rare se soit développée et étendue... 

 D'un point de vue horticole, I. perrieri, aux dires de Lee W. Lenz(1) dans le chapitre initial de « The World of Irises », fait partie du cocktail d'espèces qui a donné naissance aux MTB (Miniature Tall Bearded) que nous connaissons et qui constituent ce que l'on appelle aussi les iris de table. D'après la même source le panel constitutif des MTB serait composé de : 

I. cengialtii 

I.illyrica 

I. reginae 

I. rudskyi 

I. variegata, et 

I. perrieri. 

Avec une prééminence certaine de I. cengialtii et de I. variegata, mais les hybrideurs d'aujourd'hui misent aussi sur l'apport de I. reginae pour l'originalité du coloris de cette espèce. 

 Dans ce panel, chacun a son rôle. Celui de I. perrieri tient aux origines alpines de la plante. A 1500 m. d'altitude, dans le massif des Bauges, les hivers sont rudes et longs et les iris doivent être d'une rusticité absolue. Ils sont également obligés de perdre leurs feuilles qui ne résisteraient pas à un gel prolongé. I. perrieri pousse dans un sol d'éboulis argilo-calcaire, sans beaucoup d'humus. Les nutriments sont donc rares et la plante a l'obligation de se montrer frugale. Et si l'humidité est abondante, l'eau ne séjourne pas en raison de la pente raide qui caractérise cet habitat ; la résistance à la sécheresse est donc une autre caractéristique. Tout ceci contribue à la solidité de ces gracieux petits iris que sont les MTB. 

 Les hybrides modernes ont profité des connaissances en botanique, de l'habileté et de l'opiniâtreté de ceux qui les ont créés. Tout particulièrement les MTB qui ont eu beaucoup de mal à atteindre la perfection qu'on leur connaît maintenant. N'oublions pas qu'au début les croisements nécessitaient bien souvent l'utilisation de pollen recueilli l'année précédente sur des variétés de TB plus tardives que les variétés choisies pour devenir les parents femelles, par ailleurs les graines obtenues étaient peu nombreuses et d'une germination capricieuse. C'est un peu ce qui s'était passé au moment de la « révolution tétraploïde » chez les grands iris, avec la même problématique des semis triploïdes stériles... Mais à l'heure actuelle ces problèmes sont résolus et les MTB s'obtiennent sans difficulté particulière et sont très souvent tétraploïdes et fertiles, même si les plus réussis restent, à mon avis, les diploïdes classiques mais enrichis par la sélection rigoureuse exercée par les hybrideurs contemporains. 

Longtemps négligés, en quatre-vingts ans d'existence les MTB ont eu du mal à s'imposer malgré leurs indéniables qualités. Mais aujourd'hui ils prennent leur revanche et ils atteignent un niveau que toutes les classes d'iris n'ont pas encore atteint. Ils doivent cela en grande partie à ce petit iris violet que les randonneurs peuvent rencontrer en Savoie au début de l'été. 

 (1) Lee W. Lenz est un botaniste américain qui a beaucoup écrit sur la flore de l'Ouest américain et notamment sur les iris « Pacific Coast ».

17.8.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

 


En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir.

VIII – 1990

Ce n'est rien de dire que depuis 1920 les iris ont considérablement changé ! Ce sont toujours les mêmes plantes, mais ce sont des fleurs différentes : elles ont pris de l'ampleur, des ondulations, des couleurs nouvelles...

 

  • 'Almaden' (Maryott)

     

  • 'First Movement' (Grosvenor)

     

  • 'Gallant Rogue' (Blyth)

     

  • 'Fondation Van Gogh' (M. Anfosso)

TOUJOURS PLUS

Une association de couleurs que l'on rencontre fréquemment dans nos jardins est le rose/bleu ou violet. Le début en est il y a plus de cinquante ans et, pour faire simple, on peut dire que la source se situe chez Melba Hamblen, avec son 'Touché' (1969). 'Touché' est décrit comme « pétales roses, infus de bleu-violet, sépales bleu-violet, barbes mandarine ». Il y a trente ans les descriptions étaient beaucoup plus concises qu’aujourd’hui, et on ne s’attardait ni sur la forme de la fleur, ni sur le parfum, ni même sur les petits détails dans la disposition des couleurs. The World of Irises complète la description en ajoutant que les pétales ont un reflet fumé et qu’un film bleu drape le centre des sépales. Pour arriver à ce résultat, Melba Hamblen a utilisé son variegata 'Lilac Champagne', qu’elle a uni à un croisement de rose et de bleu où l’on retrouve l’incontournable 'Melodrama', la base des bicolores créés par Paul Cook dans les années 50. Cette variété fait partie de la petite vingtaine d’iris dont le nom figure au pedigree d’une foule d’autres. Continuant sur sa lancée elle obtient en 1975 'Potpourri' (Touché x Lightning Ridge) puis en 1977 'Heavenly Harmony' ('New Rochelle' X 'Pretty Karen') de même que 'Sugarplum Fairy' (('Touché' x 'Misty Dawn') X 'Potpourri') . L’année suivante apparaît 'Karen', un iris monumental dans le pedigree duquel on retrouve sans surprise 'Sugarplum Fairy' et 'Heavenly Harmony' : (('Fashion Fling' x Lilac Flare) x 'Sugarplum Fairy') X ('Sugarplum Fairy' x 'Heavenly Harmony'). Tout ce travail n'a pas été effectué sans un but précis. Celui-ci est : « améliorer l'existant ». Et pour aller dans ce sens de l'amélioration, Melba Hamblen a usé d'une technique bien connue de tous les hybrideurs, quelle que soit la plante sur laquelle ils travaillent : l'endogamie (en américain on dit « inbreeding »). Cela consiste à effectuer un croisement consanguin dont la pratique a appris qu'il aboutissait à accentuer les traits des deux parents, le rejeton se trouvant ainsi doté des qualités de ses géniteurs, généralement amplifiées. La sélection parmi les semis effectuée par la suite conduisant à ne retenir que ceux présentant de réelles améliorations. On est ainsi passé de 'Touché' (le point de départ), à 'Sugarplum Fairy' puis à 'Song of Spring', puis à 'Adventuress', 'Poem of Ecstasy', et enfin à 'Florentine Silk' (Keppel, ) qui frôle la perfection et qui a été justement récompensé pour cela. 'Fashionista' (Blyth, ), cousin du précédent, a évidemment suivi le même chemin. Deux autres cousins, pourtant de nationalité différente, ont suivi une voie parallèle. Il s'agit de 'Venita Faye' (K. Keppel, ) et de 'Buon Compleanno' (L. Montanari, ). Leur parcours commun part de 'Touché', passe par 'Heather Blush' (Hamblen, ) puis par 'Pond Lily' (E. Jones, )- variété au pedigree plutôt compliqué mais où 'Heather Blush' est présent -. A partir de là les parcours divergent un peu. Pour aller à 'Venita Faye' il faut passer par 'Amiable' (J. Ghio, ) tandis que pour 'Buon Compleanno' c'est par 'Bon Appetit' (T. Aitken, ).


'Touché' > 'Sugarplum Fairy' > 'Song of Spring' > 'Adventuress' > 'Poem of Ecstasy' > 'Florentine Silk'.

'Touché' > 'Sugarplum Fairy' > 'Song of Spring' > 'Adventuress' > 'Poem of Ecstasy' > 'Fashionista'.

'Touché' > 'Heather Blush' > 'Pond Lily' > 'Amiable' > 'Venita Faye'.

'Touché' > 'Heather Blush' > 'Pond Lily' > 'Bon Appetit' > 'Buon Compleanno'.


Dans le genre, un autre variété retient particulièrement l'attention : 'Abiding Love' (T. Johnson, 2014). Son pedigree ne fait pas apparaître de filiation certaine avec les variétés évoquées plus haut. En fait elle résulte d'une approche un peu différente, mais cependant très voisine. Dans la première famille, pour avancer dans l'approfondissement des couleurs, les obtenteurs ont procédé par accumulation, de son côté Tom Johnson a association. On peut comparer le premier processus au travail d'un artisan peintre qui passe d'abord une première couche. Le résultat n'est pas parfait. Pour améliorer, l'artisan va passer une deuxième couche des deux mêmes peintures. C'est le cheminement suivi par les utilisateurs de la méthode traditionnelle. La méthode Johnson consiste à partir d'une variété aux couleurs imparfaitement contrastées à laquelle il ajoute une reforcement indépendant de chaque couleur. Pour 'Abiding Love' il est parti de 'Totally Tropical' (Johnson, 2011) qui est décrit comme suit : « pétales pêche doré clair ; sépales d'un rose-brun léger (...) ». Le rose des pétales n'est pas franchement rose ; les sépales ne sont pas vraiment lilacés, mais ont peu améliorer l'un et l'autre. 'Romantic Melody' (P. Black, 2007) a apporté le côté mauve rosé, 'Tormal Event' (T. Johnson, 2011) a enrichi le côté violacé. Le résultat, 'Abiding Love', se rapproche du but recherché mais ni le rose, ni le bleu ne sont franchement présents. Qu'importe, la route est dégagée.


Avec 'Hung up on You' (T. Johnson, 2020) on est au top ! A la base il y a 'Totally Tropical'. Le renfort est venu de 'Poster Girl' (B. Blyth, 2009) dont son obtenteur dit : « Il est d'un beige abricot, très doux et crémeux et il est illuminé par une bordure bien nette de 3cm autour des sépales d'un violet rosé ». 'Cameo Minx' (B. Blyth, 2010), encore plus nettement dans le ton, paufine le projet. Le résultat est formidable (voir la photo).


'Formal Event' > 'Totally Tropical' > 'Abiding Love'.

'Formal Event' > 'Totally Tropical > 'Cameo Minx' > 'Hung up on You'.


Comment pourrait-on définir le cheminement qui amène à ce 'Hung up on You' ? Si l'on reprend l'exemple de l'artisan-peintre, on peut dire qu'après la première couche, insuffisante, il en a passé une seconde, qui diffère de la précédente en ce que les deux couleurs nécessaires sont passées indépendamment : du rose pour le rose, du bleu pour le bleu. Ce n'est pas de l'accumulation, c'est de l'association.


Les deux méthodes conduisent à des résultats analogues. D'un côté comme de l'autre les couleurs sont de plus en plus contrastées, ce qui est bien l'effet recherché.


Illustrations :


'Buon Compleanno' = 'Ballerina Silhouette' X 'Bon Appetit'

 

'Venita Faye' = 'Paris Fashion' X 'Amiable'

 

'Florentine Silk' = 'Crystal Gazer' sibling X 'Poem Of Ecstasy'

 

'Fashionista' = 'Candy Clouds' X 'Poem Of Ecstasy'

 

'Abiding Love' = 'Totally Tropical' X ('Formal Event x 'Romantic Melody' sibling) 

 

'Hung Up on You' = ('Totally Tropical' x 'Formal Event sib.) X (Poster Girl x Cameo Minx)

 

'Totally Tropical' = 'Thundermaker' X ('Jersey Bounce' x 'House Warming'

 

'Cameo Minx' = 'Decadence' X 'Royal Sterling'



7.8.20

NOUVELLE INTERFACE

 Blogger a changé sa présentation !

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION


En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir.

VII – 1980

Il est devenu difficile (et arbitraire) de choisir telle ou telle variété pour illustrer les évolutions des fleurs d'iris, tant il y a de cultivars enthousiasmants. 

 

  • 'Autumn Heiress' (Gartman)

     

  • 'Carved Crystal' (D. Meek)

     

  • 'Pegas' (W. Smid)

     

  • 'Sky Hooks' (Osborne)

 

LA FLEUR DU MOIS

 


'Iriade'

(Bernard Laporte, 2004)

'Honky Tonk Blues' X 'Spécial Mozart'


C'était tout au début de l'enthousiasme pour les iris amoena inversé. C'était aussi tout au début du travail de Bernard Laporte sur les iris. En ce temps-là on se contentait d'un contraste minimal. Bernard Laporte pourrait vous dire combien j'ai apprécié cette variété, au moment de sa mise sur le marché. Elle me plait toujours autant, même si je sais très bien que des variétés au contraste bien plus vif sont apparues depuis. Mais le contraste ne fait pas tout. 'Iriade' est un bel iris. Je ne lui trouve pas de défaut. La plante ? Hauteur 90cm, feuillage abondant, de teinte moyenne, sain. La hampe florale ? D'une bonne hauteur au-dessus du feuillage, forte et résistante. Le branchement latéral ? Classique, au moins deux branches, le plus souvent trois, bien étagé et suffisamment écarté de la tige principale. Les boutons ? Environ sept, ce qui est la moyenne à l'heure actuelle. Les fleurs ? Bien en proportion avec le volume de la touffe, ondulée sans excès, pétales en dôme qui reste longtemps fermé, sépales qui se tiennent bien selon un angle de 45° environ, matière de consistance moyenne, parfum léger, sucré et agréable (fleuri, doux, comme on dit). Que demander de plus ? Peut-être ce supplément de charme que confère un peu d'originalité. Mais tel quel 'Iriade' est un iris moyen en tout, avec une coloration douce et modérée qu'on apprécie pour sa discrétion.


Du côté féminin, 'Honky Tonk Blues' (Schreiner, 1988) lui a apporté son impeccable tenue et sa vigueur. Côté masculin, 'Spécial Mozart' (P. Anfosso, 1991) a fourni le modèle amoena inversé et la teinte de base bleu pastel.


'Honky Tonk Blues' qui est un exemple de perfection à tous points de vue, fait partie de la grande époque de création de la famille Schreiner. Il a été comblé d'honneurs : HM en 1990 ; AM en 1992 ; WM en 1994 et DM en 1995. On ne peut pas faire plus vite pour parvenir au sommet ! Il descend d'une longue lignée de variétés bleues dans laquelle ont pris place tout le gratin des iris bleus depuis 'Santa Barbara' (Mohr/Mitchell, 1925)et 'Santa Clara' (Mohr/Mitchell, 1930) en passant par 'Great Lakes' (L. Cousins, 1938) et 'Pierre Menard' (E. Faught, 1946), sans oublier 'Sensation' (F. Cayeux, 1925).


'Spécial Mozart', aux origines moins prestigieuses, a pour pedigree ('Mystique' x 'Flair') X 'Sea Venture'. Ce n'est tout de même pas rien, parce que derrière 'Mystique' (J. Ghio, 1972) il y a du beau monde : 'Cahokia' (E. Faught, 1948), 'Pierre Menard' (E. Faught, 1946), 'Chivalry' (J. Wills, 1943)... Et parmi les ancêtres de 'Flair' (J. Gatty, 1975) on découvre le très célèbre 'Souvenir de Mme Gaudichau' (Millet, 1914). Quant à 'Sea Venture' (B. Jones, 1971), c'est un descendant direct de 'Avis' (S. Varner, 1963), le précurseur de tous les amoenas inversés.


Pour qu'une variété ait de la descendance il faut réunir plusieurs conditions :

  • qu'elle en vaille la peine au plan génétique et horticole ;

  • qu'elle dispose d'un potentiel d'évolution ;

  • qu'elle soit suffisamment connue et distribuée à travers le monde pour qu'elle atteigne un maximum d'utilisateurs potentiels.

Pour le produit d'un amateur, français qui plus est, il y a peu de chance qu'il en soit ainsi. 'Iriade' n'aurait pas échappé à cette règle si Bruce Filardi, obtenteur californien avec lequel j'étais en correspondance, ne m'avait proposé un échange de rhizomes. Il m'a envoyé quelques variétés de son cru et je lui ai fait parvenir ce qu'il m'avait demandé, dont 'Iriade'. Et voilà notre cultivar ardéchois parti au pays des iris ! Où il a fait souche ! En 2012 Bruce Filardi a enregistré 'Fine Fragrance', une variété au parfum très prononcé, comme son nom le laisse présager, dont le pedigree est ((Art Faire x Mary Frances) x Nehalem Bay) X Iriade, commercialisé en 2017.


A côté de cela, Bernard Laporte lui-même a obtenu de 'Iriade' deux variétés qu'il a mises sur le marché : 'Saturnin' (2013) et 'Maître Panisse' (2013) ? et pour terminer j'ai utilisé 'Iriade' dans l'un des rares croisements que j'ai réalisé : ('Beghina' x 'Sky Hooks') X 'Iriade', qui a donné une jolie variété d'amoena inversé, 'Zone d'Ombre' (2012).


Ainsi donc 'Iriade', variété bien française, iris impeccable, est présent non seulement dans son pays d'origine, mais également aux Etats-Unis et, à ma connaissance, en Allemagne. Peut-être ailleurs... C'est suffisamment remarquable pour qu'on n'oublie pas de le signaler.


Illustrations :


  • 'Iriade'

     

  • 'Honky Tonk Blues'

     

  • 'Spécial Mozart'

     

  • 'Fine Fragrance'

     

  • 'Saturnin'

     

  • 'Maître Panisse'

     

  • 'Zone d'Ombre'

QUI ÊTES-VOUS MRS. PATTISON ?



En février dernier, en rédigeant l'article à propos de Tom Craig publié au début de juin 2020, j'ai cité l'iris 'Mrs. Douglas Pattison' (1959) et je me suis demandé qui pouvait bien être cette dame à laquelle il dédiait une variété. Elles sont nombreuses en effet ces personnes, plus ou moins célèbres, dont on donne le nom à un iris en guise d'hommage ou de reconnaissance. Souvent leur célébrité s'arrête à ce baptême, et Mrs. Pattison, me disais-je, devait faire partie de ces gens-là. Mais dans le numéro de printemps 2020 de la revue « Roots » de la Historic Iris Preservation Society (HIPS) une longue chronique est consacrée à cette dame ! Je remercie donc cette revue et l'auteure de l'article, Cathy Egerer, de me permettre de satisfaire ma curiosité et de la faire partager aux lecteurs d'Irisenligne.


Ida Mary Andres (plus tard épouse Pattison), née dans l'Illinois en 1884, d'un couple d'immigrants européens, s'avère être une personne fort intéressante et au caractère bien trempé.Cathy Egerer précise que « après son baccalauréat, Ida devint greffière sténotypiste. Son travail l'amena dans différents tribunaux de la région et lui a fait rencontrer un avocat de renom, Douglas Pattison. » Ce dernier, de 14 ans son aîné, était divorcé d'une jeune femme fantasque qui avait abandonné son mari et leur petite fille Nancy pour entreprendre une carrière d'actrice. Ida Mary et Douglas se sont mariés en 1913 et se ont aussitôt entrepris un long voyage de noce en Europe. Les moyens important de l'avocat permirent à sa jeune épouse de cesser de travailler et de se consacrer uniquement à sa belle maison et à l'éducation de la fille de son mari. Pour s'occuper, elle transforma le jardin de leur propriété, à Freeport, ville de 20 000 habitants à 150 km à l'ouest de Chicago, en un parc somptueux, avec étang et espaces arborés. Comme elle venait aussi de s'enthousiasmer pour les iris, elle planta dans son jardin les meilleures variétés qu'elle fit venir d'Europe où elle les avait admiré lors de son voyage outre-atlantique.


Cette vie de grande bourgeoise provinciale lui semblait peut-être un peu trop oisive, s'est pourquoi, avec l'assentiment de son mari, elle créa une pépinière d'iris où elle mit en vente le produit des très nombreuses variétés qui constituaient sa collection privée. Ces « Quality Gardens » prit vite de l'importance, d'autant plus que Mrs. Pattison avait acquis la réputation d'être un fin connaisseur du monde des iris. Le catalogue qu'elle éditait chaque année avait la particularité de comporter un avant-propos baptisé « A Little Gossip about Iris » soit « Petits Potins du Monde des Iris » où elle exprimait avec un franc-parlé déconcertant ses opinions sur les plantes et leurs obtenteurs. Son cheval de bataille, c'était la qualité des plantes quelle cultivait. Ce qu'elle voulait proposer à ses clients c'était « les meilleurs et les plus beaux iris que nous pouvons produire, sans tenir compte du pays dont ils peuvent provenir ni du nom de leurs obtenteurs ». Elle voulait les plus beaux iris en terme de « couleur, hauteur, résistance, substance de la fleur, etc. » Elle s'impatientait de voir « l'énorme nombre de nouvelles introductions, qui menace de nous engloutir comme une inondation en perpétuelle croissance. » Elle se focalisait sur ce que trop d'iris introduits sur le marché étaient trop semblables les uns aux autres. Cette crainte est malheureusement toujours d'actualité !


Elle avait la dent particulièrement dure envers les hybrideurs de son époque. Amos Perry, Arthur Bliss, Lionel Millet, Philippe de Vilmorin en prenaient pour leur grade dans ses pamphlets annuels ! Dans son article, Cathy Egerer s'étonne, à juste titre, de ce qu'avec de tels commentaires Quality Gardens aient pu subsister. Néanmoins il semble que les fournisseurs de Mrs. Pattison ne lui en voulaient pas et même lui adressaient des félicitations et lui firent un excellent accueil quand elle leur rendit visite une seconde fois en Europe.


Ses avis bien tranchés visaient aussi le système de notation institué aux Etats-Unis par l'AIS. Elle prétendait que les juges ne se rendaient pas toujours dans les jardins et se contentaient souvent de juger sur image, à moins qu'ils ne fassent que répéter les avis d'un certain nombre d'entre eux, particulièrement influents ! Ce rôle de Chevalier Blanc du monde des iris dura tant que fonctionna sa pépinière. Mais son mari, Douglas, mourut tragiquement en tombant d'un train, et sa belle-fille, Nancy, en procédure de divorce, se suicida dans un hôtel de Chicago. Ces tragédies, jointes à l'âge venant, incitèrent Ida Mary à fermer les Quality Gardens et à se retirer en Californie où elle se livra à son tour à l'hybridation au cours des années 1940/50, et enregistrant quelques nouveautés dont il semble qu'il ne reste presque plus rien aujourd'hui, sauf peut-être 'Azure Skies' (1943) et 'White Peacock' (1952) qui a obtenu la President's Cup en 1956. Elle disparut en 1968, à l'âge de 84 ans dans la cité balnéaire de Corona del Mar dans la banlieue de Los Angeles. Jusqu'à la fin sa connaissance subtile des iris et la finesse de ses jugements ont constitué sa renommée. C'est ainsi qu'elle subjugua l'un de ses amis en distinguant du premier coup d'oeil les variétés 'Venus de Milo' (Ayres, 1931) et 'Cincinnati' (Ayres, 1936) pourtant considérées comme quasiment identiques. C'est certainement pour cette raison que Tom Craig, un autre habitant de Los Angeles, qui devait bien la connaître, lui a dédié une de ses plus élégantes réalisations.


Illustrations :


'Mrs. Douglas Pattison'

 

'Azure Skies'

 

'White Peacock'

 

'Venus de Milo'