29.11.13

LE FONDATEUR

Un portrait de John C. Wister 

Pour une fois ce n’est pas d’un hybrideur d’iris dont il sera question ici, mais d’un homme exceptionnel qui a consacré aux iris une partie d’une exceptionnelle existence.

John Caspar Wister (1887/1982) est d’une famille aisée de Philadelphie, où il a passé son enfance dans le quartier chic de Germantown où se trouve encore aujourd’hui une rue portant le nom de Wister. Sa famille comporte plusieurs personnes connues aux Etats-Unis comme l’écrivain Owen Wister, père du roman western, ou Sarah Logan Wister Starr, engagée toute sa vie dans les œuvres humanitaires.

Très tôt dans son existence, il s’est intéressé à l’horticulture. On dit qu’il accompagnait les jardiniers de la propriété familiale afin d’apprendre le plus de choses possibles au sujet des plantes qui s’y trouvaient. Plus tard il a poursuivi des études à l’Université de Harvard et s’est spécialisé dans l’architecture du paysage. Il commençait une carrière dans cette branche quand il a été rattrapé par la Première Guerre Mondiale, pour laquelle il s’est engagé en 1917, alors qu’il avait tout juste vingt ans.

Son séjour en Europe s’est poursuivi après la guerre, et il en a profité pour visiter de nombreux jardins, faire la connaissance des plus éminents horticulteurs et acquérir des plantes qu’il a envoyées à des amis restés au pays. De retour aux Etats-Unis, et pour un bail de 70 ans, il a repris son métier d’architecte paysagiste et son entreprise s’est développée non seulement aux USA, mais aussi en Grande-Bretagne.

Son intérêt pour les plantes était considérable. Il englobait les iris, bien sûr, mais aussi les lilas, les pivoines, les rhododendrons, les narcisses est tout un tas d’autres espèces plus ou moins rares ou délicates à cultiver. Il consacrait une bonne part de son temps à faire partager ses connaissances, notamment au Swarthmore College de Philadelphie, où il a travaillé plus de cinquante ans. Un grand jardin public y a été créé, qu’il a en partie lui-même dessiné, et qui abrite 5000 espèces d’arbres et d’arbustes. De même il a dirigé le Tyler Arboretum, à Lima, Pennsylvanie, tout près de Philadelphie, jusqu’en 1968. Il fut, par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages d’horticulture qui font encore référence.

Il faisait partie d’une foule de sociétés d’horticulture, dont, évidemment la Pennsylvania Horticultural Society mais aussi l’American Rose Society et, tout particulièrement l’American Iris Society dont il fut le fondateur et qu’il a présidée pendant quatorze ans. A ce titre il a fait partie en tant que Vice-Président de la Commission des Iris réunie à Paris en 1922.

Ses éminentes aptitudes et son infatigable énergie lui ont valu une foule de distinctions, médailles et autres signes de reconnaissance, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, notamment de la part de la Royal Horticultural Society, à Londres.

Il est décédé en 1982, dans sa maison du Swarthmore College de Philadelphie. Peut-être est-ce à son extraordinaire activité qu’il a du de vivre jusqu’à l’âge de 95 ans. Il restera en tout cas une des figures les plus emblématiques du monde de l’horticulture en général et du monde des iris en particulier.

OU SONT LES DAMES D’ANTAN ?

Au cours de ce que l’on peut appeler la période classique de l’iridophilie, de nombreuses obtentrices ont connu la célébrité pour le progrès que représentaient leurs obtentions. Le feuilleton continue en deuxième semaine. 

II. Agnes WHITING 

L’un des grand iris les plus populaires, tout au moins jusqu’à la fin du XXeme siècle, fut sans doute ‘Blue Rhythm’ (A. Whiting 45). Il a été honoré de deux prestigieuses récompenses, la President’s Cup puis, la même année 1950, la Dykes Medal. Nous devons cet iris au talent d’Agnes Whiting, une élégante dame, mince et distinguée, qui connut la gloire au cours des années 40 et 50. Ces nombreuses obtentions ont en général été saluées comme faisant partie des plus beaux iris de leur époque. En voici quatre exemples.


· ‘Maytime’(1948) 


· ‘Rocket’(1945) 


· ‘Technicolor’(1948) 


· ‘Three Oaks’(1941)

JEUNES SUJETS, VIEUX MODÈLES

On dit souvent que c’est avec les vieilles recettes qu’on confectionne les meilleurs plats. Cela vaut aussi pour l’hybridation des iris. On peut remarquer que, ces dernières années, en dehors du modèle « distallata » créé par Keppel et Ghio puis repris par la plupart des obtenteurs, ce sont les modèles anciens qui apportent le plus de nouveauté. On crée de jeunes sujets en utilisant de vieux modèles.

Pour illustrer ce propos, on prendra l’exemple des dernières innovations chez les amenas, des combinaisons de couleurs inattendues chez les variegatas et des nouvelles découvertes chez les plicatas.

 Les amoenas « new look ». 

On ne revient pas sur la définition du modèle amoena : grosso modo des pétales blancs et des sépales bleus. Mais il y a déjà longtemps que ces dispositions ont été inversées. On a parlé à ce sujet de la souche ‘Avis’ (Varner, 1963) mais ce n’est ni la principale, ni la plus prolifique. La suivante, et peut-être la plus importante, est la souche ‘Surf Rider’ (Tucker, 1970). Enfin a troisième, la plus exemplaire et la plus productive, a pour origine l’espèce I. imbricata et c’est Paul Cook qui l’a utilisée pour obtenir ‘Wide World’ (1953), lequel peut en être considéré comme le point de départ. Depuis ces temps anciens, il y a toujours eu des amoenas inversés, mais un engouement nouveau c’est manifesté pour ce modèle à partir des obtentions remarquables de Keith Keppel et surtout de ‘Fogbound’ (1997) et ‘Crowned Heads’ (1997), puis ‘Alpenview’ (2002) et‘Wintry Sky’ (2002). Ces variétés ont apporté un approfondissement du contraste et une parfaite tenue de la fleur. Depuis, la plupart des obtenteurs ont apporté leur pierre à l’édifice et on ne compte plus les excellents amoenas inversés bleu/blanc. Mais les hybrideurs ne se sont pas contenté de reproduire indéfiniment le modèle en jouant sur les pigments bleu/violet. Ils ont créé une autre sorte d’amoenas inversés, concernant cette fois les pigments caroténoïdes (jaune, orange, rose…). Cette voie a essentiellement été explorée par Barry Blyth en Australie, et cela nous a valu ‘Alpine Region’ (1996) et quelques autres. Le défi a été relevé par d’autres hybrideurs avides d’originalité ou, à l’occasion, favorisés par la chance. En France ‘Somni’ (Dauphin, 2008) est un exemple convaincant.

On peut parier que sous peu vont apparaître d’autres amoenas inversés, en rose ou orangé sur blanc vraisemblablement.

L’inversion des variegatas. 

Traditionnellement les variegatas ont des pétales jaunes (ou orangés) et des sépales bruns, grenats ou violacés, quelques fois bleus. La tentation a été de transférer la couleur sombre (brun ou violet) sur les pétales et, à l’inverse, de colorer les sépales de jaune. En fait, toutes les tentatives d’inversion des variegatas proprement dits n’ont pas encore abouti. Il semble donc que cette dénomination ne soit pas adaptée aux variétés qui s’en prévalent, même si le résultat visuel est bien celui-là, car aucun des iris présentant cet aspect particulier n’est issu d’une famille de variegata ! Si donc le terme de variegata est usurpé, à quel modèle peut-on rattacher celui qui nous intéresse aujourd’hui ? Il faut en réalité le relier aux amoenas inversés. Des amoenas inversés dont le blanc ( ou blanc bleuté) des sépales serait remplacé par un jaune plus ou moins saturé. Mais qu’importe, dans le cas présent c’est l’apparence qui est prise en compte ! Les variétés les plus emblématiques de ce modèle semblent être ‘Wonderful to See’ (Kerr 2000) et ‘Fare thee Well’ (Christopherson 2004). Dans la même veine, ‘Affaire’ (Blyth, 1993) a été une grande innovation. Des progrès restent à faire, car soit les couleurs sont un peu ternes, soit le jaune n’est pas franchement jaune, soit les deux. Mais on s’approche !

Les nouvelles perspectives des plicatas. 

C’est dans le domaine des plicatas que le vieux modèle – toujours largement représenté parmi les variétés récentes - connaît ses plus intéressantes évolutions. Celles-ci se développent sur deux plans : les iris « à pois » et les bicolor-plicatas.

Les premiers ont reçu une consécration lorsque ‘Splashacata’ (Tasco, 1997) à reçu la Médaille de Dykes en 2005. Depuis, les obtenteurs les plus innovants ont suivi la même voie. A commencer par Rick Tasco lui-même, qui, peut-on dire, s’est fait une spécialité de ce modèle. ‘Celestial Explosion’ (2003), ‘Magic Quest’ (2007), ‘Temporal Anomaly’ (2007), ‘Camera Ready’ (2009) ou ‘Autumn Explosion’ (2013) en sont les plus explicites représentants.

Parallèlement, les bicolor-plicatas connaissent un extraordinaire développement depuis l’apparition de R41-4, un semis miraculeux de Barry Blyth dont Keith Keppel a immédiatement vu l’infinité des mélanges qu’il allait permettre. Keppel décrit comme suit l’élaboration de cet iris : « La lignée de R41-4 a commencé avec ‘Sunset Snows’ (Stevens, 1965) et comprend ‘Twist and Shout’ (Blyth, 1973), ‘Outer Limits’ (Blyth, 1972) et ‘Snowlight’ (Blyth, 1972). Cette lignée a été croisée, recroisée, intercroisée en tous sens, et à la quatorzième génération le bicolor-plicata est apparu. Là n’était pas le but recherché (par Blyth), mais le plicata est un caractère récessif qui peut être porté et caché pendant de nombreuses générations . » En associant le modèle plicata (sous ses différentes formes) et le modèle amoena (sous ses formes jaunes) Keppel a imaginé neuf sortes de combinaisons. Autant dire qu’une infinité de nouveaux iris était envisageable. Le semis KK#07-176B-020 est un récent exemple de ces nouvelles possibilités.

En s’appuyant sur les vieux modèles, les hybrideurs d’aujourd’hui proposent de jeunes sujets aux perspectives enthousiasmantes qui laissent augurer d’un avenir radieux pour nos fleurs préférées.

Illustrations : 


· ‘Somni’ 


· ‘Affaire’ 


· ‘Autumn Explosion’ 


· semis Keppel KK#07-176B-020

22.11.13

OU SONT LES DAMES D’ANTAN ?

Au cours de ce que l’on peut appeler la période classique de l’iridophilie, de nombreuses obtentrices ont connu la célébrité pour le progrès que représentaient leurs obtentions. Le feuilleton qui commence aujourd’hui a pour but de leur rendre hommage et de montrer la qualité de leur travail.

I. Neva SEXTON 

Née dans une famille très pauvre du fin fond de l’Arkansas, Neva Sexton a émigré en 1938 vers la Californie où elle a réussi à refaire sa vie. Courageuse et opiniâtre, elle a travaillé la terre avec acharnement et consacré ses rares loisirs aux iris. C’est la seule femme à avoir remporté deux fois la Médaille de Dykes. D’abord en 1965 pour ‘Pacific Panorama’ (1960), puis en 1976 pour ‘New Moon’ (1968). Ces deux variétés-là, comme bien d’autres, ont fait l’admiration de ses confrères et été abondamment utilisées en hybridation partout à travers le monde. Voici quatre de ses chefs-d’œuvre.

· ‘Arkansas Girl’ (1982) 

· ‘Good Morning America’ (1979) 


 · ‘Jack R. Dee’ (1974) 


· ‘Pacific Panorama’ (1960) 

Y A-T-IL DES IRIS VERTS ?

Le vert s’obtient, normalement en mélangeant le jaune et le bleu. Mais en matière de pigments floraux, les choses ne se passent pas comme cela. Car si l’on superpose le jaune, qui constitue le fond d’une coloration, et se loge à l’intérieur des cellules, et le bleu (ou violet) qui va se trouver par-dessus le jaune, dans le liquide intercellulaire, on n’obtient pas de vert, mais, optiquement, du brun. Le vert de certains iris n’est donc pas le fruit de cette superposition mais celui de la présence dans la fleur d’une dose plus ou moins forte de chlorophylle. Cette couleur, a priori incongrue chez un grand iris, ne doit pas manquer d’intérêt. Mais est-ce vraiment le cas ? La dose de chlorophylle peut-elle être suffisante pour donner une coloration franche et nette ? Le travail des hybrideurs en ce domaine ne date pas d’aujourd’hui et, au vu de ses résultats démontre que l’opération n’est pas des plus faciles.

 C’est depuis le début de l’hybridation que des obtenteurs, essentiellement américains, veulent mettre du vert dans leurs iris. Ne nous attardons pas sur l’époque héroïque, mais contentons-nous de faire démarrer cette étude à la deuxième moitié du XXeme siècle. Ainsi, dès 1959, après un certain nombre d’autres, Rex Brown a enregistré ‘Green Quest’, un iris jaune mimosa, quelque peu teinté de vert. De même en 1966 Luella Noyd a mis sur le marché son Fluted Lime’, longtemps vendu en France, qui est un peu plus vif, avec une barbe moutarde, et qui se trouve être le fils d’un cousin de ‘Green Quest’, 'Green Glint' (R. Brown, 1960).

Les années 70 ont été riches en iris « verts ». Nous prendrons d’abord le cas de ‘Pride of Ireland’ (L. Noyd, 1971), puis celui des variétés vertes de Gordon Plough, qui s’est longuement intéressé à cette couleur : ‘Green Eyed Lady’ (1972) en fait partie, de même que ‘Secret Society’ (1973) et ‘Irish Tune’ (1977). Les résultats plutôt mitigés n’ont pas découragé la communauté des hybrideurs. Il en est d’autres, et des plus valeureux, qui ont tenté leur chance dans ce domaine, sans beaucoup le faire progresser, malgré tout : Joë Ghio, pour commencer, avec ‘Pistachio’ (1974), qui est jaune mimosa plus que vert, puis ‘Al Fresco’ (1981), plus nettement vert et assombri d’une barbe brune. Monty Byers a pris la relève et a sélectionné (Double Mint’ (1986), puis ‘Lichen’ (1989), jaune verdâtre tendre qui est aussi un remarquable remontant, et ‘Sylvan’ (1990), d’un gris verdâtre. Même le brillant Australien Barry Blyth s’y est essayé avec ‘Hello Hobo’ (1986).

Dans les mêmes moments, Paul Black avec ‘Green and Gifted’ (1989) et Hyram Ames avec ‘Evergreen Hideaway’ (1991) se sont aventuré sur ce chemin malaisé. De même que Joseph Hoage, avec ‘More Refreshing’ (1982), qui est peut-être le plus vert de son époque. Il faut cependant attendre le début des années 2000 pour voir enfin des variétés dont on peut dire qu’elles sont de couleur verte. J’en vois deux particulièrement représentatives : ‘Trade Secret’ (K. Keppel, 2003), avec des infusions de mauves dans les pétales et, surtout, ‘Maid of Orleans’ (Griffin Clump, 2006). Dans l’ordre chronologique, il faut quand même citer d’autres tentatives pas mal réussies :
- ‘O’Brien Choice’ (Joyce Meek, 1996) ;
- ‘Sundrenched’ (Larry Lauer, 2001) ;
- ‘County Cork’ (Schreiner 2006) ;
- ‘Elegant Dancer’ (Margie Valenzuela, 2006) ;
- ‘Green and Gold’ (Graeme Grosvenor, 2007) ;
- -Land Art’ (Augusto Bianco, 2008) ;
- ‘Going Green’ (Anton Mego, 2008) ;
- et pour terminer l’intéressante variété du Français Daniel Tauzin, présentée au concours de Jouy en Josas en 2007, sous le nom de ‘Tartine’.

Tout ce beau monde tend effectivement vers un coloris vert. Mais on ne peut pas encore dire que la perfection soit au rendez-vous. En vérité, le vert se contente d’influencer d’autres couleurs, surtout le jaune, ce qui donne une teinte légèrement verdie. Il se concentre plus densément sur l’extérieur des sépales, c’est pourquoi on le remarque davantage avant que les fleurs ne s’ouvrent. Mais de là à dire qu’il y des iris verts, il y a une vaste marge, beaucoup de travail et une part de chance !

Illustrations : 


- ‘Pistachio’ 


- ‘Elegant Dancer’ 


- ‘Land Art’ 


- ‘Tartine’

ETRE JUGE AUJOURD’HUI

Retour sur le sujet

La chronique de la semaine dernière sur la question du rôle du juge aujourd’hui a suscité plusieurs commentaires. J’y reviens maintenant pour fournir quelques explications supplémentaires. Deux points ont été particulièrement discutés :
1. La nécessité de l’existence de juges sur notre vieux continent ;
2. L’affirmation selon laquelle il n’y aurait plus de juges en Europe.
Je dois préciser tout d’abord que la situation n’est pas la même dans les pays où il y a une compétition nécessitant la visite de jardins où sont présentées les plantes en course (Dykes Medal et autres), et ceux où les juges n’ont à intervenir que ponctuellement dans un concours (Florence ou FRANCIRIS®). Le premier groupe est constitué des Etats-Unis d’Amérique, de la Grande Bretagne et de l’ensemble Australie + Nouvelle Zélande. Le reste du monde est rassemblé dans le second groupe.

Dans le premier groupe un panel de juges aussi important que possible est une nécessité. En effet il faut qu’ un grand nombre de personnes visite les jardins et apprécie les iris qui y sont présentés. S’il n’y a pas pluralité des avis il n’y a pas de jugement possible. Mais dans les autres pays à quoi les juges peuvent-ils servir ? Il n’y a pas de mise officielle sur le marché, pas de compétition au long cours. Leur présence n’est recherchée que pour juger dans un seul type de concours, celui en vigueur à Florence et, depuis le début du XXIeme siècle, épisodiquement, en France. Les autres compétitions ne font pas appel à des juges patentés mais seulement au public qui visite les expositions. Jusqu’à l’année dernière il y avait donc en Europe continentale seulement deux compétitions « à juges », chacune faisant appel à un jury composé de cinq personnes. Il est d’usage de retenir pour constituer ces jurys trois juges étrangers au pays, dont en principe un Américain, et deux juges autochtones. Le jury du dernier FRANCIRIS® était ainsi composé d’une Américaine, d’une Italienne, d’un Russe et de deux Français. Certains étaient des juges enregistrés comme tels par l’AIS, les autres n’avaient pas cette étiquette mais étaient unanimement reconnus comme ayant les compétences pour juger. Je me suis donc posé la question de savoir pourquoi fallait-il des juges adoubés, et j’en suis venu à penser que cet adoubement n’était d’aucune utilité sur notre continent. C’est d’autant plus vrai que, pour maintenir la validité de leur adoubement, les juges, selon le règlement de l’AIS, doivent avoir fait acte de juge au moins une fois en cinq ans. Sauf à recourir continuellement aux mêmes personnes, il n’est pratiquement pas possible qu’un juge européen agréé conserve son agrément d’une compétition où il a opéré à la suivante. A l’heure actuelle, la situation est encore devenue plus impossible puisque le concours de Florence est suspendu sine die et que FRANCIRIS® ne se déroule que tous les deux ans. Ajoutez à cela les conditions d’agrément : avoir été « élève-juge » au cours de trois compétitions successives, et vous comprendrez que dire qu’il n’y a plus de juges en Europe continentale n’est pas une affirmation si erronée que cela.

Dans ce blog, les opinions que j’exprime me sont évidemment personnelles : elles n’engagent que moi. Que d’autres aient des avis différents est absolument normal et j’apprécie que ceux-là interviennent pour dire ce qu’ils pensent. C’est par la discussion que les réflexions progressent.

15.11.13

« JAUNES »

C'est la fin de ce tour du monde des iris jaunes, en hommage à ‘That’s All Folks’, Médaille de Dykes 2013.

 Huitième semaine : les années 2000 

Les fleurs magnifiques ne manquent pas. La difficulté, c’est d’en choisir seulement quatre ! Le choix est absolument arbitraire, avec, pour le premier cité, un pedigree à faire pâlir les plus habiles exégètes !

‘Amarillo Frills’ (Ben Hager, 2002) (((((Liz x ((Minnesota Glitters x Flaming Star) x (Minnesota Glitters x Spanish Gift))) x (Pink Persian x semis)) x Flaming Victory) x Fascinator sib) x ((((Conversation Piece x ((((Inca Chief x Innuendo) x Brass Accents) x Golden Bonanza) x Tucson)) x Spiced Honey) x (semis x Verismo sib)) x (Flaming Victory x semis))) X (((Golden Brilliance x Perfect Accent) x Good Show sib) x Fascinator sib).

‘Beauty Becomes Here’ (Paul Black, 2010) Antiquity X (Arctic Express x (Prince of Pirates x Romantic Evening))

‘Cirque du Soleil’ (Michael Sutton, 2005) Blowtorch X Awakening

‘Fallalery’ (Ben Johnson, 2009) Laced Cotton X Throb

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Amateurs ? Collectionneurs ? 

Une discussion sur le forum de Iris et Bulbeuses m’a inspiré ce petit écho.

Le monde des iris se compose de quatre éléments : les producteurs, les hybrideurs, les amateurs et les collectionneurs. Les premiers sont en général des professionnels qui ont pour fond de commerce la vente des iris, par catalogue ou par internet. Les seconds créent les iris. Les troisièmes aiment les iris mais ne sont pas forcément très au fait de ce qui tourne autour de cette fleur. Les derniers sont des enragés qui amassent les variétés par passion, quelquefois compulsive.
On trouve des producteurs qui sont aussi hybrideurs et collectionneurs. C’est même assez fréquent. Ils constituent la base d’approvisionnement des autres et, à ce titre, sont absolument indispensables.
Les collectionneurs peuvent s’amuser à hybrider ; quelquefois ils deviennent excellents dans cette activité. Ils s’emballent pour tout ce qui concerne leur plante sacrée, accumulent les catalogues et les photographies, sont prêts à consacrer des sommes importantes pour emplir leur jardin des dernières variétés. Ils parlent et écrivent beaucoup sur leur sujet de prédilection et auraient tendance à s’énerver quelque peu quand ils ne sont pas d’accord entre eux. Ils toisent d’un peu haut les amateurs béotiens qui ne peuvent pas distinguer un plicata d’un amoena.
Les amateurs restent un peu à l’écart de l’agitation qui règne chez les autres. Ils se plaignent parfois de ce que les collectionneurs parlent un jargon para-scientifique qui les dépasse et abusent de l'usage de la langue anglaise. Ils se contentent de cultiver les iris comme une plante d’ornement qui les intéresse particulièrement.

Le monde des iris est, en fait, exactement semblable aux autres mondes de mordus : comme les fanas du train électrique, des roses ou des bateaux à voile.

ETRE JUGE AUJOURD’HUI

Il y a quelques temps, j’ai lu qu’un obtenteur américain se targuait d’être capable de proposer des variétés qui répondent aux goûts des juges. Voire ! En effet, si l’on analyse la liste des dix dernières Médailles de Dykes, par exemple, il ne me paraît pas possible d’en tirer un fil conducteur qui serait démonstratif d’un goût, ou d’une mode, que les juges mettraient en avant. On trouve en effet quatre unicolores (‘Sea Power’, ‘Golden Panther’, ‘Paul Black’ et ‘That’s All Folks’), trois plicatas (‘Splashacata’, ‘Starwoman’ et ‘Drama Queen’), un amoena inversé (‘Crowned Heads’), un « Emma Cook » (‘Queen’s Circle’) et un bicolore (‘Florentine Silk’). Rien qui dénote une tendance. Cela n’est guère différent chez les récipiendaires de la Wister Medal, si ce n’est qu’on a trois fois plus d’élus. Les goûts des juges paraissent donc très éclectiques. Bien sûr ils s’accordent sur certains côtés modernes, comme les fleurs bouillonnées (‘Sea Power’) ou les couleurs « tendance » (‘Crowned Heads’) et on peut imaginer qu’un jour prochain ils récompenseront une variété « distallata ». Cependant prétendre qu’on peut fabriquer quelque-chose qui corresponde à leur goût me paraît donc faire partie des vantardises.

Un autre reproche qui est fait aux juges actuels, c’est qu’ils se montreraient plutôt paresseux et qu’ils émettraient des jugements sans toujours se déplacer pour voir les iris. C’est une accusation grave qui a fait l’objet il y a quelques années d’une polémique dont le petit monde des iris a été secoué et qui a même eu un écho dans le Bulletin de l’AIS. Les auteurs de la rumeur conserveraient-ils quelque rancœur à la suite d’un échec ? On peut le craindre. Car si le risque existe, en faire une affirmation avérée, est un pas dangereux à franchir. Les juges ne font pas ça pour l’argent, ni pour la gloire, mais parce qu’ils ont une réelle passion pour les iris, qu’ils ont en général conscience de l’importance de leurs avis pour le progrès de l’horticulture, et qu’ils éprouvent une véritable jouissance à se promener dans les jardins et les expositions.

Le travail des juges, en Amérique du moins, est en fait assujetti à ce qu’on leur montre et qu’ils doivent apprécier. Si on leur présente des amoenas inversés, par exemple, ils jugeront des amoenas inversés. Ils seront donc sensibles à la mode, non pas tant parce qu’on les aura caressés dans le sens du poil en leur mettant sous les yeux les fleurs qu’ils souhaitent voir, mais parce qu’ils ne peuvent juger que ce qu’ils rencontrent dans les jardins. Ce n’est pas eux qui font la mode, mais c’est la mode qui les mène.

Pour en avoir côtoyé quelques-uns au cours des vingt dernières années, je sais qu’ils travaillent avec sérieux et que les notes qu’ils attribuent tiennent davantage compte des qualités horticoles des plantes à juger que de leur couleur ou de leur modèle. C’est peut-être cela d’ailleurs qui fait émettre à leur égard les critiques que l’on entend. On est bien obligé de constater que, de plus en plus, le monde de l’hybridation, aux Etats-Unis essentiellement, est contraint par des considérations économiques. Et comme il faut absolument présenter des nouveautés qu’on vendra un prix élevé, quitte à les abandonner très vite, on se montrera moins exigeant sur les critères de robustesse et de floribondité, pour privilégier le côté spectaculaire de la fleur. Mais les juges auront peut-être un point de vue différent, lequel pourra engendrer des frustrations favorables à la diffusion de propos perfides.

Cependant tout cela est une controverse totalement interne aux Etats-Unis. Car en Europe, le problème des juges ne se pose pas. Pour la bonne raison qu’il n’y en a pas et qu’il n’y en a pas besoin puisqu’il n’y a pas de course européenne aux honneurs. Ce n’est pas l’existence d’un ou deux grands concours annuels – au demeurant sérieusement remis en question ces temps-ci, pour d’autre raisons – qui justifiera l’existence de juges. Les compétitions qui se portent le mieux en Europe, ce sont celles où les amateurs eux-même constituent le jury. L’absence de juges adoubés n’a pas de conséquences désastreuses car on s’aperçoit que les jurés populaires, même s’ils n’appliquent pas forcément les mêmes critères de sélection que les juges « professionnels », finissent par émettre des jugements en général aussi valeureux. Le cas des compétitions allemande qui se déroule à Munich ou russe (Moscou) en est la démonstration : plusieurs de ses lauréats ont aussi été distingués dans d’autres concours où intervenaient des juges agréés.

La querelle cherchée aux juges officiels me paraît n’être qu’une mauvaise querelle, exclusivement américaine au demeurant, qui ne doit pas détourner les collectionneurs européens des variétés primées outre-atlantique, lesquelles demeurent ce à quoi ils peuvent au contraire se fier sans hésitation.

 Illustrations : 


 ‘Slovak Prince’ (Mego, 2002 ) récompensé à Munich (2001) et WM en 2009 aux USA


 ‘Money in your Pocket’ (P. Black, 2007) récompensé à Moscou (2011) et AM en 2011 aux USA


‘Fogbound’ (Keppel, 1998) récompensé à Moscou (2004)et WM en 2005. 


 ‘Hello Darkness’ (Schreiner,1992 ) récompensé à Orléans (2002) et DM en 1999

8.11.13

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Clarence Mahan 

La « newsletter » de l’AIS annonce le décès de Clarence Mahan, ancien président de l’AIS, historien des iris et hybrideur confirmé. Il était adhérent de la SFIB.


Une chronique à son sujet sera publiée ici prochainement.

A la HIPS (Historic Iris Preservation Society) 

La HIPS a changé de têtes. Sa nouvelle Présidente s’appelle Susan Boyce, et c’est Laetitia Munro – bien connue pour la qualité de ses photographies d’iris – qui regroupe les informations sur les jardins où l’on peut trouver des iris « historiques ». Quant à Mike Unser, il a laissé vacante la fonction de webmaster et de responsable de la collection de photographies.

« JAUNES »

Nous approchons de la fin de ce tour du monde des iris jaunes, en hommage à ‘That’s All Folks’, Médaille de Dykes 2013. 

Septième semaine : USA, 1960/1990 

C’est la période la plus riche en bons iris jaunes. Les obtenteurs américains savent faire et leurs résultats sont épatants !


‘Acclamation’ (Glen Corlew, 1980) Proclamation X Cream Taffeta 


‘Carolina Gold’ (Loletta Powell, 1970) Olympic Torch X Orange Chariot 


‘Grace Thomas’ (Lloyd Zurbrigg, 1979) Spirit of Memphis X Returning Glory 


‘Saxon’ (Monty Byers, 1990) Soap Opera X Brother Carl

LE BÉNÉFICE DU DOUTE

Les iris dont le pedigree n’est pas indiqué lors de leur enregistrement ont mauvaise réputation. Je connais des collectionneurs qui considèrent que ce n’est pas sérieux de marquer « parents inconnus », et qu’il vaudrait mieux s’abstenir d’enregistrer une variété si l’on n’est pas en mesure d’identifier ses parents. Est-ce pourtant si grave que cela ? J’espère que cela sera intéressant de comparer les arguments des détracteurs du système et ceux des gens qui le défendent.

 « Unknown parentage » apparaît dans les Check-Lists quand l’obtenteur qui rédige le document d’enregistrement ne veut pas ou ne peut pas donner les noms des variétés qu’il a croisées. Du point de vue du collectionneur, c’est quelque chose de frustrant. Quand on acquiert un iris, on aime bien savoir de quel croisement il provient. Pour plusieurs raisons :
1) cet aveu d’impuissance laisse planer un doute sur le sérieux du travail de l’obtenteur, surtout quand celui-ci est peu ou pas connu, par conséquent on s’interroge sur la qualité de son travail d’hybridation et de sélection. Il est en effet bien admis que celui qui pratique l’hybridation avec sérieux et méticulosité doit prendre note de tous les croisements qu’il réalise, cultiver séparément les graines puis les plantules qu’il a obtenues, repiquer ses semis avec minutie et éviter les causes de confusion.
2) même si l’on n’a pas l’intention de pratiquer l’hybridation, il est satisfaisant de connaître les origines des variétés que l’on cultive, autant par curiosité que par désir de précision quelque peu scientifique ; et plus on progresse dans la connaissance des iris plus on est curieux de toute information. Comment, par exemple, dresser l’arbre généalogique d’une variété quand on a des trous énormes ici ou là dans cet arbre ?
3) c’est encore plus déplaisant lorsqu’on veut effectuer des croisements avec un soupçon de connaissances génétiques. Avec les variétés dont on ignore les origines on ne peut être certain de rien et les croisements relèvent de la loterie, et comme à la loterie il arrive que l’on gagne, mais il est encore plus fréquent que l’on perde, et se donner tant de peine pour un aussi calamiteux résultat, c’est à vous dégoûter !
4) certains iront même jusqu’à craindre qu’on ne mette en doute leur propre compétence s’ils s’aventurent à utiliser des parents apparemment aussi peu fiables.
D’où l’opinion très réservée de bon nombre de collectionneurs sur ces iris du type « enfant trouvé ».

Cependant ces réticences sont-elles réellement justifiées, et faut-il juger aussi sévèrement les obtenteurs qui ne donnent pas les noms des parents de leurs cultivars ?

« Unknown parentage » peut, certes, couvrir les lacunes de l’obtenteur, ou le côté hasardeux de son travail. Pour ne parler que de gens disparus, je relèverai le cas de la famille Gordodelov, en Russie, qui, dès la chute du régime soviétique dans son pays, a enregistré un paquet d’iris pour la plupart obtenus pendant les années sombres, avec des moyens rudimentaires. Systématiquement ces enregistrements sont noté « parents inconnus ». Ce n’est pas faire injure à ces hybrideurs courageux que de considérer que leurs iris sont de qualité plutôt moyenne et que leur enregistrement ne se justifiait pas vraiment. Accordons-leur notre indulgence et retenons surtout leur désir de marquer leur arrivée dans l’univers général des iris.

« Unknown parentage » peut signifier tout autre chose. Lorsqu’un hybrideur chevronné se résout à ce type de déclaration, c’est surtout qu’il reconnaît la qualité de l’iris ainsi déclaré, mais qu’un alea de production a fait disparaître les traces des parents utilisés, ou qu’un doute sérieux apparaît dans les documents conservés. Dans ces cas ne pas indiquer de parentèle n’est pas une manifestation de légèreté, mais au contraire la preuve d’un travail sérieux et consciencieux. Est-ce la bonne attitude ? C’est celle de la maison Schreiner à propos de ‘Stepping Out’, dont on connaît le destin, ou celle de Joë Ghio avec ‘Hopeless Romantic’ (2005), l’un des meilleurs roses de ces dernières années ? De la part de personnages aussi dignes de confiance, on ne peut qu’applaudir leurs scrupules.

Ce même souci de sincérité peut évidemment concerner des obtenteurs moins prestigieux. Je suis certain même que la volonté de ne tromper personne anime la plupart des irisariens, et que s’il y a des imposteurs, ceux-ci ne se trouvent pas nécessairement parmi les sans-grades. Ses contemporains ont reproché à Chet Tompkins non seulement d’être un peu touche-à-tout et de manquer plutôt de rigueur dans ses sélections, mais surtout d’être porté à tricher avec les pedigrees. C’est une grave accusation dans un champ d’activité qui repose sur la sincérité des déclarations et l’honnêteté des déclarants.

Pour ceux qui veulent pratiquer l’hybridation, même si l’absence de certitude peut être rageant, après tout, il y a suffisamment d’excellents iris pour que, si l’on redoute l’inconnu, on choisisse pour parents des variétés aux origines avérées.

En fin de compte, une vraie incertitude a une réelle valeur, une fausse vérité est sacrilège. Tirons donc notre chapeau à ceux qui ont le courage de dire « je ne sais pas » et accordons-leur toute notre confiance. Ils méritent de profiter du bénéfice du doute.

Illustrations : Quatre valeureux « unknown parentage » : 


‘Bold Look’ (Schreiner, 1993) 


‘Cayenne Capers’ (Gibson, 1959) 


‘Hopeless Romantic’ (Ghio, 2005) 


‘Pot d’Or’ (R. Cayeux, 2009)

1.11.13

« JAUNES »

Avec la victoire de ‘That’s All Folks’ dans la course à la Dykes Medal, l’année 2013 sera l’année des iris jaunes. C’est le moment de faire un tour parmi les plus belles photos de fleurs, dans tous les tons de jaune. En huit semaines nous pourrons voir quelques-uns des plus beaux jaunes jamais obtenus. 

Sixième semaine : USA, jusqu’en 1960

Comme cela a été dit ici plusieurs fois, l’obtention de vrais iris jaunes a été longue et difficile. Les obtenteurs américains ont consacré beaucoup de patience et d’énergie pour parvenir à leurs fins.

‘Foxfire’ (Fox, 1951) 
Bryce Canyon X Ola Kala 


‘Green Quest’ (R. Brown, 1959) 
Taffy Wings x Pretty Quadroon 


‘Shekinah’ (G. Sturtevant, 1918) 
pedigree non communiqué 


‘Truly Yours’ (Fay, 1949) 
(((Rameses x Farwest)x semis Fay)x semis) X Zantha

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Twiki 

Avec 56 000 cultivars enregistrés (82 % du total) et 111 000 photos, Twiki (alias Iris Encyclopedia) est devenu une base de données très importante. A mon avis elle manque pourtant largement son but. En effet de très nombreuses descriptions, issues directement de la base officielle d’enregistrement tenue par l’AIS (Irisregister), ne sont pas accompagnées de photo. Or la raison d’être de Twiki est en effet de fournir la photo d’un cultivar en même temps que sa description. Si il n’y a pas de photo, Twiki fait simplement doublon avec Irisregister. Il est dommage que ceux qui inscrivent dans la base une nouvelle variété ne recherchent pas obligatoirement la photo qui va avec : il existe cependant très souvent des photos accessibles qui pourraient être ajoutées. Par ailleurs de très nombreux obtenteurs n’inscrivent pas eux-même leurs produits et ne fournissent pas de photos. Dommage…

L'ECHELLE DE JACOB (suite)

‘FLORENTINE SILK’

En soixante ans, combien de générations se sont déroulées jusqu’à ce qu’on parvienne à ‘Florentine Silk’ (Keppel, 2005) ? Onze ! C’est ce que montre le tableau ci-dessous :
 New Horizon > Mary Randall > Fashion Show >
                                                                          x > x > Touché > Pot-pourri > Sugarplum Fairy
                         Progenitor > x > Melodrama > ┘
Frances Gaulter > Adventuress > Poem of Ecstasy > Florentine Silk
Cela commence avec deux éléments fondateurs de l’hybridation moderne : ‘New Horizon’ (Faye, 1946) d’un côté et ‘Progenitor’ (Cook, 1951) de l’autre.

La dernière fois, nous avons évoqué ‘New Horizon’ (Fay, 1946), iris rose « flamant », qui est à l’origine d’un grand nombre d’iris remarquables, dont ‘Mary Randall’ (Fay, 1950) qui est d’un joli rose de Bengale à barbes minium, et qui a été admiré à son époque, au point de recueillir la Médaille de Dykes, en 1954.

Parmi les très nombreux descendants de ‘Mary Randall’, il y a ‘Fashion Show’ (Hamblen, 1958), iris violet à épaules dorées et barbes orange. En croisant cette variété avec ‘Melodrama’, le premier des iris bicolores. Melba Hamblen a commencé un long chemin qu’elle suivra jusqu’à sa disparition et qui a été repris par d’autres, ensuite. Ce chemin c’est celui qui mène à des variétés aux pétales roses et aux sépales bleus ou violets.

Sa première obtention majeure dans ce type de bicolore a été ‘Touché’ (1969), un iris qui a fait sensation à l’époque. Pour arriver à cet enregistrement, il y a eu deux générations intermédiaires, depuis ‘Melodrama’ et ‘Fashion Show’. ‘Touché’ est décrit comme « pétales roses, infus de bleu-violet, sépales bleu-violet, barbes mandarine ». Il y a trente ans les descriptions étaient beaucoup plus concises qu’aujourd’hui, et on ne s’attardait ni sur la forme de la fleur, ni sur le parfum, ni même sur les petits détails dans la disposition des couleurs. « The World of Irises » complète la description en ajoutant que les pétales ont un reflet fumé et qu’un film bleu drape le centre des sépales. Ses capacités génétiques, notamment en matière d’iris bicolores ont été largement et longtemps utilisées par les hybrideurs. Il y a de nombreux iris rose/violet qui ont ‘Touché’ dans leurs gènes. Par exemple ‘Pot Pourri’ (Hamblen 75) et ‘Sugarplum Fairy’ (Hamblen 79), qui se succèdent dans l’arbre généalogique que nous parcourons actuellement.

Nous accédons à ‘Frances Gaulter’ ( Hamblen, 1982) qui est déjà un aboutissement. C’est le produit de ‘Sugarplum Fairy’ par ‘Heavenly Harmony’, autre descendant de ‘Touché’. C’est un iris pêche et mauve, plus sombre au bord des sépales, avec des barbes minium. Mais c’est en fait un de ses frères de semis qui a été utilisé à l’étape suivante. On ne sait donc pas exactement à quoi ressemble ce cultivar, mais on peut parier qu’il a beaucoup de traits communs avec son frère dénommé.

Nous sommes en plein dans le procédé de l’ « inbreeding » pour continuer l’amélioration du modèle, et nous parvenons à ‘Adventuress’. ‘Adventuress’ (Hamblen, 1985) c’est un iris aux pétales roses, finement liserés de violet, et aux sépales violet pourpré plus clair aux bords, avec des barbes orange brûlé.

Ben Hager est aussi un très habile hybrideur. Il a continué la travail de Melba Hamblen et, après une longue interruption dans la lignée, a enregistré ‘Poem of Ecstasy’ (1997) qui a pour pedigree (Merry Madrigal x Mother Earth) X Adventuress. C’est un iris pêche sur lavande, de grande valeur, qui a frôlé la Médaille de Dykes en 2005. C’est dire ses qualités !

Nous arrivons au bout de la piste. ‘Florentine Silk’ (Keppel, 2005) est là. Le rose des pétales y est enrichi par l’apport de ‘Lotus Land’ (Keppel, 1999) qui se trouve derrière le frère de semis de ‘Crystal Gazer’ (Keppel, 2002), sa « mère ». C’est un iris unanimement apprécié pour sa fraîcheur et sa grâce, dernier récipiendaire de la Médaille de Dykes. Avec cette médaille, la lignée de Melba Hamblen reçoit enfin la consécration qu’elle mérite. Le travail de trois obtenteurs sur près de trois quarts de siècle a fini par payer.

Sterling INNERST

Il n’y a rien d’extraordinaire à trouver des gens de toutes origines et de toutes professions dans le petit monde des iris. Cette fois nous allons nous intéresser à un enfant de la côte Est, qui a acquis une grande renommée du fait qu’un jour de 1996 son grand iris (TB) ‘Before the Storm’ (1989) a recueilli la Médaille de Dykes.
 Sterling Urias Innerst est né en 1935 dans une grande ferme de la petite ville de Dallastown (PA). Son père Edwin élevait des vaches de la race holstein, et des volailles. C’est d’ailleurs dans l’élevage qu’il se lança, dès son retour du service militaire effectué en tant que membre de la MP. Mais après cinq ans de ce métier, Sterling Innerst s’est rendu compte que ce n’était pas cela qu’il voulait faire. Il est donc retourné à l’école, pour deux ans, afin de devenir instituteur. A l’issue de cette formation il a été nommé à l’école élémentaire de Dover (PA). Il y est resté trente ans…
Dès le début de sa présence à l’école de Dover, un de ses collègues lui avait fait cadeau de quelques iris dont les noms s'étaient perdus. Sterling a pris goût à ces plantes ; il a acheté un catalogue à la lecture duquel il s’est aperçu que les iris avaient effectivement chacun un nom ; il a passé une petite commande de douze variétés (parmi lesquelles ‘Lula Marguerite’), et aussitôt a ressenti quelque chose qui l’a une nouvelle fois amené à modifier ses projets : il n’allait plus tenter d’obtenir un grade supérieur dans l’enseignement, mais plutôt consacrer beaucoup plus de temps et d’attention aux iris …

Il a donc acheté une petite propriété, au flan pentu d’une pittoresque colline, avec une belle maison de pierre, sur laquelle il a commencé la culture des iris ainsi que leur hybridation. Dans le même temps il a diversifié ses activités en y ajoutant les hémérocalles et les orchidées.

Dans le petit monde des iris il s’est rapidement fait une place éminente et ses obtentions avaient déjà reçu un accueil très favorable quand il a été récompensé, en 1995, de la President’s Cup. Dès1987, son ‘Missy Yorktowne’ (1984) avait enlevé le Florin d’Or du concours de Florence. Le President’s Cup accordée à un superbe iris pratiquement noir : ‘Before the Storm’ devait justifier l’estime qu’il suscitait. Cette variété, sur sa lancée, devait obtenir dès l’année suivante la fameuse Dykes Medal, récompense qui devait asseoir définitivement la réputation d’excellence de Sterling Innerst.

Il s’est fait une spécialité des ces iris noirs qui, depuis les années 30, attisaient la convoitise des hybrideurs, surtout américains, lesquels avaient vigoureusement fait progresser le modèle. Quelle différence en effet entre ce ‘Before the Storm’ et ‘Sable Night’ lui-même récompensé en 1955 ! En 2001, un autre noir signé Innerst devait attirer de nouveau l’attention du public lors de la Convention de York (PA) et recueillir une nouvelle President’s Cup : ‘Anvil of Darkness’ (1998). L’aventure allait-elle recommencer ? Non, à l’époque, la grande vedette chez les noirs était ‘Hello Darkness’ (Schreiner, 1992 – DM 1999).

A côté de cela Sterling Innerst consacrait beaucoup de réflexion et d’énergie dans la recherche d’un modèle spécial d’iris plicata. Ce travail, commencé avec ‘Sterling Prince’ en 1983 nous vaut aujourd’hui de disposer d’une brassée de fleurs originales, aux pétales jaunes ou dorés et aux sépales blancs ou crème, piquetés de violacé, comme ‘Tennessee Gentleman’ (1989) ou ‘Agressively Forward’ (1995). Plus que ses iris noirs, ce sont ces plicatas très particuliers qui personnalisent le mieux leur obtenteur.

Parmi tous ces gens, tellement différents, qui constituent le monde des iris, Sterling Innerst, disparu en 2010, était considéré avec une déférence mêlée d’admiration. Il avait une classe spéciale, un comportement très « côte est » qui faisait de lui une personne à part, de laquelle encore à l'heure actuelle bien des irisariens parlent avec respect.

Illustrations : 



· ‘Before the Storm’ 


· ‘Anvil of Dakness’ 


· ‘Missy Yorktowne’ 


· ‘Agressively Forward’