28.5.05

FRANCIRIS 2005

Ma présence, en tant que juge, au concours international d’iris FRANCIRIS 2005, à Jouy en Josas, explique le retard de 24 H. dans la diffusion des chroniques d’Irisenligne.

Voici le classement de cette compétition :
1er Prix BYE BYE BLUES (G. Sutton 96), bleu glycine, plus sombre sous les barbes, prolongées d’un éperon bleu.
2eme Prix CHARIOTS OF FIRE (T. Aitken 2000), orange clair, plus sombre sous les barbes, puis devenant presque blanc vers les bords.
3eme Prix GOT MILK (T. Aitken 2002), blanc absolument pur, avec une forme très harmonieuse.
Meilleur iris bitone bleu : FINNIGAN’S FINAGLING FACTOR (R. Stetson 2004), grand bitone, aux pétales presque blancs, sur des sépales bleu moyen, avec des barbes allant de l’orange au blanc, prolongées de larges pétaloïdes bleus.
Meilleur parfum : PRETTY EDGY (B. Blyth 2002), plicata pourpre sur fond crème, très ondulé, avec un agréable parfum chocolaté.
Meilleure variété française : GWENNADEN (G. Madoré 2001), descendant blanc pur de HONKY TONK BLUES, avec des fleurs charmantes, impeccablement ondulées.
Les récompenses du public et des professionnels (presse et jardins) sont allées alternativement à CHARIOTS OF FIRE et FINNIGAN’S FINAGLING FACTOR. Comme quoi les variétés réussies savent plaire aux experts comme aux autres.
EDNA’S WISH X WILD JASMINE

Chaque obtenteur a ses variétés de prédilection. Parmi celles dont fait usage Richard Ernst, il y a un couple qui apparaît au moins quinze fois dans ses cultivars, c’est EDNA’S WISH X WILD JASMINE.

Les deux membres de cet attelage ont des origines assez peu précises, voire même un peu mystérieuses. EDNA’S WISH (Gibson 83) n’a que vingt ancêtres identifiés jusqu’à la sixième génération (sur 126 possibilités). WILD JASMINE (Hamner 83) n’en a que 18 ! Cela n’empêche pas que l’un et l’autre aient été utilisés en hybridation de façon assez intensive, ensemble ou avec d’autres partenaires. EDNA’S WISH est un iris rose saumon, à barbes assorties, joliment ondulé ; WILD JASMINE, quant à lui, est un variegata-plicata avec des pétales jaune soutenu, couleur qui est aussi celle du fond des sépales, lesquelles sont couverts d’un tissu brun-rouge, plus sombre au centre, alors que la couleur du fond, presque blanche sous les barbes, réapparaît en lisière. EDNA’S WISH c’est STARFROST PINK (Gibson 76) X ORANGE PLUME sib. Le premier est un joli rose à barbes rouge, mais on ne connaît pas les couleurs du second puisqu’il n’a pas été officiellement décrit ; en tout cas son frère de semis est un iris orange rosé, plus clair sous les barbes. WILD JASMINE vient de SKETCH ME (Plough 76) X SHAFT OF GOLD (N. Sexton 76), deux variegata-plicatas très proches l’un de l’autre et d’ailleurs l’un et l’autre descendants de RADIANT APOGEE (Gibson 64), plicata original fort célèbre.

L’intérêt de Richard Ernst pour le croisement EDNA’S WISH X WILD JASMINE ne se dément pas. Les premiers produits de ce couple ont été enregistrés en 1991 et en 2004 il apparaît encore dans le pedigree de TIME WARP. Cinq descendants directs du couple ont été enregistrés : AMBER TAMBOUR (91), CHIFFON RUFFLES (91), DESERT RENEGADE (92), HEARTHSTONE (93) et SHOOTING STARS (92). AMBER TAMBOUR possède des fleurs volumineuses, d’un beau jaune ambré ; CHIFFON RUFFLES, très différent, dispose aussi de fleurs de belle taille, avec des sépales très enveloppants, mais c’est son coloris qui en fait l’originalité : blanc nacré, avec sur les sépales un léger saupoudrage de brun cannelle. DESERT RENEGADE est un plicata beaucoup plus classique : pétales brun cannelle, sépales blancs bordés de dessins cannelle de plus en plus dense à mesure qu’on approche des bords. Si l’on plaçait HEARTHSTONE à côté du précédent on constaterait qu’il en est une version plus sombre et plus chargée. Avec SHOOTING STARS on revient au type variegata-plicata, mais en version allégée, le saupoudrage brun n’intéresse que les sépales et se fait assez discret, un peu comme chez les parents de WILD JASMINE. En recroisant le duo EDNA’S WISH X WILD JASMINE par un frère de semis, Richard Ernst a obtenu CANDLELIGHT MOOD (96), CINNAMON GLOW (98), CRIMSON TWIST (96), INDIAN SANDSTONE (96), LEMON DEW (98) et TIME WARP (2004). CANDLELIGHT MOOD est un gros jaune moyen, largement centré de blanc sur les sépales, CINNAMON GLOW reprend la forme de fleur de son cousin CHIFFON RUFFLES, avec presque les même couleurs que HEARTHSTONE, en plus rouge, ce qui donne un brun rouille. Rien que le nom de CRIMSON TWIST laisse entendre qu’il y a du rouge dans cette fleur. C’est toujours la même forme ample et mouvementée, et toujours la même disposition des couleurs, mais cette fois le plicata est plutôt rouge bordeaux. INDIAN SANDSTONE conserve la forme de fleur mais se décline en brun cannelle, proche de DESERT RENEGADE. Retour au coloris jaune avec LEMON DEW : jaune clair, largement marqué de blanc aux sépales. Quant à TIME WARP, c’est ni plus ni moins qu’une réédition, à peine plus chargée, de CHIFFON RUFFLES. En croisant son duo fétiche avec CHIFFON RUFFLES, justement, Ernst s’est enrichi de TIME WILL TELL (99) qui est sûrement la plus grande réussite de la série. Les pétales, tourmentés, sont in,digo vif, tout ourlés de pourpre ; c’est ce pourpre qu’on retrouve sur les sépales, mais il s’émiette en se rapprochant du cœur de la fleur, laissant apparaître le fond blanc luminata aux alentours des barbes, jaunes : une fleur superbe. Viennent ensuite deux frères de semis où l’élément CHIFFON RUFFLES a été redoublé : CHAMPAGNE TIME et SCHIZO, tous deux de 2003, véritablement à l’opposé l’un de l’autre. CHAMPAGNE TIME est un « faux »plicata. Il propose des pétales entièrement jaune profond, sur des sépales où le même jaune est cantonné aux bords alors que le centre est franchement blanc, à peine marqué d’une trace de plicata brun. SCHIZO est visiblement le cousin de TIME WILL TELL : même indigo pour les pétales, même pourpre pour les sépales, même dessin luminata sous les barbes du même jaune, la différence n’est pas en sa faveur puisqu’il perd presque totalement le liseré pourpre des pétales qui fait l’attrait du précédent. Pour terminer ce tour d’horizon, on arrive à RING AROUND ROSIE (2000), ses trois frères et une sorte de neveu, si l’on peut se permettre ce rapprochement. Manifestement Richard Ernst a été séduit par la formule de TIME WILL TELL à tel point qu’il a cherché à la reproduire en y apportant quelques retouches mineures. Cela a donné CHILD OF ROYALTY (2001), SMOKIN (2001) puis BALL OF CONFUSION (2004). Le premier est la déclinaison claire de la formule, le second en est la version sombre, le troisième une version allégée, plus blanche. Avec RING AROUND ROSIE et WHISPERING SPIRITS (2001), on est devant une disposition des couleurs très nouvelle, là encore déclinée en deux niveaux de saturation :pour RING AROUND ROSIE ce sont des pétales blancs finement ourlés de jaune primevère, et des sépales à fond blanc, légèrement poudré de grenat, bordés de jaune primevère ; barbes jaune vif. Pour WHISPERING SPIRITS c’est exactement la même description, sauf qu’il faut dire que le jaune est vif et le poudrage foncé et dense. Pour en arriver là, Ernst a tout simplement triplé ou quadruplé l’élément de base EDNA’S WISH X WILD JASMINE.

20.5.05

VOYAGE IMAGINAIRE AU PAYS DES GRANDS IRIS
II. La terre promise (Oregon - Washington - Idaho)

La complexité géographique et climatique du nord-ouest des Etats-Unis explique que, sur cette terre d’élection des grands iris, la répartition des exploitations se fait par niches. On en compte au moins quatre, plus quelques sites plus dispersés.

Le voyage dans la terre promise des iris suivra donc le chemin tortueux des montagnes et des rivières. Point de départ, les confins de l’Idaho et de l’Oregon, au cœur des Montagnes Rocheuses, à environ 500 km de l’Océan Pacifique. Dans cette région de hauts plateaux les rivières errent à la recherche d’un passage qui leur permettrait d’atteindre la mer. Souvent elles n’en trouvent pas et terminent leur cours dans un lac sans issue, où elles se perdent. Il n’y a que les plus puissantes qui finissent par trouver leur chemin, au prix de détours innombrables. A vrai dire, il n’y a qu’une issue possible et toutes les eaux se résignent à rejoindre la Columbia, et à traverser par une gorge impressionnante la chaîne des Cascades puis la chaîne côtière (Coast Range). La Snake River fait partie de ces errantes. Elle naît dans le parc de Yellowstone, bien connu, traverse d’Est en Ouest l’Etat d’Idaho puis, à partir de la région de la capitale, Boise, après le confluent avec la Owyhee River, remonte vers le Nord sur 300 km, avant de reprendre la route de l’Ouest et, plus de 100 km plus loin, se mêler à la Columbia. Sur son parcours et dans les vallées adjacentes on découvre trois stations d’iris. Un gros nid tout d’abord à proximité de Boise : Nampa, Parma (où se trouve la pépinière de Lucille Pinkston, une hybrideuse qui a obtenu l’étrange OWYHEE DESERT (96) et quelques autres variétés de qualité) et surtout Caldwell. Neil Mogensen y est installé. Ce n’est pas qu’il inonde le marché avec ses iris, mais SGT. PEPPER (74) puis POWER WOMAN (2003) ont attiré l’attention sur son travail. En moins de cinq ans, Keith Chadwick s’est fait une place. Ses iris, auxquels il donne en général des noms commençant par le mot « oasis » parce que sa pépinière, Sand Hollow Iris Gardens, se situe Oasis Road, lui valent la reconnaissance de ses pairs. Tony et Irene DeRose sont plus connus pour leur pépinière, Riverview Iris Garden, que pour leurs obtentions encore rares. Riverview est maintenant une importante affaire, avec une offre de plus de 9000 variétés d’iris à barbes !!

Là où la Snake tourne à l’ouest, près de Lewiston, se tenait dans les années 60 une obtentrice de premier plan, Eva Smith. Elle est un peu oubliée de nos jours, mais nous lui devons des gloires de nos jardins comme GOLDEN DELIGHT (59), GRACIE PFOST(58) ou ORANGE CHIFFON (69). Lewiston est située à la frontière entre l’Idaho et le Washington. En allant avers l’ouest avec la rivière, on atteint la région de Walla-Walla. C’est là que vivait Hazel Schmelzer, à qui nous devons par exemple CAPTAIN GALLANT (57) ou HOPE DIVINE (57). A quelques kilomètres plus au sud, et dans l’Etat d’Oregon cette fois, se trouve Milton-Freewater. Opal Brown, une obtentrice de tout premier ordre, y avait sa pépinière. De là sont partis des iris qui ont fait le tour du monde, valant à leur auteur une superbe renommée et de jolis succès commerciaux. Il faut se souvenir de BARCELONA (67), BLUE LUSTER (73), BUFFY (69), FULL TIDE (72), GYPSY LULLABY (60), SALMON RIVER (71), mais avant tout de QUEEN OF HEARTS (74) qui faillit obtenir la Médaille de Dykes en 81, et de WINTER OLYMPICS (63) qui l’avait décrochée en 67.

Près du confluent avec la Columbia se trouvent Kennewick et Richland. C’est la résidence de la famille Fort (Dan, Lyle et Les), à qui l’on doit CHOCOLATE MARMALADE (90) et INCAN LEGACY (91) et de Gerald Richardson. En moins de quinze ans, G. Richardson est devenu une figure de l’hybridation. Dès LUCILLE RICHARDSON en 92, on devinait que cette fleur devait être le début d’une belle lignée. GRACE WHITTEMORE (97), puis T-REX (2002) confirment cette impression. A Richland, Margaret Parker, qui n’a pas fait parler d’elle autrement, a obtenu l’orange SUPERSIMMON (77), qui lui vaut encore d’être connue partout dans le monde.

Avant de descendre vers les basses vallées, continuons de parcourir le plateau de la Columbia, dont on va remonter le cours indécis. Wenatchee se trouve au centre de l’Etat de Washington. Son prestige a un peu baissé aujourd’hui mais elle a eu ses heures de gloire au cours des années 60 et 70. Jack Boushay, de Cashmere, petite ville voisine, a obtenu des iris réputés : ADDED PRAISE (76), ANOINTED (75), EMMANUEL (78) ou PRAISE THE LORD (72) ; Luella Noyd s’est fait connaître entre autres pour ses iris dans les tons de vert, comme FLUTED LIME (66) et PRIDE OF IRELAND (71) mais aussi pour avoir eu le flair de pressentir l’intérêt de DEBBY RAIRDON (Kuntz 65 – DM 71) et de s’en assurer l’exclusivité ; Gordon Plough, parmi les obtenteurs les plus prisés, est l’auteur de nombreux cultivars qui ont été autant de succès commerciaux. Il mérite bien qu’on cite une dizaine de ses obtentions : JAVA DOVE (64), MILESTONE (65), PUNCHLINE (68) et STUDY IN BLACK (68), BEAUX ARTS (69) et SON OF STAR (69), WINNER’S CIRCLE (72), INTERPOL (73), FREEDOM ROAD (77) et pour finir RIO DE ORO (83) toujours en vente.

Au nord de Wenatchee, on passe à Grand Coulee, pays de Merle Roberts, au pied d’un des plus énormes barrages des Etats-Unis ; plus loin le cours de la Columbia arrive du Nord et du Canada, mais en remontant vers l’est son affluent la San Jose on se dirige vers Spokane puis Cœur d’Alene, dans l’Idaho, où l’on rejoint une grande dame des années 70/80, Jeannette Nelson. D’elle on cultive toujours FANTASY FAIRE (78), FOXY LADY (87), GONDOLIER (71) ou OUTREACH (71).

Un long voyage commence pour revenir vers la côte ouest. Il faut monter à plus de 1200m, à Stevens Pass, à travers la forêt caractéristique de la région, pour franchir la chaîne des Cascades puis descendre vers Seattle par la vallée de la Skykomish. Seattle, c’est le pays des avions Boeing, mais c’est aussi une très grande métropole, très humide, mais au climat plutôt doux, qui convient bien aux iris. Rex Brown, pendant les années 60 (GREEN QUEST – 59 , LA JUANA –67) tout comme Carol Lankow, récemment décédée, surtout connue pour ses iris nains, ont vécu à Kirkland, dans l’agglomération de Seattle. Elaine Bessette (Frere Andre –96, Trillion – 96) est installée à Tacoma, au sud, au fond du golfe.

Cap au sud, pour se rendre au cœur même de la terre promise, dans cette vallée bénie de la Willamette, où se trouvent les plus grands noms du monde des iris. Pourquoi cet endroit a-t-il attiré les plus grands ? La Willamette court du sud au nord dans une vaste vallée entourée, rive gauche, de la Coast Range, qui la sépare de l’Océan Pacifique, l’abrite des vents d’ouest et lui garantit des températures clémentes en toutes saisons. Sur la rive droite, c’est la puissante chaîne des Cascades avec ses sommets qui dépassent les 3000 m et arrêtent les nuées assurant des précipitations abondantes. Ajoutez que le sol est profond et volcanique, d’une remarquable fertilité, et vous comprendrez ! Vancouver est sur la rive droite de la Columbia, donc en Washington, mais, le fleuve traversé, c’est Portland, en Oregon. Vancouver, et Salmon Creek, c’est le domaine de Terry Aitken, un hybrideur qui fait parler de lui depuis le début des années 80 et qui est devenu une des figures de proue de l’AIS. Pour ne citer que quelques-uns unes de ses variétés, parlons de ORBITER (85), STELLAR LIGHTS (85), GYRO (89), PRIVATE RESERVE (93), HIGHLAND GAMES (2000). Portland, ce fut le pays de George Shoop et des Jones – Bennett et Evelyn. Le premier est connu pour ses iris à barbes rouges, comme ONE DESIRE (60), LATIN LOVER (69), BRIGHT LIFE (77), RINGO (79), SANTA (97) ou LEADING LIGHT (99). Plus éclectique, Bennett Jones nous a donné ELIZABETH STUART (71), SEA VENTURE (72), IRENE NELSON (75), ou JEANNE PRICE (77). Le chant du cygne d’Evelyn Jones a été POND LILY (94).

Dans l’agglomération de Portland se trouve la petite cité de Tigard, là où se tiennent les Craig, Jim et Vicki. Ils ont introduit plusieurs grands iris comme TOUCH OF COLOR (91) ou VOLATILE (96). Maintenant la Willamette nous accompagne dans notre tournée des grands hybrideurs. A Canby plane le souvenir de Catherine et Fred DeForest. Ce dernier a régné sur les années 50 avec des variétés aussi célèbres que BY LINE (52) ou REHOBETH (53), tous deux Florin d’Or, CHRISTMAS ANGEL (59), LULA MARGUERITE (59), et FIRST VIOLET (51), qui obtint la D.M. en 1956. A son épouse Catherine, qui prit sa succession, appartiennent ALENETTE(69) et BAYBERRY CANDLE (69). Chet Tompkins habitait aussi Canby. D’une exceptionnelle longévité, il est l’obtenteur d’un grand nombre de variétés, dans tous les domaines, avec notamment CAMELOT ROSE (65), l’inimitable OVATION (69), GENESIS (77), BANDEIRA WALTZ (83), WINDWALKER (86) ou APOLLODORUS (88). Mount Angel abrite Dave Silverberg, père de ABBEY ROAD (94). Tout à côté se trouve Silverton, où la concentration d’iris devient forte. C’était le lieu de résidence du professeur Kleinsorge, le roi des iris bruns, auteur de TOBACCO ROAD (41), CASCADE SPLENDOR (44) ou DAYBREAK (46) qui a bien failli être désigné D.M. la même année. Aujourd’hui le flambeau a été repris par les Meek ; à eux deux ils dépassent largement la centaine d’enregistrements parmi lesquels on retient des variétés qui ont eu un beau succès comme CHERRY SMOKE (78), P.T. BARNUM (79), DESERT ECHO (80), WILD CARD (83), BLACK AS NIGHT (92) ou IMAGINARIUM (93). Le talent est ce qui manque le moins au jeune encore Larry Johnson, lui aussi enfant de Silverton. HER KINGDOM (94), puis EBONY ANGEL (2000) ou TAHITIAN PEARL (2003) lui garantissent un brillant avenir. Enfin et surtout Silverton est le lieu où travaille Richard Ernst pour le compte de la plus importante pépinière du monde en chiffre d’affaires, Cooley’s Garden. Rick Ernst, c’est en vingt ans plus de deux cents variétés enregistrées, d’indéniables succès commerciaux, et des iris originaux qui n’ont pas toujours été reconnus comme tels par la profession. Pour limiter l’énumération, ne retenons que, dès le départ, AFTERNOON DELIGHT (85), maintenant universellement connu, puis les bleus tendres CLEAR MORNING SKY (91) et CLEARWATER RIVER (99), ainsi que le récent SCHIZO (2003).

Le voyage va se terminer en apothéose, à Salem, la capitale mondiale de l’iris. Parce que les trois plus grandes pépinières y sont réunies. Et sans doute parmi les plus talentueux hybrideurs du moment y trouvera-t-on Paul Black et Tom Johnson son compère, Keith Keppel, l’artiste, et les inimitables industriels qui constituent le clan Schreiner.

Paul Black a commencé sa carrière d’hybrideur dans le Middle West, à Oklahoma City. Mais une incroyable succession d’avatars malheureux l’ont contraint à abandonner l’Oklahoma. Il a eu la chance de pouvoir se réinstaller à Salem où il a commencé, à la fin des années 90, une nouvelle vie en compagnie d’un autre hybrideur, Tom Johnson. Il peut se féliciter maintenant de cette transplantation car son affaire, autant que ses hybridations, y ont gagné à tous points de vue. Ses dernières réalisations sont remarquables. DUDE RANCH (2000 – F.O. 2002), HABIT (99) ou TOM JOHNSON (96) sont là pour en témoigner. Quant à Tom Johnson, dont les premiers enregistrements ne datent que de 2000, on peut dire qu’il promet ! HOOK (2000) ou PAUL BLACK (2002) sont des variétés qui iront loin.

On ne présente plus Keith Keppel. Chacun sait qu’il a toujours été un précurseur ; mais au fil des années il a acquis une maîtrise exceptionnelle, appuyée sur des connaissances génétiques et un savoir-faire reconnus de tous. Aujourd’hui, c’est le pape des iris. Chaque année il offre aux amateurs de nouvelles variétés toujours belles et originales qui se placent d’emblée en tête de toutes les compétitions. En 2004 CROWNED HEADS (97) a emporté la Médaille de Dykes ; FOGBOUND (98) est arrivé 4eme dans la course à la Wister Medal ; WINTRY SKY (2002) a fini n° 3 de la Walther Cup ; HAPPENSTANCE (2000), SHARPSHOOTER (2000), VIENNA WALTZ (2000), FASHIONABLY LATE (98) et SOCIAL GRACES (2000) ont obtenu un Award of Merit ; CHARLESTON (2002), KITTY KAY (2002), SECRET SERVICE (2002), INSIDE TRACK (2002), BALDERDASH (2002), CRYSTAL GAZER (2002), BEL ESPRIT (2002), GAME PLAN (2002), OPEN SEA (2002) et OPPOSING FORCES (2002) ont reçu une Honorable Mention. Son IB LONDONDERRY (95) a été à deux doigts de rafler la H. and J. Sass Medal et cinq autres iris intermédiaires ont obtenu un H. M. ! Personne n’a jamais fait mieux. Son implantation récente en Oregon, après de longues années en Californie, est certainement pour quelque chose dans cet incomparable succès.

Salem, capitale administrative de l’Oregon, est aussi le siège de l’entreprise Schreiner. Il faut en effet parler d’entreprise car les Schreiner ont installé au niveau industriel l’obtention de nouveaux iris et le commerce de ces plantes. Cela fait plus de 65 ans que les Schreiner sont dans les iris, depuis le patriarche Xavier Schreiner, jusqu’à ses petits enfants, maintenant en charge de la société. Environ 600 variétés d’iris, presque exclusivement des grands, portent le patronyme Schreiner. Ils sont présents partout dans le monde, ont colonisé tous les catalogues et envahi tous les jardins. Onze fois les variétés Schreiner ont conquis la Médaille de Dykes ! BLUE SAPPHIRE (53 - DM 58), AMETHYST FLAME (57 – DM 63), STEPPING OUT (64 – DM 68), VICTORIA FALLS (77 – DM 84), TITAN'S GLORY (81 – DM 88), DUSKY CHALLENGER (86 – 92), SILVERADO (87 – DM 94), HONKY TONK BLUES (88 – DM 95), HELLO DARKNESS (92 – DM 99), YAQUINA BLUE (92 – DM 2001) et CELEBRATION SONG (93 – DM 2003). Mais SUPERSTITION (77), LACED COTTON (80) et SUPREME SULTAN (88) l’ont raté de peu. A Florence, trois Premio Firenze ont couronné des iris Schreiner : GOLD GALORE (78 – FO 82), STARCREST (83 – FO 86) et CHAMPAGNE WALTZ (94 – FO 97). Aujourd’hui il semble que, sans démériter, les iris Schreiner soient moins dominateurs. Il n’empêche qu’on ne peut pas faire mieux que de terminer un voyage, fut-il imaginaire, au pays des iris, dans le temple qu’est la pépinière Schreiner.

La brume qui recouvre souvent la région du Nord-Ouest sera peut-être présente au moment où nous quitterons cette contrée, mais elle ne masquera pas ce qui, au fond de nos yeux, constitue l’aboutissement d’un ineffable rêve.

14.5.05

VOYAGE IMAGINAIRE AU PAYS DES GRANDS IRIS
I. La Californie

Par le nombre des amateurs d’iris et celui des obtenteurs, la Californie est la terre d’élection des grands iris des jardins. Certes, le paradis est-il un peu plus au Nord, autour de Portland en Oregon, mais il n’est pas une région de Californie où l’on ne trouve des iris et, soit des hybrideurs fameux qui nous accueillent chez eux comme des amis, soit des sites emplis de nostalgie, là où opérèrent d’autres obtenteurs maintenant disparus mais que les amateurs n’oublient pas.

Partant de San Francisco, passé le Golden Gate Bridge, on arrive vite à SANTA ROSA. L’hybrideur local, c’est James Begley, dont on connaît TENNISON RIDGE (89) et PANAMA HATTIE (95). Tout près se situe SEBASTOPOL où résident Edwin et Elyse Hill, et, plus au nord, HEALDSBURG où les héritiers de l’inoubliable Monty Byers ont élu domicile, de même que les étoiles montantes que sont Anna et David Cadd, qui ont raflé en 2004 les deux premiers prix du concours de Florence (FROSTED FANTASY –2000- et MIDNIGHT MINK –2000-) . En revenant vers notre point de départ, il est facile de passer par NAPA et sa vallée célèbre pour ses vignobles, mais qui devrait aussi le devenir pour ses iris puisque John Painter, un nouvel hybrideur, s’y trouve et qu’il a beaucoup de talent (ENDEARING CHARM –2002-). Contournons la baie par l’est et arrêtons-nous à CONCORD, patrie de Carl Boswell. En remontant la vallée de la Walnut Creek, on arrive à WALNUT CREEK, là où habitent deux grands noms de l’iridophilie, Glenn Corlew, un maître des roses, de CHERUB CHOIR (68) à DESCANSO (95), et Virginia Messick dont on admire VOLTAGE (93) ou SWING AND SWAY (94). Il faut traverser la chaîne de San Pablo et descendre vers Oakland ; c’est à vingt kilomètres au sud-est que se trouve CASTRO VALLEY qui était le siège social de Larry Gaulter et le lieu où il a créé ses incontournables MARY FRANCES (73 – DM 79), PERSIAN BERRY (77) ou TIBURON (71). Puis vient HAYWARD, résidence, jadis, de Walter Luihn dont les variétés comme CALIENTE (68), SONG OF NORWAY (79 DM 86) ou BLACKOUT (86) ont fait la renommée. Traversons l’extrémité nord de la Diablo Range et retrouvons-nous dans l’immense dépression de la vallée de San Joaquin, à STOCKTON.

Pour l’amateur d’iris, STOCKTON c’est un peu comme Lourdes pour les catholiques ou La Mecque pour les musulmans. Trois des plus grands hybrideurs y ont laissé leur marque. Songez à Ben Hager, ses mythiques Melrose Gardens et ses centaines d’iris de rêve ! Trois Médailles de Dykes : VANITY (75 – DM 82), BEVERLY SILLS (79 – DM 85) et EDITH WOLFORD (86 – DM 93) ! N’oublions pas non plus Jim McWhirter à qui nos devons TEQUILA SUNRISE (78), WINTERSCAPE (84) et BRANDY (81). Enfin songeons que Keith Keppel avant de gagner les terres plus australes de l’Oregon, a vécu et travaillé ici, de même que Joë Gatty, l’homme des iris roses, à qui l’on est redevable de PLAYGIRL (77), FEMME FATALE (88) ou COMING UP ROSES (92).

Vers le nord, il n’y a qu’une cinquantaine de kilomètres avant d’arriver à SACRAMENTO, capitale de l’Etat de Californie et résidence de plusieurs hybrideurs comme Wayland Rudkin dont on entendra parler dans les années à venir ; dans la banlieue se trouve NORTH HIGHLANDS, connue depuis longtemps parce que les Dunn y ont produit leurs variétés bien appréciées comme PAGAN (73) ou CITY LIGHTS (91), mais qui est aussi le lieu de séjour de Frederick Kerr et de Joyce Ragle. Au premier on doit l’adorable QUEEN’S CIRCLE (99), à l’autre SWEET AMBROSIA (95). En se dirigeant vers les avant-postes de la Sierra Nevada, on parvient à PLACERVILLE, cher à Lloyd Austin, l’un des pères des iris à éperons. De retour à Stockton, on se dirigera vers WILTON, un peu au sud-est, où l’on découvrira le jardin de Larry Lauer, récent vainqueur de la D. M. avec STAIRWAY TO HEAVEN (93 – DM 2000) et qui n’a pas fini de faire parler de lui puisque c’est un des plus prolifiques et des plus talentueux hybrideurs d’aujourd’hui. En reprenant la route toute droite qui irrigue le centre de la vallée de San Joaquin, on passe nécessairement par Modesto puis MERCED, où demeure David Headrick (encore un nouveau venu), et où l’on bifurque vers les contreforts de la Sierra Nevada pour aller à CATHEY’S VALLEY. C’est là que se trouve un des plus beaux jardins d’iris de la région, c’est le domaine de Richard Tasco et de Roger Duncan, deux mousquetaires de l’hybridation (vous savez : « un pour tous et tous pour un »), qui nous gâtent avec SPLASHACATA (97), GOLDEN PANTHER (2000) ou HOLLYWOOD NIGHTS (2000). FRESNO n’est plus très loin ; John Weiler est installé là-bas ; nous lui devons entre autres FRESNO CALYPSO (78) et NAVAJO JEWEL (84). Cap au sud-est encore et cinquante kilomètres plus loin c’est HANFORD où officiait Carl Quadros (MADEIRA BELLE - 80), puis VISALIA dont Sanford Babson était le champion ( CHAPEAU -71 – SHIPSHAPE –69 DM 74). Un court arrêt s’impose à TULARE à la pépinière de Ed Matheny.

La visite à PORTERVILLE, tout près, sera plus longue car c’est là que Jim Gibson a produit ses fameux plicatas comme KILT LILT (70 – DM 76), LORNA LEE (66 – FO 65) ou QUEEN IN CALICO (80), et que W. B. Schortman ses grands « rouges » (CARDINAL IN FLIGHT -79). Aujourd’hui c’est le pays de George Sutton, l’auteur de plein de jolis iris comme BLUE FIN (97), BYE BYE BLUES (96) et DEVONSHIRE CREAM (99).

Finissons de remonter la vallée pour arriver à WASCO avec une pensée pour Neva Sexton et ses D.M. NEW MOON (68 – DM 73) et PACIFIC PANORAMA (60 – DM 65). LOS ANGELES n’est plus très loin, où vivait Lura Roach (SONG OF ERIN -71), mais il faut franchir la Tejon Pass avant de descendre vers la mégapole. En obliquant franchement vers l’est on se dirige vers la montagne de San Bernardino et REDLANDS où vivait S. Woodside (POP O’SHA -66 – WINGS OF DREAMS -74). Un peu plus au sud il faut faire un pèlerinage à PERRIS,pour se souvenir de Bernard Hamner et de ses obtentions mémorables comme AVALON BAY (74), CROWD PLEASER (83) et surtout WILD JASMINE (83). Ensuite, la route de San Diego passe par ESCONDIDO, le point le plus au sud de notre voyage et où flotte le souvenir de Tom Craig (BANG -55 – TABASCO -51).

Il faut maintenant revenir vers le nord, traverser de nouveau de part en part Los Angeles et prendre, au pied de Beverly Hills, la route de la côte qui nous permet de visiter Santa Monica et d’autres lieux célèbres comme Santa Barbara et San Luis Obispo avant de rattraper la côte pour un parcours exceptionnel via Big Sur, Carmel et Monterey (Ah ! Zorro !) Avant de rejoindre SALINAS et ZIGGY (97), l’étrange produit de Virginia Keyser. En continuant vers le nord on passe par FREEDOM où réside Bill Maryott, un obtenteur doué et prolifique à qui l’on doit ALMADEN (90), DEBRENEE (95), G’D MATE (87) ou LEMON FEVER (88). Au-delà ce sera l’escale obligée à SANTA CRUZ.

Comment ne pas s’arrêter chez Joseph Ghio, l’un des plus grands maîtres de l’hybridation, le champion des pedigrees compliqués et des fleurs parmi les plus élaborées. Avec plus de 300 variétés de grands iris enregistrées, et une multitude d’autres, il n’est pas facile de faire un choix et de n’évoquer que quelques-unes unes de ses réalisations. Pour faire court, en voici dix : BUBBLING OVER (82), DAWNING (95), DIALOGUE (73 – FO 75), ENTOURAGE (77 – FO 80), LADY FRIEND (81), MYSTIQUE (75 – DM 80), ROMANTIC EVENING (96), SOAP OPERA (82), STARRING (99) et WEDDING VOW (72). Chacun dans leur genre ils atteignent la perfection que seuls des très grands peuvent obtenir.

Traversons la chaîne de Santa Cruz et plongeons vers la région de San José qui n’est que l’extrémité sud de la conurbation de San Francisco. Là, passons à LOS GATOS et ayons une pensée pour Lily Gartman. Puis vient SARATOGA, séjour de John et Irene Nelson. A côté se situe CAMPBELL qui fut la ville de Maynard Knopf et reste celle de Bryce Williamson dont personne n’oublie qu’il a obtenu deux fois le Premio Firenze ( CHAMBER MUSIC (73 – FO 77) et PRINCE CHARMING –88 - FO 91) et une D.M. (JESSE’S SONG – 83 – DM 90)). Toujours plus au nord, c’est SUNNYVALE, là où demeure Manley Osborne. Celui-ci, ce n’est pas un stakhanoviste des brucelles, mais il a apporté aux amateurs d’iris des variétés à succès comme BATTLE STAR (79), GLADYS AUSTIN (85) et avant tout SKY HOOKS (80).

Désormais il n’y a plus qu’à longer l’immense baie de San Francisco et notre premier tour du pays des grands iris pourra se terminer, avec plus de souvenirs que notre tête ne peut en contenir et de quoi rêver bien au-delà des 12 heures d’avion qui nous séparent encore de Paris.

N.B. L’auteur précise qu’il n’a jamais effectué ce voyage autrement que sur la carte !

6.5.05

ZONAL ?

Nous connaissions déjà les géraniums zonales, il va falloir sans doute maintenant se familiariser avec les iris zonales. Les premiers doivent leur qualificatif au fait que leurs feuilles comportent en leur centre une partie d’une couleur différente du reste ; les seconds porteraient des fleurs de teinte bleue ou violacée, dont le centre des sépales serait orné d’une large tache absolument blanche. De temps en temps, sur le « chat » IRIS-PHOTOS, une discussion intéressante s’instaure entre les intervenants. Ce fut le cas, il y a quelques mois, lorsque Chuck Chapman, un hybrideur canadien, plutôt branché sur les iris médians, a présenté une photo d’une de ses dernières obtentions, EXIT TUNNEL, IB, 2004 (Troubadour's Song X Suky). Il développe à cette occasion une théorie concernant le type « luminata » et ses dérivés. Il en vient à définir un nouveau type de fleur, intermédiaire entre le type « glaciata », chez qui les pigments anthocyaniques sont totalement inhibés, et le type « luminata », où cette inhibition est limitée à la zone située dans la partie supérieure des sépales. Ce nouveau type, baptisé « zonal », convient à des variétés comme CLARENCE ou SUKY, c’est à dire des iris présentant sous les barbes une vaste plage blanche, qui confère à la fleur une clarté très agréable. Voici l’explication qu’il donne, et que personne ne semble contester :
« Troubadour’s Song est un SDB luminata. Cette plante a probablement un gène glaciata et trois gènes luminatas. Avec un gène luminata et trois glaciatas, nous avons le modèle luminata. Avec deux glaciatas et deux luminatas nous obtenons le type CLARENCE ou SUKY. EXIT TUNNEL doit être le maillon suivant dans la chaîne. Le spot blanc provient de l’action du gène glaciata essayant d’inhiber l’anthocyanine, et cette action s’opère à partir de la barbe. Le maillon suivant, quatre gènes luminatas, pourrait bien être soit un pur unicolore à base d’anthocyanine soit un unicolore sauf pour la barbe. Les plantes avec plus de deux gènes amoenas dominants repoussent l’anthocyanine vers le bord des pétales. Elles ont une base plus large et ne sont pas centrées sur la barbe. Pour moi elles ont un aspect différent (voir les sépales). » Il est certes bien pratique de disposer d’un mot pour désigner chaque type de fleur ; les descriptions que l’on en fait gagnent en précision et en simplicité. Mais il faut encore que chacune des désignations soit faite méticuleusement, et que la dénomination attribuée à chaque type soit connue de tous. A ce point, il semble aujourd’hui que le monde des iris manque un peu de discipline. Les termes nouveaux se multiplient, mais il n’existe pas encore de charte les régissant. D’où certaines désignations en américain, du genre « broken color » ou « space ager », d’autres en latin botanique (que les malveillants appelleraient latin de cuisine). Pour ma part je prêche pour que ces nouveaux vocables soient exprimés en latin, de manière à conserver au langage horticole un lien universel avec celui de la botanique. A ce titre le mot « zonal » n’est pas totalement satisfaisant car sous une apparence vaguement latine il reste une expression purement anglo-saxonne. Je préfèrerais, puisque le mot « iris » est du féminin, que l’on fasse usage de l’adjectif latinisant « zonalis » ou d’un néologisme qui pourrait être « zonata » . Quel que soit le terme retenu, je crois qu’il est temps que l’AIS, ce gardien du temple de l’iris, se charge de mettre de l’ordre dans cette partie de l’iridophilie.

DEVONSHIRE CREAM

Quelques jours passés en Angleterre, en Cornouailles et dans le Devon, m’ont permis d’apprécier ce qu’on appelle là-bas la « clotted cream », c’est à dire une crème épaisse, à mi-chemin entre ce que nous connaissons sous le nom de crème et ce qui devient du beurre. Cette délicate spécialité, d’une agréable couleur jaune très pâle, à peine teintée de rose, me donne l’occasion d’évoquer DEVONSHIRE CREAM (Sutton G. 99), cette délicieuse fleur dont le succès s’affirme de jour en jour.

DEVONSHIRE CREAM, le bien nommé, se présente exactement dans le coloris de la fameuse « clotted cream », avec des épaules un peu plus jaunes, une barbe jaune pointée de crème ; de larges ondulations ourlées de fine dentelle complètent une fleur très gracieuse, toute en délicatesse. Dès son apparition sur le marché, il a rencontré la faveur des amateurs et des juges qui lui ont accordé un Award of Merit dès 2004. Dans la foulée il est entré au Symposium (cet incontournable indice de popularité) de 2005, d’emblée à la 45eme place, ce qui laisse à penser qu’il va très vite atteindre le top 10 de ce classement. Pour ma part, je suis intimement persuadé qu’il va falloir tenir avec lui dans les prochaines compétitions pour la Dykes Medal.

DEVONSHIRE CREAM résulte du croisement de ELIZABETH POLDARK (Nichol 90) par SIMPLY PRETTY (Gatty 85). Le premier est blanc à barbes jaunes, le second est jaune primevère, plus clair au coeur. L’un et l’autre viennent de bonne famille : pour ELIZABETH POLDARK il s’agit de MARY FRANCES (Gaulter 73 – DM 79) X PARADISE (Gatty 80), pour SIMPLY PRETTY, d’un mariage entre un produit de BONBON (Gatty 77) par le couple (DREAM AFFAIR (Gatty 78) X SUN CITY (Hamner 74)). On ne décrit plus MARY FRANCES parce que tout le monde possède cet iris mauve tendre, ni même PARADISE, qui est l’un des roses de Gatty des plus célèbres. BONBON est un peu moins connu, mais il fait aussi partie de la grande série des roses de Gatty. Quant à SUN CITY, c’est l’un des jaunes d’or les plus réussis de son époque et son « père » est NEW MOON (Sexton 68 – DM 73). DREAM AFFAIR est celui des ascendants de DEVONSHIRE CREAM dont les couleurs ce rapprochent le plus de celles de ce dernier : un crème avec de grosses barbes jaunes. Par l’intermédiaire de son parent PLEASURE FAIRE (Gatty 73), rose orchidée, il provient d’AMETHYST FLAME (Schreiner 57 – DM 63). On compte ainsi trois vainqueurs de la DM parmi les proches ancêtres de DEVONSHIRE CREAM, ce qui lui fait un beau CV !

Depuis NEW MOON, trisaïeul de DEVONSHIRE CREAM, en 1974, aucun iris jaune n’a obtenu la Médaille de Dykes. Je parierai volontiers qu’après les errements de ces dernières années, la fraîcheur et la grâce de DEVONSHIRE CREAM vaudront bientôt à celui-ci les faveurs de juges et la gloire suprême. Encore un peu de patience pour en avoir le cœur net !