25.6.11

A L’ENVERS





6 . Français ? Pourquoi pas ?

Jusqu’à présent n’ont été présentés ici que des amoenas inversés « made in USA ». Pourtant en France on sait aussi produire ces variétés à la mode. La preuve :

· ‘Claude Louis Gayrard’ (Ransom, 1996) (Edge of Winter X Mystique) ;

· ‘La Part des Anges’ (Bersillon, 2008) (Fogbound X (Sapphire Hills x Surf Rider)) ;

· ‘Iriade’ (Laporte, 2004) (Honky Tonk Blues X Special Mozart) ;

· ‘Zone d’Ombre’ (Ruaud, non enregistré) (Kir sib X Ikar).

ECHOS DU MONDE DES IRIS

A la SFIB


Un changement profond est intervenu au sein de la SFIB. L’équipe dirigeante a été remplacée par des gens plus jeunes décidés à donner une nouvelle impulsion à une société en grande difficulté.


Il y a eu un changement de génération et un changement de positionnement social. Jusqu'à présent la SFIB était une association de notables (médecins, pharmaciens, officiers...) pour qui les iris étaient un loisir, elle passe aux mains de jardiniers. Est-ce un mal ? Au moins ceux qui vont la faire vivre sauront de quoi ils parlent. Souhaitons-leur la réussite : si elle est au rendez-vous ils auront le mérite d'avoir fait quelque chose de difficile.


Car l’équipe sortante peut présenter un bilan plutôt positif. Elle a créé le concours international FRANCIRIS, qui a connu deux épisodes fastes, en 2005 et 2007, avec un beau succès populaire et horticole. Elle a entamé la mise en place dans la vallée de la Bièvre de la « Route des Iris » qui implique toutes les communes dans le but d’un fleurissement d’un cheminement réalisé le long de la rivière, et la création ou l’animation de jardins consacrés aux iris. Elle a aussi créé un site Internet qui a reçu un accueil considérable et accompagné un véritable renouveau de l’intérêt pour les iris de la part de personnes, souvent jeunes et enthousiastes. C’est d’ailleurs grâce à ce site que de nouveaux amateurs ont pris conscience de ce qu’il était nécessaire de faire et ont donné à la SFIB un nouvel élan qui peut la sauver d’un déclin qui paraissait jusqu’à présent inexorable.

CETTE BONNE Mme GAUDICHAU








Je suis adhérent de la HIPS (Historic Iris Preservation Society), que l’on pourrait appeler en français la Société Protectrice des Anciennes Variétés d’Iris. Dans le numéro d’automne 2010 de sa Revue « ROOTS », la quatrième de couverture est consacrée à quatre photos d’iris anciens dans les coloris de violet deux tons. Il y a notamment un cliché de ‘Germaine Perthuis’ (Millet, 1924). Cela m’a donné l’idée de rechercher dans mon stock de dix mille photos d’iris quelques autres variétés françaises anciennes dans les mêmes tons.
Elles ne manquent pas ! Ces bitones violets pourprés constituent même un élément fondamental du panel de coloris des iris antérieurs à la guerre de 39/45. A commencer par ‘Othello’ (Lemon, 1848) qui est un hybride naturel où se retrouve la couleur de base des Iris germanica, ce bleu violet, ou indigo, teinté de pourpre aux sépales, qui évoque tant de souvenirs chez les amateurs d’iris. ‘Othello’ n’est pas si sombre que son nom voudrait bien le laisser supposer : c’est un pur indigo de deux tons, plus sombre, évidemment, aux sépales, et d’une pureté de coloris magnifique. La photo de Laurie Frazer lui rend bien justice.
Une autre variété ultra célèbre reprend ce coloris fondamental : ‘Souvenir de Mme Gaudichau’ (Millet, 1914) dont le nom fleure bon l’ancien temps, mais dont les couleurs fraîches et gaies n’ont rien perdu de leur éclat. La comparaison des deux photos met bien en évidence les traits communs à cette variété et celle qui précède. A son indéniable beauté cet iris ajoute des qualités végétatives que les iris modernes peuvent lui envier. Ces qualités n’ont pas échappé aux grands hybrideurs de l’époque et en particulier au professeur Mitchell qui en a fait le père de son ‘Santa Clara’ (1931) dont on retrouve les gènes dans pratiquement tous les iris bleus actuels. Cette Mme Gaudichau est donc la grand’mère de presque tous les iris bleus (et de bien d’autres !).
Elle fut, entre autres, à l’origine d’un autre célèbre iris bleu, celui dont la photo a provoqué la présente chronique, ‘Germaine Perthuis’. D’un joli violet lustré, avec des sépales sombres, plus rouges, et des barbes orange qui réveillent l’ensemble, cette variété a fait le tour du monde. Voici la description qui se trouve dans un catalogue américain de 1926 : « C’est un descendant de Mme Gaudichau. Il a hérité des toutes les qualités éminentes de son parent : exceptionnelle vigueur, facilité de culture et grande liberté de floraison. Les énormes fleurs sont portées par des tiges solides de 90cm. Les pétales d’un agréable violet pourpré sont éclairés de tons plus pâles. Les sépales sont d’un riche violet archevêque. La fleur toute entière possède une apparence veloutée splendide et jusqu’à présent inégalée. (…) » Si, à l’époque, le major des hybrideurs français était Ferdinand Cayeux, on peut dire qu’il avait en la famille Millet de solides concurrents !
Il s’est lui aussi intéressé au modèle fondamental indigo deux tons. On peut prendre pour exemple la variété ‘Tanagra’ (F. Cayeux, 1939). Tout y est, les pétales clairs, les sépales plus sombres et nuancés de rouge ; les barbes sont blanches, ce qui marque la différence. Dans son pedigree on trouve ‘Dr. Chobaut’ (Millet, 1931), un bleu de lin, ‘Fortunio’ (F. Cayeux, ?) bleu ciel lilacé, et ‘Magali’ (F. Cayeux, 1931) rose crevette.
Cependant il semble qu’après ce ‘Tanagra’, le modèle n’ait plus intéressé les obtenteurs. Auraient-ils considérés qu’il manquait d’originalité, qu’il était trop voisin du coloris botanique d’origine ? En tout cas plus le choix des couleurs s’est accru, moins les teintes fondamentales ont été recherchées. L’indigo deux tons fait partie de ces démodés, aussi bien en France qu’en Amérique. En cherchant bien j’ai tout de même découvert un iris récent qui s’en approche. Il s’agit de ‘Splendeur des Tropiques’, une obtention de Luc Bourdillon, commercialisée par son frère, qui fait partie d’un lot d’iris très intéressants mais qui ne sont pas enregistrés, ce qui les prive de tout espoir de diffusion à l’échelle qu’ils méritent. Quoi qu’il en soit ce ‘Splendeur des Tropiques’ reprend le modèle ancestral : pétales lavande, sépales indigo avec des bords plus clairs et des barbes rouge minium. Malheureusement la maison Bourdillon ne donne pas le pedigree, ce que les amateurs regrettent.
Toutes ces variétés ont conservé les couleurs d’Iris germanica. Les anciennes ont également gardé la vigueur et la floribondité de l’ancêtre. Il serait souhaitable que les obtenteurs d’aujourd’hui retrouvent toutes ces qualités, presque cent ans après l’apparition de cette bonne Madame Gaudichau.

17.6.11

A L’ENVERS





5 . Mid-America

Paul Black et Thomas Johnson, dans leur pépinière Mid-America Iris Gardens, font partie des plus éminents obtenteurs du moment. Ils font preuve d’une expertise certaine et d’une créativité admirable. Le domaine des amoenas bleus inversés ne leur échappe pas. En voici quatre exemples.

· ‘Brussels’ (Johnson T., 2003) (Crowned Heads X (Passion Flower x Goldkist)) ;

· ‘Chinook Winds’ (Johnson T., 2002) (Silent Screen X Honky Tonk Blues) ;

· ‘Cloudscape’ (Black P., 2007) (Quite the Reverse X (Crowned Heads x Fogbound)) ;

· ‘Crystal Plummage’ (Black P., 2005) (Lightning Bolt X Intimidator).

ECHOS DU MONDE DES IRIS



Victoria

La Convention 2011 de l’AIS s’est expatriée, elle a eu lieu au Canada, à Victoria, dans l’île de Vancouver, c’est à dire à deux pas de la frontière avec l’Etat de Washington.

Le Nord-Ouest des Etats-Unis a connu un printemps exactement inverse du nôtre : froid et humide. De sorte que les grands iris étaient à peine en début de floraison à la fin de mai. Cela a fait le bonheur des iris hâtifs mais surtout des IB et des iris de Sibérie qui, eux, étaient à leur apogée.

Les vainqueurs de la compétition liée à la Convention sont les suivants :

PRESIDENT’S CUP (variété originaire de la Région organisatrice de la Convention) = ‘Dazzling’ – IB – (Paul Black, 2008)

FRANKLIN-COOK CUP (variété originaire d’une autre Région que la Région organisatrice) = ‘Ginger Swift’ – SIB – (Schafer/Sacks, 2009)

HAGER CUP (variété, autre que TB, quelle que soit son origine) = ‘Dazzling’ – IB – (Paul Black, 2008) : deux récompenses pour un même iris !

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Course aux honneurs.

A l’heure où les récompenses vont être attribuées, il devient intéressant de se remémorer les conditions et les étapes de la course aux honneurs aux Etats-Unis.

PREMIÈRE ÉTAPE : HONORABLE MENTION (HM)

Une variété est éligible pour une HM la deuxième année après son introduction sur le marché américain ; il n’y a pas de limite de temps pour entrer dans la compétition, cela peut se produire tant que la plante est en vente. Cette introduction se fait par deux voies : une mise en vente par une pépinière ; une annonce publicitaire dans le Bulletin de l’AIS.

DEUXIÈME ÉTAPE : AWARD OF MERIT (AM)

Une variété peut obtenir un AM deux ans après avoir obtenu une HM et pendant une durée de trois ans.

TROISIÈME ÉTAPE : SPECIAL MEDAL AWARD (MA) – médaille catégorielle –

Pour chaque type d’iris il existe une médaille catégorielle qui est dédiée à une personne qui s’est particulièrement distinguée dans la promotion du type considéré. Une variété peut obtenir cette distinction deux ans après avoir reçu un AM, et pendant trois ans.

ULTIME ÉTAPE : DYKES MEDAL (DM)

Elle est réservée à une variété obtenue sur le territoire américain. Elle est attribuée à une seule variété chaque année, à partir de celle qui suit l’obtention d’une MA, l’éligibilité expire au bout de trois ans.

LA RELÈVE





La vieille garde des obtenteurs d’iris américains a subi ces temps derniers de lourdes pertes. Bon nombre des leaders actuels, d’ailleurs, sont des gens plutôt âgés, et on constate qu’inexorablement leurs rangs s’éclaircissent. Certains, comme Keith Keppel, s’inquiètent et ne voient pas parmi les jeunes hybrideurs des personnalités dont les obtentions sont de nature à les rassurer. A mon avis, ils font preuve d’un pessimisme qui ne se justifie nullement. La relève arrive, calmement, mais avec un évident dynamisme. Prenez le cas des Painter, Lesley et John.

Dans le secteur où ils sont installés, la Napa Valley, au nord de la baie de San Francisco, on connaît mieux le vin que les iris. C’est la terre d’élection de la viticulture américaine, une activité en plein développement, qui fait d’ailleurs peur aux vignerons français. Les Painter, eux, ont choisi de cultiver les iris. Ils s’y sont mis il y a un peu plus de dix ans et ont enregistré leurs premières variétés en 2003, mais la famille est dans le « business » depuis 21 ans. C’est encore une petite entreprise, mais avec l’enthousiasme et le dynamisme de ses animateurs, elle devrait rapidement prendre de l’ampleur, dans un moment où plusieurs pépinières ferment ou vont fermer : la place est toute chaude !

Au demeurant, ce n’est pas pour faire l’apologie du commerce des iris que j’ai pris la plume aujourd’hui, mais pour parler des obtentions de ces jeunes hybrideurs.

La première fournée de leurs iris a été enregistrée en 2002 et commercialisée en 2003. Ce n’est pas une abondante cuvée : seulement trois plantes nouvelles. Jusqu’en 2007 le rythme des introductions a été à peu près le même, mais on note une montée en régime à partir de 2008. Cette année-là ce sont six nouveaux iris qui ont été proposés, puis dix en 2009, sept en 2010 et huit encore en 2011. C’est donc maintenant une production soutenue, qui mérite qu’on y accorde un peu d’attention. Parce que dès les premiers pas des Painter dans l’irisdom, ils se sont fait remarquer. Les juges ont tout de suite apprécié leurs cultivars, puisque sur les trois introductions de 2003, deux ont reçu aussitôt un HM. Les même honneurs ont couronné les trois intros de 2004, ce qui n’est pas banal, tout de même ! Et cela continue : 3 HM sur 4 iris de 2005 ! Les obtentions postérieures ont encore la possibilité d’être distinguées, mais il y en a déjà 3 qui l’ont été. Cela fait à l’heure actuelle onze variétés ayant reçu un HM sur un total de 46, soit un taux de distinction de 24 %, très au-dessus de ce que récoltent la plupart des obtenteurs, même chevronnés.

Quelques mots sur ces variétés primées :

‘Cameo Kiss’ (2003) (Wings of Gold x Peking Summer). Un iris un peu pâle, pétales ivoire, sépales plus rosés marqués de violet aux épaules, barbes brique. HM 2008.

‘Purple Ritz’ (2003) (Indigo Princess x Titan's Glory). Un beau violet à barbes un peu plus claires ; Meilleur Violet à Florence en 2007. HM 2005.

‘Accidental Woman’ (2004) (In Reverse x Honky Tonk Blues). Un croisement sans surprise a donné un iris amoena inversé bleu bien classique. HM 2007.

‘Jumpin’ Jack Flash’ (2004) (Gnu's Flash x semis Keppel). Toujours du classique pour ce maculosa violet barbouillé de blanc. HM 2006.

‘Picklelilly’ (2004) (Imaginarium x Indigo Princess). Blanc un peu gris, couleur anis aux épaules, barbes mandarine. HM 2007.

‘Brilliance’ (2005) (Quito X Pedigree). Le résultat –réussi - d’un croisement endogamique. Un orange somptueux. HM 2007.

‘Jealous Halo’ (2005) (Jolt X Pedigree). Cette fois l’endogamie n’a pas donné ce que l’on pouvait attendre. Au lieu d’un orange on a un blanc très pur liseré de jaune vif : une amélioration de ‘Bride’s Halo’. Remarqué à Florence en 2008. HM 2009.

‘Rainy River’ (2005) (Tempting Fate x Honky Tonk Blues). L’adage « c’est avec les bons produits qu’on fait les bonnes choses » se vérifie dans ce cas : un amoena bleu très ondulé. Remarqué à FRANCIRIS en 2007. HM 2007.

‘Spades’ (2007) (Before the Storm X ((Best Bet x Twist of Fate) x Tempting Fate)). Ce descendant d’iris sombres est un noir très traditionnel. HM 2010.

‘Lemon Cloud’ (2008) (Wings of Gold X Overjoyed). Encore une variété sans surprise : amoena jaune. HM 2010.

‘Valentino’ (2008) (Crimson Twist X Golden Panther). Bitone brun-rouge avec des barbes jaunes qui l’éclaircissent. Belle plante. HM 2010.

Enfin deux autres variétés ont déjà attiré l’attention des juges américains :

‘Cool Jazz’ (2010) (Jazzed Up x Spring Rhapsody). Un nouvel amoena, cette fois dans des teintes pastel, avec des sépales lavande plus clairs sous les barbes blanches.

‘Space Trader’ (2010) (Golden Panther x(Rustler x Hearthstone)). Superbe iris mordoré.

A lire ce qui précède on se rend compte que les Painter font mentir la règle qui veut que l’on choisisse un sujet de recherche et qu’on s’y tienne. En effet leurs iris intéressent la plupart des domaines, amoenas, bicolores, plicatas, maculosas… Qu’ils réussissent partout montre qu’ils savent bien manier les brucelles ! Il faut dire cependant que les choix de parents qu’ils font pour leurs croisements sont le plus souvent de tout repos et leur garantissent presque la réussite. Quoi qu’il en soit les amateurs reconnaîtront en eux de très probables champions pour les années à venir.

10.6.11

A L’ENVERS





4 . Le maître

On ne peut pas parler des iris amoenas inversés sans évoquer Keith Keppel, le maître incontesté actuel dans ce domaine. Ses variétés récentes sont déjà des références !

  • ‘Crowned Heads’ (Keppel, 1997) (In Reverse x Honky Tonk Blues) ;
  • ‘Dance Recital’ (Keppel, 2005) (Suspicion X Fogbound) ;
  • ‘Fogbound’ (Keppel, 1998) (Wishful Thinking x Spring Shower) ;
  • ‘Wintry Sky’ (Keppel, 2002) ((Crowned Heads x(Spring Shower x Modern Times))).

PROBLÈME

Pour une raison qui m'échappe le texte ci-dessous apparaît avec une présentation fantaisiste. Que les amis d'Irisenligne veuille bien m'en excuser

LES FLEURS COUPÉES




C’est une opinion toute personnelle.

Aux Etats-Unis, mais surtout en Grande-Bretagne, il est habituel d’organiser des concours de fleurs d’iris coupées. Les tiges, précautionneusement préparées puis emballées sont transportées vers un lieu d’exposition où elles sont élégamment disposées dans des vases. Dans le magasin attenant à l’exploitation de Richard Cayeux, lorsque les juges du concours FRANCIRIS 2011 et leurs accompagnateurs sont venus lui rendre visite, un nombre assez important de fleurs étaient ainsi présentées.

Cette pratique peut avoir quelque intérêt : Présentées à hauteur du regard, les fleurs peuvent être examinées en détail sans que l’on ait le mal de se pencher vers elles ; c’est la même chose si l’on veut analyser leur parfum ; enfin là où le climat se montre chagrin le visiteur peut laisser libre cours à ses observations sans frissonner sous le vent ou sans patauger dans la boue. Mais je trouve qu’ainsi privés de leur environnement naturel les iris perdent l’essentiel de leur charme. Offertes au regard dans une pièce un peu obscure, ou exposées sous une lumière artificielle, leurs couleurs ne sont pas celles qu’on voit à ciel ouvert, soit qu’elles soient éteintes par l’excès de lumière, soit qu’elles grisaillent dans la pénombre. Et quand bien même un éclairage savant voudrait-il les mettre en valeur, il ne fait qu’en fausser davantage les teintes, comme une sorte de maquillage de lumière : le soleil artificiel, si perfectionné soit-il, n’équivaut pas au soleil véritable.

Qui plus est, baignant tristement dans leur pot, les tiges, quoi qu’on fasse, ont pris cet aspect inerte qui témoigne de leur mort. Adieu toute trace de vie ! Le velouté des sépales à laissé la place à une pâleur morbide, la force gracieuse des pétales dressés en dôme ou élégamment turbinés a été rapidement remplacée par une mollesse exsangue montrant inexorablement les stigmates du sacrifice. Devant un tel spectacle je ne puis m’empêcher de ressentir une impression de gâchis : même sur sa fin, avec les reliefs à demi séchés de la splendeur de ses fleurs passées, une hampe florale, au jardin, conserve l’aspect attendrissant d’une vie qui s’achève ; c’est le soir d’un beau jour…

Une fleur coupée, qui s’étiole dans son vase, c’est un peu un cadavre devant lequel on défile.
La photo ci-dessus de ‘Copper Bubble Bath’ (Cadd, 2002) illustre bien mon propos : la photo est excellente, la hampe coupée superbe d’élégance et d’équilibre, mais la fleur est malheureusement sans vie.

L’AFFAIRE DES ‘VANITY’ PERDUS




Dans une précédente chronique, j’ai évoqué le problème créé par l’existence de deux variétés connues sous le même nom : le ‘Romance’ d’Olive Murrell en 1928, et le ‘Romance’ qui figure sous cette appellation dans le catalogue actuel de Richard Cayeux. Dans le numéro du printemps 2010 de ROOTS, la Revue de la HIPS (Historic Iris Preservation Society), Keith Keppel relate l’anecdote des quatre ‘Vanity’.

Tout le monde connaît le ‘Vanity’ de Ben Hager (1974), mais il faut avoir l’érudition de Keith Keppel et sa longue expérience de « registrar » de l’AIS pour savoir qu’il a été précédé par trois variétés portant le même nom.

Le premier ‘Vanity’ a été enregistré en 1928 (comme le premier ‘Romance’, quelle coïncidence !) par B. Y. Morrison. Il est décrit comme ayant : « Pétales lilas ; sépales entre violet archevêque et pourpre madère. » Soit, en fait, un neglecta violet. Cet iris avait une bonne réputation, mais il n’a pas rencontré le succès, et dès 1939 il a été considéré comme obsolète et sans doute même perdu.

Keppel parle ensuite d’une série de quatorze iris nains (SDB) mis en vente en 1945 dans le catalogue de l’obtentrice Frances Horton, dont douze ont été enregistrés en 1949. Deux n’ont donc pas été ainsi identifiés, dont un certain ‘Vanity’ décrit comme un petit iris jaune clair, avec des veines vert olive aux épaules, et des barbes assorties.

Passons au ‘Vanity’ n° 3. Il vient de Nouvelle Zélande et a été obtenu par Emily Jean Stevens. Son pedigree a été noté comme étant (Miss California X ((Rewa x New Dawn) x (New Dawn x Radiant Morn))). Quant à sa description, la voici : « Mélange de rose et de lilas ; grand et de bonne forme. Pétales touchés de bronze clair, sépales mélangés de lilas et d’or, avec une flamme héliotrope sous la barbe jaune. Hâtif, 90cm, remontant quand la touffe est bien établie. ». Il semble qu’il n’ait pas été officiellement proposé à l’enregistrement. Mais il est avéré que des rhizomes ont été expédiés vers les Etats-Unis, alors que l’on n’a pas trace de distribution dans ce pays. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de diffusion et qu’il y a sûrement, quelque part, quelques reliquats de cette variété fantomatique. Il est même probable qu’elle s’est trouvée disponible à la bourse aux plantes 2010 de la HIPS !

Le dernier ‘Vanity’ a eu plus de chance que ses prédécesseurs. Ben Hager a réalisé le croisement suivant : (Cherub Choir X Pink Taffeta), union de deux roses excellents de leur époque en vue d’un classique cas d’endogamie. Le résultat a dépassé les espérances : un rose magnifique, qui fait encore l’honneur à son obtenteur et la fierté des amateurs qui le cultivent. Une plante impeccable à tous points de vue, qui a décroché la DM en 1982. Aujourd’hui encore il ne fait pas « oldie ». Bien sûr il n’offre pas les frisettes et les fanfreluches des variétés modernes. Mais beaucoup d’amateurs, un peu lassés par les excès de ces ondulations, regardent avec un certain plaisir cet iris qui a la simplicité des choses élégantes et réussies.

Cette histoire des quatre ‘Vanity’ démontre bien la nécessité de faire enregistrer les variétés que l’on conserve et que l’on distribue commercialement. Les cas d’indiscipline en ce domaine sont révélateurs des risques de confusion qu’ils déclenchent.

3.6.11

LA FLEUR DU MOIS :






‘Country Manor’

Est-il blanc imprégné de jaune ou tout simplement blanc crème ? On peut se poser la question, mais, à mon avis, parmi les rares variétés qui reprennent ce coloris, c’est un des meilleurs. Ce qui m’a incité à en faire cette « Fleur du Mois », c’est qu’au hasard de mes lectures, j’ai trouvé ce qui suit dans le livre de Clarence Mahan « Classic Irises and the Men and Women who Created Them », page 200 : « ‘Country Manor’ est un des meilleurs iris d’exposition jamais obtenus en Amérique. C’est aussi un bon iris de jardin. » Il a fait partie de ma première collection, mais je l’ai perdu lors du transfert de celle-ci dans mon jardin actuel, et je ne me souviens plus pour quelle raison je ne l’ai pas remplacé alors qu’il était en vente, à un prix très raisonnable, aux Iris de Thau.

‘Country Manor’ (Eleonore Kegerise, 1973) se présente sous une apparence maintenant un peu vieillie, c’est à dire qu’il est modérément ondulé, pas frisé, cependant ses sépales se tiennent bien et lui confèrent une longue durée de floraison. Ses barbes jaune orangé s’accordent avec la couleur des épaules qui proviennent de son parent ‘Concord Town’ (Buttrick, 1954), une variété historique dont il reprend les caractères. Son pedigree s’écrit : Cup Race X (Swan Ballet x Rippling Waters). Ce qui en fait une variété de noble origine. ‘Cup Race’ (Buttrick, 1963) est unanimement apprécié comme un des meilleurs blancs de son époque, ‘Swan Ballet’ (Muhlestein, 1953) n’a pas volé la Médaille de Dykes qui lui a été accordée en 1959, et ‘Rippling Waters’ (Fay, 1961 – DM 1966) fait partie des fondements de l’iridophilie.

Malgré ces qualités évidentes, cette variété n’a pas été beaucoup utilisée en hybridation. Les sœurs Kegerise, Evelyn et Eleonore, en ont fait usage pour quelques croisements qui ont donné, par exemple, les jaunes ‘Idol’s Dream’ (Ev. Kegerise, 1982) ou ‘Sunbridge’ (Ev. Kegerise, 1987), ou le rose ‘Annuity’ (El. Kegerise, 2000). Mais ses plus célèbres descendants sont sans doute la variété jaune crémeux ‘Perfect Interlude’ (Schreiner, 1984)), le blanc, anglais, ‘Arctic Tern’ (Dodsworth, 1984) et le crème ‘Country Bride’ (H. Mohr, 1987), qui a reçu la President’s Cup en 1989.

‘Country Manor’ fait partie des iris obtenus en Pennsylvanie par les sœurs Kegerise, de Reading. Leur activité dans cette région a assuré la continuité de celle de Bertrand Farr, l’obtenteur de ‘Quaker Lady’ (1909), qui s’était installé dans cette même ville de Reading en 1895, et qui fut l’un des pionniers du petit monde des iris dans l’est des Etats-Unis au début du 20eme siècle. A noter que la tradition de la culture des iris dans cette région ne s’est pas éteinte puisque des obtenteurs de la taille de Sterling Innerst en son originaires et que les Spoon, de Virginie, ont repris le flambeau.

ECHOS DU MONDE DES IRIS



Florence 2011 (suite)

Comme promis, je poste aujourd’hui une photo de ‘Egeo’, le second prix de Florence 2011.

‘Egeo’ (Tiziano Dotto, 2011) ( World Premier X Moomba)

ECHO DU MONDE (FRANÇAIS) DES IRIS

Après Jouy

Le concours FRANCIRIS 2011, qui vient de se terminer à Jouy en Josas a déjà donné lieu ici et là à des commentaires. J’en étais le commissaire, c’est à dire la personne chargée de son organisation au plan administratif et veillant au bon déroulement des opérations du jury et de l’attribution des prix. Sur ce plan il n’y a pas eu d’incident.

Au plan horticole en revanche, le concours a été perturbé par deux événements. Les conditions climatiques : la chaleur a provoqué la floraison avancée des plantes de sorte qu’à la date prévue, et impossible à modifier, de très nombreuses variétés étaient déjà passées ; l’entretien du jardin : le prestataire pour cette opération, l’école Técomah, a manqué à ses obligations contractuelles, de sorte que les iris restés sans soins suffisants, ne se sont pas développé comme ils auraient du et se sont présenté dans un état indigne d’un concours international. Pour sa part, la SFIB, autorité organisatrice, a manqué de vigilance et de fermeté.

Ce constat a engendré un certain trouble parmi les membres du jury et les autres amateurs présents. Il en résultera à coup sûr des bouleversements au sein de la SFIB dont la prochaine assemblée générale devrait être le théâtre.

Quant au concours de 2013, lancé depuis maintenant un an, nul ne sait encore s’il pourra se dérouler dans de meilleures conditions. La décision de le maintenir ou de l’annuler devrait être prise au printemps 2012, au vu de l’état des plantes à un an de l’événement. Aujourd’hui, replantées tardivement dans un sol mal préparé, on peut en douter. Tous les espoirs ne sont cependant pas perdus, si la SFIB fait tout ce qui est à sa mesure d’ici là. C’est le défi à relever par la nouvelle équipe qui va s’installer dans les semaines à venir.

UN AIR DE ‘ROMANCE’





Il y a une règle absolue en matière de variétés horticoles, c’est qu’un même nom ne peut pas être attribué à deux cultivars différents. D’où l’intérêt d’enregistrer officiellement tout nouveau cultivar, pour lui conférer une identité indiscutable. Pour ce qui est des iris, c’est l’American Iris Society qui est désignée pour attribuer les noms. Elle détient toutes les listes d’enregistrement depuis le début du système et décide si tel ou tel nom, choisi par l’obtenteur, peut être ou nom attribué. Plus le temps passe, plus les nouveautés sont enregistrées, et plus il devient difficile de trouver un nom simple qui n’ait pas encore été attribué. D’où l’apparition de dénominations de plus en plus longues (on en est à des nom pouvant comporter quatre mots). A noter, malgré l’interdiction qui en est faite que le même nom est maintenant souvent exprimé dans toutes les langues du monde, ce qui, pour être une facilité, donne tout de même une infinité de possibilités pour un même concept. On trouve comme cela un ‘Golden Crown’ et un ‘Zolotaya Korona’ qui sont l’un et l’autre une ‘Couronne d’Or’ !

Si l’on ne respecte pas la règle de l’attributeur unique, on s’achemine vite vers la confusion, et cela peut être préjudiciable à tout le monde. Prenons l’exemple du mot « Romance ». Ila été utilisé dans un nombre assez important de noms différents : rien que pour de grands iris il y en a une vingtaine. Tant que ce mot est accolé à un autre, le plus souvent un adjectif qualificatif, il n’y a pas de problème. On ne confondra pas ‘Gypsy Romance’ et ‘Moonlight Romance’ ou ‘Valentine Romance’. Mais ce mot « romance » est aussi utilisé tout seul. Le premier à l’avoir fait est Olive Murrell, en Grande Bretagne, en 1928. Ce ‘Romance’ est un bel iris rose bruyère infus de jaune, encore présent dans de nombreux jardins et en particulier chez les collectionneurs d’iris historiques. Ignorant sans doute cette appropriation du nom, Ferdinand Cayeux, en 1933, l’a donné à une variété de couleur améthyste qui, elle, a sans doute disparu et de toute manière n’a pas été officiellement enregistrée. Mais voilà-t-il pas que son arrière-petit-fils, Richard Cayeux, a récupéré le nom pour une de ses dernières obtentions ! Voilà pourquoi dans le catalogue actuel, celui de 2011, on trouve un ‘Romance’, blanc et rosé, cerné de bleu, avec une barbe rouge.

Cet iris a été mis au catalogue sous cette dénomination avant d’être officiellement enregistré. A la réception de la demande, le « registrar » de l’AIS a évidemment refusé de l’enregistrer tel quel. Il a fallu trouver un solution. Dans les R&I de 2006, l’iris en question se trouve sous le nom de ‘Douce Romance’, Mais il était trop tard pour changer quoi que ce soit dans le catalogue en cours, et, forcément, dans les suivants, sauf à semer la confusion dans l’esprit des clients.

Il existe donc, potentiellement, trois iris qui s’appellent ‘Romance’. C’est nettement dommage. Le ‘Romance’ de 1928 est le seul a pouvoir se prévaloir du nom. Les deux autres sont sinon des usurpateurs, tout au moins des perturbateurs. Celui de 1933, non enregistré et probablement disparu, n’est pas –ou plus – dans la course, mais le dernier, celui de 2006, est bien là. C’est une variété charmante, dans la série des bleu-blanc-rouge chère à Richard Cayeux, dont on peut penser qu’elle a un succès mérité dans le public. C’est d’autant plus dommage qu’elle puisse être sinon confondue, du moins en conflit avec son valeureux antécédent. A mon sens il serait juste que ce nom de ‘Romance’ laisse la place au vrai nom de ‘Douce Romance’. Bien sûr l’écrasante majorité des acheteurs de ‘Romance’ n° 2 ne se soucie pas de cette homonymie, mais le amateurs apprécieraient qu’une courte note, dans le catalogue, explique le changement. De plus cela serait une courtoisie à l’égard de feu Olive Murrell, dont les obtentions ne sont pas passées inaperçues et qui a même enlevé une Dykes Medal britannique, en 1940, avec son ‘White City’ (1939).