27.7.02

LE MOZART DES IRIS

(Ce texte reprend et complète un article publié
dans le numéro 122 de la revue « Iris et Bulbeuses »)

On peut donner à Monty Byers, qui vient pour la troisième fois de remporter la Dykes Medal, grâce à son iris MESMERIZER, la qualificatif de Mozart des iris. Comme le compositeur autrichien, il a fait preuve d’un véritable génie, comme lui il est décédé prématurément.

Car aux Etats-Unis, dans le pays le plus développé de notre planète, on peut encore mourir, à moins de quarante ans, d’une bronchite mal soignée ! Ce fut le destin de Monty Byers, sans doute le plus doué des hybrideurs que le monde ait connu jusqu’à présent.

En effet, en moins de six ans d’activité intensive, Monty Byers s’est distingué en enregistrant une centaine de variétés de toutes catégories. Ses premières introductions remontent à 1986. Il s’agit entre autre de BE MINE, BLOWTORCH, HALLOWEEN PUMPKIN et HOWDY DO, variétés de grands iris bien connues maintenant dans notre pays où elles ont été commercialisées. Il a disparu en 1992, mais ses héritiers ont encore introduit quelques variétés dans les années suivantes. C’est comme si, pressentant la brièveté de son existence, il avait jeté toute son énergie dans une débauche de croisements de toutes sortes, avec une sûreté dans ses choix de géniteurs et un tel succès dans ses résultats qu’il lui était difficile de faire une sélection parmi les semis dont il constatait la réussite.

Pour commercialiser sa production, il créa sa propre entreprise, Moonshine Gardens, qu’il géra avec le même enthousiasme bouillonnant qu’il mettait à réaliser ses hybridations. Très vite les professionnels comme les amateurs se sont rendu compte qu’ils avaient affaire à quelqu’un d’exceptionnellement doué. Par exemple, la plupart de ses iris sont issus d’une première génération de croisements, rarement plus de deux. Ses iris étaient réussis du premier coup et il pouvait rapidement les mettre sur le marché.

On peut dire qu’il a révolutionné le monde des deux principales catégories d’iris auxquelles il s’est attaché : les iris à éperons et les iris remontants. Avant lui les premiers n’avaient pas encore obtenu la reconnaissance des spécialistes et du public. Depuis ils sont parvenus au sommet, THORNBIRD (89) a été couronné de la D. M. en 97, CONJURATION (89) l’a obtenue l’année suivante et MESMERIZER a été sacré cette année 2002. Les seconds, depuis longtemps recherchés par certains amateurs, n’étaient pas toujours très élégants et très fiables. Il a donné au monde des remontants qui remontent vraiment et qui sont jolis à regarder ( même s’il faut reconnaître qu’en ce domaine d’autres ont fait également, dans les mêmes moments, des progrès équivalents).

Les récompenses n’ont pas tardé à tomber. Dès 1990 il a décroché ses premières Honorable Mention pour EASTER LACE (88), BLOWTORCH (86), PAGAN PINK (88) et CANDYLAND (BB 88) et SMELL THE ROSES (SDB). Mais peu d’autres ont suivi, ce qui constitue un paradoxe. En dehors de ces trois champions que sont sans contestation THORNBIRD, CONJURATION et MESMERIZER, seuls l’intermédiaire LOW HO SILVER et le SDB HOT ont eu une carrière des honneurs notable. Parmi les grands je n’ai relevé que HIGH HO SILVER (89), ROCKSTAR (91) et WINTERLAND (90) qui aient été notés au palmarès. Mais pour les trois champions, c’est un sans faute : THORNBIRD, dès 1991, se faisait remarquer en remportant le Franklin Cook Cup ; en 95 il ratait de quelques points la Wister Medal qui lui était attribuée l’année suivante, le mettant en position ultra favorable pour la Dykes Medal qu’il décrocha en 1997. CONJURATION a eu un parcours encore plus somptueux : Florin d’Or en 93, Wister Medal ratée de peu en 96, deuxième de la D.M., derrière son compagnon d’écurie, en 97, et enfin D.M. en 1998. MESMERIZER, un peu moins bien dans les récompenses, a tout de même remporté la Wister Medal en 2000, fini deuxième de la D.M. en 2001 et été vainqueur de cette compétition en 2002 !

De nombreux producteurs ont senti que ces iris allaient avoir du succès et se sont empressés de se les procurer (non seulement pour la vente, mais aussi pour exploiter leurs capacités génétiques). Ce fut le cas en France pour Iris en Provence (Anfosso) et Iris au Trescols (Ransom). Grâce à ces deux entreprises les amateurs français ont eu accès au génie de Monty Byers. Le premier cité a proposé plus de quarante variétés, dont beaucoup de remontants, restés, malheureusement trop peu de temps au catalogue. Le second a importé une douzaine de grands iris (peut-être plus), et de nombreuses variétés de petite taille.

Certains hybrideurs de grand renom, comme Donald Nearpass, n’ont enregistré que quelques iris tout au cours de leur carrière, car ils ne considéraient pas avoir assez atteint la perfection. Byers, lui, n’a pas toujours eu ce scrupule, mais c’est le seul reproche qu’on puisse lui faire, car beaucoup des variétés qu’il a enregistrées sont extrêmement proches les unes des autres. C’est à l’amateur de se montrer sélectif, mais il y a gros à parier qu’il aura autant de mal que l’obtenteur lui-même n’en a eu !

Quoi qu’il en soit le monde des iris a bien fait de couronner par trois fois les variétés de Monty Byers. Celui-ci rejoint à ce niveau trois très grands noms de l’irisdom, Orville Fay, Paul Cook et Ben Hager. On ne peut que regretter qu’il nous ait quittés aussi vite.

22.7.02

PROTOCOL

L’iris intermédiaire qui a obtenu la Sass Medal pour 2002 s’appelle PROTOCOL. Sous ce nom sérieux, qui a des connotations à la fois solennelles et scientifiques, se cache un joli cultivar amoena jaune. PROTOCOL a été enregistré en 1994 et commercialisé en 1996 par Keith Keppel. Il présente des pétales bien blancs, imprégnés de jaune doré sur les côtes. Ce jaune est celui des sépales qui offrent en outre un léger liseré du blanc des pétales. Les barbes sont orange clair. La forme est ample, ondulée, surtout les pétales. Les sépales se tiennent bien.

Du côté du pedigree, PROTOCOL est, comme la plus souvent du fait de la rare fécondité des iris intermédiaires, le produit d’un grand iris et d’un nain standard. C’est du côté paternel que se situe le grand iris. En l’occurrence un célèbre amoena abricot, AMBER SNOW (Blyth 87), lui-même pur produit de la filière australienne, puisqu’il faut remonter à la quatrième génération pour retrouver un iris américain. AMBER SNOW descend de deux amoenas très connus : ALPINE JOURNEY (Blyth 83) pour la « mère », BEACHGIRL (Blyth 83) pour le « père ». Ces deux variétés sont d’ailleurs cousines. En effet ALPINE JOURNEY, qui est blanc/jaune, provient de TRANQUIL STAR (Blyth 78) d’une part, et d’un semis non dénommé que l’on trouve dans la même position dans la généalogie de BEACH GIRL, dont l’autre parent est CHAMPAGNE SNOW (Blyth 76). Ce semis non dénommé est le produit de LOVE CHANT (Blyth 79) - un frère de semis de CHAMPAGNE SNOW - et de FESTIVE SKIRT (Hutchings 73), un iris au parentage très compliqué qui a été plus souvent utilisé en hybridation que présent dans les jardins.
CHAMPAGNE SNOW est un iris ivoire à barbes or. TRANQUIL STAR est un bitone jaune à barbes blanches. Pour en rester à ce niveau de parenté, disons que les arrières grands-parents de PROTOCOL sont un self dans les tons de jaune et un amoena abricot ; ses grands-parents deux amoenas jaune et abricot, et son « père » un amoena abricot.

La « mère », donc le petit iris, se nomme OVER EASY (Lankow 89). Il s’agit d’un amoena blanc/jaune, lui-même issu de deux SDB blanc/jaune : FLIRTY MARY (Rawdon 77) et LOVESHINE (Ritchie 84). Le programme de Keith Keppel, quand il a fait ses mariages, était donc d’obtenir un intermédiaire blanc/jaune à partir de deux éléments présentant cet aspect.

Parmi les grands iris, BEACH GIRL, LOVE CHANT, TRANQUIL STAR, ALPINE JOURNEY et AMBER SNOW font partie du panel de variétés bicolores largement utilisé par Barry Blyth ces dernières années. Leurs descendants peuplent le catalogue Blyth ainsi que ceux de bien d’autres producteurs dans le monde. Pour ne citer que les amoenas jaunes, parlons de BREEZES (92), blanc/citron, LOVER’S LANE (92), blanc/champagne devenant abricot vers le bord des sépales, et surtout le fameux NEUTRON DANCE (87) qui provient de ALPINE JOURNEY x BEACH GIRL, et qui est donc un grand cousin de notre PROTOCOL avec lequel il a, du reste, une vive ressemblance.

La même année 96 Keppel a commercialisé également un autre intermédiaire blanc et jaune, issu lui aussi du petit OVER EASY. Il s’agit de LUNAR FROST qui présente beaucoup de traits communs avec PROTOCOL, en particulier dans la forme de la fleur. La différence tient à la part du jaune, qui est limitée à une large tache citron sur les sépales, et a la barbe franchement jaune. Cette disposition est caractéristique des iris nains. Elle est cette fois importée dans un intermédiaire intéressant, mais qui n’a pas eu, comme son demi-frère, l’honneur d’être distingué au plus haut niveau par les juges américains.

19.7.02

D. M. 2002

Dans un récent message j’annonçais que trois candidats étaient en course pour la Dykes Medal : CELEBRATION SONG, MESMERIZER, et BANGLES.

Finalement c’est MESMERIZER (Byers 91) qui l’a emporté. C’était la dernière chance pour cette variété. Ses suivants immédiats sont : CELEBRATION SONG et FANCY WOOMAN.

La récompense de MESMERIZER est amplement méritée, à mon avis. En effet il s’agit d’un iris qui apporte quelque chose de nouveau. La longueur et la largeur des appendices pétaloïdes bleutés qui terminent ses barbes font de cette fleur blanche le premier véritable iris double. MESMERIZER est le troisième iris à éperons à obtenir la Médaille de Dykes. Quel triomphe posthume pour Monty Byers, le génial hybrideur, dont ce sont des obtentions qui ont raflé ces trois médailles ! Après THORNBIRD (89) qui l’a eue en 97, ce fut CONJURATION (89) qui l’obtint en 98, et aujourd’hui MESMERIZER… Bien souvent les plantes révolutionnaires n’ont pas été couronnées (SNOW FLURRY…) parce que trop en avance sur leur temps ou concurrencées par des variétés plus confirmées. Cette fois l’inverse s’est produit, la nouveauté l’a emporté sur la tradition. Celle-ci est représentée par CELEBRATION SONG (Schreiner 93). Cette variété a tous les mérites que l’on peut trouver à une fleur d’iris classique : grâce, élégance, harmonie des couleurs et des formes. C’est une robe d’Yves St Laurent. MESMERIZER à côté peut être comparé à un vêtement de Jean Paul Gautier ou d’un autre créateur d’avant-garde. CELEBRATION SONG, déjà primé à Florence, n’a pas fini son parcours vers la consécration suprême. Peut-être l’aura-t-il l’année prochaine, et cela ne serait pas usurpé. Le dernier de la trilogie 2002 est FANCY WOOMAN (Keppel 95). C’est aussi une variété originale. Son coloris violet améthyste est enrichi de veines blanches sur les sépales, ce qui en fait un parangon de ce que l’on appelle les iris « luminatas », que l’on pourrait qualifier de plicatas inversés. Il a toutes ses chances pour une récompense suprême dans les années à venir, maintenant que les juges prennent aussi en considération d’autres critères que ceux de la perfection formelle.

La John Wister Medal, qui récompense le meilleur TB de l’année, est revenue à un autre produit Keppel, LOCAL COLOR (96), un bitone presque noir, éclairci sous les barbes qui sont d’un vermillon éclatant. C’est encore une variété excellente qui aura sa chance dans un avenir prochain et laisse à penser que Keith Keppel retrouvera la Dykes Medal qui le fuit depuis BABBLING BROOK en 72 !

La Walther Cup, destinée à mettre en évidence un « yearling » prometteur, est encore allée à un semis de Keith Keppel : HAPPENSTANCE (2000), un pur rose à barbes corail.

Quant aux autres médailles principales elles ont été pour le BB BABOON BOTTOM (Kasperek), l’IB PROTOCOL (Keppel), sur lequel je reviendrai dans une prochaine chronique, et le SDB LITTLE BLUE EYES (Weiler). Enfin donnons les deux premiers bénéficiaires d’un AM, l’amoena WORLD PREMIER (Schreiner 98), et le « noir » MIDNIGHT OIL (Keppel 98), deux sérieux candidats pour les compétitions à venir.

17.7.02

DE RUSSIE

Mon ami Sergeï Loktev vient de m’envoyer par e-mail les résultats du Septième Concours de Grands Iris de Moscou, organisé à l’occasion de la dernière convention des iridophiles russes.
Voici les six premiers :

1 - ALDO RATTI (Bianco 98)
2 – KEEP THE PLACE (Grosvenor 99)
3 – DOLCE ACQUA (Bianco NR)
4 – MIR DLIA DVOIKH (Loktev 99)
5 - PARFUM DE France (Ransom 2000)
6 – ISPOVED (Volfovitch-Moler 99)

C’est un choix très éclectique, et original par l’absence d’iris américains en tête du palmarès !

En revanches les américains sont là dans la liste des iris les plus populaires :

1 - SANTA (Shoop 98)
2 - HUCKLEBERRY FUDGE ( Gibson 97)
3 – HAUTE COUTURE (Gatty 96)
4 - ROSY BOWS (Bauer/Coble 00) – un iris de Sibérie
5 – CELEBRATION SONG (Schreiner 93)
6 – NOBLE CONTESSA (Blyth 98)

A noter que CELEBRATION SONG est bien placé pour obtenir, cette année, la Médaille de Dykes. Il est talonné par un ancien favori, MESMERIZER, et un outsider, le petit BANGLES !
LIGHT BEAM

LIGHT BEAM (L. Blyth 85) est une variété qui présente plusieurs originalités. Tout d’abord c’est l’un des rares cultivars enregistrés par Lesley Blyth, l’épouse du célèbre Barry Blyth. Ensuite c’est le premier iris plicata jaune de son type. D’ordinaire les plicatas jaunes sont du type JOYCE TERRY (c’est même un type galvaudé, dont on connaît des centaines d’exemplaires, souvent très proches les uns des autres) avec, donc, les pétales unicolores jaunes, et les sépales blancs avec un liseré du jaune des pétales, plus ou moins large. Les signes caractéristiques des plicatas, c’est à dire les pointillés de couleur sur fond clair, sont absents dans ce type de fleur au point que l’on peut se demander s’il s’agit bien de plicatas. Mais tel n’est pas le cas de LIGHT BEAM, qui se présente comme une réplique jaune du plicata classique, que l’on rencontre essentiellement en violet ou bleu (STEPPING OUT, GOING MY WAY). Les pétales sont d’un riche jaune doré, les sépales ont le fond blanc, avec une bordure du jaune des sépales, dont la densité de ton va en s’atténuant en revenant vers le centre : peu à peu le jaune se résume à un piquetis, puis disparaît, sauf sur les veines, sous les barbes, et suivant la ligne médiane, qui reste jaune. Les épaules sont un peu veinées de brun, quant à la barbe, elle est jaune légèrement orangé. A la couleur près, c’est la description qu’on pourrait faire d’un plicata de Jim Gibson, comme VIOLET RINGS (86), en violet améthyste, CHICKASAW SUE (83) en brun orangé ou TOTAL ELEGANCE (85) en rose pourpré.

L’état civil de LIGHT BEAM est très simple : BROADWAY X BEVERLYSILLS. Il tient donc son caractère plicata de sa « mère » BROADWAY, qui est un vrai « variegata-plicata ». C’est à dire qu’il allie les deux caractéristiques. BROADWAY a été largement utilisé en hybridation. Ses descendants sont le plus souvent des plicatas ou variegatas-plicatas, comme LIVING LEGACY (Gibson 93), ou THUNDER ECHO (Gibson 87), de même que ROMAN PALACE (Blyth 85) ou DISTANT ROADS (Keppel 91). Mais on trouve parmi eux une forme originale, l’iris jaune d’or comportant des sépales griffés de brun ou d’acajou. De cet acabit sont BARN DANCE (Byers 91), INFERNAL FIRE (Richardson G. 94), LIGHT SHOW (Keppel 91), LOUIS D’OR (Cayeux R. 95) ou RUÉE VERS L’OR (Ségui 92), toutes des variétés très réussies et sympathiques.

Quant à BEVERLY SILLS, dont l’utilisation est à peu près aussi abondante que celle de BROADWAY, il a essentiellement engendré des iris roses. Cependant LIGHT BEAM n’est pas son seul descendant dans les tons de jaune. Dans cette couleur, mais plutôt avec une teinte plus acide, j’ai trouvé, par exemple, ANTIGUA SOLEIL (Anfosso 90), MOON’S DELIGHT (Hager 85) ou PHENOMENON (Byers 89).

En tout cas, LIGHT BEAM reste un précurseur dans son coloris, même si d’autre purs plicatas jaunes commencent à apparaître. Pour cela, et parce qu’il est joli, robuste et hâtif, il a sa place dans toutes les collections d’iris.

6.7.02

IL ÉTAIT UNE FOIS DEUX IRIS…

D’après un texte publié sur le site web de la HIPS (Historic Iris Preservation Society)

L’iris ancien le plus populaire aux Etats Unis s’appelle WABASH (Williamson 36). Ce fut, à l’époque, une sorte de révolution dans le domaine des iris bicolores, ou, plus exactement, des amoenas. Wabash se présente avec des pétales blancs, à peine teintés d’indigo à la base, et des sépales indigo soutenu, liserés du blanc des pétales ; il comporte des stries brunes sous la barbe qui est jaune orangé. Les experts n’ont pas manqué de le remarquer dès son apparition et ils lui ont accordé la Dykes Medal en 1940. Le succès n’a pas été seulement au niveau des spécialistes. Un large public l’a adopté, d’où son apparition en tête des votes de popularité au cours des années 40 et 50. Il faut dire que cet iris avait de qui tenir. Ses parents sont deux autres amoenas, DOROTHY DIETZ (Williamson 29) et CANTABILE (Williamson 31), tous deux étapes importantes dans la recherche de l’amoena le plus pur. A cette époque, obtenir un amoena n’était pas chose aisée car non seulement les croisements à partir d’amoenas n’étaient pas très fertiles, mais encore les graines germaient mal et les jeunes plantes avaient du mal à se développer. C’est Jesse Wills, hybrideur de Nashville dans le Tennessee, qui a fait cette remarque. Il a convaincu d’autres hybrideurs, dont son voisin Geddes Douglas, de Brentwood (Tennessee) et le Docteur L. F. Randolph, d’Ithaca (New York), d’entreprendre une recherche sur le sujet. Un grand nombre d’hybrideurs, tant aux Etats Unis qu’ailleurs dans le monde, ont participé à cette expérience. Pour la Convention de l’AIS, à Nashville, en 1948, de très nombreux semis expérimentaux étaient en fleur. Le semis le plus remarqué était issu du croisement d’un semis de Paul Cook par le produit de WABASH et d’EXTRAVAGANZA. Il a été baptisé par Geddes Douglas BRIGHT HOUR.

BRIGHT HOUR a été enregistré en 1949. Il a été aussitôt commercialisé et a reçu un accueil formidable des amateurs d’amoenas comme du public en général. Par rapport à son « grand-père » WABASH, il présente l’intérêt de ne plus être strié sous les barbes, et le ton de violet des sépales est plus vif. Par ailleurs, comme il se doit, la fleur est mieux proportionnée, avec des sépales plus ronds et plus dressés. BRIGHT HOUR n’a cependant jamais obtenu la récompense suprême. Il y a des choix difficiles et quelquefois incompréhensibles.

Il arrive que BRIGHT HOUR et WABASH soient confondus car malgré tout ils sont assez proches l’un de l’autre, et, avec le temps, leurs différences ont pu être un peu perdues de vue. Une façon pratique de les distinguer est de regarder leur feuillage. Celui de WABASH est teinté de pourpre à la base, pas celui de BRIGHT HOUR.

L’un et l’autre constituent des jalons importants dans la longue histoire des iris.



CELEBRATION SONG

A propos d’ADVENTURESS (Hamblen 85) j’avais évoqué les iris bicolores aux pétales roses et aux sépales mauves. Dans cet article il était question de la recherche de couleurs nettement tranchées et de plus en plus vives. Mais une autre recherche existe, celle d’une harmonie de tons pastels, avec un enchainé-fondu pour passer d’une couleur à l’autre.

L’exemple parfait de ce coloris se trouve dans CELEBRATION SONG (Schreiner 93), qui est décrit très simplement comme : « pétales rose-abricot, sépales bleu-lavande, barbes mandarine ». Dès son apparition, cet iris a fait sensation et les récompenses n’ont pas tardé. Il a obtenu le Florin d’Or à Florence en 1996 puis, en 2000 il était en seconde position pure la Wister Medal (meilleur grand iris) et, en 2001, en troisième place au classement des candidats à la Dykes Medal, qu’il peut encore emporter.

D’autres variétés se présentent sous les mêmes couleurs, à tel point qu’on peut dire qu’à l’heure actuelle il y a en ce domaine un phénomène de mode. Ainsi CHASING RAINBOW (Hager 98) ou FRENCH CANCAN (Cayeux R. 2001). Mais avant ses variétés récentes le même modèle était apparu dès les années 70. On peut citer par exemple SOSTENIQUE (Blyth B. 75) et ses prédécesseurs ou suivants immédiat dans l’abondante production de Barry Blyth : LATIN TEMPO (73), VERBENA MOON (75), LOVE BANDIT (77), VENUS MAGIC (78) ou IN LOVE (79). Sans oublier GENIALITY (Brown O. 81) ou FASHION ARTISTE (Schreiner 84). D’autres, enfin, sont contemporains de CELEBRATION SONG, comme SVETLONOS (Muska 96) ou POEM OF ECSTASY (Hager 97).

Au plan de l’hybridation, y a-t-il un lien entre toutes ces variétés ? Eh bien oui ! Le contraire eut été étonnant. Par exemple LATIN TEMPO qui est issu de (Claudia René x Pipes of Pan)x Lightning Ridge, a eu pour descendants LOVE BANDIT, VERBENA MOON, SOSTENIQUE et VENUS MAGIC. Ces deux là ont donné naissance à un autre bicolore, CHILD of FORTUNE, de la même eau, qui est le géniteur mâle de FRENCH CANCAN. De même LILAC CHAMPAGNE (Hamblen 64) figure dans le pedigree de FASHION ARTISTE tout comme dans celui de VENUS MAGIC et SOSTENIQUE. Quant à TOUCHÉ (Hamblen 69), qui est à l’origine des rose/mauve contrastés, il est aussi à celle des rose/mauve pastels, puisqu’il se trouve dans les ancêtres de CHASING RAINBOW et de notre iris du jour, CELEBRATION SONG. Quant à l’ancêtre commun entre les trois vedettes d’aujourd’hui, il faut sans doute le chercher dans CHRISTMAS TIME (Schreiner 65), ultra célèbre blanc à barbes rouges, qui figure au générique de SWEET MUSETTE (Schreiner 86), que l’on retrouve aussi bien chez CELEBRATION SONG, que chez CHASING RAINBOW ou que FRENCH CANCAN (par l’intermédiaire de CONDOTTIERE dont sont issus REBECCA PERRET puis PARISIEN). Le monde des iris est bien petit ! …Et bien consanguin !