31.1.14

SEVENTIES

Les années 1970 ont été celles d’une certaine apogée dans l’hybridation des grands iris. Des obtenteurs d’une grande notoriété y ont atteint le sommet de leur art.

2.      Jean Cayeux 

Jean Cayeux n’a pas fait que reprendre le flambeau tenu haut par son grand père. Il a créé un grand nombre de variétés qui ont atteint une renommée internationale ; son ‘Condottiere’, en particulier, fait partie des iris les plus connus et utilisés en hybridation partout dans le monde. Il a sa place au Panthéon des iris.
Voici quatre de ses créations :


· ‘Banderille’ (1979) 


· ‘Mascarade’ (1978) 


· ‘Piroska’ (1976) 


· ‘Vahiné’ (1979)

PIÈGE D’IDENTITÉ

Les discussions qui interviennent sur le forum de la SFIB m’interpellent régulièrement. Un sujet récurrent est celui de l’identification de fleurs qui ont perdu leur nom. Beaucoup de gens publient des photos et demandent si quelqu’un peut identifier l’iris présenté. Indépendamment du fait que la photo est quelquefois de qualité médiocre, se posent plusieurs questions :
- quel est l’intérêt d’une telle identification ?
- quel peut être le degré de fiabilité de l’opération ?
- quel risque prend-on en proposant une identité ?
- doit-on encourager ce genre de recherche ?
Essayons de répondre à ces interrogations.

Ce qui pousse les possesseurs d’une variété sans identité connue à essayer de découvrir, ou retrouver, cette identité, c’est le plus souvent le désir de reconstituer quelque-chose qui a été endommagé. Un parent, un ami, un voisin nous a donné un morceau de rhizome mais il ne sait pas ou a négligé de conserver le nom de la variété ; dans le jardin d’une grand’mère ou d’une autre personne, généralement décédée, nous avons admiré un iris et nous voudrions l’inclure dans une collection, mais c’est délicat de le faire si le nom est perdu ; au cours de manipulations (transplantation, déménagement) ou d’accident de jardinage, une identité a disparu… Ce sont des motivations extrêmement louables et sympathiques, et il est vrai que c’est rageant de devoir remplacer un nom par un point d’interrogation. Vouloir combler la lacune présente donc un intérêt indéniable.

 Mais, en admettant que quelqu’un propose un nom, quel peut être le degré de fiabilité de cette proposition ? Pour ma part je pense qu’elle est très faible et que la seule certitude que l’on puisse avoir c’est que la fleur présentée ne s’appelle pas comme ceci ou comme cela car elle ne se présente pas comme celle dont on veut lui donner le nom. Sur le forum « Irises Cubit », qu’elle anime, Denise Stewart, obtentrice et juge américaine, a publié une chronique édifiante sur ce sujet. Elle évoque les divers obstacles qui se dressent devant celui qui veut procéder à l’identification. Elle en voit un premier dans la qualité même des photos présentées qui varie en fonction des appareils de prise de vue, des conditions de réalisation des photos (ensoleillement, heure de prise de vue), des manipulations effectuées par le photographe et de la fidélité de l’écran des ordinateurs. Elle parle d’un test qu’elle a fait effectuer à des juges patentés de l’AIS avec 5 photos d’iris roses pour lesquelles elle a proposé une liste de 12 noms possibles. Il n’y a jamais eu plus d’une ou deux réponses correctes ! Elle ajoute les conditions de culture de l’iris photographié (sol, climat, engrais ou pesticides). Elle conclut donc que toute identité supposée est trop aléatoire pour être prise pour argent comptant. Je corrige cependant en disant que certaines variétés, particulièrement caractéristiques par la couleur ou la forme de leurs fleurs peuvent être identifiée de façon certaine : il n’y a pas trop de risque à confondre, par exemple, « Thornbird » avec qui que ce soit d’autre, mais les cas de ce genre sont peu nombreux.

Si l’on en croit cette spécialiste, il y a donc un risque certain d’erreur qui peut avoir des conséquences d’une gravité que Denise Stewart qualifie de majeure. En particulier si, après une pseudo-identification, la variété est mise en vente ou même distribuée par échange. Dans ce cas, la variété dont l’identité est erronée risque de se substituer à la véritable variété portant le nom, et de semer le doute chez les différents possesseurs. Elle y ajoute un risque que je trouve encore plus grave, c’est celui de l’utilisation en hybridation d’une variété sous un nom erroné. Dans un tel cas, la fiabilité du pedigree se trouve sujette à caution ; Dee Stewart insiste pour que, dans un tel cas, la description des origines précise bien que le parent dont l’identification n’est pas certaine soit qualifié de « parent inconnu ». C’est une attitude que j’ai déjà évoquée dans ces colonnes, qui n’a rien de regrettable et qui est pratiquée par les plus grands hybrideurs lorsqu’ils ont un doute. Denise Stewart fait ainsi remarquer que c’est celle qui a été adoptée par Barry Blyth pour son
« Who’s Your Daddy ».

Elle se montre donc très restrictive. Elle dit : « If you like the flower blooming in your garden keep it and enjoy it. – Si vous aimez la fleur qui pousse dans votre jardin gardez-là et profitez-en. » Mais ne la vendez ou ne la distribuez pas autrement qu’en précisant que sa véritable identité n’est pas avérée. A ce stade de son exposé, elle déplore le peu de fiabilité des noms des plantes vendues en grandes surfaces et elle donne ce conseil de bon sens : « Si vous ne vous souciez pas du nom de ce que vous achetez, cela n’a pas d’importance, mais si le nom vous intéresse, achetez plutôt vos iris chez les spécialistes. »

En résumé, doit-on chercher coûte que coûte à identifier un iris qui a perdu son nom ? A mon avis, non, même si ce petit jeu peut être amusant. Se contenter de l’incertitude sera la preuve d’une prudence scrupuleuse.

 Illustrations : 


 ‘Thornbird’(Byers,1989) 


‘Who’s Your Daddy’(Blyth B. 2000) 


‘Rembrandt Magic’ (Blyth B., 1992) (deux photos radicalement différentes : laquelle est la bonne ?)

IN MEMORIAM

CLARENCE Everett MAHAN 


Pour le concours FRANCIRIS de 2007, c’est Clarence Mahan qui devait venir des Etats-Unis pour participer au jury. Il avait été pressenti en raison de sa notoriété (ancien Président de l’AIS), de sa parfaite connaissance du métier de juge, et de son aptitude à s’exprimer en français. Mais à la dernière minute il s’est désisté, en raison de l’état de santé de son épouse. Quelques soient les mérites de Roy Epperson qui l’a remplacé, les collectionneurs français regretteront sûrement de n’avoir pas pu faire la connaissance de cet important personnage. Car ce n’est pas quelqu’un d’ordinaire, tout particulièrement dans le domaine des iris, un domaine qu’il a abordé assez tard dans sa vie puisqu’il n’a rejoint l’AIS qu’en 1980, à l’âge de 41 ans. Mais son parcours dans ce domaine a été particulièrement rapide et riche.

C’est un de ces Américains de la côte Est, un pur WASP (White Anglo-Saxon Protestant, sigle qui, selon Wikipedia, « désigne les blancs américains d'origine anglaise et protestante dont la pensée et le mode de vie furent structurels pour les États-Unis. » Il est né dans l’Ohio, dans le village de Bloomer, lequel est à quelques kilomètres de Versailles, un autre village, à la limite ouest de l’Etat, qui doit son nom à la présence au début du 19eme siècle de nombreux immigrants français. Après son baccalauréat, en 1956, il rejoint l’armée américaine et est envoyé en Corée, où il fera la connaissance de son épouse, Suky, employée comme traductrice par l’armée américaine. Il dira d’elle : « Ses qualités et sa beauté ont enrichi ma vie au-delà de toute mesure. » L’amour de sa vie l’a accompagné jusqu’à son dernier jour, lorsqu’il s’est éteint, emporté par une insuffisance respiratoire…

Dans le monde des iris, il a tenu une place exceptionnelle, c’est pourquoi sa disparition a été aussi durement ressentie. Dans le domaine de l’hybridation, malgré un nombre restreint de nouvelles variétés, il fut un obtenteur talentueux, avec seulement 28 enregistrements dans à peu près toutes les catégories, mais avec quelques grands succès comme son petit MTB ‘Reminiscence’ qui a obtenu la Médaille Williamson-White en 2002. Son autorité naturelle inspirait la reconnaissance et le respect, ce qui a toujours conduit ceux qui le connaissaient à lui faire confiance pour les diriger. Ses connaissances professionnelles, acquises dans son activité de fonctionnaire à l’Agence de la Protection de l’Environnement, concernaient non seulement les iris mais aussi plusieurs autres plantes allant des betteraves aux narcisses et aux glaïeuls. Cependant c’est dans l’irisdom que ses compétences se sont affirmées. Elles concernaient aussi bien les iris botaniques que les hybrides, leur développement et leur histoire. Son ouvrage, « Classic Irises and the Men and Women who Created Them » fait maintenant partie des œuvres de référence que tout iridophile se doit de posséder. Ajoutez à cela son engagement indéfectible envers l’AIS dont il fut le Président de 1998 à 2001, et vous comprendrez pourquoi sa disparition a été un tel choc.

Comme on dit de façon bien banale, ainsi que le note Mike Lowe dans son hommage, « le monde s’est appauvri avec cette disparition » . C’est une vérité dont tout le peuple des iris est maintenant pleinement conscient.

Illustrations : 

 · ‘Reminiscence’ (1994) 


· ‘Suky’ (1991) 


· ‘Lady Bird Johnson’ (1996) 


· ‘Christiane Elizabeth’ (1997)

24.1.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Une bonne adresse 

Nicole Barreau, une grande amie des iris et une photographe de grand talent, a renouvelé son site. La nouvelle présentation est magnifique. Allez voir à nicolebarreau.net.perso.sfr.fr/iris/index.html .

Catastrophe naturelle 

La pépinière « Iris en Provence », située à Hyères, près du Gapeau, a été gravement endommagée par la crue du ruisseau. Je souhaite beaucoup de courage à Laure Anfosso et à sa famille pour se remettre de ce coup du sort. Cela me rappelle une précédente crue, et l’anecdote autour de ‘Calamité’.

SEVENTIES

Les années 1970 ont été celles d’une certaine apogée dans l’hybridation des grands iris. Des obtenteurs d’une grande notoriété y ont atteint le sommet de leur art. Pendant quelques semaines nous allons faire connaissance avec certains d’entre eux. 

1. Gordon Plough 

Gordon Plough est né en 1909 à Wilbur, au centre de l’Etat de Washington (côte ouest). Après des études d’architecture, il n’a trouvé de travail (on est dans les années de la grande crise) que chez son père, pépiniériste à Wenatchee. Il y restera, s’intéressera aux iris, et vers la quarantaine, se lancera dans l’hybridation. Les iris obtenus par Gordon W. Plough, pour œ qui est de leur aspect, sont des plantes caractéristiques, pas très grosses, en général pas trop frisées, simples comme leur créateur, sans vraiment de fantaisie, mais aussi sans excès. Sans doute de ce fait n’ont-ils pas rencontré un engouement considérable de la part des juges dans les concours de l’AIS, malgré cela ils ont connu un formidable succès commercial à travers le monde.

En voici quatre :

· ‘Interpol’ (1973) 


· ‘On the Go’ (1974) 


 · ‘Secret Society’ (1973) 


 · ‘Winner’s Circle’ (1972)

CAFÉ OU CHOCOLAT ?

Vous, les amateurs de café, que préférez-vous ? Une noisette ou un cappuccino ? Vous allez forcément trouver ce qu’il vous faut parmi les 1500 variétés enregistrées par Barry Blyth en 50 ans de carrière ! Pour ma part, j’en ai retenu dix, sans doute n’est-ce qu’une petite partie de ces iris dans les tons de beige ou de beige rosé qui constituent un aspect du travail de leur obtenteur. J’aurais voulu trouver un lien généalogique entre ces divers cultivars, mais je n’ai pas eu de chance : à peine un ou deux liens, très ténus, dont on ne peut pas tirer de règle générale. Ce qui va suivre sera donc plutôt une énumération qu’un tissu de lignes entrecroisées.

 La plus ancienne variété à laquelle je me sois intéressé s’appelle ‘Inner Journey’ (1995). Je puis l’apprécier chaque printemps car elle figure dans ma collection et se montre d’une parfaite fidélité. Pour ce qui est de la couleur, elle correspond exactement à ce dont je veux parler aujourd’hui. Elle est décrite ainsi : « Pétales bruns légèrement infus de violet ; sépales bruns lavés de violet, plus foncé vers les barbes moutarde clair, épaules ocre doré. » Le brun en question est plutôt clair et s’apparente, à mon avis, à du brun noisette. Son pedigree s’écrit (Dance Man X Rembrandt Magic). C’est l’un des dix frères de semis obtenus à partir du croisement indiqué : un record. En dehors de ce cultivar aucun de ces frères ne se ressemble et ne correspond à la couleur choisie. A noter que ‘Rembrandt Magic’, (Blyth, 1992) est qualifié de « brun café » par son obtenteur, mais je ne l’ai jamais vu en réalité et il est impossible de se faire une idée de sa véritable couleur en se fiant aux seules photos publiées ici ou là : il n’y en a pas deux qui se ressemblent ! Où est la vérité ?

 ‘Arc of Colours’ (1998), qui se trouve aussi dans mon jardin, est davantage du côté chocolat. Autrement dit c’est un proche de la précédente variété, mais dans un ton plus soutenu, avec un large spot mauve sur les sépales. Plus officiellement c’est : « Pétales mélangés de brun et de bleu lavande électrique ; sépales ocre centrés de violet électrique brillant, avec un liseré de la couleur des pétales ; barbes bronze. » Pedigree : (Plume d'Or X Cafe Risque sib) ; la coloration obtenue n’était pas, a priori, prévisible.

 ‘Touch of Mahogany’ (1999) est bien d’un brun chocolaté, mais deux empreintes acajou décorent les épaules. C’est un coloris très agréable et original. Pedigree : (Chestnut Avenue X Copatonic ) : les parents sont de couleur nettement plus foncée, mais déjà dans les tons de marron.

‘Stop Flirting’ (2002) fait-il partie des bruns café, noisette ou chocolat ? Blyth le décrit comme gris-beige, imprégné de violet. Il a raison : les couleurs sont un peu fades, mais la plante est magnifique et a été plusieurs fois croisée avec succès pour donner des plantes aux couleurs tirant vers le brun café. Deux vont être décrites ci-dessous, mais on aurait pu aussi en évoquer trois autres : ‘Rubenesque’ (2009), ‘Nothing but Class’ (2011) et ‘Smoking Aces’ (2011), toutes trois aux limites des critères choisis.

‘Coffee Trader’ (2004) – (Mighty Cool X Stop Flirting) est tout à fait dans la note : « Pétales dans les tons de café au lait avec un peu de violet clair sur les côtes ; sépales café au lait largement imprégné de violet sous les barbes ; brillantes barbes orange mandarine. »

‘Amber Essence’ (2006) : si l’on s’en tient à la description donnée par Barry Blyth, cette fleur serait d’un brun saumoné. Je la trouve plus brune que saumon, c’est pourquoi je l’ai placée dans cet échantillonnage. C’est un coloris riche et agréable, plutôt rare. Il correspond en tout cas à ce que l’on pouvait attendre du croisement (Candy Clouds X Love Actually), associant un rose tendre et un brun-rouge terre cuite remarquable.

 ‘Just Crazy’ (2007). Il y a beaucoup de crème dans ce café-là, mais l’ensemble, clair et original avec ses veines sombres sur les sépales, ajoute une nouvelle teinte à la palette des iris.

‘Lord of Mayfair’ (2009) est un très joli iris où les tons de chocolat et d’acajou se juxtaposent. Il tient de son parent masculin, ’Decadence’, une forme très ondulée et riche, mais sans excès, qui lui donne beaucoup de charme.

‘Dragon Dance’ (2010) est décrit ainsi : « Pétales d’un riche brun–café ; sépales identiques, avec une grosse zone violacée sous les barbes bronze orangé éteint. » Une fleur splendide, bien dans la tradition de B. Blyth, avec des pétales qui vont en s’évasant vers le haut. Son pedigree associe ‘Stop Flirting’, déjà cité, et le violet sombre ‘Thundermaker’. On terminera ce tour d’horizon avec ‘Jealous Guy’ (2009), seulement commercialisé en 2011 par Keith Keppel. On y retrouve sur un fond entre café et chamois, des infusions de mauve lavande plus marquées au cœur de la fleur et sous les barbes, épaisses, d’un orange tango brillant. Le pedigree ((Puff the Magic x ((Enjoy the Party x Kathleen Kay Nelson) x Calling)) X Apricot Already) a priori ne laisse pas attendre un pareil coloris, au demeurant très voisin de celui de ‘Dragon Dance’.

 La proposition « café ou chocolat ? » convient très bien à l’offre ci-dessus. Les différents mélanges apportent un coloris assez nouveau dans nos jardins, à la fois riche et onctueux, comme celui que l’on aime retrouver dans nos tasses.

Illustrations : 


· ‘Inner Journey’ 


· ‘Arc of Colours’ 


· ‘Coffee Trader’ 


· ‘Jealous Guy’

17.1.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Bouillonné


L’internaute de l’Iowa qui se fait appeler ARUBA 1334 (et qui fait de fort jolies photos que j’utilise souvent), présente un cliché de ‘Just Witchery’ (Blyth, 2011) comme étant celui de l’iris le plus « bouillonné » qu’il ait jamais vu. Le fait est qu’on peut difficilement faire plus ! Question : comment cet iris fait-il pour s’ouvrir ? C’est un problème avec ces fleurs outrageusement chiffonnées. Vraiment de la sorcellerie !

L'ECHELLE DE JACOB

‘KILT LILT’ (Jim Gibson, 1970) 

Comme ‘Bride’s Halo’, dont on a remonté l’arbre généalogique précédemment, ‘Kilt Lilt’ a triomphé dans la course aux honneurs (en 1976). Comme lui il a vécu une vie brillante, facilitée par ses couleurs éclatantes et ses formes parfaites. Comme lui il a une variété française parmi ses ancêtres, deux, même, puisque ‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) est issu de deux iris bien français, ‘Fakir’ (F. Cayeux, 1933) et ‘Ferdinand Denis’ (F. Cayeux, 1930). Comme lui, ces variétés françaises se rencontrent dans les deux branches de l’arbre généalogique.

 Fakir > Madame L. Aureau > Gibson Girl > Taholah sib > Flashing Gem > x > x > x > Kilt Lilt
Fakir > Madame L. Aureau > x > x > x > Henna Stitches ------------------------|
Fakir > Madame L. Aureau > Gibson Girl > x > Taholah > Wild Ginger > Golden Filigree > Kilt Lilt

‘Fakir’ (F. Cayeux, 1933) est déjà un iris plicata. Un plicata dans les tons de violet et indigo, plutôt chargé, où le fond blanc n’apparaît qu’aux épaules des sépales.

‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) est une référence en matière de plicata. On peut même dire qu’il n’y a guère de plicata actuel, du moins dans les tons autres que bleu ou violet, qui n’en porte pas les gènes. Car sa couleur n’est pas le bleu bien connu, mais un rose violacé original, dont on sait maintenant qu’il a pour origine le fond légèrement crémeux, lequel, associé aux pigments bleus du liquide intercellulaire, donne optiquement cette couleur différente.

‘Gibson Girl’ (Gibson, 1949) constitue une des bases du travail de son obtenteur avec les plicatas « rouges ». Les dessins typiques du modèle sont lie-de-vin et le fond, qui semble blanc, doit néanmoins contenir une dose de pigments caroténoïdes, tout au moins vers les bords.

‘Taholah’ (Gibson, 1956). Cette fois le côté crémeux du fond est visiblement présent. De ce fait le coloris des dessins plicatas tourne nettement au brun-rouge. Cette variété fait partie des plicatas de légende, tant il a été souvent utilisé en hybridation (plus de 30 fois, à la première génération –F1-).

‘Flashing Gem’ (Gibson, 1963). Ce descendant des deux précédents est un plicata violacé sur fond jaune.

‘Henna Stitches’ (Gibson, 1960) a acquis les calmes ondulations typiques de son époque. Il se présente en jaune pâle, griffé et bordé de brun clair un peu rosé. C’est un splendide plicata classique dans son aspect général.

‘Wild Ginger’ (Gibson, 1962) ne diffère pas profondément du précédent si ce n’est que les dessins plicatas en sont un peu plus chargés et enrichis d’une flamme assortie au centre des sépales, un trait que l’on retrouve nettement chez ‘Kilt Lilt’.

‘Golden Filigree’ (Gibson, 1964) a hérité de ses deux parents, ‘Henna Stitches’ et ‘Wild Ginger’ une couleur de dessins nettement rousse, et même décrite comme « orange brûlé » (je n’ai pas trouvé de photo) sur un fond qui, bien que blanc, doit contenir des traces de caroténoïdes.

Aux dires de Jim Gibson lui-même, il avait en tête le nom de Kilt Lilt et il a cherché à obtenir un iris qui aurait les traits qu’il imaginait : une fleur aux couleurs des tartans de ses ancêtres écossais, avec suffisamment d’ondulations pour figurer le balancement d’un kilt autour de la taille de celui qui le porte. La couleur viendrait de la branche maternelle, celle de ‘Flashing Gem’, les ondulations seraient la participation de ‘Golden Filigree’, mais ses propres couleurs, plutôt vives, ne sont certainement pas étrangères à la brillante combinaison qui sied si bien à ‘Kilt Lilt’.

 De génération en génération, cette lignée de plicatas a abouti à un iris superbe à tous points de vue qui n’a pas volé la récompense suprême qui lui a été accordée.

(à suivre)

LE TROISIÈME MONDE Deuxième partie

On a évoqué la Nouvelle-Zélande qui a pris rang parmi les pays d’iris à partir des années 1940. On va parler maintenant de l’Australie.

Cette partie du monde n’a véritablement commencé à se faire connaître des amateurs d'iris qu’à partir de 1960, mais elle y a rapidement pris une place prépondérante. Les noms de John Baldwin, Robert Harding ou Leslie Donnell ne sont pas étrangers aux collectionneurs français. Ce sont des obtenteurs semi-professionnels qui ont eu leur moment de célébrité entre 1960 et 1990. De John Balwin on connaît ‘Jolimont’ (1989) qui a remporté la Dykes Medal of Australasia l’année de son enregistrement, et peut-être encore mieux ‘Como Queen’ (1977) que l’on trouve toujours dans quelques jardins européens. Robert Harding a fait sensation en 1986 avec ‘Penchant’ qui a été qualifié de nouveau ‘Babbling Brook’, mais son meilleur iris est sans doute ‘Pemcaw » (1994), en blanc pur. Leslie Donnell est encore mieux connu chez nous parce qu’il a été distingué par deux fois à Florence. D’abord avec ‘Light at Eventide’ (1977), classé en numéro 2 en 1976, puis avec ‘Coonalpyn’ (1995) classé n° 3 la même année. Mais son plus joli est peut-être le jaune ‘Marshlight’ de 1983.

Cependant ce ne sont pas ces noms-là qui viennent à l’esprit lorsqu’on évoque l’Australie, mais ceux de Barry Blyth et de Graeme Grosvenor.

Le premier est installé dans le sud du pays, près de Melbourne, le second habite dans la banlieue de Sydney, plus au nord-ouest.

Blyth a commencé son travail d’hybrideur au début des années 1960 et il s’est rapidement imposé dans le monde des iris comme le spécialiste des variétés bicolores. Son nom a fait le tour du monde en même temps que son entreprise prenait de l’extension et atteignait une taille considérable. Elle fait maintenant partie des plus importantes pépinières du monde et chaque année il met sur le marché un grand nombre de nouveautés toutes plus belles les unes que les autres, et, surtout, marquant souvent une étape majeure dans l’évolution de l’hybridation des iris. Depuis très longtemps il s’est donné pour but de parvenir à l’amoena rose parfait et il est effectivement près d’atteindre cette perfection. Au fil de ses innombrables croisements il a obtenu des variétés de tous les modèles et de toutes les couleurs, dont certaines sont devenues mythiques. ‘Cabaret Royale’ (1976), ‘Neutron Dance’ (1987), ‘Electrique’ (1993), ‘Decadence’ (2004) font partie de ces incontournables. Avec plus de 700 variétés enregistrées, son empreinte sur l’horticulture des iris est marquée à jamais : il a rejoint et peut-être dépassé les grands hybrideurs américains comme Paul Cook ou Orville Fay.

Venu un peu plus tard dans le monde des iris, après une carrière de professeur de math, Graeme Grosvenor n’est certainement pas parvenu au niveau de son illustre rival, mais il s’est créé une réputation d’obtenteur inventif et sérieux. Pour qui s’y connaît un peu, ses iris ne ressemblent pas à ceux de Blyth : plus classiques de forme, plus sages de coloris, ils atteignent une sorte de perfection formelle appréciée partout. ‘First Movement’ (1990), ‘Ribands’ (1993), ‘Helen Dawn’ (1998) ou ‘Rusty Taylor’ (2009) sont emblématiques de son style. Si l’on devait faire une comparaison, on pourrait dire que les iris de Grosvenor s’apparentent à ceux de Schreiner aux USA ou de Cayeux en France, alors que ceux de Blyth on beaucoup de points communs avec ceux de Keith Keppel, avec lequel d’ailleurs il partage amitié et complicité.

Dans le sillage de Barry Blyth, certains membres de sa famille se sont essayés à l’hybridation (un peu comme dans la famille Anfosso, en France) avec un réel succès. Notamment Lesley Blyth, première épouse du maître, ou son fils Timothy.

 Les deux majors australiens atteignent un âge respectable. D’autres hybrideurs, plus jeunes, apparaissent dans leur paysage. Ils sont loin d’avoir atteint la renommée des deux champions, mais ils ont encore le temps de faire leur trou ! Kevin Nilsen, a enregistré une cinquantaine de grands iris dans les années 1990, mais a disparu. Sue Stribley a fait son apparition au début des années 2000 ; elle a maintenant une trentaine de variétés à son compteur. Ann Head et Colleen Modra, deux voisines, de la région d’Adélaïde, se sont lancées récemment dans le grand bain –voir le ‘Foxymoron’ de C. Modra -.

 Nul ne peut dire ce que sera l’avenir irisarien de l’Australie, mais à l’heure actuelle sa place est au premier rang.

 Et tout ce qui précède ne concerne que les grands iris. Il ne faut pas négliger le fait que l’Australie est avant tout la patrie des iris de Louisiane. Dans ce domaine des personnalités comme John Taylor (beau-frère de G. Grosvenor) et Heather Pryor, ont également atteint le zénith de leur spécialité. On en reparlera un jour dans ces pages.

Illustrations : 


‘Como Queen’ (Baldwin, 1977) 


‘Glamorama’ (Blyth B. 2009) 


‘Rusty Taylor’ (Grosvenor, 2009) 


‘Foxymoron’ (Modra, 2009)

10.1.14

OU SONT LES DAMES D’ANTAN ?

Dernier feuilleton de la série.

VIII      Bernice ROE 

Avec Bernice Roe se termine ce petit tour parmi les grandes dames des iris. Cela va finir sur une note d’espoir, espoir dont l’emblème est la couleur verte, celle dont Mrs. Roe s’était fait une spécialité. Sa carrière ne dura qu’une dizaine d’années mais elle fut suffisamment brillante pour rayonner jusqu’en Europe où plusieurs de ses variétés ont commercialisées. En voici quatre.


· ‘Sunset Sky’ 

· ‘Irish Spring’ 


· ‘Vernal Falls’ 


· ‘Western Promise’

‘CATALYST’ (FDM)

Encore une variété qui n’a fait, dans mon jardin, qu’un bref passage, et que je regrette d’avoir perdue. Je l’ai achetée en 1989, je crois, chez Iris en Provence. 1989 a été une année difficile pour ma collection d’iris. C’est cette année-là qu’elle a quitté la rive gauche de la Vienne pour une transplantation sur la rive droite. Ce n’est pas la distance qui a posé problème, mais la préparation du terrain. Je n’ai pas eu la possibilité d’effectuer un bêchage profond, dans une terre qui n’était plus cultivée depuis plusieurs années. De plus l’été a été sec et chaud, comme souvent en Touraine, et le sol, argilo-calcaire, était terriblement dur ! Non content de transplanter tout le monde, j’ai ajouté un certain nombre de variétés nouvelles, parce que j’avais plus de place qu’auparavant et que cela faisait plusieurs années que je refrénais mes envies d’extension. Dans ces conditions le pauvre ‘Catalyst’ n’a sans doute pas eu les soins qu’il méritait. Il a poussé, cependant, et fleuri l’année suivante. C’est alors que je me suis aperçu que j’avais toute une bordure plantée beaucoup trop à l’ombre d’une grosse haie. De fait, les années qui ont suivi, les iris de cette plate-bande ont donné tous les signes d’un manque d’ensoleillement. ‘Catalyst’ a été particulièrement réticent à fleurir dans son coin ombreux et frais : je ne l’ai vu que deux autres fois, avant que je ne procède à un remaniement de toute la plantation. C’est cette nouvelle transplantation qui lui a été fatale…

C’est une variété sans doute un peu fragile, comme quelquefois les iris de Keith Keppel. ‘Catalyst’ (Keppel, 1979) était pourtant utile dans ma collection où je manque de beaux jaunes, clairs et francs. Il est décrit comme étant d’un jaune tournesol, plus doré à la base des pétales et plus sombre aux sépales. Comme assez souvent chez son obtenteur, il possède un pedigree plutôt compliqué : Generosity X 72-5B: ((((Frances Kent x Mary Randall) x (60-183-Q: Sexton 60 x Golden Gene)) x (Denver Mint x 60-183-O)) x (Radiant Light x (((Golden Gleam x Hallmark) x (Sexton 60: Gail x Techny Chimes)) x 60-183A))). Dans cet amas de lettres et de chiffres, il faut comprendre que le croisement n° 60-183 est mis plusieurs fois à contribution. Il est lui-même constitué de (Gail x Techny Chimes) X Golden Gene. La majorité de ses composants compte certains de ce qui se faisait de mieux en matière d’iris jaunes à cette époque :

· ‘Generosity’ (Keppel, 1978), jaune crème ;
· ‘Frances Kent’ (deForest, 1948), mêlé de jaune et de crème ;
· ‘Denver Mint’ (Knopf, 1962), jaune pur ;
· ‘Golden Gleam’ (Miess, 1950), jaune vif ;
· ‘Techny Chimes’ (Ch. Reckamp, 1955), jaune soutenu
· ‘Golden Gene’ (Quadros, 1961), jaune orangé.
Ajoutez-y une dose d’orange, pour foncer le mélange :
· ‘Radiant Light’ (Fay, 1963), vraiment orange ;
· ‘Hallmark’ (Hall, 1955), rose flamant, orangé ;
· ‘Gail’ (S. Jensen, 1955), orange profond.
Et un peu de rose :
· ‘Mary Randall’ (Fay, 1950), un des premiers vraiment roses.

Rien de révolutionnaire dans le procédé d’amélioration de la couleur, mais une manière d’ « inbreeding » traditionnelle, qui a donné un résultat à la mesure des espérances mises dans les croisements. Encore aujourd’hui ‘Catalyst’ est digne de figurer dans les meilleures collections, et j’aurais bien aimé qu’il fut encore dans la mienne.

Illustrations : 




· ‘Catalyst 


· ‘Generosity’ 


· ‘Techny Chimes’ 


· ‘Mary Randall’

LE TROISIÈME MONDE

Première partie 

Dans le langage courant on parle de l’ancien et du nouveau monde. Mais c’est là une dichotomie qui n’est pas adaptée au monde des iris. Dans ce monde là on distingue en réalité quatre mondes. Le premier, c’est l’Europe, à l’origine de l’horticulture des iris ; le second c’est les Etats-Unis d’Amérique, qui a supplanté le premier à l’occasion des guerres qui ont éloigné les Européens des iris au cours du XXeme siècle ; le troisième, celui dont il va être question maintenant, c’est l’Océanie, et plus particulièrement l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui se sont ouvertes aux iris à partir des années 1940 et se sont créé une place remarquable ; enfin le quatrième monde concerne l’ancien empire soviétique, il est apparu dès la disparition du Rideau de Fer et ne cesse de s’étendre avec un dynamisme surprenant mais sa véritable place n’est pas encore établie du fait de blocages dont l’origine est à rechercher dans la lourdeur de l’administration totalitaire.

Bien qu’elles se situent géographiquement à son exact opposé, l’Australie et la Nouvelle Zélande font partie de ce que l’on appelle globalement l’Occident. Ce sont des migrants venus d’Europe qui les ont peuplées et ils y ont apporté leur civilisation, laquelle n’a laissé qu’une portion congrue aux civilisations indigènes. Ce sont des immigrants, ou descendants d’immigrants britanniques qui ont créé là-bas leur petit monde des iris.

C’est une dame néo-zélandaise qui a amorcé la vogue des iris dans cette partie du monde. Elle a acquis une renommée mondiale au cours des années 1940/60. Elle cultivait une collection de plantes de l’hémisphère sud sur la côte sud-ouest de l’île du Nord, à peu près à mi-chemin entre la capitale, Auckland, tout au nord, et Wellington, tout au nord aussi, mais cette fois de la grande île de Sud. Elle était aussi une passionnée de l’hybridation et elle nous a donné un grand nombre de variétés dont on ne soupçonne pas toujours qu’elles proviennent des antipodes. Elle s’intéressait aux iris depuis le début des années 20. Elle a tout au cours de sa vie essayé d’obtenir de nouveaux coloris et elle s’était fixé le but d’obtenir un amoena rose parfait. Il semble qu’elle n’y soit véritablement parvenue qu’à la toute fin de sa vie trop brève, avec une variété qui fut aussi son chant du cygne : ‘Sunset Snows’ (1965). Dès son apparition cet iris a fait sensation. A Florence, en 67, il a obtenu la troisième place et celle de variété au coloris le plus original. Auparavant son ‘Pinnacle’ de 1945, une référence en matière d’amoena jaune, avait fait aussi grand bruit, et il se trouve encore dans de nombreux jardins. Dans une moindre mesure son ‘King Jester’ de 1945 fut aussi une réussite. Emily Jean Stevens a été une obtentrice féconde et les variétés qu’elle a enregistrées couvrent une période de trente années. Sa renommée s’est étendue bien loin de son île natale et, dans un moment où les transports n’étaient pas simples, elle a réussi le tour de force de placer ses iris partout dans le monde.

Après elle, et une période d’oubli, c’est Ron Busch qui a repris le flambeau. Cet homme, un peu touche-à-tout, a multiplié les enregistrements mais n’a atteint le haut niveau que dans les années 2000. Il s’est activé dans toutes les directions, et parmi ses nombreuses réalisations on peut citer ‘Irwell Tribute’ ou ‘Irwell Waltz Time’ (2010).

A la suite de ce franc-tireur de Ron Busch, c’est un couple d’hybrideurs plus jeunes qui a pris la succession. Ce sont les Nicoll, Alison et David, Leur première variété enregistrée, ‘It’s a Try’ (Alison Nicoll 99) fut peut-être un essai, mais, au pays du rugby, c’est un essai transformé, car il augurait bien de ce qui allait venir après. Les Nicoll ont déjà à leur actif un nombre important de nouveaux iris, dans un choix de coloris qui pose la question des pistes de recherche qu’ils ont décidé de suivre. Ils nous donneront encore beaucoup d’iris car ils n’ont épuisé ni leurs ressources ni leur enthousiasme. Avec eux et avec quelques autres comme le non-professionnel Eric Braybrook, qui leur tiennent compagnie, la Nouvelle Zélande continuera de tenir sa place dans le monde des iris. Une place bien plus importante que ne le laisserait supposer la faible population de cet archipel.

(à suivre) 

Illustrations : 

· ‘King Jester’ (Stevens, 1945) 

· ‘Irwell Waltz Time’ (Busch, 2010 ) 


· ‘Sphagnum’ (Nicoll D., 2005) 


· ‘Mission Song’ (Braybrook, 2010)