26.7.08

ITERATIF DÉFAUT

Deuxième semaine de dérangement téléphonique fugitif et itératif. Cela contrevient à la régularité des messages de ce blog. Espérons que le défaut a été enfin identifié et supprimé !

MADE IN AUSTRALIA II

Un autre iris arrive d’Australie ce printemps et qui, déboussolé, est en fleur actuellement. Ai-je bien fait de le laisser aller à fleur ? Je le saurai au printemps prochain…

‘Painted Flutes’ est particulièrement lumineux, malgré sa teinte sombre entre pourpre et violet. Issu du croisement ‘Swordsman’ X ‘Enchanter’, c’est un descendant du fameux ‘Louisa’s Song’ (B. Blyth 99).

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Walther Cup

La Walther Cup (meilleur espoir) revient toujours à une variété intéressante. Cette année elle a récompensé ‘Bluebeard’s Ghost’ (P. Black 2006), un SDB dont la photo ci-jointe donne une idée de l’élégance et de l’originalité.










ECLABOUSSURES ET BARBOUILLAGES
Ou comment tirer partie d’une anomalie


Quand on regarde un de ces iris que l’on appelle « broken color », on a l’impression qu’un peintre maladroit a laissé son pinceau dégouliner au-dessus des fleurs. Pendant longtemps les obtenteurs n’ont pas osé accordé de l’intérêt à ces fleurs bizarres qui apparaissaient pourtant régulièrement parmi leurs semis et il a fallu effectivement attendre les années 70 pour que, timidement, certains hybrideurs avides d’originalité, se décident à préserver ces iris dont on dirait qu’ils ont reçu par mégarde d’étonnantes éclaboussures. Celui qui, en la matière, fut un initiateur s’appelle Allan Ensminger. C’est en 1967 qu’il a découvert son premier iris barbouillé et le premier « broken color » réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 77), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, descendant perturbé de ‘Stepping Out’. L’année suivante, il a recommencé avec ‘Inty Greyshun’ (78), qui est mauve améthyste et barbouillé de blanc. ‘Batik’, le plus célèbre, au point d’en être devenu la variété-repère, est apparu en 81. Par la suite vinrent ‘Painted Plic’ (83), ‘Maria Tormena’ (87), ‘Isn’t it Something’ (93) puis ‘Brindled Beauty’ (94) et ‘Autumn Years’ (95). Depuis on a fait bien plus étrange, voire extravagant, mais il n’empêche que la paternité du modèle doit être attribuée à Ensminger, un homme qui, aujourd’hui a dépassé les 80 ans.

Vient ensuite le règne de Kasperek.

Kasperek n’est pas parti du néant. Il a tout simplement utilisé les variétés d’Ensminger, notamment ‘Maria Tormena’ et ‘Painted Plic’, pour commencer sa nouvelle lignée de « broken color ». Dès le début, ses iris ont été remarqués, non seulement pour leurs noms qui, chez nous, passeraient pour franchement ridicules, mais surtout pour leurs qualités et l’originalité de leurs coloris. La plupart de ces cultivars ont été honorés d’une récompense officielle, comme c’est le cas pour ‘Gnu’ (94), ‘Tiger Honey’ (94), ‘Bewilderbeast’ (95) ou ‘Millenium Falcon’ (98) qui ont atteint le stade de l’Award of Merit. C’est dire si ces iris ne passent pas inaperçus !

Devant ce succès, d’autres obtenteurs ont tenté leur chance. Dès 83 Joyce Meek avait enregistré ‘Wild Card’, qui est presque un « broken color » en ce sens qu’il n’y a pas deux fleurs marquées de la même façon, mais qui reste néanmoins plus proche de la catégorie plicata, un peu comme était ‘Hey Looky’ (W. Brown 70), instabilité qu’on trouve également chez ‘Barletta’ (Peterson 74). En 95, Maryott a proposé ‘Out of Control’, violet pourpré balafré de blanc, puis Keith Keppel lui-même a trouvé dans ses semis de plicatas un iris irrégulièrement coloré, joliment baptisé ‘Broken Dreams’ (98), rose aspergé de blanc aux sépales. Cet iris « broken color » conserve néanmoins un air distingué qui tranche sur le côté un peu canaille des productions Kasperek. Il faut dire que dès le début de sa carrière d’obtenteur, Keppel avait créé ‘Humoresque’ (61), un iris parme, avec des dessins aléatoires bleus. Il n’est donc pas vraiment débutant dans le modèle.

Maintenant la pompe est amorcée. Chacun sait comment faire pour obtenir des iris barbouillés. C’est d’autant plus intéressant pour un obtenteur qui débute, que le modèle n’est pas encore saturé, et qu’il y a de la place pour de nouveaux venus. De plus, les nouveaux peuvent à juste titre avoir l’ambition de créer des fleurs réellement jolies, élégantes, voire raffinées, en prenant exemple sur ce qu’a fait Keith Keppel. C’est un peu ce qui est arrivé à Rose-Linda Vasquez-Poupin, une amatrice du Vaucluse, qui nous a offert en 2007 ‘Rose-Linda Vasquez’, une variété aux pétales blanc bleuté et aux sépales blancs parcourus de dessins aléatoires bleu lavande. La fleur est bien formée et joliment ondulée. Charme supplémentaire, cet iris porte des éperons blancs à la pointe de ses barbes.

Cependant le défi est difficile car, dans les semis de « broken color » il y a beaucoup de déchet : plantes malingres, rabougries, fragiles… C’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup d’iris de petite taille (BB) dans la catégorie : une façon de commercialiser malgré tout des plantes qui n’atteignent pas la hauteur réglementaire pour les grands iris. C’est aussi pourquoi il faut être particulièrement rigoureux quand on sélectionne un « broken color » car la tentation peut être forte de mettre sur le marché quelque chose d’imparfait, ou simplement d’esthétiquement discutable.

21.7.08

PANNE

Trois jours sans téléphone par la grâce d'une ligne HS. Voilà pourquoi Irisenligne n'a pas respecté son rhytme de publication la semaine dernière...

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Les récompenses américaines

Petite révolution ! Ce n’est pas un grand iris barbu qui a remporté cette année la Médaille de Dykes américaine, mais un iris intermédiaire ! Depuis 1927, les TB (Grands Barbus) l’ont toujours emporté, à l’exception de deux fois : en 1945, avec l’AB (Arilbred) ‘Elmohr’, et en 1981, où c’est le BB (Iris de Bordure) ‘Brown Lasso’ qui a triomphé. Cette fois c’est l’IB ‘Starwoman’ (Marky Smith ) qui est sorti vainqueur d’une compétition dont il n’était pas le favori. En effet tout le monde pariait sur un triomphe de ‘Starring’, le superbe blanc/noir de Joë Ghio.

A propos de ‘Starwoman’ certains diront : « Mais qu’a-t-il de particulier ? C’est un plicata archi-classique ! » Sans doute, mais ce coloris, vif et assez chargé, n’est pas si courant chez les iris intermédiaires. En plus il est fortement ondulé, voire bouillonné pour ce qui est des pétales, un peu comme le sont certains grands iris actuels, et cela aussi c’est rare dans la catégorie IB. Enfin ‘Starwoman’ sent bon, est considéré comme robuste et poussant bien, et si on ajoute qu’il s’agit d’une variété fertile, on a fait le tour des qualités peu ordinaires de cette variété.

Voici la liste des principales distinctions :
DYKES MEDAL = ‘Starwoman’ (M. Smith 97)
Devant : ‘Golden Panther’ (Tasco) et ‘Starring’ (Ghio).

WISTER MEDAL (TB) = ‘Millenium Falcon’ (Kasperek)
KNOWLTON MEDAL (BB) = ‘Teapot Tempest’ (Lynn Markham)
SASS MEDAL (IB) = ‘Ming’ (M. Smith)
WILLIAMSON-WHITE MEDAL (MTB) = ‘Maslon’ (D. Spoon)
COOK-DOUGLAS MEDAL (SDB) = ‘Cat’s Eye’ (P. Black)
DEBAILLON MEDAL (LA) = ‘Great White Hope’ (M. Haymon)
MORGAN-WOOD MEDAL (SIB) = ‘Fond Kiss’ (Schafer/Sacks)

WALTHER CUP (meilleur espoir) = ‘Bluebeard’s Ghost’ (P. Black) (SDB)






LA VÉRITÉ SUR I.aphylla

Parmi les espèces d’iris qui interviennent dans les hybrides modernes, figure I. aphylla, un petit iris de la série Elatae, qui ne mesure guère que 30 cm, mais qui a eu une importance considérable.

On ne mesure pas forcément ce que cette espèce a apporté aux iris qui font la gloire de nos jardins. Après les « grands » tétraploïdes qui s’appellent I. cypriana, I. illyrica ou I. trojana et les fameux ‘Amas’ et ‘Ricardi’, au même titre que I. reichenbachii ou I. imbricata dont je parlerai sans doute un jour, I. aphylla est un élément primordial de la joyeuse salade que constituent les iris hybrides, petits et grands.

I.aphylla pousse naturellement en Europe Centrale, de l’Allemagne jusqu’au Caucase. Les fleurs, relativement grosses – mais c’est un iris tétraploïde, ceci explique cela – d’un joli violet foncé avec des barbes blanches ou blanc bleuté, s’élèvent à peine au dessus du feuillage, très acéré. Compte tenu de ses origines géographiques, c’est une plante rustique et supportant l’humidité hivernale. Du coup, elle ne pose guère de problèmes de culture et les mateurs d’iris botaniques lui disent pour cela merci.

Mais ils ne sont pas les seuls ! Ceux qui préfèrent les iris horticoles lui doivent aussi beaucoup de reconnaissance. En effet cette espèce a apporté des qualités devenues indispensables :
Elle a le pouvoir d’intensifier les couleurs des variétés qui portent ses gènes ; les noirs sont plus noirs, les roses plus vifs, les jaunes plus brillants, les bruns plus rutilants ;
Elle provoque un branchement puissant et partant bas sur la tige, ce qui permet de multiplier les fleurs sur une même hampe, et, par là, d’allonger la durée de floraison ;
Dans le même domaine, étant très florifère, elle participe à la multiplication des boutons, ce qui va dans le même sens que la caractéristique précédente ;
Elle est naturellement remontante et, à ce titre, améliore cette caractéristique appréciée par beaucoup d’amateurs ;
Elle contribue a donner des plantes assez trapues, donc moins sensibles à la verse dans les jours de gros temps ;
Sa bonne résistance au gel est un gage de robustesse des variétés qui en sont issues.

Mais ce dernier trait s’accompagne de la disparition des feuilles en hiver. C’est la raison pour laquelle beaucoup de variétés modernes ne présentent plus, dès l’entrée en dormance, que des moignons de plante, de quelques centimètres seulement, denses et drus, mais qui ne reprendront leur végétation qu’au retour de jours plus longs. A partir de ce moment, c’est à dire en général au début de mars, les variétés à base d’aphylla vont croître à toute vitesse puisqu’en deux mois elles vont grandir d’environ 80 cm ( du moins pour les grands iris).

Les variétés – grandes, moyennes ou petites – qui comportent les gènes d’Iris aphylla sont devenues largement majoritaires, au gré des croisements en tous sens réalisés par les hybrideurs.

Il semble que ce soit Paul Cook qui se soit aperçu le premier des capacités d’I. aphylla. Ce grand hybrideur a en effet exploré en profondeur la constitution génétique des espèces entrant dans la « fabrication » des hybrides. Il a expérimenté de nombreuses associations d’espèces pour tirer de ces combinaisons tout le parti possible, et dans ce sens, son ‘Blue Boy’, hybride d’aphylla, se trouve derrière ses iris sombres comme ‘Sable’ (1938) . Un cheminement semblable a été effectué par les Schreiner qui ont obtenu par I. aphylla l’ancêtre ‘Harmony’ (1939) qui se trouve à l’origine de ‘Black Forest’, lequel, après un long chemin passant par ‘Storm Warning’ (1952), ‘Licorice Stick’ (1961), ‘Tuxedo’ (65) et ‘Midnight Dancer’ (91) a abouti au noir profond de ‘Hello Darkness’ (92 – DM 99). La même progression pourrait être recherchée à l’égard d’autres couleurs, elles aussi renforcées par l’apport des gènes de I. aphylla.

Alors, tous les progrès que cette espèce a apportée au monde des iris valent bien l’inconvénient d’une absence de feuilles au cours de la période des frimas, pendant laquelle, au demeurant, l’amateur d’iris fréquente assez peu son jardin.
MISE AU POINT

Merci à ceux qui prêtent assez d’attention à ce blog pour en relever les erreurs ou imprécisions. C’est ainsi que la dernière chronique publiée ici, concernant les iris à éperons, a attiré de Lawrence Ransom l’observation suivante :

« Vous écrivez :
«Ceux qui se sont particulièrement investis dans ce domaine se nomment George et Michaël Sutton, Tom Burseen, Jim Hedgecock, Larry Lauer, Paul Black, et Richard Tasco, aux USA. En Australie, Graeme Grosvenor n’a pas dédaigné ‘Conjuration’ ; en France, Gérard Madoré et Richard Cayeux ont fait de même.»
Votre liste des obtenteurs actuels à l¹étranger me semble complète, mais pour la France, cela ne reflète pas la situation. Vous mettez le nom de ces deux obtenteurs français dans la même phrase où plus haut vous écrivez «particulièrement investis dans ce domaine », cela prête à la confusion qui pourrait laisser penser que Gérard Madoré (seul un iris SA sur 37 enregistrements) et Richard Cayeux (5 iris SA enregistrés, si je ne me trompe pas) représentent (à eux seuls) ce domaine en France. Je sais que ce n’est pas ce que vous vouliez dire - vous faisiez allusion à l¹utilisation de Conjuration, ­ mais il y a un risque de désinformation involontaire par confusion ou omission.
Car c’est regrettable que vous ne citiez pas Jean Peyrard (8 iris SA enregistrés) qui a été le premier obtenteur en France à s¹intéresser aux iris rostrata. Dès les années 1980 il correspondait avec Henri Rowlan etJames Mahoney. Son iris Ostrogoth fut enregistré dés 1993, le croisement remonterait donc au milieu des années 1980. De plus, c'est grâce à un semis issu de son croisement PB88/1 (Planet Iris X pumila) fait en 1988 que moimême j’ai obtenu mes premiers iris SA.
En plus de Jean Peyrard, il faudrait citer Anfosso, Bernard Laporte et votre serviteur (11 iris SA enregistrés). Je cite des chiffres pas pour me venter, mais tout simplement pour argumenter mes propos ; que tel ou tel obtenteur ait fait tel nombre de plus qu’un autre, ce n’est ni la question, ni important. Je souhaiterais simplement que vos lecteurs reçoivent une information la plus véritable et la plus objective possible sur la situation historique et actuelle des iris rostrata en France.»

Il faut bien reconnaître que ce commentaire est justifié dans la mesure où l’on peut, dans mon texte, effectivement confondre « utilisation de ‘Conjuration’ » et « création d’iris à éperons ». Au demeurant, le travail des hybrideurs français sur les iris rostratas n’était pas le sujet de cette chronique. Un texte sur cet aspect des choses sera publié dans quelques semaines.

11.7.08


MADE IN AUSTRALIA


Faut-il ou non laisser fleurir un iris qui arrive d'Australie et qui va vivre deux années en une ? La question se pose à chaque arrivage. Cette année j'ai laissé fleurir. Voici donc la première fleur de 'Chocolate and Silk' (Blyth 2007).










L’ÉLÉGANCE DES ÉPERONS





Cinquante ans d’iris « space age »

On peut dire que c’est à Lloyd Austin, obtenteur installé dès 1925 en Californie, que l’on doit le démarrage de l’intérêt pour les iris à éperons. Quand il a vu pour la première fois des iris présentant des extensions étranges à l’extrémité des barbes, il s’est dit qu’il y avait là quelque chose qui méritait d’être profondément étudié. Il a dès lors entrepris un énorme travail de recherche et de croisement afin d’exploiter ce qui n’était alors qu’une anomalie, et d’apporter à ces nouveautés toutes les améliorations qui étaient possibles, de manière à ce que les éperons et autres pétaloïdes, confèrent aux fleurs une personnalité excitante mais aussi esthétique, et il semble qu’il ait tout inventé : les petites pointes recourbées vers le haut, les minces filaments arqués, les larges spatules ou les extrémités touffues. C’est lui qui a inventé l’expression « Space Age » pour désigner ces nouveaux iris, leur attribuant du même coup une identité synonyme de modernité. A partir de 1959 il n’a plus produit que des SA, dont les noms font presque toujours allusion aux appendices qui les décorent. C’est le cas de ‘Lemon Spoon’ (60), ‘Horned Flare’ (63), ou ‘Spooned Blaze’ (64)…

Dès lors le goût pour les iris à éperons s’est installé aux Etats-Unis et bien d’autres hybrideurs se sont lancés dans l’aventure, utilisant les cultivars de Lloyd Austin comme base de leur recherches. Manley Osborne, Henry Rowlan ont été parmi les premiers à reprendre le flambeau. Tout le monde connaît ‘Hula Moon’ (Rowlan 78), chamois marqué de violet, ‘Moon Mistress’ (Osborne 76), iris de couleur pêche, ‘Battle Star’ (Osborne 78), bicolore chamois et fuchsia, ou les incontournables que sont ‘Twice Thrilling’ (Osborne 84), et surtout ‘Sky Hooks’ (Osborne 80).

Celui qui a le mieux saisi l’intérêt des iris « space age » fut Monty Byers. Cet hybrideur dont la carrière fut aussi brève que brillante, et qui a profondément marqué son époque, c’est essentiellement intéressé aux remontants et aux iris à éperons. C’est à ces derniers qu’il doit d’avoir pris place dans le cercle très fermé des obtenteurs dont trois cultivars ont reçu la Médaille de Dykes. Avec ‘Conjuration’, ‘Thornbird’ puis ‘Mesmerizer’ il est le seul jusqu’à présent à avoir hissé au sommet des iris à ornements.

Dans son sillage, peu à peu, de très nombreux hybrideurs ont pris conscience que les appendices pétaloïdes présents à l’extrémité des barbes n’étaient pas simplement des extravagances de la nature, mais qu’ils apportaient quelque chose à l’histoire des iris hybrides. Ceux qui se sont particulièrement investis dans ce domaine se nomment George et Michaël Sutton, Tom Burseen, Jim Hedgecock, Larry Lauer, Paul Black, et Richard Tasco, aux USA. En Australie, Graeme Grosvenor n’a pas dédaigné ‘Conjuration’ ; en France, Gérard Madoré et Richard Cayeux ont fait de même ; en Slovaquie, Ladislaw Muska en a fait son principal thème de recherche. Ce sont tous des obtenteurs dont on ne peut pas dire que la notoriété n’attendait que cela pour s’affirmer : ils avaient acquis la célébrité bien avant de jouer les prolongations de barbes !

Au fil des années, les iris à ornements ont fait comme les autres : ils ont évolué, ils ont acquis les mêmes qualité que les autres, tant en élégance de la fleur qu’en robustesse de la plante. Il y a autant de différence entre un « space age » de Lloyd Austin et un « space age » de Richard Tasco qu’entre un iris traditionnel de Tell Muhlestein et un autre de Paul Black. Ils ont même fait mieux puisqu’ils ont vaincu leurs défauts structurels. En plus, peu à peu, leurs caractéristiques spécifiques se sont améliorées : les ornements sont devenus plus gracieux, ils ont acquis en raffinement, en importance, et tendent de plus en plus souvent vers l’apparence de fleur double qui est une des voies de leur perfectionnement et un des buts à atteindre de la part des hybrideurs qui s’y consacrent.

Parallèlement ils se sont fait adopter par le grand public. Désormais rares sont ceux qui ont encore des réticences à leur égard. Même si les juges US, que certains considèrent comme des irisariens de la vieille garde, ont encore un peu de mal à reconnaître leur intérêt. Certes, ils ont consenti à couronner les trois lauréats de Monty Byers, mais depuis ils se sont repliés sur des positions plus traditionnelles. Ainsi, en 2007, ils n’ont décerné un AM qu’à un seul iris à éperons, ‘Solar Fire’ (Tasco 2002).

L’élégance des éperons serait-elle encore discutable ? Il ne reste sans doute plus grand monde pour soutenir cela. Même ceux qui furent longtemps dans la résistance ont fini par reconnaître que les appendices floraux pouvaient apporter quelque chose aux iris. Témoin, Richard Cayeux qui après avoir écrit à leur sujet : « …de là à parler de beauté supérieure, il y a un pas que nous ne franchirons pas », utilise sans hésiter ‘Conjuration’ et obtient des fleurs aussi belles que ‘Grenade’ (2007). Il n’y a pas de honte à changer d’opinion.
cliché Robin Shadlow
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concours MEIS 2008

Le concours de la MEIS (Société des iris d’Europe Centrale), qui s’est déroulé cette année à Pruhonice, près de Prague adonné le résultat suivant :
Premier Prix pour AM 02-0990 2 (semis Mego)
Première variété non européenne : ‘Princess Bride’ (Sutton G. 99) (BB).

4.7.08

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Compétition d’Europe Centrale


Les iris envoyés en 2005 et 2006 au « Gene Pool Department » du jardin botanique de Pruhonice, en République Tchèque, ont été évalués cette année pour la première fois. D’abord par les juges de la MEIS (équivalent de la SFIB pour l’Europe Centrale), puis par les visiteurs en provenance de la République Tchèque, bien sûr, d’Allemagne et de Hongrie. Il y avait 182 variétés en provenance de Rep. Tchèque, Pologne, Slovaquie, Slovénie et Etats-Unis, envoyés par 22 hybrideurs. Les juges ont retenu en priorité 10 variétés (5 américaine, 2 slovaques, 1 tchèque, 1 slovène et 1 polonaise). Le classement final n’est pas encore arrêté, mais on notera que ce concours a attiré plus de compétiteurs que les dernières compétitions d’Europe de l’Ouest – Florence ou Jouy en Josas !

A l’Est, du nouveau

Les amateurs de curiosités iront sur le site hongrois Szasz Iriskert Bt. Où ils trouveront des photos de variétés de toutes époques, et un catalogue intéressant, mais faire venir des iris de Hongrie, est-ce vraiment nécessaire ?

La mondialisation des iris est bien en route.

www.szaszirisz.hu










UNE AUTRE LONGUE MARCHE
‘Queen’s Circle’ de A à Z

Il n’est pas toujours facile de reconstituer le pedigree d’un iris dans son intégralité parce que souvent les renseignements fournis lors de l’enregistrement d’une variété sont partiels ou sibyllins. Parfois même la mention « parents inconnus » vient interrompre définitivement la recherche.

Voici un parcours complet qui concerne la dernière médaille de Dykes, le superbe amoena (façon ‘Emma Cook’) ‘Queen’s Circle’ (Kerr 99).

Au début il y eut l’espèce tétraploïde I. cypriana décrite et introduite en Europe par les anglais Baker et Foster en 1888. Sir Michaël Foster l’a croisée avec le très commun I. pallida pour obtenir ‘Caterina’, un hybride bleu clair introduit après sa mort en 1907 par son compatriote Robert Wallace.

‘Caterina’ a traversé l’Atlantique et même les Etats-Unis tout entiers pour atteindre la Californie et les terres de William Mohr. Ce dernier l’a croisé avec une autre espèce tétraploïde, I. mesopotamica, et en a obtenu ‘Argentina’ (1923), variété blanche à barbes jaunes.

En voiture, maintenant, pour la grande aventure menant à Queen’s Circle’ !

En croisant ‘Argentina’ et ‘Conquistador (Mohr W. 1920), le successeur de William Mohr, Sidney B. Mitchell, a obtenu le célèbre blanc ‘Purissima’ (1927). Retour sur la côte Est, et le jardin de Robert Graves où eut lieu le croisement de ‘Purissima’ et du bleu pâle ‘Cloud Castle’, à l’origine du fameux bleu clair ‘Helen McGregor’ (Graves 43 – DM 49). On revient alors vers le Middle West et c’est Orville Fay qui croise ‘Helen McGregor’ avec le bleu pur ‘Cahokia’ (Faught 46), l’un des fondements des iris bleus. Le résultat se nomme ‘Bluebird Blue’ (Fay 52). Le croisement (Butterfly Blue X Bluebird Blue) donne naissance à ‘Galilee’ (Fay 55), encore une pierre angulaire dans le domaine des bleus. Le voyage vers l’Ouest reprend et on se retrouve en Californie, chez Keith Keppel. Pour obtenir son illustre ‘Babbling Brook’ (Keppel 69 – DM 72), Keppel a croisé ‘Galilee’ et le blanc ‘Symphony (Hinckle 56). Un peu plus au nord, Opal Brown utilise ‘Babbling Brook’ pour effectuer le croisement (Babbling Brook X ((Lipstick x Country Cuzzin) x Bright Cloud)), qui débouche sur le bleu profond ‘Full Tide’ (O. Brown 72).

L’une des toutes premières obtention de Bill Maryott, de San José, en Californie, fut ‘Glistening Icicle’ (1982). C’est un produit de Full Tide X President Farnsworth (Muhlestein 74). On commence à approcher du but quand Frederick Kerr marie ‘Glistening Icicle’ et ‘Classic Treasure’ (Burger 83) et sélectionne ‘Christiana Baker’ (99) ; il ne reste plus qu’à marier ‘Victoria Circle (Kerr 94) et la jolie ‘Christiana Baker’ pour oibtenir le chef d’œuvre couronné de la Médaille de Dykes, ‘Queen’s Circle.

Voici, schématisé, le parcours que l’on vient de faire, de Grande-Bretagne au 19eme siècle jusqu’en Californie au 21eme, et qui a demandé 111 ans :

‘Caterina’ Foster 1909 = I. cypriana X I. pallida
‘Argentina’ Mohr W. 1923 = ‘Caterina’ x I. mesopotamica
‘Purissima’ Mitchell 1927 = ‘Argentina’ X ‘Conquistador’
‘Helen McGregor’ Graves 1943 = ‘Purissima’ X ‘Cloud Castle’
‘Bluebird Blue’ Fay 1952 = ‘Helen McGregor’ X ‘Cahokia’
‘Galilee’ Fay 1955 = ‘Butterfly Blue’ X ‘Bluebird Blue’
‘Babbling Brook’ Keppel 1969 = ‘Galilee X ‘Symphony’
‘Full Tide’ Brown O. 1972 = ‘Babbling Brook’ X ((‘Lipstick’ x ‘Country Cuzzin’) x ‘Bright Cloud’)
‘Glistening Icicle’ Maryott 1982 = ‘Full Tide’ X ‘President Farnsworth’
‘Christiana Baker’ Kerr 1999 = ‘Classic Treasure’ X ‘Glistening Icicle’
‘Queen’s Circle’ Kerr 1999 = ‘Victoria Circle’ X ‘Christiana Baker’.

C’est un parcours sans faute, marqué par de longs espaces temporels entre deux obtentions, qui fait que seulement 12 générations séparent les espèces d’origine et la variété très élaborée que l’on peut admirer actuellement dans nos jardins.