29.2.08




LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

On trouve de tout sur Dave’s Garden. Des photos superbes et d’autres qui ne valent pas un clou. Celui qui signe Tntigger est un des meilleurs photographes d’iris du web. Admirez ces deux spécimens de son art.




LETTRES D’IRIS

II. A la manière de Marcel Proust
(A l’ombre des jeunes filles en fleurs)

Longtemps, je ne me suis pas intéressé aux fleurs. Il me semble qu’elles n’ont d’attrait pour moi que depuis le jour où Mme de Villeparisis nous mena à Carqueville, voir cette église couverte de lierre qui, du côté du portail, quand le soleil est au couchant, apparaît comme constituée de pierres d’or, et du côté du chœur, donc vers l’Est, dresse une sombre façade massive comme une forteresse moyenâgeuse au-dessus de la rivière et d’un petit pont de pierre dont ma grand’mère prétend qu’ainsi privé de lumière et baigné d’humidité il présente un véritable danger pour les personnes qui le traversent pour peu qu’elles soient fragiles de la poitrine. C’est le long de la route menant de notre maison à Carqueville que j’aperçus, au milieu d’un jardin où l’on accédait par une allée bordée de grands arbres, des fleurs multicolores que je ne connaissais pas mais que, malgré la rapidité de notre déplacement grâce aux deux puissants chevaux qui étaient attelés à la voiture de la marquise, je crus identifier pour des iris, encore que je n’eusse jamais vu auparavant des iris ainsi chamarrés. Cette demeure élégante, tout à fait dans le style normand, avec colombages et tuiles brunes, se situait à proximité d’Hudimesnil, au bas d’une descente suivie d’un dos d’âne qui, quand nous arrivions, la cachait à notre regard jusqu’à l’instant où nous passions devant elle. Malgré cette apparition soudaine, ou peut-être à cause d’elle, j’eus l’impression de me trouver devant un lieu qui m’était familier autrefois de sorte que je me demandais si cette maison était bien réelle ou si elle ne sortait pas plutôt d’un rêve que m’aurait inspiré la légère somnolence que je ressentais à cause du balancement régulier de la voiture. L’éclat des fleurs alignées devant la maison mit un terme à ma torpeur et quand, la voiture ayant continué son chemin, je me retournais pour un dernier regard vers ces fleurs inconnues, Mme de Villeparisis, remarquant mon mouvement, me demanda ce qui suscitait tant d’intérêt de ma part. Je lui dis combien j’avais été surpris par ces plantes que nous venions d’apercevoir dans ce jardin magnifique, par leur taille, leurs couleurs et leur éclat. Je savais que dans son propre jardin Mme de Villeparisis avait demandé à son jardinier de disposer de multiples plantes originales qu’elle faisait venir de pays lointains, grâce à la connivence de religieux ou de scientifiques, les uns partis convertir les petits païens, les autres à la recherche de tout ce que la nature peut produire d’inconnu de nous dans des contrées peu ou même pas du tout explorées par les européens, si tant est qu’il en reste, depuis le temps que nos explorateurs parcourent les terres de plus en plus éloignées ou hostiles, mais je fus proprement étonné quand elle me répondit avec cet air naturel et quelque peu nonchalant qui était un des charmes de cette grande aristocrate, à l’aise en toutes circonstances, qu’elle avait bien remarqué tous ces iris en longues plates-bandes. Elle eut la bonté de me proposer que nous revenions dès le lendemain pour les admirer de plus près car elle connaissait en effet la propriétaire de cette demeure et pouvait demander à son régisseur de nous ouvrir la porte du jardin, ce à quoi je répondis avec un enthousiasme qui la fit sourire.

« Je ne voudrais pas abuser de votre temps, ajoutai-je un peu niaisement.
« Mais au contraire, je serai ravie moi-même de voir de plus près avec vous toutes ces splendeurs, répondit notre amie sur un ton cérémonieux qui contrastait avec sa simplicité habituelle. »
Dans ces moments-là, si elle ne se montrait pas vraiment naturelle, c’est qu’affleurait son éducation de grande dame capable de montrer à des bourgeois dans notre genre qu’elle n’a aucun scrupule à les fréquenter et qui plus est qu’elle y prend un certain plaisir, surtout si ce qui retient l’attention du bourgeois va dans le sens de ce qu’elle-même apprécie.

C’est ainsi que le lendemain, par un temps dont la clarté laissait présager qu’il ne ferait pas beau longtemps, comme c’est souvent le cas en Normandie, surtout à la fin de mai, quand la fraîcheur et la pluie sont plus fréquentes que le grand soleil, nous reprîmes la route d’Hudimesnil et de la belle maison dont j’appris qu’elle appartenait à Mademoiselle Sébastiani, la sœur de la duchesse de Praslin qui était d’origine roturière, ce dont Mme de Villeparisis ne tenait pas vraiment compte. Nous fûmes accueillis par un certain M. Bagard, régisseur du domaine, qui se montra avec ces dames d’une politesse proche de l’obséquiosité, mais fit preuve d’une incontestable connaissance du sujet et nous expliqua par le menu tout ce qui concernait ces iris multicolores que nous avions sous les yeux. J’ai donc appris, en circulant lentement entre les touffes aux feuilles acérées, que nous étions en présence d’iris qualifiés d’hybrides, cultivés par quelques spécialistes aussi savants dans l’art de croiser entre elles des variétés diverses que de sélectionner au milieu de semis innombrables les fleurs les plus belles, les plus robustes et les plus rustiques. Mme de Villeparisis parut aussi à l’aise dans ce coin de jardin qu’elle eut pu l’être dans son salon en compagnie des autres dames du faubourg St Germain, faisant remarquer ici quelque détail particulier de telle fleur, comme les fines veines pourprées qui apparaissent au bord des sépales d’une fleur dédiée à une certaine Madame Chobaut, ou l’harmonie des deux tons de mauve de celle baptisée Isoline. A mon grand étonnement, de sorte que l’admiration que je lui portais s’en trouva décuplée, la marquise rectifia même notre cicérone quand celui-ci attribua à la maison Verdier la paternité d’un iris tout strié de violet sombre dénommé Demi-Deuil, dont elle précisa qu’il avait été obtenu plutôt par Fernand Denis, un industriel qui cultive ses iris au bord de l’étang de Thau près de la ville de Sète. Ce nom de Denis ne manqua pas d’évoquer dans ma mémoire celle qui fut la bonne amie de Voltaire, au grand déplaisir de Madame du Châtelet qui tenait cette place depuis plusieurs années et n’entendait pas la céder sans batailler à une femme bien plus jeune qu’elle, tant il est vrai que notre cerveau même s’il est occupé par un sujet qui le passionne, peut brusquement s’éloigner du présent et, par un retour difficilement explicable, se fixer sur un souvenir qui peut être aussi bien sérieux que futile.

Pendant que nous revenions vers la maison et que les dames, c’est à dire la marquise et ma grand’mère, évoquaient avec une certaine excitation les merveilles que nous venions de voir, je me laissais emporter par une sorte de rêverie où apparaissaient les rangées d’iris violets présents dans le jardinet de ma tante à Combray, tous semblables, et qui commençaient à fleurir à peine les gelées de février disparues, quand nous revenions au moment de la mi-Carême et avions droit, pour je ne sais plus quelle tradition familiale, à un goûter de crêpes que ma tante et ma grand’mère mangeaient avec parcimonie car elles affirmaient que ces délicieuses pâtisseries étaient lourdes à digérer.

23.2.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Les gouttes d’eau sur une fleur sont éminemment photogéniques. Ce ‘Cover Page’, de Joë Ghio, qui sort de la douche, a tout pour plaire, devant l’objectif de Margie Valenzuela.
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Décidément la culture de I. florentina pourrait bien redevenir rentable ! Après la réapparition de parfums à base d’iris, voici que les produits de beauté font appel à ces vertus. Connue pour ses propriétés astringentes et équilibrantes, la racine d’iris à parfum permet de réguler l’hydratation de la peau. C’est ce que tente d’exploiter un nouveau masque de beauté : ‘MASQUE ECLAT RAFRAÎCHISSANT À L’IRIS’ de Welleda.






UNE REINE EN ROBE D’INDIENNE

Elles ne sont pas nombreuses les variétés d’iris qui ont connu autant de succès en hybridation que ‘Queen in Calico’ (Gibson J. 80). C’est à un point tel que bien peu de plicatas modernes ne possèdent pas ses gènes. Dans ma base de données – qui contient les références de 9000 grands iris – ‘Queen in Calico’ apparaît au premier degré dans le pedigree de soixante-cinq variétés, obtenues par vingt-cinq hybrideurs. Et les noms les plus fameux figurent dans cette liste : Schreiner, Keppel, Black, Blyth, Meek, Kerr… Ainsi que plusieurs européens comme Ladislaw Muska et Augusto Bianco.

‘Queen in Calico’ s’est en fait emparé de la généalogie des plicatas à dessins grenats, ou bruns. Mais d’autres couleurs apparaissent aussi dans ses descendants, au gré des croisements.

On voudrait bien savoir pourquoi ce ‘Queen in Calico’ – une reine en robe d’indienne – a eu un tel succès. Sans doute est-ce en raison de ses propres ancêtres. Mais sur ce sujet on reste un peu déçus, parce que les renseignements fournis par James Gibson sont plutôt médiocres. Tout au plus sait-on que ce ‘Queen in Calico’ descend de ‘Orange Plush’ (Gibson 73) et ‘Anon’ (Gibson 75). Mais l’analyse ne va guère aller plus loin dans le temps puisque ces deux variétés sont des cousins germains, issus de ‘Apricot Blaze’ (Gibson 70) dont on nous dit simplement qu’il provient d’une longue série de croisements… C’est pauvre. Tout au moins il suffit de comparer ces trois variétés pour comprendre que leur caractère commun est d’allier l’orange – du pêche au chamois- et les dessins plus ou moins marqués du modèle plicata, dans les tons de brun-rouge, voire de brun clair.

Ce sont aussi ces couleurs qui caractérisent ‘Queen in Calico’ qui, sur un fond abricot très clair présente des dessins assez denses d’un rouge magenta vif. Ce sont à la fois ces couleurs et la richesse du dessin plicata qui ont retenu l’attention des hybrideurs. Ils y ont vu la possibilité d’améliorer le modèle dans des tons pas encore devenus communs. Par-dessus le marché ce ‘Queen in Calico’ est vigoureux, bien proportionné, avec des fleurs élégantes, délicatement ondulées et avec des pétales aux fines dentelures. Cette reine en indienne a tout pour plaire et pour laisser espérer une descendance de qualité.

Et cette descendance est importante. Les quatre principaux utilisateurs sont Keith Keppel, Augusto Bianco, Anton Mego et Ladislaw Muska.

Keith Keppel, le grand maître des plicatas, en a obtenu quatre variétés supérieures : ‘Bodacious’ (87), ‘Rosarita’ (89), ‘Film Festival’ (93) et ‘Tangled Web’ (99). Tous les quatre ont un incontestable air de famille. Les trois premiers sont assez voisins de la variété de référence, le quatrième présente des dessins plus denses, et une forme, évidemment, plus moderne. A la génération suivante, si ‘Bodacious’ ne semble pas avoir été utilisé, les trois autres ont eu des descendants importants. ‘Rosarita’ est à l’origine de ‘Cheating Heart’ (94), ‘Magic Show’ (94) et ‘Inside Track’ (2002). ‘Cheating Heart’ est un plicata rose « a minima » puisque les dessins grenats n’apparaissent qu’aux épaules des sépales ; ‘Magic Show’ est plus richement doté, mais aussi moins original et plus proche du modèle de base ; modèle dont s’éloigne ‘Inside Track’ puisque cette variété est une amorce d’un modèle différent, le plicata « noir/blanc », avec des pétales d’un violet pourpré sombre et des sépales ourlés du même violet, sur un fond blanc crayeux. ‘Screen Play’ (96), qui vient de ‘Film Festival’, décline le modèle plicata grenat en clair, puisque les dessins sont plus rouge magenta que grenats. Ces descendants ‘Lonely Hearts’ (99) et ‘Lovely Dawn’ (98) rééditent ce modèle. Quant aux frères de semis que sont ‘Dark Drama’ (2005) et Drama Queen’ (2003), ils sont assez différents l’un de l’autre. Le premier joue les beautés sombres : pétales violet pourpré, sépales à fond blanc fortement marqué du violet des pétales. Le second exécute une pirouette qui le ramène au coloris de son ancêtre ‘Queen in Calico’, auquel il ajoute une touche de modernité.

Les iris d’Augusto Bianco, issus de ‘Queen in Calico’ sont d’aspect très différent. En particulier parce que leur pedigree est généralement complexe, avec un rôle amoindri de la variété de référence. Il n’y a même qu’une seule variété qui présente les caractères d’un plicata, et qui se rapproche de ‘Screen Play’ : il s’agit de ‘Orchidea Selvaggia’ (99).

Anton Mego n’apparaît qu’une fois parmi les utilisateurs de ‘Queen in Calico’. La variété qui en est issue s’appelle ‘Slovak Prince’ (2002), et c’est un des plus beaux iris de ces dernières années. C’est un croisement de ‘Edith Wolford’ x ‘Queen in Calico’. Il est très différent de ses deux parents, mais il est magnifique et le voilà dans la course pour une DM ! S’il lui arrivait de gagner cette compétition, il serait le premier iris non américain à le faire.

Celui qui a le plus fait usage de ‘Queen in Calico’, c’est le Slovaque Ladislaw Muska. Au point que cette variété fait partie de ses iris fétiches, au même titre que ‘Babbling Brook’ à ses débuts, ‘Don Epifano’ ensuite, puis ‘Sky Hooks’. La plupart de ses obtentions à partir de ‘Queen in Calico’ sont de vrais plicatas. La plus emblématique est ‘Graffiti’ (96), et elle a également beaucoup servi pour des variétés ultérieures, comme les frères de semis ‘Intarzis’ et ‘Luc de Gras’ (98) ou ‘Tagli e Buchi’ (2001), l’une des plus belles réussites de son obtenteur, toute frisottée, qui revient, du point de vue des couleurs, aux associations qui ont fait le succès de ‘Queen in Calico’, plus de vingt ans auparavant.

‘Queen in Calico’ fait partie du petit nombre des variétés qui ont marqué leur époque ; tout collectionneur d’iris se doit de le cultiver dans son jardin.

15.2.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Autre style de photo, cette semaine. Lowell Baumunk, qui est avant tout hybrideur, réalise aussi des photos très travaillées, comme celle de ‘Broken Pattern’. La fleur est mise en valeur par un arrière plan très moderne et élégant.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

L’année des luminatas

Le modèle « luminata » ne date pas d’aujourd’hui. ‘Moonlit Sea’ (Sass 43) est un bel exemple de « luminata » historique. Mais depuis quelques temps, sous l’impulsion de Keith Keppel, de nombreux hybrideurs ont cherché à obtenir ce modèle de fleurs. Les exemples sont nombreux, mais rien ne vaut le travail du « chef » ! Témoin : ce ‘Montmartre’ (Keppel 2008). 2008 sera-t-elle l’année des « luminatas » ?

Un parfum d’iris

Encore un parfum à base d’iris : « La Pausa » de Chanel. Décidément la culture de I. florentina pourrait bien redevenir rentable !



COMMENT TU T’APPELLES ?

Tous les obtenteurs vous le diront, c’est bien délicat de donner un nom à un iris.

La première difficulté, c’est de s’arrêter sur un nom qui ait une signification, soit en lien avec une caractéristique de la fleur, ou soit en hommage à un événement ou une personne. Ce nom va correspondre à la sensibilité de son inventeur, à son souci d’originalité, à son désir de nouveauté ou d’élégance. Il faut un nom évocateur, joli, qui ne rebute pas l’acheteur éventuel (comment espérer qu’un iris baptisé ‘Bordello’ puisse faire carrière en France ?).

La seconde réside dans le fait qu’une infinité de noms ont déjà été attribués, depuis que l’on baptise des iris, c’est à dire, environ, depuis les années 1880. En trouver un qui ne soit pas déjà porté, peut se révéler tortueux. C’est d’ailleurs pourquoi l’on demande, au moment de l’inscription, de proposer plusieurs noms. Le « registrar » vérifiera si le premier nom choisi n’a pas déjà un titulaire, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il découvre un nom toujours libre. Si jamais on tient particulièrement à un nom déjà donné, il faut s’assurer que la variété qui le porte, ou l’a porté, n’est pas devenue obsolète, soit qu’elle ait disparu, soit qu’elle ait été retirée du commerce par son obtenteur. Autant dire qu’il faut une belle chance pour obtenir toutes les assurances nécessaires.

La troisième est liée aux interdictions formulées par le Code International de Nomenclature des Plantes Cultivées. A l’heure actuelle elles sont au nombre de onze !!
Sont ainsi interdits :
Les noms de personnes vivantes (sauf si celles-ci ont donné un consentement écrit), et ceux des personnes décédées depuis moins de 10 ans (sauf avec l’autorisation des ayant-droit) ;
Les noms en forme d’adresse (par exemple commençant par Madame ou Mademoiselle) dans quelque langue que ce soit ;
Les noms contenant des chiffres, des symboles , des signes de ponctuation ou des abréviations ;
Les noms commençant par un article ( en quelque langue que ce soit) sauf si cette forme d’expression est requise dans la langue utilisée ;
Les noms en latin ou dans une forme latinisée ;
les faibles variations d’un nom déjà donné ;
Les noms de plus de quatre mots ou trente lettres ;
Les noms contenant les mots « iris » ou « flag », de même que ceux se référant à une espèce botanique ou composés à partir d’un de ces noms ;
Les noms contenant le nom propre de l’hybrideur ;
Les noms excessivement laudatifs, ou qui peuvent devenir inappropriés, et ceux qui ne contiennent que des adjectifs ou qui constituent une simple description ;
La simple traduction d’un nom exprimé dans une autre langue.

L’énoncé précédent peut aboutir à un véritable casse-tête. Pas tellement pour celui qui choisit le nom, mais surtout pour celui qui doit l’entériner.

Le « registrar » de l’AIS avait la vie belle du temps ou les noms étaient exprimés essentiellement en anglais et en français, mais il a de quoi s’arracher les cheveux maintenant qu’on trouve des noms dans un grand nombre de langues (allemand, italien, tchèque, slovaque, slovène, polonais, russe, ukrainien, japonais, et même breton ou esperanto !). Les règles 2, 4 10 et 11 notamment exigeraient du « regsitrar » une connaissance de tous les langages du monde ! Mission impossible (1).

L’actuel « registrar » a choisi de ne tenir compte que d’une seule chose : que deux noms ne comportent pas les mêmes lettres, dans le même ordre ! Sans aucune référence au sens des mots ou à la signification du nom ! C’est une absurdité absolue qui a déjà provoqué des frictions et qui entraînera immanquablement des abus et des confusions. Il y a pourtant une solution bien simple, si l’on ne veut pas que les noms d’iris reconstituent les problèmes de la tour de Babel : que chaque nom, en plus de la langue dans laquelle il est exprimé, soit suivi de sa traduction en anglais. J’ai fait cette suggestion à l’AIS, qui l’a examinée lors de sa dernière réunion du Conseil d’Administration. Mais elle a été rejetée, sans réel débat, ce qui est navrant. Il faudra faire de nouvelles propositions, plus argumentées sans doute. Il faudrait surtout qu’un locuteur anglais ou américain veuille bien se charger du dossier et aille le défendre devant le staff de l’AIS. Ne désespérons pas, cela viendra un jour. Mais il y a urgence, si l’on ne veut pas qu’une confusion calamiteuse s’installe dans les noms d’iris.

(1) exemples d’entorses déjà remarquées à la règle n° 11 :
- ‘Mystérieux’ (Cayeux 2003) et ‘Mysterious’ (Schreiner 74)
- ‘Ravissant’ (Cayeux 2005) et ‘Ravishing’ (Miller 93)
- ‘Starlette Rose’ (Cayeux 96) et ‘Pink Starlet’ (Wood 93).

10.2.08

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Pauvres remontants

Les hybrideurs ne seraient-ils plus intéressés par les iris remontants ? C’est à croire quand on constate, comme l’a fait Loïc Tasquier, combien ils sont peu nombreux dans les enregistrements des dernières années et, en particulier, en 2006 et 2007.

2001 = 55/964
2002 = 54/1051
2003 = 52/1031
2004 = 46/1052
2005 = 43/1268
2006 = 39/1152
2007 = 39/1193

LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

‘Bohemian’
La photo d’aujourd’hui provient de la collection du Parc Floral de Vincennes. L’auteur n’est pas nommément identifié, mais c’est un artiste qui apprécie les fleurs lorsqu’elles se présentent sous un aspect un peu ébouriffé, qui donne à ses clichés une originalité certaine, sans pour autant trahir l’iris qui en fait l’objet.



LES BRAS DRESSÉS DU BONZE EN PRIÈRE

En feuilletant un ancien numéro de Iris & Bulbeuses, je suis tombé sur la photo d’un iris, qualifié tout simplement de « spoon ». Je suis certain qu’il s’agit en fait de ‘Dauber’s Delight’ (Osborne 91), un iris « space age » bien connu et très représentatif du modèle. Les appendices dressées à l’extrémité des barbes m’ont fait irrésistiblement penser au geste d’un bonze en prière (et même à la manière de saluer, si élégante, du Dalaï Lama) : les bras collés et dressés, les mains jointes.

Les iris « space age » n’ont pas toujours la grâce de ‘Dauber’s Delight’. Souvent les tensions que l’appendice du bout des barbes crée dans le sépale provoquent une pliure de celui-ci autour de la nervure médiane, qui enlève tout chic à la fleur. C’est un inconvénient que les obtenteurs devraient toujours prendre en compte et leur faire rejeter les plantes qui en souffrent. Cependant le phénomène « space age » (que je souhaiterais voir désigné sous le vocable latinisant de « rostrata ») n’est pas du tout à rejeter. C’est même le chemin essentiel vers des iris à fleur double.

Chez les roses ou les pivoines, les horticulteurs sont parvenus à créer des fleurs doubles en obtenant une transformation des étamines en pétaloïdes. Il n’est pas imaginable que la même transformation intervienne chez les iris où il n’y a que trois étamines par fleur, de petite taille et dissimulées sous le couvercle des styles. L’apparition de prolongations des barbes est une occasion à saisir car, avec le temps et les croisements successifs, on doit pouvoir obtenir un développement important et harmonieux des pointes en forme de pétaloïdes. C’est d’ailleurs ce qui commence à se produire : des excroissances se terminant par un bouquet vaporeux de matière florale existent déjà ; il faut qu’elles s’accroissent en volume et en légèreté, mais la voie est ouverte.

Pour en arriver là, le chemin est long et difficile. Il a commencé dès les années 40, en particulier chez les frères Sass, dans le Nebraska, mais à l’époque ces prolongations ont été considérées comme des monstruosités et impitoyablement rejetées. Il a fallu la perspicacité du Californien Lloyd Austin et son souci d’apporter du nouveau dans le ronron des hybrideurs pour que, d’éléments indésirables, les éperons et autres cuillers acquièrent le rang d’apports esthétiques. Quand Lloyd Austin a vu les premiers iris présentant des extensions étranges à l’extrémité des barbes, il s’est dit qu’il y avait là quelque chose qui méritait d’être profondément étudié. Il a dès lors entrepris un énorme travail de recherche et de croisement afin d’exploiter ce qui n’était qu’une anomalie, et d’apporter à ces nouveautés toutes les améliorations qui étaient possibles, de manière à ce que les éperons confèrent aux fleurs une personnalité particulière. C’est lui qui a inventé l’expression « Space Age » pour désigner ces nouveaux iris, leur attribuant du même coup une identité synonyme de modernité. Ses variétés, tout comme celle de Tom Craig, un autre fan des iris à éperons, proviennent en fait d’une même lignée développée à partir de plicatas en provenance des semis de Sydney Mitchell et en particulier d’une variété dénommée ‘Advance Guard’. Dans tous les cas il s’agit de plantes issues des plicatas de la fratrie Sass. Chez Austin, l’origine de la lignée se situe notamment dans une variété au nom particulièrement bien choisi : ‘Horned Papa’ (60) ! Mais le premier des SA qu’il a enregistré s’appelle ‘Unicorn’ (52), et c’est aussi un plicata. A partir de 1959 il n’a plus produit que des SA, dont les noms font toujours allusion aux appendices qui les décorent : ‘Flounced Marvel’ (60), ‘Spoon of Gold’ (60), ‘Lemon Spoon’ (60), ‘Horned Flare (63), ‘Spooned Blaze’ (64)…

La machine était lancée. Manley Osborne, Henry Rowlan ont été parmi les premiers à reprendre le flambeau. Tout le monde connaît ‘Moon Mistress’ (Osborne 76), iris de couleur pêche, ou ‘Battle Star’ (Osborne 78), bicolore chamois et fuchsia, ‘Hula Moon’ (Rowlan 78), chamois marqué de violet, ou ‘Space Dawn’ ( Rowlan 82) blanc influencé de jaune citron. Ce sont des variétés qui sont à l’origine des SA actuels, avec les descendants de ‘Moon Mistress’ que sont ‘Twice Thrilling’ (Osborne 84), mais surtout ‘Sky Hooks’ (Osborne 80). Un autre visionnaire, Monty Byers, a compris que les SA recelaient tout ce qu’il faut pour révolutionner le monde des iris. Il a exploité le filon avec passion et persévérance. Il a été généreusement récompensé, à titre posthume malheureusement, grâce à ‘Conjuration’ (89), ‘Thornbird’ (89) et ‘Mesmerizer’ (91), les trois Médailles de Dykes qui ont été à ce jour attribuées à des SA. Ces trois variétés démontrent l’évolution du modèle « space age » , avec les courtes pointes blanches de «’Conjuration’, les longs filaments recourbés de ‘Thornbird’ et les spatules gaufrées de ‘Mesmerizer’.

Des centaines de variétés issues de ‘Sky Hooks’ peuplent maintenant nos jardins. C’est l’iris à éperons le plus utilisé en hybridation. Ses frères, sœurs ou cousins n’ont pas eu le même succès. Prenons le cas de ‘Dauber’s Delight’ dont il a été question au début de cette chronique. Cette variété a été presque exclusivement utilisée par la famille Sutton, George et Michael, qui en ont fait la base de leur lignée de SA. En France on connaît bien ‘Bye Bye Blues’ (96) vainqueur du concours FRANCIRIS ® 2005. Mais le plus réussi est peut-être ‘Reversi’ (2005) qui allie les modèles SA et amoena inversé.

Les obtenteurs sont toujours à la recherche de l’iris double. Pas à pas, les progrès dans l’importance et la forme des éperons progresse sur ce chemin. Ladislaw Muska, le principal hybrideur slovaque, a, par exemple, enregistré ‘Gaïus’(1) qui arbore des pétaloïdes en forme de champignon, du genre girolle ou mousseron. Mais il ne faut pas sombrer dans la facilité qui consiste à mettre au commerce des variétés équipées d’appendices extravagants, ou simplement disproportionnés. Cela existe pourtant, mais le vrai amateur ne se laissera pas prendre à cet effet de mode.

Les iris à éperons sont devenus un « must » partout dans le monde. Ils ont été adoubés par les juges officiels, pourtant réputés assez conservateurs, puisque par trois fois ils ont accordé la Dykes Medal à l’un d’entre eux. Un jour viendra où cette distinction si recherchée couronnera un iris vraiment « flore pleno ». Une nouvelle étape aura été franchie dans la longue histoire des iris.

(1) initialement baptisé ‘Impresario’

1.2.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Brock Heilman est un américain du Wisconsin. Il se passionne pour trois choses, la photo, les chevaux et les fleurs, en particulier les iris. Il publie sur son site de fort jolies photos consacrées à ses points d’intérêt. Les photos d’iris qu’il propose ont pour qualité essentielle leur fidélité au modèle. Il ne triche pas avec la vérité. Mais il peut aussi produire des images artistiques, en particulier des gros plants.

L’image d’aujourd’hui apportent la preuve de son talent, avec une variété française qui a beaucoup de succès outre atlantique : Aurélie.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Lisière d’or

Un nouveau modèle d’iris ? Tout au moins une nouvelle décoration, apparue parmi les semis issus d’une variété qui se nomme ‘Prince George’ (Shoop 96), et qui consiste en un fin liseré d’or autour des pétales et des sépales. Ce liseré brillant, très fin, peut être aussi argenté (voir photo). Les obtenteurs qui ont remarqué cette particularité s’interrogent sur sa nature et sur son origine : certains penchent pour une sorte de dessèchement du bord des tépales, d’autres y voient un véritable trait de couleur. Où est la vérité ? Les iris savent encore nous réserver des surprises !



LETTRES D’IRIS

I. A la manière d’Honoré de Balzac

Natalie de Manerville
A
Félix de Vandenesse

Le 12 juin 1841.

« Vous ai-je dit, mon cher ami, ma passion pour les fleurs ? Nous nous connaissons depuis si longtemps, nous avons échangé sur tant de thèmes, que je ne sais plus ce dont je ne vous ai pas parlé à mon sujet. Quoi qu’il en soit, le récit qui va suivre devrait vous convaincre de l’intérêt que je porte aux plantes, et en particulier aux plantes fleuries.

Il y a quinze jours, pour la Pentecôte, j’étais à Paris chez notre amie Madame de Beauséant. Elle partage avec moi un goût prononcé pour les choses de la nature et elle me fit la surprise de m’emmener à Belleville chez un étonnant pépiniériste. Il faisait un peu frais, mais le soleil était suffisamment brillant pour que la promenade soit agréable. Mon amie fit donc atteler vers deux heures de l’après-midi, et nous voilà parties pour les hauteurs qui surplombent l’est de notre capitale. Belleville est un charmant village, encore assez épargné par l’extension des faubourgs. C’est au 3, rue Desnoyers, que se situe la pépinière d’un certain Jean-Nicolas Lémon, au milieu des cultures maraîchères et de ces vignobles qui fournissent aux parisiens leurs légumes et leur boisson. Les dimanches, nombre de cutadins viennent à Belleville pour respirer un air moins vicié que celui de la ville et pour boire ce petit vin aigrelet qu’ils appellent le ginglet. Presque en face de l’établissement de notre M. Lémon se trouve, d’ailleurs, un de ces débits de boisson fréquentés par le bon peuple de Paris. Cette « guinguette » porte le nom de « L’Île d’Amour », une appellation fort emphatique pour un estaminet aussi médiocre ! Mais là n’est pas mon propos, puisque je voulais vous parler de fleurs.

Madame de Beauséant a eu connaissance de l’existence de la pépinière vers laquelle elle m’a conduite à la lecture d’une chronique publiée à l’automne dernier dans les « Annales de Flore et Pomone », qui énumérait les variétés d’iris cultivées à Belleville par ce M. Lémon.

M. Lémon, un jeune homme qui n’a sûrement pas plus de trente ans, a succédé depuis peu à son père, lequel s’était fait une spécialité des iris. Ce que l’on voit chez lui est fort éloigné de ces iris bleus ou violets que l’on rencontre le long de nos chemins de Touraine. Il s’agit d’iris que vous ne pouvez pas imaginer tant ils sont variés dans leurs couleurs et dans les dessins qui les décorent. Les planches, qui s’étendent au long de la pente régulière du coteau, regorgent de milliers d’iris dans un choix inouï de coloris. C’est peu de dire que l’on se trouve devant une merveille.

Notre hôte, avec une extrême amabilité, s’est fait un plaisir de nous montrer et de nous décrire les plus inestimables pièces de sa collection. Chacune a reçu un nom populaire qui est plus facile à retenir que les appellations latines données jusqu’à présent aux plantes horticoles. Je ne vous lasserai pas en vous assénant ma science nouvellement acquise, mais je ne résiste pas au désir de vous parler de deux iris particulièrement étonnants. Le premier se nomme ‘Fries Morel’. C’est un iris dont les pétales sont jaunes et les sépales d’un brun acajou, veiné de blanc. Quant à ‘Jacquesania’ je ne sais comment le décrire. Je vais me risquer à dire que ses pétales sont d’un rouge violacé clair alors que ses sépales tendent vers un rouge écarlate surprenant. Il est bien regrettable que l’invention de M. Niepce, perfectionnée par M. Daguerre, ne soit pas encore en mesure de fixer une image en couleur car vous auriez pu apprécier par vous-même ces précieuses fleurs, si élégantes et si originales.

Bien d’autres iris, tous plus beaux les uns que les autres, nous ont été présentés. Au retour, nous avons parcouru les deux lieues qui nous séparaient de l’hôtel de Beauséant en vantant les mérites de chacun, de sorte que nous n’avons même pas remarqué que notre cheval avait perdu le fer de son antérieur droit, et que nous revenions clopin-clopant !

L’an prochain, si vous êtes disponibles, je vous emmènerai bien volontiers faire le tour du jardin de M. Lémon, pour que vous admiriez ses iris, mais aussi toutes les autres plantes à fleurs qu’il cultive. Il faudra que vous teniez compte de cette invitation dans votre emploi du temps de 1842.

Recevez, mon cher Félix, tous les bons souvenirs de votre amie, tout encore éblouie de ce qu’elle a vu. »