27.6.14

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre nouveau feuilleton : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

2. Monty Byers 

En moins de six ans d’activité intensive, Monty Byers s’est distingué en enregistrant une centaine de variétés de toutes catégories. Ses premières introductions remontent à 1986, et il est décédé au printemps de 1992, d'une pneumonie. La reconnaissance de son talent n'a pu intervenir que « post mortem », mais il obtenu trois fois la Médaille de Dykes, en 1997, pour 'Thornbird', 1998 pour 'Conjuration' et 2002 pour 'Mesmerizer', ce qui ne s'est jamais vu. Il est évident qu'il avait encore beaucoup à dire lorsqu'il a disparu, dans les deux domaines où il excellait : les iris à éperons et les variétés remontantes. 

Voici quatre de ses meilleures obtentions : 



 ° 'Be Mine' (1986) 


° 'Eternal Bliss' (1988) 


° ''Reincarnation' (1989) 


° 'Rockstar' (1991)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Voici le document officiel concernant les résultats du concours de Florence 2014.

INTERNATIONAL IRIS COMPETITION IN FLORENCE 2014

TALL BEARDED

1st Premio Firenze (Gold Florin) offered by Rotary Club Firenze: DRIFTING (Schreiner’s - USA) 2nd Tuscany Region Prize: TENUE TENEREZZA (Mauro Bertuzzi - Italy)
3rd Silver Plate of the Industrial Organisation: NO PLACE LIKE HOME (Paul Black - USA)
4th Italian Iris Society Medal ‘Piero Bargellini’: SARA (Tiziano Dotto - Italy)
5th Honourable Mention: SUN SHINE IN (Keith Keppel - USA)
6th Honourable Mention: CATWALK QUEEN (Thomas Johnson - USA)
7th Honourable Mention: seedling AM-07/2623-1 (Anton Mego - Slovakia)
8th Honourable Mention: GLAD (Schreiner’s - USA)
9th Honourable Mention: CAPRICE DE STAR (Richard Cayeux - France)
10th Honourable Mention: seedling DAL 758-4/7 (Davide Dalla Libera - Italy)

Special Prizes:

Chamber of Commerce Prize for the Best Commercial Variety: SUN SHINE IN (Keith Keppel - USA)
Amici dei Fiori Prize for the Best Italian Variety: TENUE TENEREZZA (Mauro Bertuzzi - Italy)
Louise Branch Prize for the Best Branched Variety: TENUE TENEREZZA (Mauro Bertuzzi - Italy)
Florence Garden Club Cup for the Most Original Colour: ACTION PACKED (Paul Black - USA) Perugia Garden Club Cup for the Best Scented Variety: seedling DAL 758-4/7 (Davide Dalla Libera - Italy)
Rora and Luciano Bausi Prize for the Best Blue Variety: seedling 08-DAL-4/2” (Davide Dalla Libera - Italy)
Leila and Paolo Tarini Prize for the Best Violet Variety: seedling 7/06-A (Lorena Montanari - Italy) Giorgio Saviane Prize for the Best Early Variety: CRYSTAL FALLS (Jim Hedgecock - USA)
Antonio Del Campana Prize for the Best Late Variety 2013: COLOUR DANCE (Anton Mego - Slovakia)
Laura Tancredi Prize for the Best Pink Variety: CAPRICE DE STAR (Richard Cayeux - France)

 Società Toscana di Orticultura Prize for the Best Border Bearded Variety: IMPERTINENT (Bruce Filardi - USA)



VAR/PLIC

C'est une abréviation qui ne parle qu'aux fondus d'iris. Elle désigne une catégorie de fleur bien particulière qu'en version longue on nomme « variegata-plicata ». Ce nom résume bien ce qu'il décrit : une fleur qui rassemble les caractéristiques de deux catégories, les iris variegata et les iris plicata. Les variegatas sont ces iris dont la fleur est bicolore : jaune (ou dans les tons de jaune, d'orange ou de brun clair) aux pétales, brun-rouge ou violet ou bleu aux sépales. Les plicatas se présentent sous un grand nombre d'aspects, mais le modèle classique est violet ou bleu aux pétales et blanc (ou jaune pâle) aux sépales avec des mouchetures bleues ou violettes devenant de plus en plus denses à mesure que l'on s'approche des bords. Quand on associe le modèle variegata et le modèle plicata on obtient des fleurs dont les pétales conservent l'apparence des variegatas classiques, mais dont les sépales ont hérité du modèle plicata. Cela donne donc, à la base, des pétales jaunes, au-dessus de sépales dont le fond blanc ou beige clair est parsemé de dessins anthocyaniques, donc bleus, qui se superposant au fond légèrement coloré, apparaissent plus ou moins bruns. Les variantes sont nombreuses, voire innombrables.

 Le modèle variegata a évolué à partir d'une petite plante diploïde, originaire d’Europe sud-orientale, d’à peine 40 cm de haut, dont la fleur est constituée de trois pétales jaunes et de trois sépales blancs veinés de grenat. On est évidemment loin des variegatas de nos jardins actuels qui, s’ils tiennent tout de même beaucoup de cet ancêtre, ont incorporé beaucoup d’autres gènes et sont aussi devenus tétraploïdes.

Le modèle plicata, lui, provient d'une autre espèce botanique, et il résulte de l'application sur le fond de la fleur d'une sorte de peinture violacée répartie plus ou moins régulièrement. C'est un modèle d'une richesse et d'une variété remarquable et dont certains hybrideurs ont fait leur spécialité.

Le modèle variegata-plicata est essentiellement le résultat du travail de Jim Gibson dans les années 1960/1970 et de son idée de génie qui a été d'exploiter la tendance à voir réapparaître l’effet variegata qui existait dans les plicatas sur fond jaune de Hans Sass, dans le Nebraska. C’est en croisant et recroisant quelques variétés judicieusement choisies qu’il a conçu les iris qui ont fait sa célébrité et ont abouti a 'Kilt Lilt' (1970). La lignée a été poursuivie, toujours dans le même esprit et de nombreux autres iris de Jim Gibson sont venus apporter d’infinies variantes, toujours richement colorées. Parlons entre autres de 'Rustic Dance' (1980), 'Yellow Brick Road' (1992) ou de son descendant 'Lightning Streak' (1992).

D'autres hybrideurs ont exploré le même secteur. En particulier Sterling Innerst qui est parti du croisement initial de ‘Burgundy Brown’ (Gibson, 1978) par le fameux ‘Spinning Wheel’ (Nearpass, 1974). Par cette voie et la voie inverse, il a obtenu 'Point Made' (1987) ou 'Instructor' (1986). Inspiré par ce modèle, il l'a recherché à partir de différents autres croisements et obtenu ‘Ominous Stranger’ (1994), puis ‘Aggressively Forward’ (1995) , ainsi que quelques autres. Cette lignée est aujourd'hui poursuivie par Richard Tasco, en Californie, et des variétés comme 'Celestial Explosion' (2003) ou 'Temporal Anomaly' (2007) sont pleines de promesses.

Le spécialiste hors catégorie des plicatas s'est aussi intéressé aux variegata-plicatas. Dès 1973 il proposait 'Limerick', issu de 'Radiant Apogee' (Gibson, 1964), puis 'Caramba' en 1975, 'Flamenco' en 1977, 'Morocco' en 1978. En 1979 il enregistrait 'Broadway', une variété à l'origine d'un grand nombre de var/plic très divers, puis, plus tard, des descendants de ce dernier comme 'Distant Roads' (1991) ou 'Light Show' '1991). Son 'Jitterbug' (1988), descend, quant à lui, de 'Rustic Dance' cité plus haut. Enfin 'Sneezy', de 1996, qui vient de 'Light Show', est une réussite, avec ses piquetés rangés comme à la parade.

Une autre lignée partie de 'Caramba' a été aussitôt exploitée par Barry Blyth, en Australie, avec pour résultat 'Noon Siesta' (1981).

De très nombreux obtenteurs se sont essayés au modèle var/plic, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi un peu partout dans le monde, en France ('Coup de Theâtre' – Ransom, 2000 ; 'Aubenas' - Laporte, 2006), en Italie ('Val Borbera – Marucchi, circa 2010) en Pologne ('Krakowianka' – Wozniak, 2008), en République Tchèque (Spacelight Sketch – Nejedlo, 1998), en Ukraine ('Vostochnoye Chudo' – Trotsky, 2011) … On peut certainement dire que le modèle variegata-plicata est l'un des plus riches qui soient et les recherches actuelles de Keith Keppel continuent à le perfectionner.

 Illustrations :


'Noon Siesta' (Blyth B., 1981)

'Aggressivily Forward' (Innerst 1995)

'Spacelight Sketch' (Nejedlo, 1998)

'Coup de Théâtre' (Ransom, 2000)

'Temporal Anomaly' (Tasco, 2007)

20.6.14

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre nouveau feuilleton : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

1. David Hall 

Ce fut un hybrideur d'une patience et d'une persévérance extraordinaire. Il a croisé et recroisé des iris roses pendant dix-sept ans avant d'obtenir la première variété digne à ses yeux d'être enregistrée. Ce fut 'Overture', (1942), le bien nommé. Puis vinrent un grand nombre d'iautres (rose flamand, pour être exact) dont David Hall ne cessa jamais de rechercher l'amélioration. Il a été écrasé par un train, dans la banlieue de Chicago, en 1968, sans en avoir terminé avec sa quête de l'iris rose parfait. 



° 'Cherie' (1948), premier iris rose à recevoir la Médaille de Dykes ; 


° 'Vanity Fair' (1950) ; 


° 'Heartbreaker' (1964) ; 


° 'Fashion Fling' (1965).

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concorso Firenze 2014

 Avec beaucoup de retard, et non sans difficultés, j'ai obtenu les résultats du Concours d'Iris de Florence 2014.

 Voici les trois premiers prix :

1) Fiorino d'Oro : 'Drifting' (Schreiner, 2011)
2) 'Tenue Tenerezza' (Bertuzzi, NR)
3) 'No Place Like Home' (P. Black, 2011)



 Bientôt de plus amples commentaires.

LA SAGA SCHREINER

Petite affaire deviendra grande 

 La saga des Schreiner commence en 1915, quand François Xavier Schreiner, qui travaille dans un grand magasin de St Paul, dans le Minnesota, tout au nord des États-Unis, décide d'aller s'installer à la campagne pour se consacrer à sa passion du jardinage. Cependant ce n'est qu'en 1920 qu'il commencera à s'intéresser aux iris à la suite d'une rencontre fortuite avec John Wister, le fondateur de l'AIS. Cette rencontre sera déterminante pour le restant de sa vie et pour celle de sa famille. Très vite il se constitue une belle collection d'iris et envisage d'en faire son activité principale. A l'époque les iris étaient encore peu répandus en Amérique et F. X. Schreiner a compris qu'il y avait une belle opportunité de concilier sa nouvelle passion et les affaires de sa famille. Il se met donc à la recherche d'un maximum de variétés. Il les trouve ici ou là dans le pays qu'il parcourt pour cela en tous sens. Pendant ses absences, c'est à son fils aîné Robert qu'il confie la tâche délicate de faire prospérer les plantes sous l'âpre climat du Minnesota. A ce propos voici ce qu'on lit dans Wikipedia sur le climat de cet État très continental : « Les saisons d'hiver et d'été sont très prononcées dans le Minnesota. En hiver, il fait notoirement froid et les chutes de neige sont fréquentes. Au contraire, comme dans la plupart des États continentaux des États-Unis, les étés sont chauds et humides. L'humidité est prononcée aussi à cause du grand nombre de lacs (plus de douze mille dans l'État). Aussi, il y a fréquemment des orages au printemps, en été et quelquefois en automne. Ces orages peuvent se transformer en tornades et donner lieu à des chutes de grêle. Le printemps et l'automne ne durent pas longtemps. » Ce n'est pas là les conditions idéales pour cultiver les grands iris !

Le jeune Robert Schreiner, qui prend les choses à cœur, se renseigne abondamment sur les iris : il étudie tous les documents qu'il trouve et se passionne nettement pour les espèces botaniques dont il recherche – et se procure – toutes les graines disponibles à travers le monde. Robert, alias « Bob », est ainsi devenu un des meilleurs connaisseurs des iris de son époque.

 Pour ce qui est des affaires, elles démarrent vraiment en 1925, avec la publication d'une liste de variétés avec leur prix de vente. Environs 500 variétés sont cultivées sur 4 hectares, et les ventes contribueront à développer les acquisitions et l'entretien de la pépinière. Il faudra attendre cependant 1928 pour voir la publication d'un véritable catalogue, en noir et blanc et sans illustrations. Mais l'entreprise est en pleine expansion.

Avant de mourir, prématurément, en 1931, François Xavier Schreiner a donné deux avis précieux à ses trois enfants : 1) « Si vous vous sentez capables de travailler ensemble, le commerce des iris peut être pour vous une excellente affaire. » 2) « Si vous continuez l'aventure, il faudrait que vous envisagiez de la transférer dans une région dont le climat serait plus favorable. » Tous les trois ont décidé de poursuivre la route ensemble. Robert « Bob » a abandonné ses études de botanique à l'Université du Minnesota pour se consacrer intégralement à l'affaire familiale ; Constance « Connie » y a travaillé à mi-temps en attendant son entrée à l'Université ; Bernard « Gus » travaillait dans les champs pendant les vacances. Dans la nouvelle organisation, Robert a choisi la tâche de manager général ; Connie s’est chargée de la partie administrative ; Gus, est devenu le jardinier en chef. Cette répartition était si parfaite qu’elle a duré jusqu’à la disparition de chacun des trois, et qu’elle a été reprise ensuite par les héritiers qui continuent le job.

 La seconde recommandation du patriarche s'est révélée indispensable après les fameuses tempêtes de sable de l'année 1930 qui ont dévasté les plantations d'iris, et une tornade, l'année suivante, qui a aggravé la situation. Bob, méticuleux, a étudié les différentes implantations possibles, avant que l'équipe ne se décide à prendre la route de l'Oregon. Mais l'installation définitive dans la vallée de la Willamette, un emplacement idéal, n'a eu lieu qu'en 1947. La propriété faisait 60 hectares : elle est toujours le siège social de l'entreprise, dans le quartier de Quinaby, dans le nord de Salem. Toutes les conditions y étaient réunies pour que la Maison Schreiner se développe en toute tranquillité.

 Croître et embellir

 Malgré cette implantation parfaite et les conditions idéales de culture, tout n’est pas rose pour les Schreiner. Si les années 50 et 60 ont été celle d'un développement constant et maîtrisé, les années 70 vont être décevantes et, surtout, marquées par le décès de Connie, en 1971. Heureusement pour la famille, Gus ne manque pas de descendance. Il a 8 enfants ! Quatre filles et quatre garçons, et c’est son fils Ray qui va entrer dans l’équipe dirigeante.

 Malgré des obtentions superbes et chaque année plus nombreuses, il va s’écouler seize ans sans que la maison Schreiner ne parvienne au sommet du palmarès… La concurrence est rude et les choix des juges terriblement indécis. Au cours des années 70, les Schreiner vont mettre sur le marché plus de 150 variétés nouvelles dans toutes les catégories, mais essentiellement dans celle de grands iris barbus. Et aucune récompense majeure ! Ce n’est pourtant pas les choses intéressantes qui manquent ! Qu’on en juge : 'Grand Waltz' en 70, qui a frôlé la DM en 76 et 77, 'Posttime' en 71 (AM74), 'Peach Frost' en 72 (AM75), 'Spartan' en 73 (AM76), 'Gay Parasol' en 74 (AM 77), 'Navy Strut' en 74 également (AM77), 'Gold Trimmings' en 75 (AM 78), mais aucune variété de 1976 ayant atteint l’AM, 'Lacy Snowflake' en 77 (AM82), 'Gold Galore' en 78 (AM 82) ou 'Pacific Mist' en 79 (AM84). Ce n’est qu’en 1984 que le signe indien sera vaincu, avec le triomphe de Victoria Falls (1977). Cette longue attente de la consécration montre bien l'énorme difficulté (ou l'énorme chance) qui caractérise l'obtention d'une Médaille de Dykes, selon un système terriblement sélectif et très souvent marqué par le conservatisme des juges.

 Mais au moment où les choses commencent à s'arranger, une nouvelle disparition va de nouveau amputer la trinité Schreiner. La mort de Gus en 1982 ouvre la porte à ses enfants Steve et Liz qui entrent au staff directeur. Dans le même temps cependant l'intérêt pour les iris s'est considérablement développé. Plusieurs grosses entreprises (et un grand nombre de plus petites) se partages un marché en expansion et distribuent chaque année des milliers d'iris. Les Schreiner sont dans le coup et leur pépinière dépasse les 40 hectares et continue de s'étendre ! Les succès, au plan commercial comme au plan horticole vont se succéder d'une manière jamais rencontrée dans l'histoire des iris. 1984 sera marquée non seulement par la DM de 'Victoria Falls', mais aussi par le Fiorino d’Oro attribué à 'Titan’s Glory'. Cette variété connaîtra un nouveau succès en recevant la DM en 1988. La suprématie de la Maison Schreiner continuera par une série de six Médailles de Dykes en neuf ans ! 'Dusky Challenger' en 1992, 'Silverado' en 1994, 'Honky Tonk Blues' en 1995, 'Hello Darkness' en 1999, puis 'Yaquina Blue' en 2001 et 'Celebration Song' en 2003.

 Pendant les années 1980 la troisième génération de la famille a pris le pouvoir. David, le fils de Bob tient le rôle principal. Tom Abrego, le gendre de David, s'occupe de la comptabilité et supervise le catalogue et la publicité. Si le décès de Bob, l’ancêtre, en 2002, marque la fin d’une époque, la vie continue. En 2011 David et Tom vont se retirer et une nouvelle page de la saga va commencer à s'écrire.

 Éclipse et renouveau 

L'entreprise fonctionne avec la régularité d’une horloge, avec chaque année un choix d’une quinzaine de nouveautés dans un panel immuable de coloris. Chez Schreiner, on fabrique maintenant les iris à la chaîne. Commercialement cela marche, les nouveaux iris sont irréprochables, avec des fleurs plantureuses et des plantes qui ne donnent pas de soucis, mais l’innovation est devenue rare. D’ailleurs d’autres hybrideurs s’installent aux premières places : Keppel est enfin reconnu à sa juste valeur, Lauer, Kerr, Black, Tasco, Duncan ou Johnson trustent les récompenses. Schreiner est entré dans une phase plus modeste en ce qui concerne l'hybridation. Mais commercialement elle a tiré un évident profit de la disparition inattendue de sa principale concurrente Cooley. Elle en a racheté les terres et dispose aujourd'hui de 200 acres de cultures (80 hectares) : commercialement elle n'a plus de véritable rivale.

Ce temps de repos dans la production d'iris nouveaux et originaux a duré dix ans environ. Mais il semble que la vieille firme de Salem soit entrée dans une nouvelle phase de son existence. Car le catalogue 2014 est largement rajeuni, avec des nouvelles variétés plus inventives. Espérons que ce mouvement va se poursuivre car il était un peu décevant de constater que la plus belle entreprise du secteur, la maison aux sept Médailles de Dykes, se contentait d'être un supermarché de l'iris.

Illustrations 


'Grand Waltz' (Schreiner, 1970) 


'Victoria Falls' (Schreiner, 1977) 



'Celebration Song' (Schreiner, 1993) 


'Fortunate Son' (Schreiner, 2006)

14.6.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Les pompons arrivent en Europe 

Anton Mego, le talentueux obtenteur slovaque, a posté ces jours-ci des photos d'un iris « à pompons » de ses obtentions. On aime ou on n'aime pas, mais, du coup, on s'approche vraiment de la fleur double à laquelle beaucoup d'hybrideurs travaillent depuis des années. La phot ci-dessous montre les sépales et leurs pompons alors que les pétales ont été enlevés pour mieux montrer ce qu'il y a à voir !

TABLEAUX D'UNE EXPOSITION

6. Pot-pourri 

Véritables amateurs ou professionnels occasionnels, il existe, dans notre pays, des obtenteurs d'iris qui n'ont point accédé à la célébrité. Leurs iris sont ce qu'ils sont, mais c'est une curiosité que de voir quelques-unes de leurs réalisations.


'Ambroise' (Lepage, 1984) (origines non précisées) 


'Diane Cella' (Dalvard, 2000) (Jazz Festival X Coquetterie) 

'Eclat d'Iceberg' (Tauzin, NR, circa 2000) (origines non précisées) 

'Pont-Aven' (Lecaplain, NR) (origines non précisées)

DU TEMPS ET DES MODES

En matière d'iris, comme dans bien d'autres domaines, le temps exerce son influence, et la mode y ajoute ses effets.

Le temps ? Il n'est que de comparer un iris des années 1930 et un autre des années 1980 pour être convaincu de l'influence du temps. Et cette comparaison portera essentiellement sur la forme de la fleur et sur ses couleurs, alors que l'effet du temps porte également, dans un sens, sur la résistance aux maladies, dans un autre sur la floribondité, pour n'aborder que deux caractéristiques essentielles. Prenez, par exemple, 'Cameroun', une variété de 1938, signée Cayeux, remise cette année au catalogue de cette illustre maison, et 'Commando' (Schreiner, 1984), qui lui ressemble assez, et vous remarquerez l'évolution et les 46 ans qui les séparent ! Et pourtant 'Commando' n'est pas une variété révolutionnaire. La différence serait encore plus flagrante si la comparaison portait sur une variété encore plus récente, comme 'Ming Lord' (B. Blyth, 2004).

Car le temps enregistre les changements qui, de génération en génération, s'opèrent dans les dimensions, les formes, les couleurs des fleurs.

Cela ne se voit pas sur les photos, mais les fleurs de 'Cameroun' sont de petite taille, elles s'inscrivent dans un cercle d'environ 10 cm, au maximum. Celles de 'Commando' ont beaucoup plus d'ampleur : elles ont gagné au moins 2 cm par rapport aux précédentes. Quand à celles de 'Ming Lord', si elles sont à peu près de la taille de celles de 'Commando', elles semblent plus développées car elles bénéficient de l'élargissement des sépales, ce qui fait paraître l'ensemble de la fleur plus important. Cette notion de dimensions s'applique aussi à la plante. 'Cameroun' ne dépasse pas les 90 cm de haut, les deux autres dépassent le mètre. Le feuillage des iris anciens est souvent étroit, celui des fleurs modernes est plus abondant et plus développé.

C'est peut-être dans la forme des fleurs que l'évolution survenue est la plus flagrante. La forme de 'Cameroun' est ont ne peut plus classique : pétales en dôme, sans ondulations, sépales légèrement tombants, eux aussi parfaitement plats, étroits à la base. Du côté de 'Commando' la situation a évolué, mais sans excès : quelques ondulations, pétales turbinés, larges sépales mais pas encore horizontaux. Avec 'Ming Lord', on a une fleur tout à fait contemporaine : pétales volumineux, très ondulés, mais qui ont tendance à s'ouvrir vers le haut, sépales évasés, semi-horizontaux, ondulés sans exagération, grosses barbes. Actuellement la tendance est aux sépales très ondulés, gaufrés comme une fraise de costume renaissance, au-dessus de sépales franchement ouverts. Mais on constate aussi un retour aux tépales très plats (tailored, comme disent les anglophones), et aux fleurs plus petites (il faut dire « dainty ») : la recherche, comme la mode, est cyclique. Un temps il y eut un foisonnement d'iris à éperons, avec des extravagances pas toujours esthétiques, mais sans parvenir à des fleurs franchement doubles. L'apparition récente des pompons va peut-être faire évoluer les choses en cette direction.

Dans l'exemple cité, on a volontairement choisi des fleurs aux couleurs plutôt semblables, mais les variétés modernes arborent régulièrement des teintes nouvelles ou des associations inédites. Il y a eu, il y a quelques années, une multiplication des « dark tops », puis chacun a voulu proposer son « distallata » avec une évolution intéressante de ce modèle vers des véritables iris à rayures. Le modèle variegata inversé (pétales bleus, sépales jaunes) prend de l'ampleur et les couleurs s'approfondissent ; les iris gris se multiplient, a l'exemple de ce que fait Barry Blyth en Australie, et les plicatas multicolores recueillent l'enthousiasme d'un Keith Keppel, aux Etats-Unis. On a connu auparavant les iris « bleu-blanc-rouge » dont notre Richard Cayeux national s'est fait le champion avant que les obtenteurs américains ne lui emboîtent le pas avec un succès certain. En matière de couleurs traditionnelles, en revanche, il n'y a pas de nouveauté remarquable : la recherche de l'iris rouge va d'échecs en échecs et l'on a fait le tour de ce qui peut s'obtenir dans les autres coloris, on risque donc par là de reproduire inlassablement les couleurs de base et alors l'action des hybrideurs visera davantage les modifications de forme.

Le domaine des couleurs est singulièrement influencé par la mode : pendant un temps on proposera des quantités d'iris jaunes, puis viendra le temps des mordorés, des bleus, des oranges... Que quelqu'un commercialise une belle variété d'une certaine couleur, et dans les années qui vont suivre, un tas d'iris dans le même ton vont faire leur apparition.

 Autre effet de mode, celle de mettre sur le marché chaque année un nombre important de nouveautés. Fut un temps où les plus grandes maisons se contentaient d'offrir une douzaine de nouveaux iris. Maintenant même de petites entreprises garnissent leurs catalogues ou sites Internet d'une bonne vingtaine de variétés. Cette inflation est suscitée par le goût des Américains pour les choses nouvelles et, par conséquent, l'espoir commercial de réaliser encore plus de ventes. Elle peut avoir, un effet pervers, en multipliant les variétés presque semblables ou, encore plus grave, en sélectionnant des individus médiocres mais attrayants à l’œil. Quand je vois une variété comme 'Wizard of Odds' (P. Black, 2007), je crains que l'on en soit arrivé là (couleurs flashantes, mais fleurs mal disposées sur la tige et plante faiblarde.

Le temps et la mode ont une influence majeure dans l'évolution des iris. Espérons que cela n'aboutira pas à des excès regrettables.

 Illustrations : 


'Cameroun' 


'Commando' 


'Ming Lord' 


'Wizard of Odds'

6.6.14

TABLEAUX D'UNE EXPOSITION

5. L'or du Rhin 

Les hybrideurs allemands ont longtemps pratiqué leur art à titre de loisir. Puis ils sont rentrés dans le rang et de nos jours ils enregistrent régulièrement leurs nouveautés. Ils font nettement partie des meilleurs obtenteurs au monde.

En témoignent les variétés ci-dessous :


 'Halbstädter Dom' (Diedrich,2002) (Esmeralda X Martha's Gold) 


'Landgräfin Elizabeth' (Landgraf, 2007) ((Rustler x Sweet Musette) X Honky Tonk Blues) 


'Lydia Schimpf' (Beer, 2006) (Best Bet X Habit) 


'Ursula Förg' (Zeh, NR circa 1990) (Honky Tonk Blues X Impressionist)

VISITE AU PARC FLORAL DE LA VILLE DE PARIS, À VINCENNES

J'étais allé au Parc Floral de Vincennes il y a quelques années, à la demande du responsable du jardin d'iris, en vue de créer un parterre traçant l'évolution des iris de jardin, depuis le début de l'hybridation humaine, jusqu'à nos jours, dans un but pédagogique. Mais ce projet n'a pas été mené à son terme du fait du départ en retraite de son initiateur.

 Je viens d'y retourner, dans le cadre de la préparation du concours FRANCIRIS ® 2015. J'ai de nouveau fait le tour de la collection complète, une des plus importantes de France, avec plus de 1500 variétés.

 Les plantes sont installées en trois emplacements : une costière située au verso de l'amphithéâtre dominant la pièce d'eau, très bien placée, très ensoleillée ; un “colimaçon” aménagé dans un endroit abrité, à proximité du pavillon des expositions temporaires, à l'opposé de l'allée, par rapport au précédent emplacement ; une vaste bordure un peu à l'écart, en face du mini-golf. Les deux premiers sont le long d'un cheminement par où passe un grand nombre de visiteurs, ils sont donc très en vue et disposés sur des restanques d'où l'on peut les admirer (de loin pour les plus haut placés). Le troisième lot, réservé aux variétés anciennes (essentiellement celles des années 1920 à 1960), exige un détour pour ceux qui veulent le visiter.

 L'entretien de ces bordures laisse un peu à désirer, ce qui est dommage, mais qui n'a pas l'importance d'une autre caractéristique : les erreurs d'étiquetage. Cela n'a guère d'importance pour le commun des visiteurs, qui ne s'attardent guère à la lecture des plaques d'identification, mais qui est fâcheux dans un jardin qualifié de botanique, où l'on s'attend à plus de rigueur scientifique. J'estime à au moins 20% le nombre des variétés inexactement identifiées. Ce problème est un mal récurrent dans les jardins publics d'iris. Je l'ai constaté à Nantes (la Beaujoire), à Orléans (La Source), à Poitiers, tout comme à Bréal sous Montfort (les Jardins de Brocéliande)... Il est bien difficile d'y porter remède, car il faudrait qu'une personne compétente soit présente sur les lieux pendant toute la durée de la floraison et, pour chaque variété qui fleurit, signale que le nom attribué est exact ou inexact. Dans le cas d'une identification erronée cette personne ne pourra malheureusement presque jamais rétablir la véritable identité sans risquer de commettre une nouvelle erreur ! Autrement dit, les variétés non authentifiées seraient vouées au compost...

 Une particularité de la collection de Vincennes, c'est la présence d'un grand nombre de variétés historiques signées des Cayeux, Millet, Vilmorin et autres, de la grande époque, dont certaines, complètement oubliées et en grand danger de disparition. Mais combien de visiteurs vont s'extasier devant cette richesse ?

Que faudrait-il pour que l'ensemble de cette collection soit au plus haut niveau ? Peu de chose en somme : une présentation moins massive (sur les restanques les iris sont inaccessibles, aussi bien au visiteur photographe qu'au jardinier chargé de les entretenir), un peu plus de désherbage, surtout une meilleure identification des variétés (c'est le problème le plus épineux).

Quoi qu'il en soit, pour le grand public, les bordures d'iris, spectaculaires, sont un régal pour les yeux. C'est important dans un lieu aussi populaire. En résumé, malgré ses lacunes, la collection du Parc Floral de la Ville de Paris présente un grand intérêt pour tous ceux qui aiment les iris. Il n'en faudrait pas beaucoup pour qu'elle soit exemplaire.



 Illustrations : 

Trois vues du jardin d'iris du PFVP.