25.9.20

QUELQUES DAMES DU TEMPS JADIS

Encore quelques images de dames du temps jadis... 

 








AU CANADA, AVEC ISABELLA PRESTON

Je ne sais pas si on peut appeler ça une annexion pure et simple, mais dans les faits, pour ce qui est des iris, le Canada fait en quelque sorte partie des Etats-Unis ! Les 18 Provinces canadiennes sont en effet rattachées à l'une ou l'autre des Régions de l'AIS, ces subdivisions qui constituent l'ossature fédérale de l'association. C'est l'occasion de se pencher d'une manière générale sur l'iridophilie au Canada et, plus particulièrement, sur la personnalité la plus remarquable de ce pays en matière d'iris : Isabella Preston. 

 Le Canada n'est pas, a priori, le pays rêvé pour cultiver les iris. Du moins les iris à barbes qui ont un tel succès plus au sud, partout aux Etats-Unis. Les iris à barbes n'ont une place qu'à la bordure méridionale du pays, le long de la frontière avec les Etats-Unis. Ailleurs le climat, trop froid l'hiver, ne permet pas leur culture. Mais d'autres iris s'y sentent à l'aise. 

A commencer par l'iris versicolore (Iris versicolor), que les québecois appellent “clajeux” et qui est une espèce indigène de l'Amérique du Nord. C'est une plante des milieux humides qui se plait dans les marais et sur les rives des cours d'eau. C'est un peu l'équivalent américain de notre Iris pseudacorus, à ceci près que I. pseudacorus est de couleur jaune, alors que Iris versicolor est bleu. C'est la fleur emblématique officielle de la Province de Québec. 

On trouve également l'iris de Sibérie (Iris sibirica) qui s’accommode aussi bien des terrains humides (mais pas inondés) que des températures négatives. Et c'est justement avec cette plante qu'Isabella Preston s'est fait connaître des iridophiles. Si elle est peu ignorée dans notre pays en dehors du cercle des spécialistes de l'horticulture ornementale, au Canada ce n'est pas le cas. Née en Grande-Bretagne, elle a suivi des études dans un un collège horticole pour femmes, puis à l'âge de trente ans elle a déménagé au Canada, et s'est installée dans l'Ontario où elle a travaillé dans une ferme fruitière pendant plusieurs années. Mais elle aspirait à accroître ses connaissances théoriques sur l'amélioration des plantes et s’est inscrite dans ce but au Collège d’agriculture de l’Ontario. En 1920, c'est l'encyclopédie Wikipedia qui le dit, elle vint s'établir à Ottawa (Ontario) où elle “travaille comme ouvrière à la ferme expérimentale d'Etat (FEC).” Là, “son travail est remarqué par W.T. Macoun, horticulteur au gouvernement fédéral, et elle se voit offrir bientôt un poste comme spécialiste en horticulture ornementale. Elle est la première à se consacrer uniquement à l’amélioration des plantes ornementales.” C'est à cette époque qu'elle s'est lancée, entre autres, dans l'hybridation des iris de Sibérie. Dans le supplément au bulletin du centenaire de l'AIS on peut lire : “ En 1924 elle a 92 semis qui fleurissent du croisement (I.sibirica X 'Snow Queen')”, ce dernier étant un I. sanguinea (ou considéré comme tel) récolté dans la nature au Japon par l'anglais Peter Barr en 1900. Elle regrettait que ces iris-là soient de petite taille et que les tiges florales ne s'élèvent pas davantage au-dessus du feuillage. C'est dans le but d'obtenir des iris de Sibérie avec une haute tige qu'elle a travaillé pendant des années. Elle aurait souhaité également obtenir un iris de Sibérie parfaitement blanc. Mais elle a échoué dans cette recherche. Elle a pris cet échec avec philosophie et écrit à ce sujet : “Comme dans tout travail de création de plantes, il y eut des désappointements. La plus grande plante avec des fleurs blanches était plutôt moche, avec des pétales beaucoup trop étroits. (...) notre désir d'obtenir un grand iris de Sibérie blanc ne s'est pas réalisé.” Comme le fait remarquer l'auteur de l'article en question : “Elle aurait été excitée par le fait que le grand iris de Sibérie blanc 'Swans in Flight' ait reçu la Médaille de Dykes en 2016”. 

 Cependant, si elle n'a pas réussi son grand rêve, elle a néanmoins obtenu des iris de Sibérie d'une grande valeur, que l'on trouve encore aujourd'hui dans les jardins de certains collectionneurs et aux Royal Botanical Gardens à Hamilton dans l'Ontario . Parmi ceux-ci il faut parler de 'Ottawa' (1928), et de 'Gatineau' (1932). Le premier a reçu un Award of Merit (AM) de la part de la RHS anglaise, tandis que le second a été honoré d'un AM de la Société Américaine des Iris (AIS). 

Les iris de Sibérie, s'ils constituent son principal thème de recherche dans le domaine des iridacées, ne sont pas les seuls à avoir retenu son attention. A son compteur on peut ajouter quatre grands iris (TB) et un iris intermédiaire (IB) dont il est devenu bien difficile de retrouver la trace. Et le système de codification des couleurs en vigueur à l'époque ne donne qu'une description très imprécise de ce que peuvent être ces iris. On peut en avoir une idée avec 'Mrs. Neubronner', une variété de l'anglais George Reuthe, de 1898, parent mâle de deux de variétés de Mis Preston. En tout cas il s'agit de TB diploïdes, donc d'une sorte qui était déjà en voie de disparition dans les années 1930, supplantée par les variétés tétraploïdes. 

Les iris n'étaient qu'une partie du travail d'Isabella Preston. En réalité ils ne constituent même qu'une toute petite partie de son activité. Toutes les plantes ornementales l'intéressaient. Elle est notamment connue pour ses rosiers (20 variétés), ses lilas (52 variétés) et ses lys, en particulier toute une série de lys à fleurs rouge ou orange foncé retroussées vers l’extérieur, unique en leur genre. 

Isabella Preston fait partie de ces jardiniers “à l'anglaise”, nombreux dans la première moitié du XXe siècle, qui ont fait beaucoup progresser la culture des plantes ornementales, parmi lesquelles les iris ont une place de choix. L'American Iris Society ne s'y est pas trompée : elle lui a attribué en 1950 son “Hybridizer Award” qui rend hommage aux hybrideurs qui ont apporté une avancée significative dans l'horticulture des iris. 

Illustrations : 

 

'Ottawa' 

 

'Gatineau' 


'Snow Queen' 

 

'Mrs. Neubronner' (Reuthe, 1898)

18.9.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Maurice Boussard. 

 Maurice Boussard est décédé. Victime d'un grave AVC il y a quelques mois, il ne s'est jamais rétabli. 

Le monde des iris a perdu une personnalité éminente. Grand spécialiste des iridacées, il possédait une collection de ces plantes ainsi que d'orchidées tout à fait exceptionnelle qui a été récupérée par Frédéric Depalle, et ainsi sauvée d'une perte irréparable. Il a présidé la SFIB à deux reprises : en 1961, tout d'abord, et jusqu'à la fin de 1972, quand cette association était une assemblée élitiste, plus bourgeoise qu’aristocratique néanmoins, mais composée essentiellement de notables et de retraités de la bonne société. L’association était avant tout une coterie de gens distingués qui se retrouvaient avec plaisir dans les voyages et excursions qui constituaient son activité principale. Maurice Boussard, sans en changer le caractère, a su lui donner une orientation plus scientifique qui se concrétisera par la transformation du Bulletin en une revue devient alors une référence en la matière, avec une mise en page soignée, une impression et des illustrations de qualité et un contenu à la fois récréatif et savant, orchestré par le docteur Ségui. En 1993 il en reprendra la direction, pour un court mandat de trois ans qui le mènera jusqu'à sa retraite professionnelle, qui sera également sa retraite de dirigeant de la SFIB. 

Fort connu dans les milieux scientifiques, Maurice Boussard a fait partager ses immenses connaissances à tous les amis des iris par les nombreuses communications qu'il a publiées dans la revue. 

Sa disparition est pour tous une grande perte et tant les botanistes que les irisariens conserveront longtemps son souvenir.

QUELQUES DAMES DU TEMPS JADIS

Quelques photos pour compléter la chronique précédente. 


- Anne Marie Berthier


- Charlotte Millet


- Edith Cavell


- Geneviève Serouge

TROIS MYTHES A PROPOS DES IRIS BARBUS

par Tom Waters (traduit par S. Ruaud) 

Tom L. Waters est un chercheur américain, diplômé de physique et d'astronomie, passionné d'iris, qui demeure dans le comté de Santa Fé, au Nouveau-Mexique. Cet article a été publié sur le blog de l'American Iris Society. Il fait l'objet, ici, d'une transcription en trois courtes chroniques dont voici la dernière. 

TROISIEME MYTHE : Le feuillage de l'iris devrait être coupé à l'automne 

 C'est un rituel auquel certains jardiniers tiennent beaucoup : tailler les touffes d'iris en août ou septembre avec des cisailles ; cela donne l'impression d'une zone de guerre au défoliant, à moins qu'il ne semble que quelqu'un soit entré dans le jardin avec une tondeuse à gazon réglée à 20cm. Malheureusement, ces iris vont être dès lors privés d'une grande partie de leur source de nourriture : la photosynthèse dans les feuilles vertes. 

 Pourquoi est-ce que les gens font ça? Qu'est-ce qui leur fait penser que couper les feuilles en deux est bon pour leurs plantes? Je pense qu'il y a deux sources à ce mythe. La première est que de nombreuses plantes vivaces ont besoin d'une coupe à certaines périodes de l'année, pour stimuler une nouvelle croissance et une nouvelle floraison dans certains cas. Mais si vous êtes un jardinier observateur, vous remarquerez que l'anatomie de ces plantes est différente de celle des iris. Ces plantes ont des bourgeons le long de leurs tiges. Le retrait du sommet des tiges encourage la croissance des bourgeons inférieurs, ce qui donne des plantes plus touffues et plus vigoureuses. Mais les iris ne poussent pas de cette façon. Toutes les feuilles d'un éventail émergent d'un seul bourgeon à la pointe du rhizome. Lorsque vous coupez un panache de feuilles, vous ne faites que couper celles-ci en deux, sans retirer les bourgeons supérieurs pour stimuler les bourgeons inférieurs en vue d'une nouvelle croissance. 

La deuxième source de ce mythe est que lorsque les iris sont divisés ou déplantés, l'éventail est traditionnellement coupé. C'est ainsi que les iris sont généralement vendus: à racine nue, avec des racines et un éventail rognés à environ 15/20cm. Cette coupe est une bonne idée pour un iris qui a été déterré ou divisé. Sa croissance a été interrompue et il faudra du temps pour qu'une nouvelle croissance émerge du rhizome. Pendant ce temps, un grand éventail de feuilles peut affaiblir la plante en puisant trop d'eau et d'énergie dans le rhizome. Les feuilles perdent de l'eau par transpiration, que les vieilles racines endommagées ne sont pas en mesure de reconstituer. Un grand éventail facilite également la verse ou le déracinement de l'iris nouvellement planté. Mais ces raisons ne s'appliquent qu'aux plantes qui ont été arrachées ou divisées; elles ne s'appliquent pas du tout aux plantes laissées en croissance dans le sol, non perturbées. 

Certains ont dit que la taille à l'automne aide à décourager les ravageurs, qui pondent leurs œufs dans les feuilles à cette période de l'année. Cependant, les œufs hivernent dans des feuilles mortes et sèches, ils ne vivent pas sur des feuilles vertes. Il est utile de retirer le feuillage mort; couper les feuilles vertes en deux ne l'est pas. La procédure recommandée pour lutter contre la pyrale consiste à retirer tout le feuillage mort et à le brûler à la fin de l'hiver ou au début du printemps. 

Certains pensent simplement que les éventails coupés semblent plus propres. C'est compréhensible. À la fin de l'été, le feuillage de l'iris semble souvent assez fatigué et peu attrayant. De nombreuses feuilles sèchent aux extrémités, deviennent un peu pâles et molles, et souffrent peut-être des dommages causés par les insectes ou d'autres maladies. Ironiquement, si vous coupez les feuilles en dessous, l'endroit où vous les avez coupées va juste brunir et sécher, donc au lieu de feuilles hautes avec des extrémités sèches, vous avez des feuilles courtes avec des extrémités sèches. Cela en valait-il vraiment la peine? 

Conclusion : Couper à mi-hauteur les éventails verts d'un iris à l'automne n'aide pas la plante, et peut l'affaiblir légèrement, car vous réduisez sa capacité de production alimentaire grâce à la photosynthèse. Les iris sont robustes, et ce léger affaiblissement est quelque chose que la plupart d'entre eux peuvent supporter sans trop souffrir, mais pourquoi leur infliger ce traitement ? Il soigne l'aspect de votre jardin, mais cela ne profite qu'aux sensibilités esthétiques du jardinier. Cela n'aide en rien les iris. Si vous voulez nettoyer à cette période de l'année, limitez votre activité à l'élimination du feuillage mort et des feuilles sèches. Ne coupez pas les feuilles vertes! 


11.9.20

QUELQUES DAMES DU TEMPS JADIS

Donner à un iris (mais c'est la même chose pour les autres fleurs) le nom d'une personne est soumis à des règles particulières. Il faut en effet joindre à la demande d'enregistrement un consentement signé de la personne dédicataire lorsque celle-ci est vivante. Cela devait être moins formel au cours des années 1920/1930, et les obtenteurs de l'époque ne se privaient pas d'utiliser ce moyen de rendre hommage à quelque notable ou à quelque ami ou connaissance, en particulier en guise de galanterie vis-à-vis d'une dame ! Rien que dans la liste des variétés enregistrées par Ferdinand Cayeux, j'ai relevé 22 noms de variétés dédicacées à une précisément à une dame, et pas loin d'une dizaine de noms ou plutôt de prénoms féminins ! Ses confrères Denis et Millet ont suivi la même politique et plusieurs de leurs variétés portent le nom d'une dame de leur époque ; il s'agit soit de quelques membres de leur famille, soit d'épouses ou filles de notables auxquels, par ce biais, ils veulent rendre hommage. Dans le genre, Vilmorin n'a pas agi de la même façon, peut-être pour se démarquer de ses concurrents !

Un grand nombre de ces variétés se rencontre encore dans les jardins spécialisés et dans les collections de quelques particuliers passionnés des choses du passé.

Mais pour l'inventaire d'aujourd'hui, commençons au tout début de l'hybridation, avec les sélections de Jean-Nicolas Lémon, autrement désigné Lémon fils. Une des toutes premières variétés dédicacées est peut-être 'Julia Grisy', un plicata indigo sur fond blanc bleuté qui est décrit comme suit dans les Annales de la Société Royale d'Horticulture de Paris de 1842 : « Feuillage étroit, fleurs moyennes, pétales extérieurs (1) larges, striés de bleu violacé, largement bordés de blanc ». Pas plus que la personne à qui elle doit son nom cette fleur n'a survécu à l'usure du temps... Ce n'est heureusement pas le cas de 'Madame Chéreau' (1844) qui est l'une des sélections de J. N. Lémon encore présente dans de très nombreux jardins et considérée comme le plus bel élément de ses productions. Le Bulletin du Cercle Général d'Horticulture de 1845 en donne une description savoureuse, bien dans le ton de son époque : « Votre Commission a remarqué dans les semis de M. Lémon des gains charmants ; elle les a examinés avec un soin scrupuleux ; et, désirant en décrire quelques-uns pour vous les faire connaître, elle ne s'est trouvée embarrassée que sur le choix à faire dans une vaste planche dont toutes les variétés étaient remarquables ; forcée néanmoins de se prononcer, elle a opté en faveur de six d'entre elles, auxquelles un numéro d'ordre a été appliqué.

N° 1 : beau fond blanc, bordé de stries bleues ; les pétales extérieurs à peu près de la même couleur, mais les stries ne se prolongeant pas jusqu'au bord ; celui-ci se trouve ainsi garni d'un beau ruban blanc qui donne à cette fleur un riant aspect. Elle est digne d'un patronage distingué, aussi l'avons-nous nommée 'Madame Chéreau '. (...) » Car cette dame Chéreau n'était autre que l'épouse du directeur de la Société Royale d'Horticulture.

Parmi les nombreuses sélections de J.N. Lémon on trouve encore plusieurs variétés au noms de dames, aujourd'hui bien oubliées : par exemple, 'Duchesse de Nemours' (1848), 'Madame 'Rousselon' (1842), 'Amélie Mairet' (1845) ou une autre célébrité, 'Victoire Lemon' (ca 1845), aussi appelée 'Madame Lémon'.

Un peu plus tard, vers 1860 et jusqu'à la fin du siècle, c'est la famille Verdier qui a repris le flambeau de la culture des iris. La coutume de donner à une variété le nom d'une dame est toujours respectée et parmi les dédicaces de la famille Verdier on trouve une curiosité, 'Soeur Supérieure Albert' (???) dont on ne connaît que le nom et une variété qui a survécu jusqu'à nos jours, 'Madame Louesse' (1860).

L'une des premières obtentions de Ferdinand Cayeux s'appelle 'Madame Blanche Pion' (1906) ; c'est un variégata jaune ambré sur pourpre, peut-être disparu. Mais d'autres variétés, un peu plus récentes sont encore régulièrement cultivées, parmi lesquelles (et les moins connues) :

'Jacqueline Guillot' (1924), bleu lavande ;
'Charlotte Millet' (1927), violet ;
'Geneviève Serouge' (1932), bleu pâle, infus de jaune primevère ;
'Madame Ulman' (1936), mauve et violet pourpré ;
'Anne-Marie Berthier' (1939), blanc ;
'Marie-Rose Martin' (1939), jaune centré de mauve pâle ;
et aussi une plante assez mystérieuse, qui n'est connue que par ses rejetons : 'Clémentine Croutel' (ca 1925) (2).

Les confrères de Ferdinand Cayeux ne sont pas restés en arrière sur ce sujet. Les Millet (Armand, Alexandre puis Lionel) ont été actifs dans l'entre-deux-guerres. Ils sont notamment les obtenteurs de :
'Mady Carrière' (1905), deux tons de mauve léger ;
'Yvonne Pelletier' (1916), rose orchidée clair marqué de jaune aux épaules ;
'Simone Vaissière' (1921), neglecta bleu lavande ;
'Madame Cécile Bouscant' (1923), rose orchidée ;
'Germaine Perthuis' (1924), violet pourpré ;
mais leur plus belle réussite est certainement le fameux bleu violacé 'Souvenir de mme Gaudichau' (1914).
Quant à Fernand Denis, disparu en 1935, le bulletin de la SNHF de 1935, dans sa chronique nécrologique dit à son sujet : « Dans une longue suite d'années, il a tenté l'amélioration les iris des jardins en utilisant pour ses hybridations l'I. Ricardi de la Palestine. » Il a donc introduit en France les iris tétraploïdes. Dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, on lui doit entre autres :

'Mademoiselle Schwartz' (1916), bleu lavande ;
'Madame Chobaut' (1916), plicata rosé ;
'Edith Cavell' (1921), blanc fortement marqué de jaune aux épaules ;
'Andrée Autissier' (1921), bleu ciel.

On pourrait citer encore bien d'autres variétés portant le nom de dames enregistrées au cours de ces années où les iris français avaient la réputation d'être parmi les plus beaux du monde. Si les malheurs de la seconde guerre mondiale ont interrompu leur gloire, ils l'ont peu à peu reconquise à partir des années 1960. Et la tradition de donner des noms de dames s'est perpétuée sans relâchement, et s'est répandue partout dans le monde.

Illustrations : 

'Madame Chéreau' 


'Victoire Lémon' 


'Madame Louesse' 


Dans les semaines à venir, d'autres photos viendront compléter ce florilège.

(1) Sont ainsi désignés les sépales de la fleur. 

(2) Deux descendants de 'Clémentine Croutel' sont avantageusement connus : 'Nêne' (1928) et 'Hélios' (1928).

TROIS MYTHES A PROPOS DES IRIS BARBUS (II)

par Tom Waters (traduit par S. Ruaud) 

Tom L. Waters est un chercheur américain, diplômé de physique et d'astronomie, passionné d'iris, qui demeure dans le comté de Santa Fé, au Nouveau-Mexique. Cet article a été publié sur le blog de l'American Iris Society. Il fera l'objet, ici, d'une transcription en trois courtes chroniques. 

DEUXIEME MYTHE : Les iris peuvent "revenir" à une autre couleur 

Il semble que tout le monde ait entendu l'histoire d'une belle touffe d'iris, disons de jolis roses à volants, "revenant" au blanc ou au violet après quelques années. En fait, cela ne se produit pas. Les iris ne changent pas spontanément de couleur. (Il y a une qualification mineure à cette déclaration, que j'aborderai ci-dessous.)

 D'où vient ce mythe? Une source, je pense, est que certaines plantes semblent se comporter de cette façon, en particulier les annuelles qui se ressèment chaque année. Si l'on plante un zinnia hybride ou la gloire du matin, par exemple, les plantes qui naissent de leurs graines dans les années suivantes ne ressembleront pas à l'original et peuvent en fait montrer des couleurs simples de "type sauvage" communes aux espèces d'origine à partir desquelles l'hybride a été développé. Une deuxième source de ce mythe vient du fait que si différents iris sont plantés ensemble, l'un d'eux peut se multiplier plus rapidement et éventuellement prendre le dessus sur les iris voisins, ce qui donne à l'observateur occasionnel l'impression que les iris de la plantation ont «changé» de couleur. Mais notez bien qu'il s'agit de la concurrence entre deux plantes différentes, et non d'une seule plante qui change de couleur.

 Dans presque tous les cas où les gens disent que leurs iris ont "changé de couleur" ou "sont revenus", voici l'explication: au départ il y avait plus d'une variété dans la plantation , et une qui n'avait pas fleuri la première année alors que les autres avaient bien poussé et est parvenue à dominer la plantation au cours des années suivantes. Il est possible que la coloration d'un iris apparaisse quelque peu différente d'une année sur l'autre, en raison des différences météorologiques ou de l'exposition aux produits chimiques. Les pigments bleus et violets, en particulier, sont quelque peu sensibles aux conditions météorologiques inhabituelles. Ces changements sont des changements dans l'assombrissement des couleurs ou leur saturation, cependant ils ne peuvent pas faire apparaître une toute nouvelle couleur ou un nouveau motif. Un iris bleu pâle peut sembler blanc froid une certaine année ou bleu ciel dans une autre année, par exemple, mais ne deviendra jamais jaune ou rose. Certains herbicides provoquent des fleurs déformées avec une couleur fortement appauvrie dans certaines parties des pétales, mais la déformation est évidente.

Il y a deux autres façons dont un iris d'une couleur différente peut apparaître dans une plantation, même si une seule variété a été plantée au départ.

Le premier est l'hybridation. Tout comme vos gloires du matin peuvent se ressemer, un iris barbu peut parfois former une gousse et laisser choir ses graines dans le sol autour de la plante. Si ces graines poussent, les plants peuvent bien être d'une couleur différente de celle du parent, et lorsqu'ils fleurissent (peut-être trois ans après la première production des graines), le jardinier peut être surpris! Pour éviter que cela ne se produise, vous pouvez retirer les hampes florales après la fanaison des fleurs, afin que les gousses de graines ne se développent pas.

Bien que cela soit possible, les semis apparaissant dans une touffe d'iris barbu de cette façon se produisent rarement. La plupart des iris barbus ne produisent pas de graines par eux-mêmes. (Dans mon jardin, je vois peut-être deux gousses de graines spontanées pour mille fleurs.) (2) Et les graines d'iris barbus ne germent pas bien sous de nombreux climats sans une attention particulière. Si les semis poussent dans une touffe établie, ils seront probablement évincés par le parent. Les hybrideurs se donnent beaucoup de mal pour réaliser la pollinisation croisée et faire pousser les graines à maturité. Le processus peut et se produit sans intervention humaine, mais rarement. (Si vous cultivez des iris sans barbe comme les Sibériens, l'apparition de semis inattendus est beaucoup plus probable.)

Enfin, un iris peut subir une mutation qui fait changer la couleur de la fleur. De telles mutations, appelées «sports», sont des événements extrêmement rares. À l'exception de quelques variétés historiques sujettes à de telles mutations, la plupart des iris ne produiront jamais de sport. Vous pouvez cultiver mille variétés différentes pendant une décennie et n'en voir jamais. J'ai commencé à cultiver des iris dans les années 1970, et je n'ai jamais vu de sport dans mon jardin, ni dans les jardins de mes amis qui cultivent les iris.

Conclusion : les iris barbus ne changent pas spontanément de couleur. Chaque iris est un individu unique et conservera pour toujours sa couleur et son motif d'origine. Si vous voyez un iris de couleur différente dans une plantation, ce doit être une variété différente qui était déjà là et qui n'avait tout simplement pas fleuri, ou n'avait pas été remarquée auparavant.

(à suivre)

4.9.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire a tenté de faire pendant les dernières semaines 

XI – 2020

Il est encore un peu tôt pour parler de 2020, mais ce qui nous en est proposé jusqu'à présent est exemplaire à bien des égards. L'avenir est grand ouvert !


'Amaury' (S. Boivin) 


'Necklace' (Ghio) 

'Painted Sky' (T. Johnson) 

'Fashion Event' (Keppel)

LA FLEUR DU MOIS

'Gladys Clarke' (Lawrence Ransom, 2000) 
'Desiris' X 'Halo In Pink' 

Un jour que je conversais avec Lawrence Ransom, nous avons abordé le sujet des iris baptisés au nom d'une personne. Et je lui ai indiqué quelques dédicataires potentiels parmi lesquels figurait Gladys Clarke, la fondatrice de la SFIB. L'année suivante il a fait la proposition à la vénérable dame qui lui a donné son accord. Ainsi est née la variété 'Gladys Clarke'. Ce n'est pas une variété que l'on peut ne pas voir au jardin : de sa haute stature elle domine toutes les autres. Ce n'est pas forcément sa caractéristique la plus intéressante car elle a évidemment tendance à verser. Mais pour le reste c'est un bon iris. Lawrence, qui était très méticuleux, en a fait une description minutieuse : « Pétales rose pêche doux ; pétale rose abricot tendre, centre blanc, revers et lisière rose plus vif, de même que les épaules ; barbe blanche légèrement pointée d'orange. » La fleur est délicatement ondulée, avec un fini parfait, comme c'est toujours le cas chez un perfectionniste comme Lawrence Ransom.

Personnellement j'aurais préféré une teinte un peu plus soutenue, mais c'est celle de 'Désiris' (Ransom, 1993) son parent féminin, une fleur que j'apprécie hautement, elle-même issue du prestigieux 'Beverly Sills' (Hager, 1978). Pour le parent mâle de 'Désiris', Ransom a choisi une variété dont il a fait plusieurs fois usage, 'Soap Opera' (Ghio, 1981), qu'il a utilisée non pas pour son indéfinissable coloris verdâtre, mais ses qualités végétatives, et où l'on retrouve l'un des éléments favoris de Joë Ghio : ((('Commentary' x 'Claudia Rene') x 'Claudia Rene') x 'Ponderosa') x ('Ponderosa' x 'New Moon'). L'autre parent de 'Gladys Clarke' est 'Halo in Pink' (Niswonger, 1989). Ce dernier n'est pas foncièrement différent de 'Désiris' en terme de coloris. A peine un rose un peu plus vif. Il a pour ancêtres un des roses les plus célèbres, 'Pink Taffeta' (Rudolph, 1968), et le non moins fameux 'Rippling Waters' 'Fay, 1961). Ajoutons que par d'autres branches ont atteint deux autres nobles origines, l'immanquable 'Snow Flurry' (Rees, 1939) et le bleu français 'Sensation' (Cayeux F. 1925) dont les gènes sont présents dans un grand nombre de variétés américaines. Et si l'on cherche bien on découvrira aussi la présence de deux autres variétés de Ferdinand Cayeux, 'Alice Harding' (1933) – cinq générations avant 'Gladys Clarke' - et 'Thaïs' (1926) – parent masculin de 'Snow Flurry-.

On voit bien qu'après 'Gladys Clarke' il n'y a plus grand chose à espérer en matière d'amélioration. Aussi ne faut-il pas s'étonner de ce que cet iris n'ait pas eu de descendant. Il en va ainsi de beaucoup de variétés qui sont en elles-mêmes un aboutissement - à moins que cela ne soit une impasse - : une espèce de cul-de-sac génétique...

 Il paraît que Madame Clarke, lorsqu'elle a vu la fleur qui porte son nom, n'en a pas été particulièrement satisfaite. Lawrence Ransom en a été un peu vexé... C'est le risque quand on veut faire plaisir à quelqu'un : il arrive que le cadeau ne plaise pas ! En ce qui me concerne, je considère 'Gladys Clarke' comme un iris techniquement réussi, mais dont le coloris, un peu terne, n'a pas réussi à l'imposer.


Illustrations :

 'Gladys Clarke'

' Désiris'

'Halo in Pink'

'Soap Opera'

TROIS MYTHES A PROPOS DES IRIS BARBUS

par Tom Waters (traduit par S. Ruaud)

Tom L. Waters est un chercheur américain, diplômé de physique et d'astronomie, passionné d'iris, qui demeure dans le comté de Santa Fé, au Nouveau-Mexique. Cet article a été publié sur le blog de l'American Iris Society. Il fera l'objet, ici, d'une transcription en trois courtes chroniques. 

Chaque domaine de la connaissance humaine a ses mythes: des idées fermement crues par un grand nombre de personnes qui ne sont pas forcément vraies. L'essor d'Internet et des réseaux sociaux a encore compliqué le processus de séparation du mythe de la réalité. Autrefois, une personne curieuse pouvait chercher un livre ou un expert pour résoudre une question et avoir une bonne chance d'obtenir des informations précises en échange de ses efforts. Mais aujourd'hui, lorsqu'une personne curieuse effectue une recherche sur Internet, les informations qu'elle trouve sont tout aussi susceptibles d'être fausses que correctes.

Au sujet de la croissance des iris barbus, j'ai trouvé trois mythes qui semblent omniprésents et qui refont inévitablement surface lors de toute discussion sur le sujet sur Internet. Cet article aborde chacun de ces trois mythes, dans l'espoir qu'une exposition claire de chacun fournira un petit noyau d'informations solides qui fait souvent défaut dans les échanges par Internet.

PREMIER MYTHE : Les iris barbus ne fleuriront que si le haut de leurs rhizomes est exposé au soleil 

Bien que, comme je l'expliquerai un peu, il existe de bonnes raisons de planter les iris avec le dessus des rhizomes exposés, il n'est pas nécessaire de le faire pour assurer la floraison. Les iris fleurissent très bien s'ils sont plantés avec un peu de terre sur le rhizome. Rien de magique ne se produit lorsque la lumière du soleil frappe la surface d'un rhizome exposé.

 D'où vient ce mythe? Je pense qu'il a trois sources. Le premier est un conseil très basique: les rhizomes d'iris ne sont pas des bulbes. La plupart des bulbes à floraison printanière (jonquilles, tulipes, crocus, etc.) doivent être plantés assez profondément (trois fois leur hauteur est une recommandation courante). Si vous plantez un iris aussi profond qu'une tulipe, il est possible qu'il ne fleurisse pas. En fait, il peut ne pas survivre du tout. La seconde est une remarque générale sur les conditions de croissance que les iris préfèrent: ils aiment le plein soleil, ou au moins une demi-journée de soleil, et ne fleuriront pas bien à trop d'ombre. Enfin, il existe un petit conseil traditionnel selon lequel les iris doivent être plantés "comme un canard dans l'eau", avec la moitié supérieure du rhizome au-dessus de la surface du sol. Je pense que ces deux derniers points (une recommandation de plantation avec des rhizomes exposés et le fait que les iris fleurissent mieux dans des endroits ensoleillés) ont conduit les gens à mélanger ces deux idées et à conclure que c'est la lumière du soleil frappant le sommet des rhizomes qui fait fleurir les iris . Le conseil de ne pas les planter en profondeur comme des tulipes ou des jonquilles renforce alors cette notion.

D'accord, s'il n'est pas nécessaire d'exposer les rhizomes à la lumière directe du soleil pour assurer la floraison, dois-je les planter exposés ou couverts? Quelle est la meilleure profondeur de plantation?

La réponse courte est que cela n'a pas beaucoup d'importance. Dans la plupart des jardins, les iris avec les rhizomes exposés et les iris légèrement recouverts feront tous deux aussi bien. Si vous regardez une touffe établie, vous verrez que les rhizomes eux-mêmes poussent parfois dans le sol et parfois remontent à la surface. C'est parfait.

Dans certains endroits, des conditions climatiques particulières peuvent favoriser une plantation soit peu profonde soit profonde. Dans un climat souvent pluvieux et humide, les rhizomes exposés sont moins susceptibles de pourrir à partir d'un sol humide. Une grande partie de nos conseils de jardinage traditionnels proviennent d'endroits avec de tels climats: le Royaume-Uni et la côte est des États-Unis. Je crois que le conseil de planter avec des rhizomes exposés a eu son origine dans ces régions, puis a simplement été répété.

Dans les régions où les hivers sont très froids, les iris peuvent bénéficier d'une plantation plus profonde, ce qui les rend moins sensibles au soulèvement pendant les cycles de gel-dégel.

 Dans les régions sèches et chaudes (comme une grande partie de l'ouest des États-Unis) (1), la plantation avec les rhizomes couverts offre une certaine protection contre les brûlures solaires et la dessiccation due la chaleur et au vent. Les rhizomes apprécient d'être sous la surface du sol, où les conditions sont un peu plus fraîches et humides.

 Conclusion : Plante couverte ou découverte, selon vos préférences, votre expérience et vos conseils locaux. Les iris fleuriront très bien de toute façon.

(à suivre)