29.6.02

HATIFS ? TARDIFS ? REMONTANTS ?

En ce qui concerne leur période de floraison on a coutume de ranger les grands iris en sept groupes. Les Très Hâtifs, les Hâtifs, les Hâtifs Moyens, les Mi-Saison, les Moyens Tardifs, les Tardifs et les Très Tardifs.

Les iris Très Hâtifs fleurissent, ici, en Touraine, à partir de la mi-avril, en même temps que les derniers Nains Standards et les Intermédiaires ; les Hâtifs se lancent aux alentours du 25 avril, puis viennent les Hâtifs Moyens, dans les premiers jours de mai ; les iris de Mi-Saison, les plus nombreux, commencent à s’épanouir vers le 10 mai, suivis des Moyens Tardifs qui ouvrent leurs corolles autour du 15 mai ; la saison touche à sa fin quand les Tardifs se décident à fleurir : on est aux environs du 25 mai ; quant aux Très Tardifs, ils se font attendre jusqu’au 5 juin. Cela veut dire que l’on peut avoir des grands iris en fleur de la mi-avril à la mi-juin. Mais quel est l’intérêt de cet étalement ? En effet la plupart des TB (grands barbus) se situent dans les groupes HM, MS et MT. Autant dire qu’avant le début de mai, il n’y a pas grand chose d’éclos dans le jardin : une variété deci-delà, dans une mer de tiges prêtes à fleurir. Passé l’effet satisfaisant de voir apparaître les premières fleurs, le jardin d’iris n’est pas encore très intéressant. Il y a plus grave : autour de la St Georges (je crois que c’est le 23 avril) il n’est pas rare dans ma région qu’il y ait quelques jours de gel, souvent assez vif. Cette intempérie à pour effet de brûler irrémédiablement les boutons floraux fragiles au moment de s’ouvrir, de sorte que la floraison des Hâtifs ou Très Hâtifs est détruite ou très abîmée…

Passé le 25 mai, les fleurs deviennent moins nombreuses et le jardin apparaît peuplé de tiges où ne restent qu’une ou deux corolles. Le vent, la pluie ont un peu gâté la belle ordonnance des bordures, quelques panaches de feuilles commencent à sécher. C’est le moment que choisissent les iris Tardifs pour se montrer. Leur accorde-t-on autant d’attention qu’à leurs frères plus pressés ? N’a-t-on pas déjà un peu de lassitude ? Remarque-t-on leur apparition au milieu des autres qui sont encore présentables ? La chaleur est survenue, à ce moment, et les fleurs se fanent très rapidement. En quelques jours les iris des groupes moyens touchent à leur fin. Les tardifs sont encore là, mais dans un jardin plutôt dévasté, et ils sont un peu tristes, les malheureux. Les visiteurs sont repartis et ils s’épanouissent sans que personne ne se penche sur eux. Quant aux Très Tardifs, leur apparition n’a lieu que dans un champ de ruines où ils sont isolés comme les rescapés d’une bataille !

Quand j’ai commencé à cultiver les iris, j’ai cru bon de sélectionner des variétés de chaque groupe, en faisant un effort du côté des extrêmes, pour m’assurer une longue saison de fleurs. J’ai été déçu. Autant mon jardin était beau, flatteur, au moment de « peak bloom », autant je le trouvais triste avant et après. Maintenant je privilégie les variétés de mi- saison, de façon à avoir une explosion de fleurs sur une période relativement courte, mais d’une impressionnante splendeur. Vous me direz que je donne la préférence au spectacle. C’est vrai, mais un jardin n’est-il pas, justement, un spectacle ? J’ai réfléchi à une organisation différente de mes plantations, avec des bordures d’iris de début de saison et des bordures de fin de saison, mais cette mise en place n’est qu’à demi satisfaisante car il y a tout de même, selon les années et les cultivars quelques variantes dans l’époque de floraison, de sorte qu’il arrive que les plates-bandes spécialisées fassent pauvre figure.

Et les remontants, alors ? Chez moi, les premiers apparaissent ici et là aux alentours du 14 juillet, mais à la condition qu’ils aient été arrosés copieusement dès la fin de juin. Pour les voir, je dois donc verser des litres d’eau sur des quantités d’iris en dormance qui ne réclament pas ces soins. De toute façon la floraison est sporadique, capricieuse, souvent faiblarde. Certes j’ai des fleurs d’iris en septembre et même jusqu’à Noël, mais elles n’ont aucun intérêt au jardin et n’en présente que dans la maison, en bouquets. Et encore ! Mon épouse craint les taches orangées ou violacées que les fleurs qui fanent risquent de provoquer !

Bref, le lecteur constatera que sur les extensions de la saison des iris j’ai une opinion pour le moins nuancée. Il n’empêche que les hybrideurs, en mal de renouvellement, ont fait des expériences en ce domaine. Barry Blyth, en Australie, et Keith Keppel, en Amérique du Nord, ont mis l’accent sur les variétés hâtives, voire extrêmement hâtives. Les iris qu’ils ont enregistré dans ces groupes peuvent sans doute présenter de l’intérêt dans certaines régions peu sujettes au gel tardif, et dans ces régions ils sont peut-être recherchés. De son côté le grand Ben Hager, sur la fin de ses jours, a axé certaines de ses recherches sur les iris très ou extrêmement tardifs. Je ne sais pas si les variétés qui répondent à ces caractéristiques ont eu du succès. En tout cas cela ne peut être que dans les régions où l’été se prolonge suffisamment pour permettre aux plantes de se régénérer avant l’arrivée des frimas. Pour ma part je constate qu’une variété comme LAST HURRAH (Schreiner 83) a du mal à se multiplier sous le ciel de Touraine, les années où l’automne est frisquet. C’est comme les figues : celles d’automne n’arrivent pas tous les ans à maturité ! La recherche d’iris franchement et sûrement remontants a aussi mobilisé pas mal d’énergies, et des obtenteurs comme Lloyd Zurbrigg y ont même consacré toute leur vie, mais si, effectivement, les progrès sont patents, la remontance reste encore capricieuse et souvent décevante.

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