29.6.02

HATIFS ? TARDIFS ? REMONTANTS ?

En ce qui concerne leur période de floraison on a coutume de ranger les grands iris en sept groupes. Les Très Hâtifs, les Hâtifs, les Hâtifs Moyens, les Mi-Saison, les Moyens Tardifs, les Tardifs et les Très Tardifs.

Les iris Très Hâtifs fleurissent, ici, en Touraine, à partir de la mi-avril, en même temps que les derniers Nains Standards et les Intermédiaires ; les Hâtifs se lancent aux alentours du 25 avril, puis viennent les Hâtifs Moyens, dans les premiers jours de mai ; les iris de Mi-Saison, les plus nombreux, commencent à s’épanouir vers le 10 mai, suivis des Moyens Tardifs qui ouvrent leurs corolles autour du 15 mai ; la saison touche à sa fin quand les Tardifs se décident à fleurir : on est aux environs du 25 mai ; quant aux Très Tardifs, ils se font attendre jusqu’au 5 juin. Cela veut dire que l’on peut avoir des grands iris en fleur de la mi-avril à la mi-juin. Mais quel est l’intérêt de cet étalement ? En effet la plupart des TB (grands barbus) se situent dans les groupes HM, MS et MT. Autant dire qu’avant le début de mai, il n’y a pas grand chose d’éclos dans le jardin : une variété deci-delà, dans une mer de tiges prêtes à fleurir. Passé l’effet satisfaisant de voir apparaître les premières fleurs, le jardin d’iris n’est pas encore très intéressant. Il y a plus grave : autour de la St Georges (je crois que c’est le 23 avril) il n’est pas rare dans ma région qu’il y ait quelques jours de gel, souvent assez vif. Cette intempérie à pour effet de brûler irrémédiablement les boutons floraux fragiles au moment de s’ouvrir, de sorte que la floraison des Hâtifs ou Très Hâtifs est détruite ou très abîmée…

Passé le 25 mai, les fleurs deviennent moins nombreuses et le jardin apparaît peuplé de tiges où ne restent qu’une ou deux corolles. Le vent, la pluie ont un peu gâté la belle ordonnance des bordures, quelques panaches de feuilles commencent à sécher. C’est le moment que choisissent les iris Tardifs pour se montrer. Leur accorde-t-on autant d’attention qu’à leurs frères plus pressés ? N’a-t-on pas déjà un peu de lassitude ? Remarque-t-on leur apparition au milieu des autres qui sont encore présentables ? La chaleur est survenue, à ce moment, et les fleurs se fanent très rapidement. En quelques jours les iris des groupes moyens touchent à leur fin. Les tardifs sont encore là, mais dans un jardin plutôt dévasté, et ils sont un peu tristes, les malheureux. Les visiteurs sont repartis et ils s’épanouissent sans que personne ne se penche sur eux. Quant aux Très Tardifs, leur apparition n’a lieu que dans un champ de ruines où ils sont isolés comme les rescapés d’une bataille !

Quand j’ai commencé à cultiver les iris, j’ai cru bon de sélectionner des variétés de chaque groupe, en faisant un effort du côté des extrêmes, pour m’assurer une longue saison de fleurs. J’ai été déçu. Autant mon jardin était beau, flatteur, au moment de « peak bloom », autant je le trouvais triste avant et après. Maintenant je privilégie les variétés de mi- saison, de façon à avoir une explosion de fleurs sur une période relativement courte, mais d’une impressionnante splendeur. Vous me direz que je donne la préférence au spectacle. C’est vrai, mais un jardin n’est-il pas, justement, un spectacle ? J’ai réfléchi à une organisation différente de mes plantations, avec des bordures d’iris de début de saison et des bordures de fin de saison, mais cette mise en place n’est qu’à demi satisfaisante car il y a tout de même, selon les années et les cultivars quelques variantes dans l’époque de floraison, de sorte qu’il arrive que les plates-bandes spécialisées fassent pauvre figure.

Et les remontants, alors ? Chez moi, les premiers apparaissent ici et là aux alentours du 14 juillet, mais à la condition qu’ils aient été arrosés copieusement dès la fin de juin. Pour les voir, je dois donc verser des litres d’eau sur des quantités d’iris en dormance qui ne réclament pas ces soins. De toute façon la floraison est sporadique, capricieuse, souvent faiblarde. Certes j’ai des fleurs d’iris en septembre et même jusqu’à Noël, mais elles n’ont aucun intérêt au jardin et n’en présente que dans la maison, en bouquets. Et encore ! Mon épouse craint les taches orangées ou violacées que les fleurs qui fanent risquent de provoquer !

Bref, le lecteur constatera que sur les extensions de la saison des iris j’ai une opinion pour le moins nuancée. Il n’empêche que les hybrideurs, en mal de renouvellement, ont fait des expériences en ce domaine. Barry Blyth, en Australie, et Keith Keppel, en Amérique du Nord, ont mis l’accent sur les variétés hâtives, voire extrêmement hâtives. Les iris qu’ils ont enregistré dans ces groupes peuvent sans doute présenter de l’intérêt dans certaines régions peu sujettes au gel tardif, et dans ces régions ils sont peut-être recherchés. De son côté le grand Ben Hager, sur la fin de ses jours, a axé certaines de ses recherches sur les iris très ou extrêmement tardifs. Je ne sais pas si les variétés qui répondent à ces caractéristiques ont eu du succès. En tout cas cela ne peut être que dans les régions où l’été se prolonge suffisamment pour permettre aux plantes de se régénérer avant l’arrivée des frimas. Pour ma part je constate qu’une variété comme LAST HURRAH (Schreiner 83) a du mal à se multiplier sous le ciel de Touraine, les années où l’automne est frisquet. C’est comme les figues : celles d’automne n’arrivent pas tous les ans à maturité ! La recherche d’iris franchement et sûrement remontants a aussi mobilisé pas mal d’énergies, et des obtenteurs comme Lloyd Zurbrigg y ont même consacré toute leur vie, mais si, effectivement, les progrès sont patents, la remontance reste encore capricieuse et souvent décevante.

21.6.02

L’EVEIL

Le temps est passé où les enregistrements de variétés nouvelles françaises ne concernaient que les deux ténors Cayeux et Anfosso. Depuis quelques années les obtenteurs français ne se cachent plus, et même s’ils sont loin de leurs homologues américains, voire est-européens, ils n’hésitent plus à enregistrer leur production.

C’est en 1991 que le mouvement a pris corps avec la première introduction de Lawrence Ransom, le petit SDB TRESCOLS. En 1994 Jean Peyrard a enregistré OSTROGOTH. En 1996 c’est au tour de Christian Lanthelme de se lancer, et même si certains ont émis des doutes sur l’intérêt présenté par les iris qu’il a enregistré, il n’empêche que ces enregistrements ont démontré que les amateurs (ou semi-professionnels) étaient prêts à entrer dans le jeu. En 1997 c’est Igor Fédoroff qui a consenti à ce qu’une de ses variétés soit enregistrée, le joli SABLES D’ARGENT, dans les tons d’abricot et de bois de rose. C’est une petite révolution car Igor Fédoroff, comme bien des amateurs avant lui, considérait que ses obtentions étaient des affaires privées, réservées à sa propre jouissance, et, surtout, indignes de se mesurer, fut-ce sur le papier, aux produits des grands du monde des iris. Cet excès de modestie nous a sûrement privés de beaucoup de jolies choses. En ce qui concerne I. Fédoroff, je suis sûr que d’autres de ses iris des années 70 ou 80 méritaient d’être portés à la connaissance des amateurs. Je pense en particulier à AYGADE, une fleur bleue à peine lilacée, à barbes minium. A ce moment, Bernard Lecaplain, un amateur parisien, envoyait ses variétés au Critérium de l’iris d’Orléans où elles étaient régulièrement remarquées, mais n’a jamais consenti lui non plus à les enregistrer, ce que je regrette. FIDGI ou GENEVIEVE MAILLARD aurait eu leur place.

C’est en 1998 que le mouvement c’est accentué, avec les premiers enregistrements de Jean Jacques François qui ont nom JEAN LOUTZ, ANNA MARIE CHESNAIS et FRANÇOIS PLONKA. Cette année là Jean Peyrard propose un iris de Californie, VIVA MARIA, et Jean Ségui rattrape son retard en inscrivant treize variétés d’un coup, dont son célèbre DOCTOR GOLD, ainsi que LA BELLE AUDE qui est longtemps resté la meilleure vente de Iris de Thau, ou celles que je considère comme ses meilleures variétés, RUÉE VERS L’OR et VIA DOMITIA.

Mais c’est à croire que l’arrivée du 21eme siècle a fait perdre toutes leurs craintes aux hybrideurs amateurs français. L’année 2000 a été marquée par l’apparition de plusieurs nouveaux : Michelle Bersillon, avec trois iris, Georges Dalvard, avec deux, auxquels s’ajoutent six variétés de J. J. François, neuf iris de J. Peyrard et cinq de Lawrence Ransom ! Et 2001 a confirmé l’éveil des amateurs français, avec dix-huit nouveautés de G. Dalvard, Ch. Lanthelme, J.J. François, J. Peyrard, L. Ransom et encore deux « nouveaux », Gérard Madoré (qui ajoute l’originalité de donner à ses iris des noms en langue bretonne), et Nigel Service. Il n’y a plus de doute, le mouvement est bien lancé ! D’autant que dans les années à venir d’autres vont franchir le pas comme Bernard Laporte, Luc Bourdillon et quelques autres.

L’étape suivante devra être celle de la commercialisation. Car il est dommage que des variétés intéressantes, peut-être même exceptionnelles, restent à l’usage exclusif de leurs obtenteurs. L’offre de la Maison Bourdillon de mettre en culture et de commercialiser les meilleures variétés qui lui seront proposées est à ce point de vue un encouragement fort pour les amateurs. En effet un frein aux enregistrements se trouve évidemment dans la difficulté de vendre ce que l’on crée. C’est comme en littérature, le désir profond de tous ceux qui écrivent est d’être un jour publié. Le rêve des hybrideurs est sûrement de voir leurs iris présentés en couleur dans un catalogue, puis poussant à l’envi dans les jardins du monde entier.

17.6.02

NOIRS

Parmi les nombreux messages échangés sur le web à propos des iris (pratiquement exclusivement entre fans américains), il y en avait un, récemment, qui rappelait la liste des iris noirs figurant au catalogue Schreiner de 1979. Ils étaient sept :
· BLACK BART (Schmelzer 69)
· DUSKY DANCER (Luihn 67)
· SPIRIT RAIDER (Schreiner 79)
· STUDY IN BLACK (Plough 68)
· SUPERSTITION (Schreiner 77)
· SWAZI PRINCESS (Schreiner 78)
· TUXEDO (Schreiner 65).

Je me suis amusé à rechercher quelle était la liste des « noirs » dix ans plus tard, et cette recherche a donné le résultat suivant :
· BLACK DRAGON (Schreiner 82)
· BLACK FLAG (Stahly 84)
· BLACKOUT (Luihn 86)
· BOOGIE MAN (J. Meek 86)
· RAVEN’S ROOST (Plough 81)
· SUPERSTITION (Schreiner 77)
· SWAZI PRINCESS (Schreiner 78).

La maison Schreiner est réglée comme du papier à musique : il faut sept ou huit « noirs » par catalogue ! À part cela, on constate un net rajeunissement de l’offre, normale pour un catalogue américain, où les variétés ont un fort « turn-over ». Il y a cependant des valeurs sûres, qui défient le temps : SUPERSTITION et SWAZI PRINCESS. SPIRIT RAIDER, dont on n’a pas entendu parler en Europe, n’a pas eu une carrière mémorable : plus jeune que SUPERSTITION, il a disparu très vite.

Je n’ai pas le catalogue Cayeux de 79 et ne puis donc faire une comparaison avec ce que l’on proposait en France à la même époque. Mais en 89 l’offre de Cayeux était la suivante :
· DUSKY DANCER (Luihn 67)
· INTERPOL (Plough 73)
· NIGHT OWL (Schreiner 70)
· STUDY IN BLACK (Plough 68)
· SUPERSTITION (Schreiner 77)
· SWAZI PRINCESS (Schreiner 78)
· TUXEDO (Schreiner 65).

A deux variétés près, c’est la même offre que Schreiner dix ans plus tôt ! C’est une évidence qu’il faut environ dix ans pour que les variétés américaines soient offertes en France. Cela n’est pas surprenant quand on comprend que les producteurs de notre pays doivent faire leur choix dans les catalogues US, commander (au même prix que les particuliers !), tester, mettre en multiplication et inscrire à leur propre catalogue quand la quantité de rhizomes disponibles est suffisante pour satisfaire la moyenne des commandes prévisibles. Dans ces conditions, quelle était l’offre Cayeux de 1999 ? Sept « noirs » :

· BLACK TIE AFFAIR (Schreiner 93)
· BLACKOUT (Luihn 86)
· HELLO DARKNESS (Schreiner 92)
· INTERPOL (Plough 73)
· PAINT IT BLACK (Schreiner 94)
· SUPERSTITION (Schreiner 77)
· SWAZI PRINCESS (Schreiner 78).

C’est un rajeunissement équivalent à celui constaté chez Schreiner, avec, toujours une dizaine d’années d’écart, puisqu’il y a encore trois variétés présentes chez Schreiner en 89, à côté de trois réelles nouveautés. Une autre remarque vient à l’esprit : quand Schreiner propose huit variétés, Cayeux en offre sept. La proportion et l’équilibre du catalogue sont également respectés.

9.6.02

ÉPERONS ET APPENDICES

Ce n’est pas d’aujourd’hui que certains iris se présentent avec des appendices à l’extrémité des barbes. Les frères Sass en avaient découvert parmi leurs semis, dès les années 40, mais ils les avaient purement et simplement éliminés, les considérant comme des monstruosités sans aucun intérêt. Peut-être, d’ailleurs, ces premiers iris à éperons étaient-ils fort laids. En tout cas ils étaient rejetés. Ce n’est que dans les années 60 que quelques hybrideurs, désireux de se démarquer de leurs confrères, et peut-être véritablement inspirés, ont commencé à les sélectionner. Les plus connus sont Lloyd Austin, de Placerville (Californie) et Tom Craig, de Hubbard (Oregon). C’est Lloyd Austin qui a inventé le nom de « Space Age » qui continue de désigner ce type de fleurs. Ses variétés, tout comme celle de Tom Craig, proviennent en fait d’une même lignée développée à partir de plicatas en provenance des semis de Sydney Mitchell et en particulier d’une variété dénommée ADVANCE GUARD. Dans tous les cas il s’agit de plantes issues des plicatas de la fratrie Sass. Chez Austin, l’origine de la lignée se situe notamment chez une variété au nom particulièrement bien choisi : HORNED PAPA ! En découlent LEMON SPOON (60), SPOON OF GOLD (61) ou GOLDEN UNICORN (62), puis SPOONED LACE (63), SPOONED BLAZE (64) etc.…Par la suite, d’autres hybrideurs se sont engouffrés dans la voie nouvellement ouverte, avec pas mal de succès : Henry Rowlan est parti de HORNED FLARE (Austin 63), un enfant de HORNED PAPA, pour arriver à HULA MOON (78), un joli jaune infus de mauve avec de petits éperons violets, ou SPACE DAWN (82), parme, à barbes oranges et éperons violets. SPOON OF GOLD et LEMON SPOON ont produit LUCKY FLOUNCE (Austin 63) dont Rowlan a tiré SNOW FACE (82) blanc à barbes citron et éperons blancs. Un obtenteur aussi éminent que Ben Hager n’a pas dédaigné le concept de « space age ». On lui doit HORNY LORRI (78), rose orchidée à éperons plumeux jaunes, et surtout le blanc SNOW SPOON (82).

Cependant c’est sûrement Manley Osborne, à la même époque, qui a apporté la plus belle contribution au type « space age ». Il a largement utilisé SPOONED BLAZE pour lancer sa lignée. Avec CHINESE CORAL il a obtenu MOON MISTRESS (76), pêche, barbes oranges, éperons pêche ; avec NEW MOON il a créé le célèbre BATTLE STAR (79), lumineux bicolore cannelle et fuchsia, barbes or et éperons violets. BATTLE STAR et BROWN LASSO ont engendré GLADYS AUSTIN (85), et nous arrivons en France, où Michelle Bersillon vient d’enregistrer DERVICHE (2000) et LUNE ROUSSE (2000) qui sont des enfants de GLADYS AUSTIN ! Quant à MOON MISTRESS, c’est certainement le plus grand pourvoyeur de « space age » actuel, avec, notamment, ses plus fameux enfants, TWICE THRILLING (84) et SKY HOOKS (80).

TWICE THRILLING n’a pas fourni un gros contingent de descendants. ART SCHOOL ANGEL (Vizvarie 89), blanc marqué de bleu, est le plus connu, mais il vient aussi de SKY HOOKS ! Ce dernier, en revanche peut se targuer d’être l’un des géniteurs les plus recherchés de ces vingt dernières années. Pour n’en citer que quelques-uns uns, en voici une douzaine, parmi les plus connus et les plus récompensés :
· ALABASTER UNICORN (Sutton 96), tout blanc, longs appendices blancs ;
· CONJURATION (Byers 89 - DM 98), blanc largement liseré de mauve pourpré, éperons blancs ;
· GALACTIC WARRIOR (Hedgecock 99), superbe iris bourgogne, éperons assortis ;
· ILLULISAT (Muska 95), mon préféré, blanc glacier, barbes mandarine, éperons bleus ;
· MAGIC KINGDOM (Byers 89), bois de rose, barbes mandarine, éperons argent ;
· MESCALERO CHIEF (Hedgecock 93 – FA 95), brillant pourpre à barbes bleues ;
· MESMERIZER (Byers 91 – WM 2000), le plus beau, blanc pur, éperons pétaloïdes d’un blanc verdâtre ;
· OSTROGOTH (Peyrard 94), bitone lilas/améthyste, barbes oranges, petits éperons blancs ;
· SCENTED BUBBLES (Byers 88), bleu drapeau à éperons pétaloïdes bleus, délicieusement parfumé ;
· SPECIAL FEATURE (Osborne 89), magnifique indigo, pétaloïdes géants violets ;
· THORNBIRD (Byers 89 – DM 97), étrange mélange d’écru, chartreuse et brun, longs éperons brun violacé ;
· TRIPLE WHAMMY (Hager 90), or et blanc, éperons blancs, immense.

Aujourd’hui, on trouve des iris « à cornes » chez de très nombreux obtenteurs. Certains cependant sont, en quelque sorte spécialisés dans ce type. C’est le cas de George Sutton, de Porterville en Californie, et de Jim Hedgecock de Gower, Missouri. L’un et l’autre tendent vers l’obtention d’iris doubles, comme on parle de roses ou de pivoines doubles. Mais chez les autres fleurs, l’apparition de nouveaux éléments pétaloïdes s’accompagne de la disparition d’un autre élément, le plus souvent, les étamines. Dans le cas de l’iris, il n’y a pas remplacement d’un élément par un autre : les prolongements pétaloïdes des barbes ajoutent sans retrancher.

Tous ceux qui se sont lancés dans la recherche de nouveaux iris à éperons savent que l’opération est délicate. De nombreux semis présentent des malformations disgracieuses, et ceux qui portent des appendices importants ont également fréquemment des sépales qui se replient le long de la nervure médiane : sans doute les tensions générées par l’allongement des barbes provoquent-elles ce phénomène. Malgré tout, la recherche est enthousiasmante car on a l’impression d’être sur la voie d’un renouvellement en matière d’hybridation.

Les éperons ne sont pas les seuls appendices nouveaux qui soient apparus chez les iris. De temps en temps une autre anomalie apparaît, comme ces « trompettes » que l’on voit au cœur de AÏDA ROSE (Ségui 88). Au demeurant aucune de ces nouveautés n’a mérité jusqu’à présent d’être retenue comme un domaine de recherche.

Les iris à éperons sont donc devenus un « must » partout dans le monde. Les obtenteurs d’Europe de l’Est ont choisi d’explorer à fond cette voie, et bientôt de nouvelles variétés de ce type, obtenues par des hybrideurs français, vont apparaître sur le marché (j’ai apprécié ce printemps des semis originaux issus de CONJURATION ou de THORNBIRD). Reste seulement pour nous, français, un problème bien secondaire mais néanmoins agaçant : celui de la description des appendices. Les Américains ont à leur disposition un vocabulaire éloquent. Ils parlent de « horns », « spoons » « flounces »… Une traduction littérale de ces vocables est possible mais présente l’inconvénient d’aboutir à des mots aux connotations banales, si ce n’est vulgaires : personne n’aurait eu l’idée de baptiser une variété « Papa Cornu » (Horned Papa), ni « Cuillère Jaune » (Lemon Spoon)… Notre langue est sans doute merveilleuse, mais elle n’a pas prévu que les iris auraient un jour des éperons !

ÉPERONS ET APPENDICES

Ce n’est pas d’aujourd’hui que certains iris se présentent avec des appendices à l’extrémité des barbes. Les frères Sass en avaient découvert parmi leurs semis, dès les années 40, mais ils les avaient purement et simplement éliminés, les considérant comme des monstruosités sans aucun intérêt. Peut-être, d’ailleurs, ces premiers iris à éperons étaient-ils fort laids. En tout cas ils étaient rejetés. Ce n’est que dans les années 60 que quelques hybrideurs, désireux de se démarquer de leurs confrères, et peut-être véritablement inspirés, ont commencé à les sélectionner. Les plus connus sont Lloyd Austin, de Placerville (Californie) et Tom Craig, de Hubbard (Oregon). C’est Lloyd Austin qui a inventé le nom de « Space Age » qui continue de désigner ce type de fleurs. Ses variétés, tout comme celle de Tom Craig, proviennent en fait d’une même lignée développée à partir de plicatas en provenance des semis de Sydney Mitchell et en particulier d’une variété dénommée ADVANCE GUARD. Dans tous les cas il s’agit de plantes issues des plicatas de la fratrie Sass. Chez Austin, l’origine de la lignée se situe notamment chez une variété au nom particulièrement bien choisi : HORNED PAPA ! En découlent LEMON SPOON (60), SPOON OF GOLD (61) ou GOLDEN UNICORN (62), puis SPOONED LACE (63), SPOONED BLAZE (64) etc.…Par la suite, d’autres hybrideurs se sont engouffrés dans la voie nouvellement ouverte, avec pas mal de succès : Henry Rowlan est parti de HORNED FLARE (Austin 63), un enfant de HORNED PAPA, pour arriver à HULA MOON (78), un joli jaune infus de mauve avec de petits éperons violets, ou SPACE DAWN (82), parme, à barbes oranges et éperons violets. SPOON OF GOLD et LEMON SPOON ont produit LUCKY FLOUNCE (Austin 63) dont Rowlan a tiré SNOW FACE (82) blanc à barbes citron et éperons blancs. Un obtenteur aussi éminent que Ben Hager n’a pas dédaigné le concept de « space age ». On lui doit HORNY LORRI (78), rose orchidée à éperons plumeux jaunes, et surtout le blanc SNOW SPOON (82).

Cependant c’est sûrement Manley Osborne, à la même époque, qui a apporté la plus belle contribution au type « space age ». Il a largement utilisé SPOONED BLAZE pour lancer sa lignée. Avec CHINESE CORAL il a obtenu MOON MISTRESS (76), pêche, barbes oranges, éperons pêche ; avec NEW MOON il a créé le célèbre BATTLE STAR (79), lumineux bicolore cannelle et fuchsia, barbes or et éperons violets. BATTLE STAR et BROWN LASSO ont engendré GLADYS AUSTIN (85), et nous arrivons en France, où Michelle Bersillon vient d’enregistrer DERVICHE (2000) et LUNE ROUSSE (2000) qui sont des enfants de GLADYS AUSTIN ! Quant à MOON MISTRESS, c’est certainement le plus grand pourvoyeur de « space age » actuel, avec, notamment, ses plus fameux enfants, TWICE THRILLING (84) et SKY HOOKS (80).

TWICE THRILLING n’a pas fourni un gros contingent de descendants. ART SCHOOL ANGEL (Vizvarie 89), blanc marqué de bleu, est le plus connu, mais il vient aussi de SKY HOOKS ! Ce dernier, en revanche peut se targuer d’être l’un des géniteurs les plus recherchés de ces vingt dernières années. Pour n’en citer que quelques-uns uns, en voici une douzaine, parmi les plus connus et les plus récompensés :
· ALABASTER UNICORN (Sutton 96), tout blanc, longs appendices blancs ;
· CONJURATION (Byers 89 - DM 98), blanc largement liseré de mauve pourpré, éperons blancs ;
· GALACTIC WARRIOR (Hedgecock 99), superbe iris bourgogne, éperons assortis ;
· ILLULISAT (Muska 95), mon préféré, blanc glacier, barbes mandarine, éperons bleus ;
· MAGIC KINGDOM (Byers 89), bois de rose, barbes mandarine, éperons argent ;
· MESCALERO CHIEF (Hedgecock 93 – FA 95), brillant pourpre à barbes bleues ;
· MESMERIZER (Byers 91 – WM 2000), le plus beau, blanc pur, éperons pétaloïdes d’un blanc verdâtre ;
· OSTROGOTH (Peyrard 94), bitone lilas/améthyste, barbes oranges, petits éperons blancs ;
· SCENTED BUBBLES (Byers 88), bleu drapeau à éperons pétaloïdes bleus, délicieusement parfumé ;
· SPECIAL FEATURE (Osborne 89), magnifique indigo, pétaloïdes géants violets ;
· THORNBIRD (Byers 89 – DM 97), étrange mélange d’écru, chartreuse et brun, longs éperons brun violacé ;
· TRIPLE WHAMMY (Hager 90), or et blanc, éperons blancs, immense.

Aujourd’hui, on trouve des iris « à cornes » chez de très nombreux obtenteurs. Certains cependant sont, en quelque sorte spécialisés dans ce type. C’est le cas de George Sutton, de Porterville en Californie, et de Jim Hedgecock de Gower, Missouri. L’un et l’autre tendent vers l’obtention d’iris doubles, comme on parle de roses ou de pivoines doubles. Mais chez les autres fleurs, l’apparition de nouveaux éléments pétaloïdes s’accompagne de la disparition d’un autre élément, le plus souvent, les étamines. Dans le cas de l’iris, il n’y a pas remplacement d’un élément par un autre : les prolongements pétaloïdes des barbes ajoutent sans retrancher.

Tous ceux qui se sont lancés dans la recherche de nouveaux iris à éperons savent que l’opération est délicate. De nombreux semis présentent des malformations disgracieuses, et ceux qui portent des appendices importants ont également fréquemment des sépales qui se replient le long de la nervure médiane : sans doute les tensions générées par l’allongement des barbes provoquent-elles ce phénomène. Malgré tout, la recherche est enthousiasmante car on a l’impression d’être sur la voie d’un renouvellement en matière d’hybridation.

Les éperons ne sont pas les seuls appendices nouveaux qui soient apparus chez les iris. De temps en temps une autre anomalie apparaît, comme ces « trompettes » que l’on voit au cœur de AÏDA ROSE (Ségui 88). Au demeurant aucune de ces nouveautés n’a mérité jusqu’à présent d’être retenue comme un domaine de recherche.

Les iris à éperons sont donc devenus un « must » partout dans le monde. Les obtenteurs d’Europe de l’Est ont choisi d’explorer à fond cette voie, et bientôt de nouvelles variétés de ce type, obtenues par des hybrideurs français, vont apparaître sur le marché (j’ai apprécié ce printemps des semis originaux issus de CONJURATION ou de THORNBIRD). Reste seulement pour nous, français, un problème bien secondaire mais néanmoins agaçant : celui de la description des appendices. Les Américains ont à leur disposition un vocabulaire éloquent. Ils parlent de « horns », « spoons » « flounces »… Une traduction littérale de ces vocables est possible mais présente l’inconvénient d’aboutir à des mots aux connotations banales, si ce n’est vulgaires : personne n’aurait eu l’idée de baptiser une variété « Papa Cornu » (Horned Papa), ni « Cuillère Jaune » (Lemon Spoon)… Notre langue est sans doute merveilleuse, mais elle n’a pas prévu que les iris auraient un jour des éperons !