25.2.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Symposium 

Les résultats du Symposium 2021 viennent d'être publiés. Et Keith Keppel est très fier – à juste raison – que 17 de ses variétés y soient répertoriées. Plus que de tout autre hybrideur ! 
On peut lui adresser nos félicitations ! 



 Dorothy Willott

 le dernier bulletin de l'AIS, « Irises », nous apprend le décès de Dorothy Willott. Ce fut, avec son mari Tony une importante spécialiste des iris médians. Pendant les 50 ans de leur activité d'hybrideurs ils ont à eux deux enregistré 362 variétés dans toutes les catégories mais plus spécialement dans celle des MDB qui leur a valu de recevoir trois Carpane-Welch Medal : 
'Alpine Lake' (1981), 


Pussytoes (1982) 


et 'Little Drummer Boy' (1997). 




 Leur TB le plus connu est 'Vatican Flag' (2005).


LE GRAND JEU DES COULEURS

(reprise légèrement modifiée, d'un article publié ici en 2003) 

 Les fleurs d'iris ne font pas exception à la règle, elles ne sont colorées que parce qu’elles contiennent des pigments. Sinon elle sont blanches (et l'on verra qu'elles peuvent être blanches même si elles contiennent des pigments!). Ces pigments sont de deux natures : 
ceux qui imprègnent le liquide intercellulaire, qui sont solubles dans l’eau, qui colorent en bleu, mauve, violet et même pourpre ou magenta, et qu’on désigne sous le terme générique de pigments anthocyaniques ; 
ceux qui se logent à l’intérieur des cellules, qui sont solubles dans les lipides, qui colorent en jaune, orange ou rose, et qui se nomment les pigments caroténoïdes. 

Voilà pour l’essentiel, parce que les choses sont bien plus compliquées ! Prenons les pigments anthocyaniques, pour commencer. Il y en a six principaux, qui portent des noms évocateurs pour le jardinier : 
 Pélargonidine (le géranium), qui est écarlate (ou amarante) ; 
Cyanidine (le bleuet), qui donne le pourpre ; 
Delphinidine (le delphinium), qui va du bleu au violet profond ; 
Peonidine (la pivoine), entre le pourpre et le grenat ; 
Pétunidine (le pétunia), rouge magenta ; 
 Malvidine (la mauve), qui se charge du mauve jusqu’à l’améthyste. 
Il y en a aussi quelques autres, qui sont seulement des co-pigments, associés aux précédents, et qui, isolés, vont du jaune pâle à l’abricot clair, mais qui n’apparaissent pas tout seuls. Chez les caroténoïdes, disons, pour faire court, qu’ils sont de deux sortes, le jaune ou l’orange qui s’appelle carotène, et le rose qui a pour nom lycopène. Ce sont des pigments solubles dans les corps gras. A côté d'eux, il en existe deux autres, les pigments xanthophylles, plus ou moins bien identifiés par les scientifiques, et la chlorophylle, mieux connue, qui, présente dans les fleurs, leur donne, comme de bien entendu, une coloration plus ou moins verte. Mais c’est là un résumé tout à fait insuffisant pour un spécialiste ! 

 Tous ces pigments peuvent être – ou non - présents, en plus ou moins grande concentration, se superposer, et s’influencer les uns les autres, au point de donner les innombrables teintes, nuances ou associations, qui font la diversité des iris et notre ravissement. 

 Tout ce qui vient d’être dit concerne les iris colorés, mais les blancs ? Hé bien, ce n'est pas eux qui vont simplifier les choses ! Il y a en fait plusieurs sortes de blancs et il faut le plus souvent être un expert pour savoir à quelle sorte on a affaire. On parle des blancs dominants, des blancs récessifs, des « blanc de blanc », des « blanc  de bleu », des « blanc de rose » ou des « blanc de jaune » lorsque des pigments s'annulent les uns les autres ou se trouvent inhibés pour telle ou telle raison. Dans ce petit jeu il y a même les « blanc de plicata », comme le fameux 'Laced Cotton' (Schreiner 80) qui sait si bien cacher son jeu ! 

 Le blanc, en effet, peut provenir de l’absence de pigments colorés. Cela donne le blanc pur : la lumière est entièrement réfléchie parce qu’elle n’est absorbée par aucune substance. Cela se produit génétiquement, si je ne me trompe pas, une fois sur 36 dans un croisement entre deux plantes colorées. Mais il arrive beaucoup plus souvent que le blanc existe parce que le ou les pigments sont bloqués par un phénomène particulier que l’on nomme facteur inhibant. Et il existe des inhibiteurs de pigments aussi bien pour les anthocyaniques que pour les caroténoïdes. Mais les choses peuvent être encore plus compliquées ! Que les pigments anthocyaniques soient inhibés, ne signifie pas que la fleur soit nécessairement blanche. A cause de la présence de pigments caroténoïdes, elle peut fort bien être rose, jaune ou orange. L’inverse est également vrai, l’inhibition des caroténoïdes peut aboutir à des fleurs franchement bleues, mauves ou violettes. Qui plus est l’inhibition peut être imparfaite, la fleur présente alors des traces des pigments inhibés, le plus souvent sur les côtes, au cœur, aux épaules… 

 Et puis il y a encore d’autres inhibitions qui affectent une partie seulement de la fleur ; cela donne les amoenas (pétales blancs, sépales colorés) et les amoenas inversés. Les pigments peuvent enfin n’être inhibés que sur le pourtour de la fleur comme chez les luminatas, ou, au contraire, en son centre comme chez les plicatas ou ceux que l'on dit faire partie du modèle 'Emma Cook', sans compter les blancs à barbes colorées qui sont devenus si nombreux et si variés. Et comme ces diverses inhibitions peuvent s’additionner, on arrive à la multitude de mélanges de couleurs et de modèles de fleurs que l’on connaît aujourd'hui. 

 Dans nos jardins l’iris blanc cache bien habilement ses origines , de sorte que l'amateur moyen ne sait la plupart du temps rien de ces subtilités. Il se contente, et il a bien raison, de se délecter de tous ces blancs qui ajoutent leur note apaisante dans le concert multicolore des iris. 

 Illustrations : 


'Irish Spring' (Bernice Roe, 1972), blanc teinté de vert par la chlorophylle ; 


'Gwennaden' (Gérard Madoré, 2001), blanc de bleu ; 


'Laced Cotton' (Schreiner, 1978), blanc de plicata ; 


'Dolce Acqua' (Augusto Bianco, 2002), blanc du modèle 'Emma Cook'

18.2.22

VOYAGE AUTOUR DE MON JARDIN

Alphonse Karr, (1808/1890), était un ami de Victor Hugo et de tous les personnages importants de la période romantique dans le domaine des arts. Lui-même a écrit un grand nombre d'ouvrages, romanesques ou humoristiques. Mais c'était aussi un éminent botaniste et son livre « Voyage autour de mon jardin » en apporte la preuve. C'est là que j'ai trouvé un truculent portrait de l'amateur de tulipes. Portrait qu'il n'est pas difficile de transformer en portrait de l'amateur d'iris. C'est ce que j'ai fait, dans le but de distraire mes lecteurs. D'abord, le texte d'Alphonse Karr :

 « M. Reault, (…) était avec plusieurs personnes qui venaient voir les tulipes ; il avait une baguette à la main et faisit la démonstration avec une emphase que ne peuvent se représenter que ceux qui ont vu dans cette situation un amateur de tulipes devant ses plantes en fleurs. (…) . M. Réault s'arrêta un moment pour voir qui entrait et quand il eut reconnu un profane, il lui dit bonjour d'un signe de tête, et, sans quitter son sérieux, continua sa démonstration ; il était alors devant une tulipe à fond blanc, panachée de rameaux violets. 

 Messieurs, disait-il, voici 'Vandaël', c'est une perle du genre, elle n'est pas dans toute sa beauté, le mois d'avril a été cruel pour nos plantes, et le mois de mars avait été perfide. … Voici 'Joseph Deschiens', nous ne connaissons rien qui égale cette superbe plante, le fond est blanc et les stries violettes. »

 Mais, interrompit Arnold, est-ce que celle de tout à l'heure et que vous appeliez 'Vandaël', n'était pas aussi blanche et violette ? » M. Réault sourit dédaigneusement, regarda les autres spectateurs, et sans daigner répondre à Arnold, continua : 

« Voici 'Gluck', blanc et violet, magnifique plante de la septième ligne. »

 « Pardon interrompit encore Arnold, mais 'Vandaël' et 'Joseph Deschiens' sont également blancs et violets. 

 Cette fois M. Réault haussa les épaules avec un mouvement d'impatience : un des assistants lui répondit par un signe à peu près semblable, mais qui cependant, avait cette nuance particulière qu'il exhortait M. Réault à prendre en pitié le profane et à avoir de la patience. L'autre resta en arrière avec Arnold, et lui dit à voix basse : 

 « Monsieur n'est pas amateur ?

 Non, Monsieur, pas encore, je n'ai que douze tulipes. 

 Ah ! Ah ! C'est peu, il y en a dix-huit cents toutes différentes. 

 Mais, Monsieur, je n'en ai encore regardé que trois qui m'ont paru tout à fait semblables. 

 Ah ! Monsieur, ces trois plantes se ressemblent comme le jour ressemble à la nuit ; elles n'ont, pour des yeux exercés, aucun rapport entre elles.

 Aucun rapport, ceci me paraît fort, Monsieur. 

C'est vous au contraire, Monsieur, qui ne l'êtes pas sur les tulipes. Toutes trois sont violettes et blanches, c'est vrai, le fond de toutes trois est blanc, et les panachures sont violettes, mais le violet n'est pas le même. 

Ah ! Très bien, Monsieur, je vous remercie. 

 Il n'y a pas de quoi, Monsieur. » 

Tous deux revinrent auprès de Monsieur Réault, il touchait de sa baguette une tulipe blanche et rose. «  

-  'Czartoriski', Messieurs, fleur de cinquième ligne, je vous recommande la blancheur des onglets, et quelle tenue, Messieurs, quelle tenue ! » 

Et en disant ces mots, M. Réault appuyait sa baguette sur la tige verte de la tulipe, et semblait faire les plus grands efforts sans y pouvoir réussir. 

« C'est une tringle, Messieurs, c'est une barre de fer. Monsieur, dit Arnold à celui qui avait eu compassion de lui déjà et lui avait donné une charitable explication, croyez-vous que M. Réault appuie de bien bonne foi sur sa baguette, et est-ce un grand avantage, d'ailleurs que la tige de cette fleur si légère soit une barre de fer comme il le dit. 

 Oui, certes, Monsieur, c'est une condition sans laquelle nous n'admettons pas une tulipe dans nos plates-bandes. 

'Napoléon 1er', disait M Réault devant une tulipe blanche et rose, c'est une plante que je vous recommande. 

Ah, ça, Monsieur, dit Arnold à son amateur complaisant, sans vous je dirais d'étranges choses ; probablement le rose de ces tulipes n'est pas le même rose, mais enfin si j'étais venu ici j'aurais cru voir deux tulipes multipliées chacune neuf cents fois, l'une blanche et violette, l'autre blanche et rose. 

Dame ! Monsieur, quand on ne sait pas. »(...) 

Et maintenant la version « iris ». 

« M. Reault, (…) était avec plusieurs personnes qui venaient voir les tulipes ; il avait une baguette à la main et faisait la démonstration avec une emphase que ne peuvent se représenter que ceux qui ont vu dans cette situation un amateur de tulipes devant ses plantes en fleurs. (…) . M. Réault s'arrêta un moment pour voir qui entrait et quand il eut reconnu un profane, il lui dit bonjour d'un signe de tête, et, sans quitter son sérieux, continua sa démonstration ; il était alors devant un iris à pétales blancs et sépales bleus, marqués de violet sous les barbes. 

 Messieurs, disait-il, voici 'Alizés', c'est une perle du genre, elle n'est pas dans toute sa beauté, le mois d'avril a été cruel pour nos plantes, et le mois de mars avait été perfide. … 

Voici 'Deltaplane', nous ne connaissons rien qui égale cette superbe plante, les pétales sont blancs et les sépales bleus. » 

Mais, interrompit Arnold, est-ce que celle de tout à l'heure et que vous appeliez 'Alizés', n'était pas aussi blanche et bleue? » M. Réault sourit dédaigneusement, regarda les autres spectateurs, et sans daigner répondre à Arnold, continua : « Voici 'Lord Baltimore', blanc et bleu, magnifique exemple d'amoena. » 

« Pardon interrompit encore Arnold, mais 'Alizés' et 'Deltaplane' sont également blancs et bleus. » 

 Cette fois M. Réault haussa les épaules avec un mouvement d'impatience : un des assistants lui répondit par un signe à peu près semblable, mais qui cependant, avait cette nuance particulière qu'il exhortait M. Réault à prendre en pitié le profane et à avoir de la patience. L'autre resta en arrière avec Arnold, et lui dit à voix basse : Monsieur n'est pas amateur ? 

Non, Monsieur, pas encore, je n'ai que douze iris. 

 Ah ! Ah ! C'est peu, il y en a des milliers de variétés toutes différentes. 

 Mais, Monsieur, je n'en ai encore regardé que trois qui m'ont paru tout à fait semblables. 

 Ah ! Monsieur, ces trois plantes se ressemblent comme le jour ressemble à la nuit ; elles n'ont, pour des yeux exercés, aucun rapport entre elles. 

Aucun rapport, ceci me paraît fort, Monsieur. 

C'est vous au contraire, Monsieur, qui ne l'êtes pas sur les iris. Toutes trois sont bleues et blanches, c'est vrai, les pétales de toutes trois sont blancs, et les sépales sont bleus, mais le bleu n'est pas le même. 

Ah ! Très bien, Monsieur, je vous remercie. 

 Il n'y a pas de quoi, Monsieur. » 

Tous deux revinrent auprès de Monsieur Réault, il touchait de sa baguette un iris grenat brodé de blanc.

 «  -  'Montmartre', Messieurs, luminata, je vous recommande la blancheur du cœur, et quelle tenue, Messieurs, quelle tenue ! » 

Et en disant ces mots, M. Réault appuyait sa baguette sur la tige verte de l'iris, et semblait faire les plus grands efforts sans y pouvoir réussir.

« C'est une tringle, Messieurs, c'est une barre de fer. 

Monsieur, dit Arnold à celui qui avait eu compassion de lui déjà et lui avait donné une charitable explication, croyez-vous que M. Réault appuie de bien bonne foi sur sa baguette, et est-ce un grand avantage, d'ailleurs que la tige de cette fleur si légère soit une barre de fer comme il le dit.

 Oui, certes, Monsieur, c'est une condition sans laquelle nous n'admettons pas un iris dans nos plates-bandes. 

'Noces de Diamant', disait M Réault devant un iris aux fleurs cerclées de blanc, c'est une plante que je vous recommande. 

Ah, ça, Monsieur, dit Arnold à son amateur complaisant, sans vous je dirais d'étranges choses ; probablement le blanc qui cerne ces iris n'est pas le même blanc, mais enfin si j'étais venu ici j'aurais cru voir deux iris multipliés chacun neuf cents fois, l'un blanc et bleu, l'autre grenat cerclé de blanc. 

Dame ! Monsieur, quand on ne sait pas. » (...) 

J'ai assisté fréquemment à des scènes de ce genre dans les compétitions ou expositions auxquelles j'ai participé, et j'ai du me comporter comme M. Réault, ce dont je n'ai pas à être fier. Mais Alphonse Karr sait se montrer ironique sans être trop méchant et sa satire réussit à donner une leçon tout en faisant sourire. 

 Illustrations : 
 

'Alizés' (J. Cayeux, 1991) 


'Deltaplane' (R. Cayeux, 1993) 


'Lord Baltimore' (D. C. Nearpass, 1968) 


'Montmartre' (K. Keppel, 2007) 


'Noces de Diamants' (R. Dejoux, 2019)

11.2.22

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Dave O. Niswonger

 Le monde des iris a appris la semaine dernière le décès de Dave O. Niswonger, un des hybrideurs américains les plus connu. 

Dès le début des années 1950, ce natif de l'Etat du Missouri c'est intéressé aux iris, mais ce n’est qu’en 66 qu’il se risqua à enregistrer sa première obtention : 'Sapphire Fuzz', un joli TB bleu clair qui fut d’emblée remarqué par les juges puisqu’il obtint une Honorable Mention (HM) en 1968. La machine était enclenchée et en cinquante ans ans de travail, Dave Niswonger a enregistré près de 400 variétés, dans toutes les catégories, avec une prédilection pour les TB et les spurias. C'est d'ailleurs avec ces grands iris tardifs qu'il a obtenu ses plus nombreuses distinction : 14Nies Medal, entre 1986 et2013. Cependant son bâton de maréchal fut sans aucun doute la Médaille de Dykes attribuée en 1991 à 'Everything Plus' (1983). 

 Il fut Président de l'AIS pour un mandat de trois ans entre 1996 et 1999. 

Illustrations :


'Missouri Autumn' (1996) Nies Medal 2009 


'Sapphire Fuzz' (1966) 


'Everything Plus' (1983) 


'Cloudless Sunrise' (1983) 

 'Kenavo' 

 Le « Souvenir de Mr. Lemon Trophy », la deuxième plus haute récompense annuelle décernée par la BIS (British Iris Society) a été attribuée cette année au BB 'Kenavo' (2017) de l'obtenteur franco-néerlandais Loïc Tasquier. C'est une prestigieuse récompense qui fait le bonheur de celui dont les très nombreuses variétés portent la nationalité néerlandaise, mais qui pour notre pays est le « registrar », c'est à dire l'antenne française de l'AIS pour noter et transmettre aux Etats-Unis les enregistrements de variétés françaises. Le commentaire qui accompagne le Trophée est particulièrement élogieux : "C'est une plante qui se distingue au jardin. Elle se multiplie bien et produit un grand nombre de pousses avec un bon branchement qui porte un grand nombre de jolies fleurs. Elle a une longue période de floraison et résiste extrêmement bien aux mauvaises conditions atmosphériques. 'Kénavo' a une très forte tendance à refleurir (…). Une plante utile pour ceux des hybrideurs intéressés par la culture des « rebloomers ». En attribuant cette distinction majeure à une variété européenne, les juges britanniques reconnaissent les progrès considérables faits par l'hybridation continentale. 

 Illustration : 
                                            cl . Loïc Tasquier

 -'Kenavo'

SUIVANT LE POINTILLÉ

Le modèle plicata est sans doute l'un de ceux qui a subi l'évolution la plus importante depuis qu'il a été « apprivoisé » par Marie-Guillaume de Bure dans les années 1830. A cette époque les variations que recherchait et sélectionnait de Bure portaient sur la teinte du bleu anthocyanique des dessins ou la densité de ceux-ci. On est loin de ça aujourd'hui. Les variétés créées par les hybrideurs contemporains ajoutent à des frisures et des ondulations des tépales une variété de colorations infinie. Mais ce n'est pas tout, depuis une vingtaine d'années (déjà!) est apparu un autre type de dessins : de petits grains de couleur répartis sur l'ensemble de la fleur, de façon plus ou moins dense et de couleurs plus ou moins saturées et même mélangées. Il y a quelques mois, ici-même, on avait abordé ce sujet et c'est l'apparition d'une nouvelle variété, œuvre de Michael Sutton, qui le remet sur la table. Cet iris s'appelle 'Freckle Frenzy'. Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, la fleur est entièrement grêlée ; la couleur de fond est légèrement ocrée, beaucoup plus sur les pétales que sur les sépales, et de ce fait le revêtement anthocyanique apparaît d'un brun miel sur les pétales mais violacé sur les sépales. Les pointillés se montrent même sur les barbes, par-dessus une base miel. C'est original et assez élégant. Mais peut-on trouver d'où provient cette étrange coloration ? 

 Jusqu'à présent les fleurs de ce modèle ont été majoritairement dans les tons de bleu sur une base blanche, jusqu'à ce qu'apparaissent des fonds colorés de jaune. Par exemple chez 'Temporal Anomaly' (Tasco 2007), une variété qui a eu plusieurs sosies (ou presque), comme 'Camera Ready' (Tasco, 2009). Cependant jusqu'à cette nouvelle variété les petits grains « de beauté » figuraient essentiellement sur les sépales. Les pétales étaient plutôt épargnés. 

 Il ne fait pas de doute que ces iris pointillés soient de la famille des plicatas. Tous ont pour parents des plicatas. C'est notamment le cas de 'Temporal Anomaly' qu'on a pris ci-dessus pour exemple. Son pedigree est :  'Tennessee Woman' X 'Celestial Explosion' sibling. 'Tennessee Woman (Innerst 1989) fait partie de la grande famille des plicatas créés par Sterling Innerst, avec pétales bruns clairs et sépales blancs marqués de violet, eux-mêmes issus d'une longue série de plicatas. 'Celestial Explosion' (et son frère de semis par conséquent) remonte à 'Splashacata' (Tasco, 1997) le point de départ, combien célèbre, des iris pointillés modernes. La variété qui nous intéresse, 'Freckle Frenzy' (M. Sutton, 2022), vient de Dots and Splashes X High Desert, une association de plicatas. 'Dots and Splashes' (M. Sutton, 2009) ne nous renseigne qu'à moitié sur ses origines puisqu'il est « de mère inconnue », cependant son parent mâle, 'Peggy Anne' (G. Sutton, 2006) partie d'une autre autre branche de la famille plicata, les « broken color ». Quant à 'High Desert' (2014) c'est un pur et brillant fruit de la création de Keith Keppel. Il est bien connu en France puisqu'il a remporté le second prix au concours Franciris de 2017. Son parent mâle, 'Reckless Abandon' (Keppel, 2009) est une des variétés d'aujourd'hui les plus prometteuses en matière de descendance. 

 Avec une parentèle aussi riche il n'est pas étonnant que Michael Sutton ait obtenu une variété intéressante. 

 Je ne vais pas beaucoup m'avancer en disant que les iris pointillés sont appelés à se multiplier abondamment dans un proche avenir, car à l'effet de mode il faut ajouter le réel intérêt de ce modèle dont les combinaisons de couleurs sont innombrables. Ils vont prendre place à côté d'un autre type de fleurs recherché, les iris à rayures, dont nous parlerons ici dans un proche avenir. 

 Illustrations : 


 'Freckle Frenzy' 


'Dots and Splashes' 


'High Desert' 




'Tennessee Woman'

4.2.22

L'IRIS DE L'APOTHICAIRE

(texte élaboré à partir d'un article publié dans le numéro 110 – Automne 1993 – de la revue « Iris & Bulbeuses) 

L'iris est-il une plante médicinale ? On n'aurait plus guère aujourd'hui l'idée de le considérer sous cet aspect, mais il fut un temps où la chimie n'avait pas la place qu'elle tient de nos jours dans notre pharmacie, où l'on avait fait le tour des propriétés de toutes les plantes à notre disposition pour essayer de se soigner avec. L'iris ne faisait pas exception ! Ornementale ou pas, cette plante entrait dans la pharmacie de nos ancêtres. 

Un de mes amis, médecin, s'est amusé à compiler les documents en sa possession à propos des vertus médicinales de l'iris. On peut, grâce à lui, se rendre compte de tout le profit que nos anciens pouvaient tirer de cette plante cultivée d'abord pour des raisons d'ordre esthétique. L'iris n'est donc pas seulement beau, il est également utile et bienfaisant. 

Voici ce qu'il nous offre en dehors du plan ornemental :
Partie utilisées : 
- Rhizome : sur une plante de plus de trois ans,enlever l'épiderme au couteau puis faire sécher la chair au soleil ou au four ;
- Feuilles 

Principes actifs : 
Glucoside : l'iridine ; 
Résine : « camphre d'iris » (C4 H8 O) ou essence (parfum de violette utilisé en parfumerie) ; 
Amidon ; 
Tanin. 

Usage interne :
 
     I – Asthme, bronchite (déjà conseillé dans cette indication au 1er siècle par Diocoride et au 16eme par Pierre André Matthioli ) action fluidifiante ; action tonique sur la musculature bronchique ; mode d'emploi : décoction : 15 à 60 grammes de racine d'iris fraîche ou séchée dans un litre d'eau bouillante : laisser bouillir deux minutes et infuser vingt minutes ; passer ; sucrer au miel. 1 à 2 cuillerées à soupe toutes les heures. 
      II – Bronchologie du vieillard Potion de Leclerc : Rhizome d'iris environ 5 g. Racine de réglisse environ 5 g. Eau bouillante 200 g Semence d'anis vert 2 g faire infuser 20 minutes, prendre 1 cuillerée à soupe toutes les heures. Pilules de Leclerc : Extrait mou d'anis …. 0,005 g Extrait mou d'aunée . … 0,005 g 5 à 8 par jour 
      III – Coqueluche : voir bronchite. 
      IV – Rhume : Poudre de rhizome d'iris séché 0,25 à 2 g selon l'âge dans un peu de miel ou de thé. 
      V – Constipation : Purgatif : 0,25 à 2 g de rhizome d'iris séché en poudre dans une cuillerée de miel le matin à jeun. Attention : peut être vomitif à trop forte dose. 
     VI - « Crise de foie » : même décoction que pour la bronchite ; 2 à 3 tasses par jour entre les repas. 
     VII – Hydropisie : feuilles fraîches : passer à la moulinette pour en extraire le suc. 15 à 60 g de suc dans une cuillère à soupe de miel par jour. 
      VIII – Rétention urinaire : même décoction que pour la bronchite : diurétique et anti-rétention. 

Usage externe 

      I – Brûlures : Feuilles d'iris au four : lorsque les feuilles sont chaudes on les applique en cataplasme sur les parties brûlées. 
     II – Plaies : Poudre de rhizome séché, directement sur les plaies ou rougeurs.
     III – Dents jaunies par le tabac : Poudre de rhizome séché en dentifrice ( en plus, améliore l'haleine). 
     IV – Cors : Feuilles fraîches , moulues, 2 à 3applications de 2 ou 3 heures. 

 Autres usages .
 
     Blanchir et parfumer le linge ; .
     En parfumerie (essence ou « camphre d'iris ») ; . 
     Parfumer et donner du « corps » aux vins et vermouths. 

Certes de nos jours on est accoutumé à user de remèdes plus élaborés et sans doute plus efficaces, mais au moment où certains sont tentés de revenir à des médecines douces et naturelles, n'est-il pas réconfortant de savoir que notre jardin d'agrément est aussi un jardin curatif ? Et pour l'amateur d'iris, quand il dédouble ses touffes, cela peut être satisfaisant (et amusant) de savoir qu'il existe une autre solution que de jeter au compost les rhizomes excédentaires !

LA FLEUR DU MOIS

‘Son of Star' (Gordon Plough, 1968)
 'Flaming Star x semis comprenant 'Apricot Glory', 'Ballerina', Marilyn C', 'Palomino' 

 Gordon Plough fut un obtenteur discret. Ses nombreuses nouvelles variétés ont concerné tous les modèles de l'époque et toutes les couleurs ; ses iris ont été distribués dans le monde entier et ont été utilisés en hybridation un peu partout et pour tous les croisements imaginables, cependant la postérité n'a pas gardé de lui le souvenir d'un génie de l'obtention. Pourtant certaines de ses obtentions ont été des étapes dans l'histoire de l'hybridation. A ce titre citons les noirs 'Edenite' (1958), 'Study in Black' (1967), 'Interpol' (1972) ; les plicatas 'Kona Coast' (1954), 'Butterscoch Kiss' (1955), 'Pencil Sketch' (1972), 'Pleasure Cruise' (1974) et, son dernier, 'Prize Drawing' (1988) ; les étranges 'Rain Forest' (1966) et 'Secret Society' (1973) ; les amoenas rose, 'Java Dove' (1963), et bleu 'Freedom Road' (1976) ; et pour terminer le héros du jour, 'Son of Star' (1968), en orange. 

 'Son of Star' est l'un des premiers iris oranges convenablement réussis. D'une taille normale, 0,90m, alors que très souvent les oranges son de petite taille, il est décrit ainsi : « Pétales orange cadmium avec reflet plus rose au centre ; sépales orange cadmium sur les épaules, plus rose au centre, tirant au jaune bouton d'or sous les barbes, elles-mêmes orange soucis ». A l'examen c'est un orange plutôt clair, dont les veines sont plus foncées. L'ensemble est vraiment orange. Si aujourd'hui la forme de la fleur est évidemment vieillie, elle conserve une bonne tenue dans le temps et une vraie résistance aux maladies, ce qui en fait toujours une excellente plante de jardin. Elle a fait partie des premiers iris arrivés dans mon jardin, au début des années 1980 et elle s'y trouvait encore lorsque ma collection est partie à Champigny sur Veude plus de trente ans plus tard. 

 'Son of Star' a été obtenu par le procédé bien connu de l'inbreeding. On ne sait pas grand chose de son parent mâle car à l'époque il était fréquent qu'on ne donne qu'une version abrégée du pedigree des iris . Cette fois on parle d'un cocktail de quatre variétés toutes rose ou abricot datant des années 1950. La plus souvent utilisée pour des croisements en vue d'obtenir des fleurs abricot ou orange, est 'Marilyn C' (Luzon Crosby, 1957), une variété provenant de l'Etat d'Utah commercialisée par Tell Muhlestein. Pour obtenir 'Son of Star', Plough l'a croisée avec 'Flaming Star' (Plough, 1966) une variété issue de la même pépinière, elle-même produit d'un croisement de 'Marilyn C', cette fois avec une variété de Melba Hamblen, 'Orange Parade' (1958), qui est un des premiers iris orange présentable. 

 C'est une fleur qui a, dès sa mise sur le marché reçu un accueil très favorable, du fait de ses qualités horticoles et de la vivacité de sa couleur. Pourtant cette vivacité même a parfois paru plutôt excessive. C'est d’ailleurs ce qu'en dit Ron Mullin dans le numéro de janvier 1972 du Bulletin de l'AIS : « La fleur la plus éclatante du jardin est 'Son of Star'. D'un brillant orange quand on la voit d'une certaine distance, c'est assurément un orange avec beaucoup de jaune dans les sépales. Sa croissance est très rapide mais vous ne l'aimerez pas si vous désirez une couleur parfaitement douce, en effet elle paraît un peu lourde. » Quoi qu'il en soit cet éclat n'a pas gêné la vie commerciale de cet iris, au contraire ! 

 'Son of Star' n'a pas eu une foule de descendants. En fait deux obtenteurs seulement l'ont utilisé et hybridation, et encore pas au premier degré : la famille Schreiner en premier lieu, avec, principalement : 'Fireside Glow' (1988), 'Goodbye Heart' (1989), et 'Orange King' (2008) ; Mitch Jameson , ensuite, avec 'Diva do ' (1992) et, surtout, 'Lydia Safan-Swiastyn' (199), très apprécié par Keith Keppel. La moisson n'est pas énorme, mais, à l'image de 'Son of Star', éclatante. 

 Voici un iris orange qui mérite bien cette chronique, même s'il n'a pas la grâce et la splendeur des fleurs contemporaines, dont on peut trouver un échantillon dans le tout nouveau 'Essence of Beauty' de Paul Black (2022). 


 Illustrations : 

 'Son of Star' 


'Marilyn C' 


'Fireside Glow' 


'Orange King' 


'Diva Do' 


'Lydia Safan-Swiastyn'


'Essence of Beauty'